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  • 22/03/2023
Pour son interview d’actualité, Julia Vignali reçoit Kahina Bahloul, première femme imame de France alors que le ramadan va débuter dans l’hexagone ce jeudi 23 mars 2023. 

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Transcription
00:00 Bonjour Kayna Belloul, merci d'être avec nous ce matin.
00:03 Alors le ramadan débute demain.
00:05 Est-ce que vous pouvez déjà nous rappeler en quoi consiste le ramadan ?
00:08 Bonjour, alors le ramadan est un rituel, est une pratique rituelle de l'islam parmi d'autres.
00:15 Et ça consiste à faire le jeûne durant toute la journée,
00:18 donc du lever du soleil jusqu'au coucher du soleil et à s'abstenir de certains...
00:22 Voilà, par exemple aussi d'avoir des rapports sexuels ou de manger, de fumer, etc.
00:28 Mais il y a une dimension beaucoup plus importante dans le jeûne,
00:31 c'est surtout la dimension spirituelle,
00:33 parce que le fait de jeûner et de mettre en quelque sorte en veille nos besoins et nos sens physiques,
00:40 eh bien cela permet de nous éveiller à une autre dimension de notre être.
00:45 Et justement d'aller au cœur de la spiritualité pendant quoi ?
00:48 C'est 29-30 jours à peu près, c'est ça ?
00:50 Oui, à peu près.
00:51 Et c'est pas évident quand on travaille de faire le ramadan,
00:53 c'est à part l'aspect spirituel, il y a d'autres bénéfices à faire cette période de jeûne ?
00:59 Oui, bien sûr. Maintenant, même certaines études médicales démontrent
01:05 que le fait de jeûner peut avoir des bénéfices sur la santé.
01:09 Mais bien évidemment, la première chose, la règle,
01:13 c'est toujours d'être à l'écoute de son corps et de ses besoins,
01:17 et ne jamais se mettre en difficulté.
01:19 Oui, parce que ça peut être effectivement une période compliquée.
01:22 Vous êtes, Thomas le disait, la première imam de France.
01:25 Est-ce qu'il y a un texte qui dit qu'une femme ne peut pas être imam ?
01:28 Non, pas du tout, absolument pas du tout.
01:30 Alors souvent on a cette idée, on a l'impression qu'il est interdit aux femmes
01:34 d'être ministre de culte, pas qu'en islam d'ailleurs.
01:38 Mais en réalité, le texte coranique ne parle absolument pas de cette fonction,
01:42 ni pour les hommes, ni pour les femmes.
01:44 Ils ne disent rien ?
01:45 Non, le Coran ne dit rien à ce propos,
01:48 c'est simplement une organisation qui s'est mise en place,
01:51 bien évidemment dans un contexte patriarcal,
01:54 ce qui fait que les hommes se sont arrogés l'exclusivité de cette fonction.
01:58 Et en France, vous êtes trois femmes imams ?
02:00 Nous sommes trois femmes.
02:01 Vous êtes trois femmes.
02:02 Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qu'est un imam,
02:05 et qu'est-ce que vous devez faire, quelles sont vos fonctions en fait ?
02:08 Donc l'imam est le ministre du culte.
02:13 Il est tout simplement le guide.
02:15 Dans le mot arabe imam, on retrouve la notion de celui qui est devant,
02:19 qui se tient devant.
02:20 Donc pour les prières collectives, l'imam c'est celui qui va donner le ton
02:25 et qui va guider la prière collective.
02:28 C'est le mieux sachant également,
02:30 parce que c'est la personne à laquelle se réfèrent les fidèles
02:33 lorsqu'ils ont des questions sur leur pratique ou sur leur spiritualité.
02:38 Et donc l'imam, contrairement à ce qu'on pourrait penser,
02:42 n'est pas du tout un représentant de Dieu sur terre.
02:44 C'est uniquement…
02:45 Comme les prêtres par exemple, ça n'a rien à voir.
02:47 Ça n'a rien à voir avec cette notion d'une certaine sacralité.
02:51 C'est uniquement une fonction qui est là pour organiser le culte.
02:55 Vous êtes donc un guide.
02:56 On va parler un peu de votre histoire.
02:58 Vous êtes née en France, d'un père kabyle et musulman,
03:01 et puis d'une mère française athée d'origine catholique et juive.
03:04 Vous avez grandi en Algérie, c'est un sacré mélange tout ça.
03:07 À 24 ans, vous revenez en France et vous n'êtes pas plus que ça attirée par la religion.
03:12 Comment vous êtes devenue imam ? C'est quoi le déclic ?
03:16 C'est surtout qu'à l'âge de 24 ans, après avoir vécu la décennie noire en Algérie,
03:20 j'ai été traumatisée par cette expérience.
03:23 Et en réalité, même si j'avais pris mes distances avec la religion,
03:27 mais au fond de moi-même, beaucoup de questionnements et d'interrogations
03:31 sur ce qu'est la religion et quel est son rôle dans nos vies,
03:36 continuent encore à travailler, à me travailler au plus profond de moi-même.
03:40 Puis après, au décès de mon père, lorsque j'avais 30 ans,
03:44 il y a eu aussi ce moment bouleversant dans ma vie
03:49 qui m'a amenée à me poser des questions existentielles
03:52 sur ce qu'est le sens de la vie, de la mort.
03:55 Et là, j'ai redécouvert la tradition spirituelle de l'islam,
04:00 qui est le soufisme, qui m'a permis vraiment de retrouver une sérénité,
04:04 un sens à ma vie, et j'ai eu envie de partager cette expérience.
04:09 Alors justement, vous avez cofondé la mosquée Fatima,
04:12 une mosquée ouverte aux femmes et aux hommes,
04:14 aux femmes d'ailleurs qui portent le voile, comme celles qui ne le portent pas comme vous,
04:18 et même aux non-musulmans.
04:20 C'est quoi finalement le but ? C'est ouvert à tous,
04:22 c'est de faire connaître l'islam au plus grand nombre ?
04:25 Bien sûr, non seulement de faire connaître l'islam au plus grand nombre,
04:28 mais surtout de faire connaître le message universel,
04:32 la vocation universelle de l'islam,
04:34 qui n'est pas du tout dans l'exclusion de l'altérité,
04:37 bien au contraire, qui est là vraiment pour embrasser l'altérité
04:41 et pour créer des liens de fraternité et d'amour entre les humains.
04:47 Alors le fait de ne pas porter le voile et d'être une femme imam,
04:50 est-ce que ça vous a valu des menaces ?
04:53 Oui bien sûr, parce que, enfin des menaces, des insultes,
04:56 mais surtout c'est parce qu'il y a une incompréhension
04:59 et beaucoup de confusion à propos de l'islam aujourd'hui.
05:01 On a l'impression que dès qu'il s'agit de parler de l'islam ou d'être musulmane,
05:05 il faut absolument arborer un voile sur la tête.
05:09 Mais lorsqu'on s'intéresse vraiment aux textes,
05:12 aux textes coraniques notamment,
05:14 et puis aux différentes lectures, interprétations,
05:17 on se rend compte qu'il y a des penseurs contemporains réformistes
05:22 qui disent que le voile n'est absolument pas une obligation
05:25 et le Coran d'ailleurs ne parle absolument pas d'une quelconque obligation
05:29 de se voiler les cheveux ou la tête.
05:31 Dernière question, évidemment on l'a compris,
05:33 vous prenez un islam moderne, progressiste et libéral.
05:35 Beaucoup de personnes questionnent votre légitimité,
05:38 qu'est-ce que vous leur répondez ?
05:40 Ce que je leur réponds, c'est que moi j'ai envie de vivre un islam moderne,
05:44 en harmonie avec mon époque.
05:46 Je n'ai pas envie de choisir entre ma foi et mon époque,
05:50 l'époque dans laquelle je vis.
05:52 Et surtout, j'ai envie de leur dire que je ne suis pas la seule
05:54 et qu'il y a énormément de gens qui adhèrent à cette vision de l'islam
05:58 et je crois que c'est ce qui me donne la plus grande légitimité.
06:01 Merci beaucoup d'avoir été notre invitée, Kahina Ballou.
06:05 Je vous rappelle que vous êtes la première femme imame de France.

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