SMART BOURSE - Marchés à thème(s) : Michel Ruimy (SPAK)

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Vendredi 28 avril 2023, SMART BOURSE reçoit Michel Ruimy (Économiste, SPAK)

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00:00 (Générique)
00:09 Le dernier quart d'or de Smartbourg, chaque dernier vendredi du mois,
00:13 c'est l'occasion de retrouver Michel Rumi, économiste associé de SPAC
00:17 pour un exercice de décryptage économique.
00:19 Bonsoir Michel.
00:20 - Bonsoir.
00:21 - Merci beaucoup d'être avec nous.
00:23 On décrypte un ou des concepts économiques avec vous chaque mois.
00:26 On va parler de finances publiques,
00:28 on va parler des déficits et des dettes au pluriel
00:32 pour essayer de rappeler un petit peu ce qui se cache derrière tous ces concepts.
00:37 Parce que c'est le moment dépestable, comme on dit, des programmes de stabilité.
00:40 La France a envoyé le sien, Bruno Le Maire, Gabriel Attal,
00:43 ont communiqué sur le programme,
00:45 la trajectoire de stabilité financière de la France sur les cinq prochaines années.
00:49 Ça appelle un petit commentaire ou pas d'ailleurs Michel ?
00:51 - Ça va être un exercice très difficile d'arriver à joindre les deux bouts
00:56 parce qu'il faut une forte croissance et ça pose des problèmes.
01:00 Donc bon, il t'a souhaité bien sûr, mais c'est compliqué.
01:04 - Bon, ça nous amène à parler de ces questions de déficit
01:07 puisque ce sont quand même des sujets, en tout cas dans les marchés, qui reviennent,
01:10 même s'il n'y a pas de stress aujourd'hui sur ces questions-là,
01:13 mais ce sont des discussions qui reviennent chez les investisseurs
01:16 pour rappeler qu'il y a différents niveaux de déficit effectivement.
01:20 Déficit budgétaire, déficit public.
01:23 On retrouve également différentes manières de mesurer la dette d'un pays,
01:27 la dette de l'État, la dette extérieure du pays, la dette publique.
01:32 Voilà, comment est-ce qu'on s'y retrouve dans tous ces concepts Michel ?
01:35 - Ce qu'il faut bien voir, c'est le budget.
01:37 Le budget de l'État, c'est comme le budget d'un ménage
01:39 et donc d'une certaine manière, le déficit budgétaire,
01:41 c'est lorsque les recettes sont inférieures aux dépenses.
01:45 Donc c'est un solde négatif et de manière générale,
01:48 par exemple en 2022, ce déficit budgétaire était de l'ordre de 150 milliards d'euros.
01:54 Le déficit public, c'est en fait nos engagements européens
01:57 font que pour mesurer le fait de l'endettement de l'État,
02:02 en fait on va prendre la dette de l'État,
02:04 mais également aussi les collectivités territoriales,
02:06 les organismes de sécurité sociale.
02:08 En fait, ça répond à l'idée, c'est que c'est pas l'État qui s'engage,
02:11 mais il est caution.
02:12 Donc ça peut, on sait jamais s'il y a des problèmes.
02:15 Donc dans ce cadre-là, ce déficit s'est monté à 125 milliards à fin 2022.
02:21 Donc c'est pas si mal que ça.
02:23 Et alors maintenant, il y a la dette.
02:25 La dette de l'État, toujours la même chose.
02:27 La dette de l'État, c'est la somme des déficits budgétaires au cours des ans.
02:33 OK ?
02:33 Et ce qu'il faut bien voir, c'est qu'aujourd'hui,
02:36 elle s'étalonne à peu près à 1300 milliards d'euros
02:40 et elle est détenue à peu près pour moitié par les non-résidents.
02:43 Donc c'est d'un certain côté, c'est la confiance,
02:45 c'est un indicateur de confiance de l'extérieur, on va dire ça.
02:49 Et à côté de cela, on va avoir la dette extérieure.
02:52 La dette extérieure, c'est en fait l'argent
02:55 que tous les agents économiques français doivent à l'extérieur,
02:58 c'est-à-dire les ménages, les entreprises, l'État.
03:01 Et donc tout cela, ça fait la dette extérieure.
03:03 Et puis la dette publique, c'est comme le déficit public,
03:05 eh bien c'est l'ensemble en fait des engagements de l'État,
03:10 des administrations, etc.
03:13 Et à fin 2022, elle était à 2950 milliards,
03:17 c'est cet indicateur qui est tenu notamment par l'Union européenne,
03:21 par les médias également.
03:22 Et ça équivaut à peu près à 112% du PIB,
03:25 mais surtout pour les Français,
03:27 parce que je pense que c'est ça qu'il convient de comprendre,
03:29 c'est que ça correspond à peu près à 43 000 euros par habitant.
03:32 C'est-à-dire de l'enfant qui vient de naître
03:34 jusqu'à celui qui va décéder dans quelques instants.
03:38 - Quand on parle de finances,
03:40 tout est toujours une question d'équilibre,
03:42 de mesure en la matière.
03:44 L'Europe a ses règles, évidemment,
03:46 même si elles sont souvent transgressées.
03:51 Ça a été le cas pendant toute la période Covid,
03:53 avec un feu vert, une autorisation générale
03:56 de la Commission européenne de ce point de vue-là,
03:57 qui d'ailleurs est en train de proposer aujourd'hui
04:00 un nouveau cadre budgétaire,
04:02 avec une séquence de discussions et de négociations politiques
04:05 qui va nous emmener sans doute très loin de ce point de vue-là.
04:07 Mais est-ce qu'on peut rappeler les règles actuelles
04:09 censées être en vigueur, qui sont suspendues aujourd'hui,
04:12 mais qui sont toujours officiellement en vigueur ?
04:14 - Voilà. Le fait que lorsqu'on est rentré dans l'Union européenne,
04:18 on est rentré par le traité de Maastricht.
04:19 Le traité de Maastricht a défini notamment
04:22 cinq critères de convergence,
04:24 ce qu'on appelle les critères de Maastricht.
04:27 En fait, on a dit bien que les économies soient hétérogènes,
04:31 on va les faire se ressembler.
04:33 Donc c'est similaire.
04:33 Et donc l'idée, c'est de ressembler à cinq critères essentiels.
04:37 Et parmi ces cinq critères,
04:38 il y en a deux qui concernent les finances publiques.
04:42 Le premier, c'est que le déficit public ne doit pas excéder 3% du PIB,
04:47 sauf circonstances exceptionnelles.
04:48 Et puis la dette publique, qui ne doit pas dépasser 60% du PIB.
04:53 Et tout cela a été renforcé après,
04:55 notamment la crise des dettes souveraines en 2010-2012,
05:00 par un traité qu'on appelle le pacte budgétaire européen,
05:03 mais le nom s'avance, c'est le pacte de stabilité
05:06 sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l'Union européenne,
05:08 et qui a dicté une règle d'or qui dit que
05:11 le déficit public structurel ne doit pas excéder 0,5%.
05:17 Cela veut dire que concrètement,
05:18 c'est que les habitudes de comportement, ce qui est structurel,
05:21 ne doit pas excéder 0,5% du PIB.
05:25 - Qui est une notion assez subjective.
05:26 - Ah !
05:27 - On m'a toujours dit qu'il y avait un niveau de déficit structurel
05:31 pour chaque économiste, en gros.
05:32 - Exactement.
05:33 - Parce qu'en fait, derrière, je ne vais pas rentrer dans la technique,
05:36 c'est que, en théorie, c'est très bien, c'est très clair, c'est super,
05:39 mais quand on essaie de le calculer,
05:41 et quelles que soient les institutions et la réputation de l'économiste,
05:45 on arrive à des résultats parfois surprenants,
05:47 et donc ça pose problème.
05:49 Donc l'idée, c'est de se situer, c'est où se trouve-t-on au niveau du cycle ?
05:52 Est-ce qu'on est en bas de cycle et qu'on est là ?
05:54 Donc ça pose des problèmes.
05:56 - La règle des 3% ?
05:59 On peut rappeler d'où elle vient, Michel ?
06:02 Parce qu'on va se poser la question de savoir quels sont les indicateurs
06:05 à prendre en compte pour évaluer la bonne santé ou non
06:07 des finances publiques d'un État.
06:08 - Eh bien, malheureusement, on va dire,
06:11 cet indicateur de 3% n'a pas de valeur scientifique ni économiste.
06:15 En fait, tout remonte à l'époque, on va dire, des années 80 en France,
06:19 où M. Mitterrand fait une relance budgétaire keynésienne,
06:23 c'est-à-dire il fait un déficit,
06:25 on passe de 5 semaines de congé payé, on passe de 40 à 39 heures,
06:30 en conservant les mêmes niveaux de salaire.
06:32 Et en fait, ça veut relancer la consommation,
06:35 simplement les Français qui sont indisciplinés
06:38 consomment des produits étrangers, donc déficit de la balance commerciale,
06:41 et en même temps, comme il y a moins de recettes,
06:45 il y a déficit budgétaire.
06:47 Après, il y a un problème, c'est que le gouvernement ne veut pas dépasser
06:50 100 milliards de francs comme déficit.
06:55 - Symbolique, quoi.
06:56 - Symbolique, c'est symbolique.
06:57 - 100 milliards, c'est bien.
06:58 - On ne voulait surtout pas dépasser ce 100 milliards.
07:01 Et donc, quelle est l'idée ?
07:02 Alors là, c'est la richesse de l'arme française,
07:04 on va dire des technocrates.
07:05 On a dit, on va rapporter ça au PIB.
07:07 Et donc, quand on rapporte 100 milliards à 3 000 milliards,
07:10 ça fait 3,3, c'est resté, on va dire, à 3 %,
07:13 et puis, lorsqu'on est rentré dans la négociation des traités européens, etc.,
07:17 ça a diffusé au niveau des banques centrales, et c'est resté comme ça.
07:21 Donc, c'est un véritable outil de communication
07:24 qui est devenu, on va dire, un outil important.
07:27 Maintenant, c'est presque un totem.
07:29 - Qu'est-ce qu'il faut regarder derrière le seul niveau de la dette publique
07:32 et du ratio dette sur PIB pour évaluer la qualité ou la soutenabilité,
07:38 comme on dit, d'un État aujourd'hui en matière de finances publiques ?
07:42 - Alors, il y a plusieurs paramètres, mais on peut en retenir qu'à tous cinq, on va dire.
07:46 La première des choses, bien sûr, c'est le coût.
07:48 C'est à quel coût peut-on s'endetter ?
07:51 Et par exemple, aujourd'hui, si vous voulez prêter aux Vénus et Las,
07:54 les marchés prêtent le coût de l'endettement à 10 000 %,
07:57 ça veut dire que déjà, c'est même pas à personne de prêter,
08:00 mais on dit que c'est le prix des liquidités.
08:02 Donc, déjà, c'est un indicateur.
08:03 Deuxième chose également, c'est la capacité à lever l'impôt.
08:06 Donc, ça, c'est en théorie également, parce que, par exemple,
08:09 quand on regarde les prêvements obligatoires en France,
08:11 ils sont de l'ordre de 45 %, l'Union européenne, c'est 40,
08:13 mais les États-Unis, c'est 25, à peu près.
08:16 Donc, c'est est-ce qu'on peut rajouter un autre impôt ?
08:18 Et là, ça coince parfois.
08:20 Après, il y a également la qualité de la dépense publique,
08:23 c'est-à-dire, est-ce que ça va être une dépense en façon d'été productive ?
08:27 Bravo !
08:28 Non, non, mais tout à fait !
08:30 C'est que du bon sens !
08:31 Les marchés n'ont que du bon sens.
08:33 Et c'est ça qui est important.
08:35 Et puis, aussi, le rythme de croissance de l'économie.
08:37 C'est le chiffre d'affaires par rapport à l'endettement, on va dire ça comme ça.
08:40 Et puis, également, il y a l'évolution de la dette.
08:42 Est-ce qu'elle est rapide ?
08:44 Est-ce que c'est de temps en temps ?
08:45 Et c'est exponentiel.
08:47 Et c'est ça la difficulté.
08:49 Justement, quels sont les facteurs qu'il faut avoir en tête
08:50 qui déterminent l'évolution, la vitesse d'évolution de la dette publique ?
08:55 Alors, c'est là aussi, c'est du bon sens.
08:58 C'est-à-dire que si je m'endette à un faible taux
09:00 et que j'ai une forte croissance,
09:03 ce n'est pas gênant de s'endetter.
09:04 Ce qu'il faut bien se dire, c'est que l'endettement n'est pas si grave si c'est productif.
09:08 Et donc, il y a un effet, on va dire, effets massus ou un effet de levier.
09:14 Et puis, une deuxième chose, et donc si on a un effet de massus,
09:17 c'est ce qu'on appelle en économie l'effet boule de neige.
09:19 C'est-à-dire que les déficits amènent les autres déficits.
09:21 Et puis, le deuxième, c'est quelque chose d'un peu plus technique,
09:24 c'est le somme public primaire.
09:26 C'est-à-dire, c'est en gros, pratiquement le solde des structurels,
09:30 c'est-à-dire hors intérêt de la dette, à quel niveau se situe ?
09:35 Et là, c'est important parce que, par exemple,
09:37 si j'ai beaucoup de fonctionnaires ou au moins,
09:42 la masse salariale est toujours une charge fixe,
09:44 qui est très importante dans toute entreprise,
09:45 et donc, même pour l'État.
09:46 Et donc, ça pose un problème de cette nature.
09:50 Alors, ce qu'il faut bien voir, c'est que ce niveau-là,
09:54 c'est qu'il n'y a pas de seuil.
09:57 - Il y a des travaux là-dessus. - Exactement.
09:59 - Mais au final, en termes pratiques,
10:02 on voit que des pays peuvent avoir le même niveau d'endettement,
10:04 certains plus que d'autres, pourtant jugés solvables,
10:07 quand d'autres, avec des niveaux d'endettement inférieurs,
10:09 sont parfois jugés par les marchés ou illiquides ou insolvables.
10:12 - Ah oui, c'est ça qui est important.
10:13 Quand on va prendre les pays développés,
10:15 on va dire la Chine, pardon, le Japon, excusez-moi.
10:17 - On pourrait presque mettre la Chine dans les pays développés.
10:20 - Le Japon, il est à 265% du PIB.
10:24 Les États-Unis, c'est 130.
10:26 L'Allemagne, c'est 70.
10:27 Et ils sont jugés solvables.
10:28 Et lorsqu'on s'aperçoit, par exemple,
10:31 la crise des crises d'États de souveraine,
10:34 la Grèce n'était qu'on va dire que 246% du PIB.
10:38 Donc, et pourtant, il y a eu une grande instabilité.
10:41 Ce qu'il faut bien voir, c'est qu'il y a d'autres paramètres.
10:45 Sur la crise des dettes souveraines,
10:46 les marchés n'aiment pas être surpris.
10:48 Et le fait des élections législatives,
10:50 que d'un seul coup, le papa ou la maman dit oui, voilà,
10:53 finalement, les chiffres qu'on vous a donnés sont faux,
10:55 et s'il est vrai, on n'aime pas.
10:57 C'est comme si vous apprenez...
10:58 - Question de confiance, de crédibilité.
11:00 - Tout à fait, et c'est ça qui est très important.
11:02 C'est la confiance, toujours.
11:04 - Un mot rapide pour finir,
11:05 parce que c'est une institution que vous connaissez bien.
11:07 Quel est le rôle de la Banque de France,
11:09 justement, sur ces questions et ces sujets de dette publique, Michel ?
11:13 - Alors, ce qui est très important,
11:14 c'est que l'Union européenne
11:18 indique que les banques centrales, nationales,
11:20 ne doivent pas soutenir l'endettement des pays, on va dire.
11:22 Et donc, en France, la dette de l'Etat est gérée par une agence
11:26 qui s'appelle l'agence France Trésor.
11:28 Malgré tout, ce qu'il faut bien voir,
11:30 c'est que lorsque l'agence France Trésor
11:32 va s'endetter, on va dire, au nom de l'Etat,
11:35 eh bien, c'est la Banque de France qui va, on va dire,
11:38 organiser les ventes aux enchères, les adjudications.
11:42 Également aussi, elle met à jour les statistiques.
11:44 Et puis, également aussi,
11:45 eh bien, elle est teneur de compte,
11:47 c'est-à-dire que c'est elle qui reçoit l'argent
11:48 et qui met à disposition.
11:49 Mais elle ne prête pas, on va dire, à l'Etat,
11:52 ce qui est très important.
11:55 - Merci beaucoup, Michel, pour ce cours d'éducation
11:59 sur ces notions de finances publiques très importantes
12:03 à rappeler en ce moment, particulièrement,
12:05 Michel Rumi, économiste associé de SPAC,
12:08 avec nous chaque dernier vendredi du mois
12:09 pour ce décryptage écho dans le dernier quart d'heure
12:12 de Smart Bourse.
12:13 Voilà pour cette édition ce soir.
12:14 Très bon week-end à toutes et à tous.
12:16 On se retrouve mardi à 12h30 en direct.
12:19 Sous-titrage Société Radio-Canada
12:22 ♪ ♪ ♪

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