- il y a 3 ans
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, est l'invitée de 7h50. Ce mercredi, elle sera à Matignon pour s'entretenir avec la Première ministre. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-17-mai-2023-1804218
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00:00 Salamé, votre invitée ce matin est secrétaire générale de la CGT.
00:03 Bonjour Sophie Binet.
00:04 Bonjour.
00:05 Merci d'être avec nous ce matin.
00:06 Après FO et la CFDT hier, vous avez rendez-vous cet après-midi à Matignon avec la Première
00:11 Ministre Elisabeth Borne, qui reçoit donc tous les syndicats cette semaine.
00:14 Nous vous avions reçu dans la matinale il y a un mois et demi et vous nous disiez alors
00:17 « on ne peut pas parler d'autres sujets avec le gouvernement tant que la réforme
00:21 des retraites n'est pas retirée ». Vous avez changé d'avis finalement ? Vous êtes
00:24 prête à parler d'autres sujets avec la Première Ministre ?
00:27 On va d'abord parler retraite et je vais lui dire que si cette réforme des retraites
00:30 n'est pas retirée, le pays ne reviendra pas à la normale, qu'on ne reprendra pas
00:34 le cours des choses comme avant.
00:35 Mais je vais lui parler également d'autres sujets.
00:37 Je vais commencer par lui parler d'un sujet qui n'était pas prévu.
00:40 Je vais lui parler des 80 ouvrières de Verbaudet à Tourcoing, la ville de Gérald Darmanin,
00:45 qui sont en grève depuis deux mois pour demander des augmentations de salaire.
00:48 Non seulement le patron refuse de négocier, mais en plus le préfet, au lieu d'organiser
00:53 une médiation, vient de leur envoyer les CRS pour démanteler le piquet de grève.
00:56 Et nous avons une gréviste qui a fini aux urgences et plusieurs gardes à vue.
00:59 Donc je vais lui demander immédiatement de cesser toutes les poursuites contre les grévistes
01:03 et je vais lui demander d'ouvrir une médiation nationale avec la direction générale du
01:07 groupe.
01:08 Cette situation, elle illustre de la situation salariale en France malheureusement.
01:11 La direction affirme avoir proposé une prime de 6% en début d'année, prime qui a été
01:15 acceptée par deux syndicats de l'entreprise, pas par la CGT effectivement.
01:20 C'est ça, c'est que la direction a proposé surtout 0% d'augmentation de salaire dans
01:24 le contexte d'inflation qu'on connaît, sachant que c'est une entreprise avec des salaires
01:28 vraiment ras d'épacret, il n'y a aucun déroulement d'ancienneté, du travail de nuit à un travail
01:31 extrêmement pénible, que les primes ne comptent pas pour la retraite et que les primes c'est
01:35 seulement du temporaire.
01:36 Nous voulons des augmentations collectives de salaire.
01:38 Mais tout de même, reconnaissez que vous avez changé, David, vous avez assoupli votre
01:42 position.
01:43 Avant c'était on ne parle que des retraites, là vous allez parler des salaires, des conditions
01:46 de travail.
01:47 Ça veut dire quoi ? Que vous acceptez de reprendre l'angle avec le gouvernement ?
01:51 Ça veut dire, comme depuis le début, que nous voulons parler des exigences des salariés,
01:55 à savoir le retrait de la réforme des retraites, mais aussi l'augmentation des salaires.
01:58 Donc il faut parler à l'image de ce qui se passe à Verbaudet, la conditionnalité
02:02 des aides publiques, parce que ça n'est plus possible qu'il y ait chaque année 200
02:05 milliards d'euros d'aides publiques qui soient donnés sans condition aux entreprises.
02:08 Je vais vous donner un exemple.
02:09 Sanofi a touché près d'un milliard de crédits impôts recherche, pourtant dans le même
02:13 temps, il a divisé par deux son nombre de chercheurs en France.
02:16 On voit bien qu'il y a un problème.
02:17 Mais là, vous allez demander quoi concrètement à Elisabeth Borne ? Vous allez lui dire
02:20 "je veux que vous indexiez les salaires sur l'inflation".
02:24 D'autres le demandent.
02:26 Pour l'instant, le gouvernement dit non.
02:27 Vous allez demander quoi ensuite ? De conditionner les subventions aux entreprises à des éventuelles
02:32 hausses de salaire ? Quelles sont les choses très précises que vous allez lui demander ?
02:36 Très concrètement, indexation des salaires sur les prix, c'est ce qui existe en Belgique,
02:40 au Luxembourg, ce qui existait en France jusqu'en 1983.
02:42 Peut-être que Dominique se s'en souvient.
02:43 Non, il était trop jeune, il vient de vous le dire.
02:46 Je vais lui demander la conditionnalité des aides publiques avec un dispositif simple,
02:52 c'est-à-dire donner les moyens aux représentants du personnel de contrôler l'attribution
02:55 des aides publiques, le fait que les objectifs sont bien tenus.
02:58 Et puis enfin, je vais aussi lui demander des dispositifs pour améliorer les conditions
03:02 de travail, renforcer les pouvoirs des représentants du personnel.
03:05 Parce que je rappelle qu'en France, on meurt au travail.
03:07 C'est chaque jour deux ouvriers qui meurent au travail.
03:09 Il y a des dispositions très simples à prendre, à commencer par le rétablissement des CHSCT,
03:14 les comités hygiène, santé, sécurité.
03:15 Et vous espérez avoir la main, après la réforme des retraites, qu'elle va donner
03:19 droit à certaines de vos revendications ? Vous n'en attendez pas beaucoup.
03:22 Eh bien, ce que nous allons lui dire, c'est qu'on ne peut plus reprendre les choses
03:25 comme avant et qu'effectivement, nous voulons...
03:27 Moi, discuter avec la première ministre, ça ne m'intéresse pas.
03:29 Moi, j'ai des amis, des collègues avec qui je discute très bien.
03:31 Moi, je veux négocier des négociations tripartites en multilatérale, donc tout le monde autour
03:37 d'une même table, patron, syndicat, gouvernement.
03:39 Et ensuite, ces négociations, c'est fini de négocier les virgules sur la base d'un
03:44 texte du gouvernement ou d'un texte du patronat.
03:46 Ces négociations, c'est sur la base des propositions des syndicats.
03:49 Donc nous, nous allons mettre nos propositions sur la table.
03:51 S'ils veulent bouger les virgules, on regardera.
03:53 Le taux de chômage stable au premier trimestre à 7,1%, c'est un plus bas depuis 40 ans,
03:58 disaient l'INSEE et Dominique Seux à l'instant.
04:00 Vous saluez cette baisse du chômage ?
04:02 Ce que j'ai entendu également, c'est que c'est une baisse qui a lieu dans tous les
04:05 pays du monde et que la France reste au-dessus de la moyenne européenne.
04:08 Donc, il n'y a pas de quoi crier cocorico, sachant qu'il y a toujours en France 5 millions
04:13 de personnes qui sont privées d'emploi et qui voudraient soit travailler tout court,
04:17 soit travailler plus, notamment pour les femmes qui sont à temps partiel.
04:19 Vous voyez toujours le verre à moitié vide ?
04:21 On défend les salariés, surtout dans un contexte où le gouvernement nous dit qu'il
04:25 va baisser les allocations chômage et qu'il va mettre sous condition les minima sociaux,
04:30 ce qui est complètement scandaleux.
04:31 La semaine de quatre jours qui est expérimentée par le gouvernement dans deux endroits en
04:34 France, vous êtes pour ?
04:35 On est pour la semaine de quatre jours avec réduction du temps de travail, c'est-à-dire
04:39 avec les 32 heures.
04:40 C'est ce qui est expérimenté en Espagne, c'est ce qui a été mis en place dans un
04:43 certain nombre d'entreprises françaises, notamment LDLC, un fournisseur de matériel
04:48 informatique.
04:49 Ça marche très bien, il se porte très bien d'ailleurs.
04:51 Un mot encore sur l'actualité et sur l'annonce d'Emmanuel Macron de baisser de 2 milliards
04:54 d'euros les impôts des classes moyennes d'ici la fin du quinquennat.
04:56 Vous en pensez quoi ? Ça a vraiment le bon sens ça ?
04:58 Ça s'appelle un cadeau empoisonné puisque de l'autre côté, ça va vouloir dire moins
05:02 de services publics, moins d'écoles, moins d'hôpitaux.
05:05 Je rappelle qu'actuellement, on est en train de fermer des centaines de maternités en
05:08 France et que la mortalité infantile augmente, c'est grave.
05:10 Oui mais ça améliore les conditions de vie de baisser les impôts des classes moyennes
05:14 et notamment des défavorisées.
05:16 Alors déjà, les catégories défavorisées ne payent pas d'impôts sur le revenu.
05:21 Les classes moyennes, si.
05:22 Les classes moyennes, si.
05:23 Et elles en payent beaucoup et elles sont de plus en plus choquées d'être les seules
05:26 à payer des impôts.
05:27 Ce qu'il faut, c'est le faire payer les impôts aux plus riches et aux entreprises
05:30 qui en payent de moins en moins.
05:31 Et c'est une mauvaise réponse à une vraie question, à savoir, la bonne réponse, c'est
05:35 augmenter les salaires.
05:36 À la fin de son interview sur TF1, Emmanuel Macron a relativisé l'importance des grèves
05:39 pendant la contestation contre la réforme des retraites.
05:41 Il a dit « Regardez les chiffres dans le privé, il n'y a quasiment pas eu de grève,
05:45 la réalité elle est là.
05:46 On veut généraliser les choses au pays mais moi je regarde nos entreprises privées, il
05:49 y a eu très peu de grève.
05:50 Non mais Emmanuel Macron, on dirait qu'il vit dans une réalité parallèle, qu'il
05:54 vit dans le métavers.
05:55 Il faut qu'il sorte.
05:56 Moi je l'invite à venir sur un piquet de grève.
05:58 Par exemple, il est le bienvenu à Verbaudet s'il veut.
06:00 Vous avez souvent dénoncé le mépris d'Emmanuel Macron pour les organisations syndicales.
06:03 Il se défend d'être méprisant.
06:05 Il dit « C'est un adjectif qu'ont eu les extrêmes à mon endroit, qui a été repris.
06:08 Je le récuse parce qu'on ne va pas au contact des gens comme je le fais.
06:11 Quand on a du mépris pour les gens, le vrai mépris c'est de mentir aux gens comme l'a
06:15 fait l'opposition.
06:16 »
06:17 Écoutez, moi ce n'est pas un jugement de valeur, je ne le connais pas personnellement.
06:20 C'est du factuel.
06:21 C'est que la façon dont il se comporte avec ceux qu'il qualifie de « foules » et
06:26 avec les organisations syndicales, c'est extrêmement méprisant.
06:28 Ce n'est pas pour rien que dans toutes les manifs, il y a des panneaux avec écrit « le
06:31 président de la République ».
06:32 Ça aboutit tout ça à la haine anti-Macron et anti-famille d'Emmanuel Macron.
06:38 Vous l'avez vu hier, l'agression du petit neveu de Brigitte Macron, prise à partie
06:43 à Amiens après l'interview du président de la République sur TF1, par un groupe qui
06:46 participe à une casserolette dans le centre-ville.
06:48 Ils l'ont frappé à la tête au bras en l'injuriant le président de la République.
06:53 Est-ce que vous condamnez cette agression ?
06:54 Oui, très clairement.
06:55 Ce sont des violences complètement inacceptables.
06:58 D'abord, ce sont des violences physiques.
06:59 En plus, elles ont trait à la vie privée et elles touchent à la famille du président
07:01 de la République.
07:02 Donc, c'est inacceptable.
07:03 Qu'est-ce que ça dit de l'état du pays si on en arrive là ?
07:05 Ça dit malheureusement ce qu'ont dit depuis quatre mois les organisations syndicales.
07:10 C'est-à-dire qu'il y a une colère très forte dans le pays et que ce n'est pas possible
07:12 de passer en force et de ne pas écouter son peuple.
07:15 Il faut que le gouvernement et le président de la République reviennent à la raison.
07:17 Il faut renoncer à cette réforme qui ne répond à aucune nécessité économique et
07:22 réouvrir des négociations sur la base d'une feuille blanche.
07:24 « Je suis convaincue que cette réforme des retraites ne s'appliquera jamais », avez-vous
07:27 dit le 3 avril à votre micro ? Vous le pensez toujours ?
07:30 Oui, et je le confirme même puisque le 8 juin prochain, il y a une proposition de loi
07:33 qui va être débattue et votée, je l'espère, à l'Assemblée nationale, qui vise à abroger
07:38 cette réforme des retraites.
07:39 J'appelle d'ailleurs toutes celles et ceux qui nous écoutent à aller sur jusquoretraite.fr
07:43 pour interpeller leurs députés pour les appeler à voter pour cette proposition de loi.
07:47 Vous le savez, la majorité essaye de la déclarer irrecevable, cette proposition de loi de Lyott,
07:51 en invoquant l'article 40 de la Constitution qui dispose que les propositions et les amendements
07:56 formulés par le parlementaire ne sont pas recevables s'ils entraînent une diminution
07:59 des ressources publiques ou l'aggravation d'une charge publique.
08:02 S'ils y arrivent, s'ils arrivent à empêcher le vote de cette loi, vous ferez quoi ?
08:07 D'abord, ça montre une chose, c'est que le gouvernement panique et que cette loi,
08:11 non seulement elle peut être votée, mais que si elle était votée, ce serait un coup
08:13 de tonnerre, sinon il ne ferait pas toutes ces manœuvres.
08:15 Ensuite, je pense que les manœuvres antidémocratiques, ça ne peut plus durer, ça n'est plus possible
08:20 et qu'il serait gravissime, je dis bien gravissime, que les députés, encore une
08:24 fois, soient empêchés de voter sur la question de la réforme des retraites.
08:26 Vous dites antidémocratique, mais si les argues de l'article 40 de la Constitution,
08:30 ce que je veux dire c'est que c'est toujours la même question, la question de la légitimité
08:33 et de la légalité.
08:35 Sauf que la légalité est très contestable puisque, comme vous le savez, le bureau de
08:39 l'Assemblée a validé la proposition de loi et comme vous le savez, l'article 40,
08:43 c'est la commission des finances qui en juge et que la commission des finances a dit qu'il
08:46 n'y avait pas de problème.
08:47 Donc on voit bien justement ces arguties juridiques pour contourner la loi et l'instrumentaliser
08:51 au service…
08:52 La commission des finances qui est dirigée par l'insoumis Eric Coquerel.
08:53 Tout à fait, par l'opposition, ce qui est normal.
08:55 Oui, absolument.
08:56 Mais vous savez très bien que cette proposition de loi n'a aucune chance d'arriver à
09:00 la fin, qu'elle sera de toute manière cassée au Sénat même si elle était votée.
09:03 Si elle avait aucune chance.
09:04 C'est symbolique.
09:05 Si elle était juste symbolique, pourquoi est-ce que le gouvernement multiplierait les
09:07 efforts pour qu'elle ne soit pas votée ? Et ensuite, comme vous le savez, in fine,
09:11 une proposition de loi, elle est tranchée par les parlementaires, par les députés
09:14 qui ont le dernier mot.
09:16 In fine, par le Conseil Constitutionnel qui risque, ou elle risque de ne pas passer la
09:20 proposition de loi.
09:21 Pourquoi ?
09:22 C'est ce que disent les juristes.
09:23 Ce que le Conseil Constitutionnel aurait dû faire, c'est censurer la réforme des retraites.
09:27 C'est ce que disaient les juristes.
09:28 Une question sur le festival de Cannes pour finir.
09:30 La CGT a annoncé avoir prévu des actions alors que les manifestations sont interdites
09:33 autour de la croisette.
09:34 Vous allez faire des choses ?
09:35 Oui, on va faire plein de choses.
09:36 Il y a plein de choses qui sont prévues.
09:38 Je dénonce d'ailleurs l'arsenal sécuritaire avec des drones qui survolent la croisette
09:43 en permanence.
09:44 Il faut arrêter.
09:45 Cannes a toujours été liée au mouvement social qui a toujours retentit d'une façon
09:48 ou d'une autre à Cannes.
09:49 On a parlé de mai 68 à Cannes.
09:52 C'est normal que le cinéma ne vive pas en vase clos.
09:54 Sophie Binet est notre invitée. Merci et belle journée à vous.
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