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  • il y a 2 ans
350 000 arbres, être le jardinier de Versailles c'est un travail de Titan et  celui de notre invité Alain Baraton. Le domaine ne vieillit pas depuis 400 ans, ces jardins à la française qui accueillent le monde entier. Cet été encore des ballades musicales attireront de nombreux visiteurs. 

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Transcription
00:00 - Bonjour Alain Baraton, merci d'être avec nous ce matin avant de parler de tout ce qui va se passer à Versailles.
00:04 Cet été, je voudrais quand même que l'on plante le décor.
00:07 350 000 arbres, c'est ça Versailles, 43 km d'allées.
00:12 Dites donc, être le jardinier de Versailles c'est quand même un travail de titan Alain.
00:16 - Oui c'est un travail de titan, surtout pour les 100 ou 150 personnes qui y travaillent tous les jours.
00:21 Très vaste domaine de 850 hectares, mais un domaine qui ne vieillit pas.
00:25 Il existe depuis 400 ans, il n'a pas une ride, il a été agrandi au fil du temps, il s'est rétréci.
00:31 Aujourd'hui effectivement, le domaine de Versailles c'est ce que vous venez de décrire.
00:35 350 000 arbres, ce sont des arbustes par milliers, ce sont des jardins à la française, des jardins paysagés.
00:41 Le monde entier est présent à Versailles sous forme de jardin.
00:45 - Alors oui, encore quelques chiffres, 3 millions de visiteurs pour le château, 7 millions dans le parc.
00:50 Finalement, vous avez plus de succès que Louis XIV.
00:52 - Oui, sauf que Louis XIV lui-même préférait les jardins au château.
00:56 Il avait compris l'intérêt des jardins.
00:58 Le jardin de Versailles, il est peut-être bon de le rappeler, est avant tout un jardin de pouvoir.
01:02 Louis XIV voulait montrer au peuple, au monde entier, qu'il était capable de domestiquer la nature.
01:08 Ce qui explique pourquoi quand on découvre les jardins de Versailles et qu'on est face à la perspective,
01:12 tout est taillé au cordon, les buis sont dans un garde-à-vous impeccable.
01:16 Pas un arbre n'ose se décaler par rapport à un autre.
01:19 - Ils les obéissent.
01:20 - Oui, mais un petit peu à l'écart.
01:23 Le domaine de Marantonnette rappelle qu'au XVIIIe siècle, on a besoin de liberté.
01:27 C'est ça la magie de Versailles, le côté rigide, strict et puis également l'espace de liberté.
01:32 - Alors cet été, ce seront donc des balades musicales, des jeux de lumière sur les bassins,
01:37 toutes sortes de formes d'événements qui vont bien évidemment attirer encore plus les foules.
01:42 À quoi doit-on s'attendre ?
01:43 - À des milliers, des dizaines de milliers de touristes qui viennent du monde entier
01:47 et qui sont absolument éblouis par la beauté du sénat.
01:49 Oui, c'est gérable parce que Louis XIV voyait grand, les allées sont gigantesques
01:54 et puis le personnel et les équipes en charge des spectacles ont conscience de la fragilité du site.
02:00 On n'organise pas tout n'importe comment et de n'importe quelle manière.
02:04 Je vous donne juste un petit exemple.
02:06 Lorsque le ciel s'embrase le samedi soir pour les eaux nocturnes, quel spectacle merveilleux !
02:10 La nuit tombe sur Versailles, moi je conseille de venir au moment du coucher du soleil.
02:14 Vous avez une vision extraordinaire.
02:15 La nuit, le ciel s'embrase pour les feux d'artifice.
02:18 Le lendemain matin, plus aucune trace, tout a été nettoyé.
02:21 Nous avons conscience de la fragilité du site.
02:24 Notre métier, ce n'est pas seulement de l'entretenir, c'est de le transmettre aussi.
02:27 - Alors une question toute bête, à quoi ça ressemble vos journées ?
02:30 - À une journée un peu compliquée, levée tôt.
02:32 Alors même si le jardinier que je suis n'aime pas trop se lever tôt,
02:36 il faut se lever pour saluer les équipes, dispatcher le travail.
02:40 Versailles, ce sont des jeunes gens, majoritairement.
02:43 Ce sont des personnes venues de partout.
02:45 Nous avons beaucoup d'Italiens, beaucoup de Portugais.
02:48 Nous avons des gens qui viennent vraiment nous rejoindre presque de partout.
02:51 Et donc c'est donner l'impulsion pour donner envie d'entretenir ce lieu.
02:55 C'est également donner les directives.
02:57 Nous avons par exemple créé il y a peu le jardin du parfumeur,
03:01 un jardin planté d'essence qui sent merveilleusement bien.
03:04 Donc c'est ça mon métier.
03:05 Je suis un chef d'orchestre et j'ai la chance d'avoir des musiciens hors du commun.
03:09 - Alors on va parler du réchauffement climatique.
03:12 En période de grande chaleur, de grande sécheresse,
03:15 est-ce qu'il y a des mesures particulières qui ont été prises à Versailles ?
03:18 Comment vous gérez la situation ?
03:19 - Bien sûr, il y a le plan, j'allais dire sécheresse qui est activé.
03:23 Il l'a été il y a déjà plus d'un mois.
03:24 À savoir, nous réduisons bien sûr la voilure des grandes eaux.
03:27 Elles sont aussi belles mais durent moins longtemps.
03:30 J'en profite pour rappeler que l'eau est recyclée.
03:32 L'eau des grandes eaux ne part pas aux égouts.
03:34 Elle est réutilisée car l'eau est entreposée, stockée dans le Grand Canal
03:38 avant de remonter en direction des bassins.
03:41 Nous réduisons l'arrosage des pelouses.
03:43 Nous arrosons exclusivement le soir ou tôt le matin.
03:46 Nous évitons de planter tous les végétaux gourmands
03:49 et sources de production de chaleur.
03:52 Je pense au bégonia que nous plantions en grand nombre
03:55 et qui demandait beaucoup d'énergie terminée pour le bégonia.
03:58 Nous mettons les plantes en pot de préférence dans les situations ombrées.
04:01 C'est le jardinier que je suis à conscience de la fragilité de l'environnement.
04:06 Moi je me plais à dire que les jardiniers et les jardinières
04:09 sont les sentinelles de l'environnement.
04:10 Si nous ne donnons pas l'exemple à Versailles, qui le donnera ?
04:13 Nous sommes très vigilants et très économes en eau.
04:15 – Alors justement, une question par rapport aux Jeux Olympiques.
04:18 Est-ce qu'ils vont avoir un impact direct sur Versailles ou pas ?
04:21 – Un impact, bien évidemment.
04:23 Il y a actuellement la préparation des terrains.
04:25 Ce sont les épreuves d'équitation qui se tiendront à Versailles,
04:29 construction d'un manège.
04:31 Actuellement ce sont les pistes qui sont en train d'être, je dirais, modelées.
04:35 – Ça abîme ou ça n'abîme pas Versailles ?
04:36 – Non, ça n'abîme absolument rien.
04:38 Ce sont des entreprises extérieures qui ont été choisies.
04:40 Je dois saluer leur professionnalisme et leur talent.
04:43 Donc il n'y a absolument aucun problème.
04:45 On tient compte de tout, y compris de la présence animalière.
04:49 Je vais vous donner juste un exemple.
04:50 Le fait d'arroser les futures pistes attire quelques taupes.
04:53 Bien entendu, malheureusement, nous ne chassons les taupes
04:57 que lorsqu'elles viennent là où elles n'ont pas de raison d'être.
05:00 Partout ailleurs, nous en prenons soin.
05:02 – Alors, vous êtes jardinier à Versailles depuis 1982.
05:06 Vous faites presque partie du décor.
05:10 Une longévité qui dépasse d'ailleurs le fondateur de Jardin, André Lenautre.
05:14 Quel est votre secret à vous ?
05:16 – Déjà, je vais même corriger la date si vous le permettez.
05:18 Je suis jardinier en chef depuis 1982, mais je suis entré à Versailles en 1976.
05:23 Cela fait donc 47 ans.
05:25 Je mérite peut-être moi aussi le titre de monument historique.
05:28 Non, c'est quand on a la chance de travailler et de vivre dans ce lieu.
05:32 On est bien modeste par rapport à son créateur André Lenautre
05:35 et puis à d'autres jardiniers.
05:36 N'oublions pas également Antoine et Claude Richard,
05:39 le premier étant le jardinier de Louis XVI, le second de Louis XV.
05:43 Non, la longévité c'est l'amour, l'amour de la nature,
05:47 l'envie de transmettre et l'envie de communiquer ce métier qui est le mien
05:51 et dont Voltaire disait "Jardinier le plus noble des métiers".
05:55 – Alors lorsqu'on en reste 41 ans à la barre, est-ce qu'on n'a que des amis ?
06:00 – Victor Hugo disait…
06:00 – Il y a peut-être beaucoup de jardiniers qui aimeraient bien que vous partiez un peu.
06:03 – La seule chose qui me dérange quelque peu, je le dis avec beaucoup d'humour,
06:06 ce sont les jeunes gens qui viennent dans mon bureau,
06:08 qui espèrent un jour me succéder et qui ne me regardent plus dans les yeux
06:11 mais qui regardent mon fauteuil.
06:13 Parfois ça me dérange un peu, mais moi-même quand je suis arrivé à Versailles en 1976,
06:18 c'est ainsi que je regardais à l'époque mes supérieurs,
06:20 à savoir leur fauteuil, leur bureau, je me disais "mais quand est-ce qu'ils partent ?"
06:23 – D'ailleurs vous avez dit dans la presse, j'ai lu "J'arrête après les JO,
06:27 ce sera le bouquet final", vous allez vraiment tirer votre révérence ?
06:30 – Je prends l'exemple des rock stars qui mettent parfois beaucoup de temps pour leurs adieux,
06:34 je me demande si je ne vais pas faire un peu durer mes adieux moi aussi,
06:37 parce que finalement Versailles est tellement beau que j'ai quelques regrets à le quitter.
06:41 – Merci beaucoup Alain Baraton d'avoir été avec nous,
06:45 vous êtes, je rappelle, chef des Jardins de Versailles et auteur de très nombreux ouvrages,
06:49 le dernier en date c'est le livre de La Rose,
06:51 aux éditions Grasse et La Rose que vous affectionnez particulièrement, merci beaucoup.
06:57 – Merci beaucoup.
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