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  • 21/06/2023
La notion « circulaire » paraît consubstantielle du développement durable. Elle fait partie de ces concepts valises qui embarquent notre pensée dans une sorte d'évidence que l'on ne discute plus. La circularité est forcément vertueuse. Il s'agit d'optimiser l'utilisation des ressources en prolongeant la durée de vie des produits, en favorisant leur réutilisation, puis le recyclage et la régénération des matériaux, minimisant ainsi les déchets. Rompre donc avec le modèle linéaire traditionnel, fondé sur un extractivisme débridé en début de chaîne, et s'achevant sur une montagne de déchets en sortie. [...]

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00:00 La notion d'économie circulaire paraît consubstantielle du développement durable.
00:14 Elle fait partie de ces concepts-valise qui embarquent notre pensée dans une sorte d'évidence que l'on ne discute même plus.
00:21 La circularité est forcément vertueuse.
00:25 Il s'agit d'optimiser l'utilisation des ressources en prolongeant la durée de vie des produits,
00:30 en favorisant leur réutilisation, puis le recyclage et la régénération des matériaux, minimisant ainsi les déchets.
00:40 Rompre donc avec le modèle linéaire traditionnel, fondé sur un extractivisme débridé en début de chaîne et s'achevant sur une montagne de déchets en sortie.
00:52 L'économie circulaire sonnerait ainsi le glas de l'obsolescence accélérée, nerf de la guerre du modèle consumériste, prédateur de la planète.
01:01 En subliminal, il porte aussi l'idée d'un circuit forcément court.
01:05 Les matériaux vont être extraits des produits eux-mêmes et non plus des terres d'abondance lointaines.
01:11 Le recyclage permettant de relocaliser sur le territoire la production de matériaux dont l'appareil productif a besoin.
01:20 Quelle est l'issue d'une telle transformation pour nos économies en termes de croissance ?
01:24 La circularité a cela de magique en première analyse qu'elle permet aux consommateurs de satisfaire les mêmes besoins, à moindre coût et à moindre prédation sur l'environnement.
01:36 Si sobriété il y a, c'est au stade de la production.
01:40 Or, produire la même utilité à moindre coût, cela s'appelle optimiser, fonction originelle du calcul économique.
01:49 Et c'est d'ailleurs à ce titre que les grands cabinets de consulting se sont emparés de la thématique,
01:54 survendant le concept comme une innovation ouvrant de nouvelles potentialités de profit.
02:00 Et lorsque les grandes entreprises de l'industrie et du commerce veulent verdir leur image, c'est une des premières notions dont elles s'emparent.
02:08 En dépit de cet engouement microéconomique, c'est pourtant bien une amputation du PIB qui est attendue au plan macro.
02:15 Pour la bonne raison que le PIB se focalise sur le neuf.
02:19 Le PIB mesure d'abord la valeur que les entreprises ajoutent sur le territoire à des matières brutes ou semi-transformées,
02:26 avec pour débouché l'achat de produits finis, de services ou de logements neufs par les ménages,
02:32 et des dépenses d'investissements productifs et de construction nouvelle par les entreprises.
02:38 Le marché de l'occasion, que ce soit dans le domaine automobile, du logement, du vêtement, etc.,
02:43 n'opère qu'un transfert de propriété et de revenus au sein d'un même secteur, dans un jeu à somme nulle.
02:49 Il ne crée rien en termes de PIB si ce n'est le service commercial ou financier nécessaire à l'échange, physique ou en ligne.
02:56 C'est cet ajout de valeur que retient par convention la mesure du PIB, c'est-à-dire essentiellement la marge commerciale que réalise le vendeur.
03:04 Développer le circuit de l'occasion dans nos économies au détriment du neuf, ce serait donc perdre en production
03:10 et ne gagner que sur les marges que dégagent les circuits de l'occasion dans un jeu à somme négative a priori,
03:18 accréditant l'idée magique que l'économie circulaire produit une décroissance indolore,
03:24 même utilité sociale avec moins de PIB et moins d'émissions.
03:28 Une illusion créée par l'abord trop restrictif et statique des transformations qu'opère l'économie circulaire.
03:35 La circularité, ce n'est pas seulement le développement des marchés de la seconde main.
03:40 C'est d'abord trier, séparer les matériaux, les transformer.
03:43 C'est donc d'abord une industrie du recyclage énergivore à haut potentiel de croissance qui s'agrège au processus de production.
03:52 Un secteur chargé aussi en robotique et en numérique pour opérer le tri à grande échelle. Autre source d'émissions donc.
04:00 C'est ensuite engager des dépenses de R&D pour élargir le champ encore étroit des matériaux recyclables.
04:08 C'est moins d'obsolescence programmée certes, mais ce sont des produits qui, changeant de main et de géographie au fil de leur cycle de vie,
04:17 mobilisent transport et logistique sur un rayon qui peut être très large.
04:22 Ce sont aussi des prix réduits à qualité supérieure qui libèrent du pouvoir d'achat qui va se redéployer sur d'autres usages,
04:31 ce que l'on appelle l'effet rebond, et qui génère de la croissance donc.
04:36 C'est enfin une incitation pour les producteurs à monter en gamme, à se redéployer vers des produits à forte valeur,
04:44 et à défaut de jouer sur l'obsolescence programmée, de miser sur le turnover accéléré des produits
04:50 pour multiplier les opportunités de marger tout au long de la durée de vie du produit.
04:56 Avec en arrière-plan un marketing hystérisant l'engouement pour les marques et pour le luxe.
05:03 Sans parler des métiers de la réparation, de la remanufacturation ou de l'authentification, etc.
05:11 L'enfer est pavé de bonnes intentions.
05:14 Et s'il est un art où le capitalisme excelle, c'est bien celui de marchandiser les bonnes intentions.
05:20 L'économie circulaire cherche la voie d'une décroissance et d'une décarbonation soft.
05:26 Récupérée par le système, elle devient un nouveau filon d'affaires au bilan carbone, plus que douteux.
05:33 [Musique]

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