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  • 02/05/2023
Samedi 6 mai 2023, B'INSPIRED reçoit Alice Barbe (Fondatrice, Académie des Futurs Leaders)

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Transcription
00:00 [Musique]
00:02 [Sonnerie de téléphone]
00:02 [Bizmart]
00:03 [Bizmart]
00:03 Et maintenant, je suis très heureux d'accueillir Ali Barbe,
00:08 une vraie femme de conviction,
00:10 parce que quand elle s'engage, elle ne fait pas les choses à moitié.
00:14 Ali s'appelait une ONG pour aider les réfugiés
00:18 et créer régulièrement des corridors humains
00:21 pour accueillir des personnes fuyant le pays en guerre.
00:24 Ce qui a fait d'elle l'objet de plus de 350 monnaies de mort ou de viol.
00:29 Et maintenant, Ali s'engage pour la démocratie.
00:33 Tout appartement engagé pour la cause des réfugiés.
00:37 Et que je ne serais pas éduquée de te demander pourquoi,
00:42 quelle est la raison fondamentale ?
00:44 Je pense qu'on a tous un sujet quand il s'agit de parler d'immigration,
00:49 de migration, c'est un des sujets les plus polarisants
00:52 ces 20 dernières années dans le champ médiatique.
00:54 Et moi, comme beaucoup, j'ai grandi en entendant des gens autour de moi
00:58 se comporter de manière très raciste.
01:00 J'ai grandi dans le sud de la France un petit peu et aussi à Paris.
01:04 Et même au sein de ma propre famille, je pouvais entendre des discours
01:10 qui pouvaient être négationnistes, qui pouvaient être antisémites,
01:14 qui remettaient en question l'Holocauste aussi.
01:17 Et je me suis toujours demandé quelle était la barrière mentale
01:22 pour qu'on arrive à une bêtise pareille,
01:26 qui est de penser qu'en fonction de là où on est né,
01:29 on doit forcément être différent et avoir des catégories de citoyenneté
01:33 de première et seconde zone.
01:35 Je suis du côté des Blancs, je suis du côté aussi de la famille
01:41 de gens qui ont pu avoir des comportements,
01:44 qui ont des comportements racistes.
01:46 Et ma question, c'est comment on peut changer ça ?
01:49 Mon engagement avec Singa, il a été un moment pour moi
01:55 de ne pas se positionner juste dans la perspective humanitaire,
02:01 parce que souvent l'immigration c'est soit humanitaire, soit sécuritaire.
02:05 C'est de se positionner pour dire "Ok, ce n'est pas le monde
02:07 dans lequel j'ai envie de vivre et je veux créer le monde
02:09 dans lequel j'ai envie de vivre".
02:10 Un monde dans lequel on se rencontre, on fait des choses ensemble
02:13 et la nationalité, l'origine n'est pas une barrière.
02:18 Et d'ailleurs, comment vous avez fait avec Singa,
02:21 cette union que vous avez créée ?
02:23 Comment vous l'avez créée ?
02:25 Co-créée, co-fondée.
02:27 C'est important parce que c'est une histoire d'amitié aussi.
02:30 Avec Nathanaël Moll et Guillaume Capelle, on avait 25 ans.
02:33 C'est une histoire de jeunesse ?
02:34 On était assez jeunes.
02:36 Moi, je me suis retrouvée directrice, manager d'une ONG très jeune.
02:40 Du coup, j'ai fait toutes les bêtises possibles et imaginables.
02:43 Ça ne t'a pas traumatisé plus que ça apparemment ?
02:47 On apprend en marchant.
02:49 Mais ce n'était effectivement pas simple.
02:51 Il n'y a pas d'école de l'entrepreneuriat.
02:53 On n'apprend pas à être entrepreneur et encore moins entrepreneur social
02:56 ou manager, mais sur des sujets qui sont aussi polarisants
02:59 que celui de la migration.
03:01 Singa, c'est une organisation qui vise à changer le regard
03:04 autour des personnes migrantes et réfugiées,
03:06 autour des nouveaux arrivants, autour de la migration,
03:09 à travers le lien social, donc des gens qui se rencontrent,
03:11 des locaux qui rencontrent des nouveaux arrivants,
03:13 sur la base de leurs points communs,
03:15 de ce qu'ils ont envie de faire ensemble,
03:17 sur la base de la création de projets ou de la cohabitation.
03:21 On a une plateforme d'accueil chez l'habitant, j'accueille.fr.
03:24 Et on a aussi des incubateurs en Europe
03:26 autour de comment on accompagne l'entrepreneuriat
03:29 autour de la migration, tant des personnes réfugiées
03:31 que des locaux qui veulent innover sur ce secteur.
03:34 Et d'ailleurs, actuellement, j'ai le sentiment
03:37 que quand même l'immigration devient de plus en plus un sujet politique.
03:42 Est-ce qu'on me trompe ?
03:44 Ça fait 20 ans, même plus, que l'immigration,
03:48 ça devient un des sujets les plus crispants et polarisants en France.
03:52 Je pense qu'il y a l'islam, l'immigration, le féminisme,
03:55 sur les sujets de crispation identitaire très fortes.
03:58 Mais pourquoi ?
04:00 La question de l'autre et la relation à l'autre,
04:04 ça a toujours été un sujet.
04:06 Mais le mot "réfugié", c'est vrai qu'il a évolué dans sa sémantique.
04:11 Quand on tape "réfugié" sur Google Images,
04:14 on va voir plein d'images de gens en souffrance, dans des bateaux.
04:18 On va être attirés, en fait, par ces images.
04:22 Alors qu'au XVIIIe siècle, la définition du mot "réfugié",
04:26 c'était "ces génies qui sont allés livrer leur créativité à nos ennemis".
04:31 C'est la définition dans l'encyclopédie de Diderot et d'Alembert,
04:34 à l'époque où "Lady de Nantes" a été révoquée,
04:36 et que les protestants ont fui, les protestants français ont fui,
04:39 et ils ont trouvé asile en Allemagne.
04:41 La définition a changé, le terme est de plus en plus négatif.
04:44 Le "pourquoi", je n'ai pas forcément la réponse absolue à ça.
04:48 Je pense qu'il y a plein de facteurs,
04:50 mais je crois que ça fait partie des sujets
04:53 qui aujourd'hui fragilisent beaucoup nos démocraties.
04:56 Et on a plutôt intérêt à faire très attention
04:59 à nous protéger de ce qui nous divise.
05:02 D'accord.
05:03 Et donc, concrètement, aujourd'hui,
05:07 comment pouvons-nous, à notre petit niveau de citoyen,
05:11 changer notre regard sur ce sujet que nous connaissons assez mal ?
05:17 C'est incroyable que tu dises ça,
05:18 parce qu'on parle de migration et de réfugiés tout le temps dans les médias.
05:22 Les images sont prépondérantes.
05:24 La question derrière, c'est que tout le monde parle de réfugiés,
05:26 tout le monde a un avis sur la migration,
05:28 mais qui a véritablement des amis, des connaissances,
05:31 qui sont elles-mêmes des personnes réfugiées,
05:32 des personnes qui sont arrivées en France, qui ont fui la guerre.
05:35 Pas tant que ça.
05:36 Il y a très, très peu de Français qui ont des amis, des proches,
05:39 des collègues qui sont réfugiés.
05:41 Donc déjà, si on crée ce lien sur un pied d'égalité,
05:44 pas un lien qui est uniquement bénévole,
05:46 qui va donner des cours de français,
05:47 mais des vrais liens,
05:48 et que ce soit dans l'entreprise, par l'embauche,
05:51 par la formation, par l'alternance,
05:53 ou tout simplement à toutes les échelles
05:55 de la vie sociale et de la citoyenneté,
05:57 là, on pourra changer le narratif qui est négatif sur la migration.
06:01 Mais d'ailleurs, parlons de citoyenneté.
06:03 Si j'ai bien compris,
06:05 tu t'es lancée dans un nouveau projet
06:07 qui est l'Académie des Futurs Leaders.
06:10 Et ça, ça serait pour former les leaders politiques de demain.
06:13 Mais alors, quelle est la différence
06:16 entre ces leaders que tu formes
06:19 et les leaders politiques d'aujourd'hui ?
06:21 On a créé l'Académie avec trois constats.
06:27 Le premier, c'est qu'il y a énormément de personnes
06:30 aujourd'hui qui se bougent.
06:31 Il y a des entrepreneurs sociaux
06:33 qui font vraiment grandir et transforment notre économie.
06:36 Alors, on n'est pas sur du massif.
06:38 Malheureusement, le capitalisme est encore cassé,
06:40 mais il y a beaucoup de gens qui essayent de le réparer.
06:42 Il y a des gens qui se mobilisent dans la rue,
06:44 dans les associations.
06:45 Il y a de nouvelles formes d'activisme,
06:47 une nouvelle génération d'activistes
06:49 qui font des choses extraordinaires.
06:50 Mais ces personnes ne se voient pas entrer en politique
06:53 alors qu'elles incarnent une forme d'intégrité,
06:55 une forme d'éthique.
06:56 En face, les partis politiques
06:59 ont un peu de mal à recruter.
07:01 Quand on demande "Est-ce que tu veux te lancer en politique ?"
07:03 il y a de moins en moins de personnes qui disent
07:05 "Ça m'intéresse, tout est dépolitisé,
07:06 il ne faut pas rentrer dans la politique".
07:08 Il y a aussi de la méfiance.
07:10 Mais c'est quoi l'image de la politique aujourd'hui ?
07:12 Malheureusement, la confiance
07:14 envers les représentants politiques est très faible.
07:17 Moi, ce qui m'inquiète beaucoup,
07:19 c'est qu'en face, les mouvements populistes
07:23 utilisent la division et la peur
07:25 pour gagner du terrain.
07:26 Et ils gagnent du terrain, vraiment.
07:28 Ils ont des écoles.
07:29 Marion Maréchal a une école à Lyon.
07:31 Le Rassemblement National vient d'en créer une
07:33 pour former des milliers de cadres.
07:35 En Allemagne, ils ont des crèches pour enfants.
07:37 Il y a des camps de vacances, des éditeurs.
07:40 Ils prennent vraiment du terrain
07:41 sur une forme de bataille des idées.
07:43 Aujourd'hui, pour moi, il est très important
07:45 qu'on protège notre démocratie
07:46 et à tous les niveaux.
07:47 Pas juste en allant voter,
07:49 mais d'abord en ayant espoir,
07:52 en se disant "Ok, peut-être que je peux m'engager en politique,
07:55 peut-être que la personne qui m'inspire
07:58 pourrait me représenter en politique".
08:00 L'Académie vise à accompagner des gens
08:02 qui incarnent déjà l'éthique et l'intégrité,
08:04 qui ont déjà des communautés derrière eux,
08:07 qui incarnent des combats,
08:08 et qui se disent "Pourquoi pas moi ?"
08:10 On les accompagne chaque année pendant six mois.
08:13 D'ailleurs, tu m'as dit,
08:15 quand tu préparais l'émission,
08:16 quelque chose que je trouvais extraordinaire,
08:18 c'est que, bizarrement,
08:20 je ne sais pas si personne a elle-même
08:22 fait la candidature.
08:24 Non.
08:25 C'est pas une affaire à leur place.
08:27 Exactement.
08:28 On recrute sur la base d'un processus de nomination.
08:31 On reçoit entre 200 et 300 nominations par cohorte.
08:35 Il y a des personnes qui vont prendre le temps d'écrire
08:38 pendant jusqu'à une heure ou deux,
08:40 pour recommander les personnes en lesquelles ils ou elles croient.
08:45 À partir de là, ça plante une graine
08:47 chez les personnes qui sont nominées.
08:49 Parce que même si elles disent "Ce n'est pas pour moi,
08:51 je ne vais pas y aller",
08:52 ça plante la graine de se dire
08:53 "Il y a des gens qui croient en moi derrière
08:55 et qui veulent que j'y aille".
08:57 Et la plupart du temps,
08:58 les personnes qu'on sélectionne après les jurys
09:00 n'étaient pas au courant qu'elles étaient nominées,
09:04 n'avaient pas demandé à des amis de le faire.
09:06 Ça, c'est assez symbolique.
09:08 C'est parce que tu peux être nominée par tes parents,
09:10 ta communauté, tes amis,
09:11 mais même des gens que tu ne connais pas
09:13 et que tu n'as jamais vus
09:14 et qui te voient dans les réseaux sociaux
09:16 ou dans les médias.
09:17 Et alors, concrètement,
09:19 qu'est-ce qu'ils vont trouver dans cette école ?
09:22 Déjà, c'est une école sans critères,
09:24 si ce n'est d'être nominée
09:26 et d'avoir un impact social, environnemental
09:28 ou sur la démocratie.
09:30 Déjà, les participants,
09:31 ils ont entre 18 et 51 ans.
09:33 On va trouver autant Yamina Saheb,
09:35 qui est co-autrice du dernier rapport du GIEC,
09:38 que Samir El Hamdi,
09:41 qui est porte-parole des précaires du 115 dans le Grand Est,
09:44 que Louise Ulrich,
09:46 qui est une jeune de 18 ans, notre Benjamin,
09:49 de Fridays for Future,
09:50 le mouvement de Greta Thunberg.
09:51 Donc c'est très, très hétéroclite,
09:53 avec pas mal d'entrepreneurs sociaux aussi,
09:55 de la pub ou des médias,
09:57 et qui vont passer trois jours par semaine
10:00 à avoir des cours très science-po,
10:02 qui peuvent être très théoriques,
10:03 data, blockchain.
10:04 On a eu un cours sur Chad Gipity la semaine dernière.
10:08 C'était flippant.
10:10 Ils vont rencontrer des personnalités politiques,
10:12 françaises ou internationales.
10:13 Ça peut être des députés,
10:15 des membres du gouvernement.
10:16 On a reçu l'ancien président François Hollande,
10:19 la directrice du renseignement américain.
10:21 Ben Rhodes aussi, qui est un conseiller de Barack Obama.
10:25 Et aussi, ils ont une forte partie santé mentale
10:28 et développement personnel.
10:30 Ils ont des coachs, ils ont des psys,
10:32 ils ont un accompagnement sur l'ancrage,
10:33 sur le bien-être, sur comment dormir,
10:36 comment ne pas péter les plombs
10:37 quand on entre en politique.
10:39 Parce que c'est un milieu, effectivement,
10:41 qui peut être assez violent, très dur.
10:44 - D'ailleurs, tu as parlé de Barack Obama
10:48 et aussi que vous travaillez ensemble.
10:50 Comment vous construisez justement ensemble
10:53 la démocratie de demain ?
10:55 - Alors, je ne travaille pas avec lui au quotidien,
10:58 ce serait chouette.
10:59 Mais en fait, Barack Obama a lancé sa fondation en 2017.
11:03 Il était président des États-Unis pendant huit ans.
11:07 Il a été, basiquement, maître du monde pendant huit ans.
11:11 Il a fait de son mieux.
11:12 Il a fait des bonnes choses, il a fait des mauvaises choses.
11:14 - Comme tous les présidents.
11:16 - Avec plein de circonstances.
11:18 Au bout de huit ans, il y a un mec qui arrive,
11:21 qui s'appelle Donald Trump,
11:22 et qui se met en tête de détruire tout ce que Barack Obama a fait.
11:26 Et donc, la réflexion du président Obama,
11:29 c'était de se dire "Ok, j'ai fait tout ça
11:32 et je n'ai même pas vraiment forcément réussi.
11:35 Donc, si je peux insuffler à des jeunes activistes,
11:40 entrepreneurs sociaux, à des jeunes aussi qui se bougent,
11:43 si je peux insuffler l'envie de faire changer les choses
11:46 et de se battre pour la bonne cause,
11:49 là, j'aurais peut-être réussi."
11:51 Donc, il a monté sa fondation, la fondation Obama,
11:53 qui, chaque année, va sélectionner des personnes qui se battent,
11:58 qui font la différence sur tout un tas de sujets,
12:01 pour la démocratie, pour le climat, etc.
12:03 Et leur donner les outils, les ressources
12:06 dont ils et elles vont peut-être avoir besoin.
12:08 Donc, moi, j'ai participé à un programme qui s'appelle "Scholars".
12:11 C'est une bourse à Columbia University
12:14 où j'ai passé un an avec les anciennes équipes
12:17 de l'administration américaine, des profs de Columbia,
12:20 à me former, pas qu'à la politique,
12:23 mais aussi aux "community organizing",
12:26 peut-être à la stratégie, à la prise de parole en public.
12:29 C'était une boîte à outils.
12:31 D'accord. Merci beaucoup, Alice Pereuse,
12:35 et Yosemite Glemmar. C'était vraiment très inspirant.
12:38 Merci, Virginie.
12:40 C'est la fin de cette émission.
12:42 J'espère que vous avez passé un joli moment.
12:44 Et à très vite pour la suite.

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