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  • 20/04/2023

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00:00 Pourquoi les couvertures de romans sont si sobres en France ?
00:02 Du blanc, du monochrome, peu d'illustrations, la littérature privilégie en général la
00:07 sobriété sur ces premières de couverture, au contraire d'autres pays.
00:10 La couverture française, elle passe aux yeux des lecteurs, électrices américains et anglais
00:16 pour une couverture très pauvre qui serait le signe de l'édition à compte d'auteur.
00:20 Rouge sur blanc crème chez Flammarion ou Gallimard, bleu sur blanc aux éditions de
00:25 minuit, jaune chez Grasset, bleu marine chez Stock.
00:28 Les codes couleurs sont immuables et discrets et l'illustration semble réservée à certains
00:32 genres, le polar, la SF, le roman de gare, les best-seller.
00:36 En Angleterre ou aux Etats-Unis, l'effort graphique est ancré de plus longue date,
00:40 avec parfois même une logique de couverture unique, propre à chaque livre.
00:43 Un principe qui est longtemps resté une exception en France, à l'instar du travail de Pierre
00:49 Faucheux qui a conçu des couvertures des livres de poche.
00:51 Les américains et les anglais quand ils viennent dans une librairie française et qu'on leur
00:56 montre notre dernier prix littéraire, ils tombent des nuits dans l'impression qu'on
00:59 leur a proposé un livre à compte d'auteur.
01:02 L'édition à compte d'auteur, c'est lorsqu'un auteur paye lui-même les frais
01:05 d'impression pour éviter le processus de sélection par une maison d'édition classique,
01:09 avec généralement des couvertures neutres.
01:10 Derrière cette longue tradition française de l'édition, il y a une question de goût
01:15 et de coût.
01:16 L'emblématique collection blanche de Gallimard voit le jour en 1911, avec un fond crème,
01:20 un lettrage rouge et noir et deux légers filets.
01:23 Un style qui inspirera bien d'autres maisons.
01:25 Le design épuré et gage de sérieux, dans un pays où élégance et bon goût riment
01:29 souvent avec sobriété.
01:30 On fait confiance au texte pour ne pas tomber dans des compromissions mercantiles.
01:34 Une sorte d'élitisme à la française qui distingue les lettres d'autres styles considérés
01:38 comme plus populaires, où il faut attirer le chaland.
01:40 Et paradoxalement, ce minimalisme est devenu une image de marque.
01:44 Ces couvertures françaises, même si elles ont l'air extrêmement simples, extrêmement
01:47 dépouillées, très peu marketing ou très peu vendeuses, elles correspondent quand même
01:52 à une stratégie publicitaire qui est de mettre en avant le nom de l'auteur et le
01:56 titre et de les faire briller un peu en majesté.
01:59 Gérard Genette, un théoricien de la littérature, parle de puissance symbolique de ce degré
02:03 zéro, le blanc faisant office de signe par absence de signifiant.
02:07 Massin disait que les couvertures blanches de chez Gallimard font un trou dans la vitrine.
02:12 On dit blanc mais on parle plutôt d'un blanc crème.
02:14 Parmi les premiers bouquins blancs, il y a le Silence de la mer, d'une pureté totale,
02:18 paru en 1942.
02:19 C'est un livre qui a une couverture blanche dans sa première édition, vraiment blanche
02:24 blanche, ce qui était étonnant pour l'époque parce que le blanc jaunit, le blanc vieillit
02:29 mal.
02:30 Elle s'explique cette couverture par les pénuries de la guerre et c'est ce qui va
02:33 expliquer le parti prégraphique très très sobre.
02:35 C'est une autre explication.
02:36 Les frais d'impression coûtent cher, surtout la quadricromie, l'impression à partir
02:40 de 4 couleurs.
02:41 Et puis un graphiste, ça serait munaire, tout comme les droits d'auteur d'une photo.
02:44 Attention, la couverture tout texte n'est pas uniquement française.
02:47 Il y a une tradition anglo-saxonne de ce type, mais avec des lettres stylisées.
02:51 C'est ce qu'on appelle le big book look, l'aspect grand livre.
02:55 Et souvent ça passe par un gros titre en fait.
02:57 Le titre occupe toute la page et il va être composé dans un caractère qui est très
03:01 choisi, voire dessiné à la main avec éventuellement des jeux presque artistiques autour de la
03:05 composition de ce titre.
03:06 Le message, c'est que la sobriété peut aussi être inventive, comme ici aussi avec
03:10 les monochromes de la Piccola Bibliotheca d'Adelfi en Italie.
03:14 Pendant longtemps, les cultures graphiques sont restées différentes entre pays.
03:17 Mais de plus en plus, le classicisme marque le pas.
03:20 Ces couvertures-là, elles sont en train de céder un peu du terrain.
03:23 D'abord, elles sont de plus en plus souvent habillées, si on regarde bien d'un bandeau
03:27 ou d'une demi-jaquette sur lesquelles il va y avoir de l'image.
03:29 Et puis, les petites maisons d'édition qui apparaissent aujourd'hui, elles ont de plus
03:33 en plus intérêt à ce que leur livre soit remarqué.
03:36 Et donc ces jeunes maisons d'édition font souvent appel à des graphistes ou à des
03:40 illustrateurs en leur laissant relative carte blanche pour proposer des visuels qui vont
03:45 être très très inventifs.
03:46 L'incarnation de cette tendance, c'est David Person, un illustrateur britannique
03:50 qui a collaboré avec Wes Anderson, le spécialiste de la typographie officier chez les Anglais
03:55 de Penguin Books, puis a été débauchée par la maison française Zulma.
03:58 Celle-ci dit avoir triplé ses ventes en le recrutant et en créant un univers.
04:02 Vu que les ventes en ligne se développent, la couleur permet de mieux apparaître dans
04:05 les petites vignettes qui quadrivent vos pages internet.
04:08 Et elle permet aussi de renforcer le sens matériel de l'objet livre pour se couvrir
04:12 de la menace de leurs altérégaux numériques.
04:14 [Musique]

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