Jusqu'à quand les entreprises pourront elles continuer à gonfler leurs profits en jouant sur les hausses tarifaires, entretenant de la sorte l'inflation ? La France ne fait pas exception en la matière. Ce syndrome que la presse anglo-saxonne dénomme greedflation et qui se perfectionne sous une forme plus perverse avec la shrinkflation paraît aujourd'hui ne pas rencontrer de limites. Pourtant les arbres ne montent pas jusqu'au ciel en économie. Et même si certains segments des chaînes de valeur disposent d'un fort pouvoir de marché, arrive un moment où le jeu concurrentiel reprend ses droits. Ce moment, c'est lorsque la chute des volumes et la mise en orbite de nouveaux concurrents détruisent les gains attendus d'une hausse de prix en termes de chiffre d'affaire. [...]
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00:00 Jusqu'à quand les entreprises pourront-elles continuer à gonfler leurs profits en jouant sur les hausses tarifaires, entretenant de la sorte l'inflation ?
00:18 La France ne fait pas exception à la matière.
00:21 Ce syndrome que la presse anglo-saxonne dénomme "gridflation" et qui se perfectionne sous une forme plus perverse avec la "shrinkflation", paraît aujourd'hui ne pas rencontrer de limite.
00:33 Pourtant, les arbres ne montent pas jusqu'au ciel en économie.
00:37 Et même si certains segments des chaînes de valeur disposent d'un fort pouvoir de marché, arrive un moment où le jeu concurrentiel reprend ses droits.
00:45 Ce moment, c'est lorsque la chute des volumes et la mise en orbite de nouveaux concurrents détruisent les gains attendus d'une hausse de prix en termes de chiffre d'affaires.
00:56 Pour essayer de cerner ce moment, il faut d'abord circonscrire le problème.
01:00 Car la gridflation ne concerne ni toutes les entreprises, ni tous les secteurs.
01:06 Si les profits du CAC 40 volent de record en record, reflétant l'insolente santé financière des groupes de périmètre mondial, et notamment du luxe,
01:15 ce n'est pas le cas de l'ensemble des entreprises implantées sur le territoire.
01:20 Leur taux de marge augmente en moyenne au cours des derniers trimestres, mais demeure dans son couloir de fluctuation de longue période.
01:28 Ce qui frappe en revanche derrière cette moyenne, c'est l'hétérogénéité des performances.
01:34 A ce stade, trois grands secteurs se singularisent par des taux de marge hors normes.
01:40 1. Le secteur de l'agroalimentaire.
01:42 2. Le secteur de l'énergie.
01:45 3. Celui du transport de marchandises ou de personnes.
01:50 Le point commun de ces secteurs, c'est qu'ils ont d'abord subi de plein fouet la hausse des cours des matières premières.
01:56 Qu'ils ont répercuté largement sur leurs tarifs, sur un mode défensif dans un premier temps.
02:01 Et c'est parce qu'ils rechignent à faire le chemin en arrière, maintenant que les coûts refluent, que leurs marges s'envolent.
02:08 C'est d'abord cet effet de cliquet qui projette leur profitabilité à des sommets.
02:14 Le secteur des IAA est aujourd'hui celui qui est le plus sous le feu des projecteurs.
02:19 Alors que leur taux de marge s'érodait tendanciellement sous la pression des grands distributeurs,
02:25 les professionnels du secteur rechignent à rétrocéder la manne récente, qui fait office de bouffée d'oxygène et compense aussi les déboires passés.
02:35 Mais il suffit de scruter de plus près l'évolution récente des volumes d'achat du côté des consommateurs,
02:42 une bérésina qui touche de plein fouet les grandes marques, pour saisir que le jeu touche à sa fin.
02:47 D'autant plus que les négociations de prix ont été avancées en octobre sous la pression du gouvernement.
02:55 Du côté des transports, les mêmes mécanismes inertiels sont à l'œuvre.
02:59 Les prix demeurent bloqués à haut niveau et ne restituent pas les baisses récentes des prix de l'énergie.
03:05 Ces secteurs ont de plus bénéficié du retour brutal de la demande et des pénuries ainsi engendrées.
03:12 Le cas du fret maritime est emblématique avec les profits mirobolants affichés l'an dernier par CMA-CGM, plus de 23 milliards d'euros. Du jamais vu.
03:24 Mais là encore, les arbres ne montent pas jusqu'au ciel.
03:26 Les ingrédients qui ont permis les profits colossaux de 2021 et 2022 ont disparu.
03:33 Le retournement est brutal en 2023, notamment sur les deux axes phares du transport maritime,
03:39 conteneurisé d'Asie-Europe, notamment en sortie de Chine, et transpacifique.
03:46 Autre créneau commercial sous les feux de l'actualité, le transport ferroviaire de passagers.
03:51 Les profits records de la SNCF en 2022 ont défrayé la chronique.
03:56 Et les écarts tarifaires du transporteur français avec ses homologues allemands ou italiens ont été largement commentés.
04:03 Mais là encore, la loi de gravité des volumes se rapproche.
04:07 La phase de rattrapage de la fréquentation est maintenant achevée.
04:12 Et la société ne pourra plus compter sur la même impunité en matière de sensibilité des volumes au prix que lors des deux dernières années.
04:20 Idem concernant le transport aéronautique où là encore, la normalisation des volumes est un processus achevé.
04:28 Alors certes, l'énergie demeure un domaine à part.
04:31 En dépit des efforts d'économie des utilisateurs, la demande est largement incompressible dans ce domaine.
04:37 La hausse des prix sera subie et la demande d'abord soumise aux aléas climatiques.
04:44 Le luxe fera probablement aussi exception, s'adressant à des cibles de consommateurs peu sensibles au prix.
04:51 Mais dans la plupart des domaines, les entreprises ne pourront échapper au fait que la contrainte de revenu se resserre sur les ménages.
04:59 Bref, la gridflation s'approche de la fin.
05:02 C'est une bonne nouvelle pour les consommateurs, mais un gros risque de déconvenu pour les marchés boursiers.
05:09 [Musique]