- il y a 3 ans
Chroniqueur : Jeff Wittenberg
Ce matin, Jeff Wittenberg reçoit Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, dans les 4 vérités.
Ce matin, Jeff Wittenberg reçoit Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, dans les 4 vérités.
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00:00 Bonjour à tous, et en effet on vient de parler de la pêche.
00:04 On va parler avec vous Marc Fesneau de tout ce que l'on peut trouver dans nos assiettes
00:08 puisque vous êtes le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, comme le disait Damien.
00:13 Il y a un an, jour pour jour, le salon de l'agriculture qui va ouvrir ses portes demain
00:17 coïncidait avec le lancement de la guerre en Ukraine, un triste anniversaire.
00:22 Et d'ailleurs ce salon avait été perturbé, Emmanuel Macron avait courté sa visite, remplacé par le Premier ministre.
00:27 Un an après, qu'est-ce qu'on peut dire de l'impact de cette guerre aussi sur le monde agricole, en France et dans le monde ?
00:34 D'abord l'impact sur les consciences sans doute, c'est-à-dire qu'on s'est rendu compte de ce qu'on croyait être des éléments stables,
00:38 c'est-à-dire que sur le continent européen, au fond, nous vivions plutôt dans un espace de paix.
00:43 On a basculé dans quelque chose qui était une forme d'inconnu ou d'impensé ou d'impensable.
00:48 Et spécifiquement dans le monde agricole.
00:49 Et sur le sujet agricole, on a découvert aussi que d'abord la souveraineté n'était pas un acquis
00:56 et qu'il suffisait qu'on bloque des ports pour que le flux de céréales ne puisse pas sortir.
00:59 Et deux, on a découvert à quel point Vladimir Poutine avait construit une stratégie offensive autour de deux axes,
01:06 l'énergie et l'alimentation, et qu'il avait fait de l'alimentation une arme, une arme de pression sur la Russie.
01:12 Notamment de résister aux sanctions, c'est son autonomie alimentaire.
01:14 Alors ça permet à la Russie de résister aux sanctions et ça permet aussi à la Russie d'essayer de limiter les sanctions
01:19 puisqu'il y a un certain nombre de pays qui peuvent dépendre de la Russie pour se nourrir
01:24 et qui donc ne peuvent pas avoir la même attitude qu'un pays qui est souverain vis-à-vis de son alimentation.
01:28 Et donc ça a remis au cœur finalement de l'actualité.
01:32 Il y avait longtemps qu'on l'avait oublié sans doute.
01:34 Nous non, mais il y a un certain nombre de gens qui l'avaient oublié,
01:36 que la souveraineté alimentaire c'était un élément stratégique et c'était un élément géopolitique.
01:40 Et ça a changé aussi des choses pour les agriculteurs français ?
01:43 Ça a changé pour les agriculteurs français.
01:46 Une tension inflationniste sur un certain nombre de choses, des prix qui ont augmenté sur d'autres,
01:50 je pense en particulier aux céréales.
01:51 Donc ça a eu des effets comme pour tous les Français,
01:54 mais pour le secteur agricole, de mouvements sur les marchés,
01:58 des règlements des marchés qui ont été très puissants.
02:01 Le Salon de l'agriculture, il ouvre donc ses portes, France Télévisions est partenaire à partir de demain.
02:07 On voit la fameuse légérie au Valais, 5 ans, Vache de Saleste,
02:14 à laquelle Emmanuel Macron viendra rendre visite, comme c'est la tradition, demain.
02:18 On parle d'une profession aussi qui est en plein renouvellement,
02:21 ou plutôt qui a des difficultés à se renouveler.
02:23 On a calculé, je crois, que 150 000 agriculteurs vont prendre leur retraite d'ici 10 ans.
02:29 Est-ce qu'il y a assez de jeunes générations ?
02:30 Non, c'est tout le défi d'ailleurs du travail que nous menons pour aboutir à un texte de loi
02:34 qui permettra d'essayer de cadrer et de faire en sorte qu'on donne envie à des jeunes.
02:38 Donner envie à des jeunes, c'est quoi ?
02:39 C'est d'essayer de gérer la question de la rémunération,
02:41 c'est ce qu'on a fait au travers des Galimes.
02:43 C'est d'essayer de donner des perspectives,
02:45 on va sans doute en parler en termes de dérèglement climatique,
02:47 c'est-à-dire de dire dans le modèle qui est en train de changer en termes climatiques,
02:50 qu'est-ce qu'on doit changer pour faire en sorte qu'un jeune ne se trouve pas en situation d'impasse,
02:54 technique, pas impasse économique.
02:56 C'est aussi l'image du métier, et c'est aussi l'image que nous portons nous sur le métier.
03:01 Plus nous dirons à quel point cette profession a du sens
03:04 et on en a besoin à la fois pour nous nourrir, fonction première,
03:06 et deux, pour un certain nombre d'enjeux environnementaux, climatiques et autres,
03:10 plus on donnera envie à des jeunes.
03:11 Donc c'est plusieurs sujets qu'il faut essayer de traiter.
03:12 Donner envie à des jeunes, mais le mal-être des agriculteurs, c'est une réalité.
03:16 Chaque année, il y a des centaines de suicides parmi les paysans, les agriculteurs.
03:21 Une surreprésentation par rapport au reste de la population.
03:24 Les pouvoirs publics se sont penchés plusieurs fois sur cette question.
03:27 Il y avait eu notamment un rapport du Sénat.
03:29 Est-ce que vous allez annoncer de nouvelles mesures ?
03:31 Est-ce que vous allez prendre de nouvelles mesures ?
03:32 En fait, on continue à déployer un projet qui était celui de département par département,
03:38 d'avoir une cellule qui traite de ces questions-là.
03:40 Le grand sujet autour du suicide ou du mal-être en agriculture, c'est que la parole se libère.
03:45 Au fond, que les agriculteurs…
03:47 Oui, excusez-moi, parce que c'est trop dur, parce que vous parliez du revenu.
03:50 Parce qu'il y a une forme de pudeur dans le monde agricole qui fait qu'on ne dit rien
03:53 jusqu'au moment où on bascule dans l'impensable, d'une certaine façon, ou dans le pire.
03:58 C'est-à-dire l'acte ultime d'un suicide.
04:01 Et donc, ce qu'il faut, c'est qu'on arrive à ce que tous les maillons de la chaîne soient en vigilance.
04:05 C'est autant la responsabilité des services de l'État, des chambres d'agriculture,
04:09 de la mutualité sociale agricole, des responsables syndicaux.
04:12 Et donc, dans chaque préfecture, on continue à déployer une cellule qui veille et qui dit
04:17 "Cet agriculteur, il a eu un cas de grippe aviaire, il a une difficulté financière,
04:20 comment on l'accompagne pour qu'il puisse exprimer sa difficulté
04:25 avec les mots qu'il a envie de choisir, avec les mots qu'on doit trouver,
04:28 pour éviter qu'après il s'enferme et il bascule dans quelque chose d'autre ?
04:31 Marc Fesneau, vous parliez du dérèglement climatique il y a quelques instants.
04:34 L'actualité du moment, c'est la sécheresse.
04:37 Plus de 30 jours sans pluie en hiver, ça ne s'était jamais vu.
04:41 Quel est l'état des lieux précis au moment où nous nous parlons ?
04:46 Est-ce qu'il y a un déficit de nappes phréatiques qu'on n'en a pas connu à cette période ?
04:51 Quelles sont les choses qui vous remontent au ministère de l'Agriculture ?
04:53 On a un déficit qui est préoccupant.
04:56 Plus de 60% des nappes ou des réserves qui sont en sous-capacité.
05:02 Après, une répartition équivalente quasiment entre celles qui sont à l'étage normal
05:06 et celles qui sont plutôt sous la capacité.
05:08 Vous la qualifieriez de catastrophique ?
05:10 Est-ce qu'elle est réversible ?
05:11 Non, parce qu'elle est inquiétante et donc ça nécessite,
05:14 et c'était le sens de ce qu'a évoqué Christophe Béchut, mon collègue de l'environnement,
05:19 on va travailler sur une anticipation parce qu'on a des données qui sont inquiétantes.
05:23 Donc on a besoin d'anticiper, il y a un certain nombre de départements,
05:26 quatre de tête qui sont en train de prendre des mesures sur qui les arrosages...
05:32 Vous êtes favorable à ce qu'il y ait davantage de restrictions d'eau dans...
05:34 Je ne suis pas favorable, la question c'est de faire en sorte qu'au cas par cas,
05:38 qu'on tienne ces sujets.
05:39 Alors après, les réserves d'eau, l'état inquiétant c'est si nous avions en plus
05:43 un été très sec comme nous avons eu l'an dernier,
05:44 ces réserves d'eau ne pourraient pas être mobilisées.
05:46 On peut aussi avoir un été ou un printemps ou une suite de printemps qui soient plus humides.
05:49 Sauf que le stock qu'on reconstitue normalement l'hiver
05:52 ne s'est pas reconstitué ou imparfaitement reconstitué.
05:54 Et donc c'est ça qui est un objet de préoccupation.
05:56 Et pour l'instant, Météo France n'annonce pas de perte de pluie prolongée.
05:59 Je n'ai pas l'impression que Météo France annonce quelque chose à moyen terme.
06:03 Dans ce contexte, est-ce que vous, Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture,
06:06 vous êtes favorable à ce qu'on voit maintenant sur les écrans ?
06:09 Ces retenues d'eau, ces méga bassines qui suscitent la controverse.
06:12 Les agriculteurs y sont favorables, les écologistes les dénoncent.
06:15 Il y avait eu, on s'en souvient, dans les Deux-Sèvres,
06:17 il y a quelques mois, des affrontements à ce sujet.
06:20 Quelle est, vous, votre position ?
06:21 Ma position, c'est qu'on a besoin d'ouvrages de ce type-là. Pourquoi ?
06:23 Pour faire en sorte que dans la période où il y a de l'eau,
06:28 en surplus, j'allais dire, de l'eau qui tombe,
06:30 on puisse la stocker pour les périodes où il n'y en a plus, où il n'y en a pas.
06:34 Normalement, le cycle normal, là, on est sur un phénomène un peu atypique.
06:37 Normalement, le cycle, c'est quand même plutôt l'eau en hiver et en automne,
06:40 et au début de printemps, et l'été où il en manque.
06:42 On verra si l'année vient contredire ce que je viens de dire.
06:44 Les contestes interdisent que c'est une aberration, ces méga bassines...
06:48 Mais ce n'est pas une aberration, dès lors qu'on réfléchit sur deux pieds, si je peux dire.
06:52 C'est, un, on essaie de constituer des stocks pour les périodes de disette, en termes d'eau,
06:56 et deux, ce que font les agriculteurs, ce qu'on ne dit pas assez.
07:00 Il y a des efforts qui sont faits pour changer les assolements,
07:02 pour faire évoluer les variétés d'un certain nombre de plantes,
07:06 pour faire en sorte qu'on ait un système aussi qui soit plus économe.
07:10 C'est des réserves, parce que c'est une assurance contre la sécheresse et pour produire,
07:15 et puis deuxièmement, le faire en sorte qu'on fasse évoluer les pratiques.
07:17 On dit souvent, il y en a certains qui disent, l'agriculture accapare l'eau.
07:20 Mais enfin, elle accapare l'eau pour un motif simple.
07:23 Elle prend l'eau, pourquoi ? Pour nous nourrir.
07:24 Donc l'eau que prennent les agriculteurs, ce n'est pas de l'eau pour eux, c'est de l'eau pour nous.
07:27 Donc ces réserves, il faut les protéger et les développer ?
07:31 Il faut les développer dès lors qu'on voit bien que ça permet de respecter des équilibres hydrographiques,
07:38 si je peux dire, des équilibres en termes de cycles de l'eau.
07:41 Et il faut aussi, en même temps, se mettre sur la trace et la volonté qu'on a de faire évoluer les pratiques.
07:45 Mais c'est sur les deux pieds qu'on va avancer.
07:47 Il y a des secteurs, si on n'a pas de réservoir d'eau,
07:49 compte tenu de l'arithmie du cycle des pluies, il n'y aura plus d'agriculture.
07:53 Donc c'est comme ça qu'il faut se poser la question.
07:55 Est-ce que l'autre solution, c'est l'utilisation des eaux usées ?
07:57 C'est un débat qui est en train de monter.
07:59 Est-ce que vous souhaitez que la...
08:01 Oui, alors on est, je peux vous annoncer ce matin, on a envoyé au Conseil d'État,
08:05 ou ça part au Conseil d'État, un texte qui vise à la réutilisation des eaux...
08:09 Les eaux usées ?
08:10 Les eaux grises, les eaux usées.
08:12 Pourquoi ? Parce que nous sommes à 1,8% d'utilisation de ces eaux en France.
08:15 Quand en Italie, on est à 15 ou 17%, donc à 10 fois plus.
08:19 Et donc c'est aussi vertueux de se dire, toute goutte d'eau, pour tout le monde,
08:23 citoyens que nous sommes, agriculteurs, elle est précieuse.
08:26 Et donc si on peut la recycler, si on peut la réutiliser dans une forme d'économie circulaire de l'eau,
08:32 on le fait. Et donc on a un décret en Conseil d'État qui sort...
08:34 Donc la législation va changer ?
08:35 La législation va changer pour assouplir et clarifier un certain nombre de choses.
08:38 C'était des freins.
08:39 On n'a pas... Il n'y a aucune raison, aucune raison objective qu'on fasse moins bien
08:43 que les Italiens, que les Espagnols, que les Allemands sur ces sujets-là.
08:45 Et donc cette réutilisation d'eau, c'est aussi une réponse.
08:48 La réserve d'eau, c'est une réponse.
08:49 Les économies qu'on peut constituer dans l'agriculture, c'est une réponse.
08:52 Il y a aussi des ouvrages qui existent, je pense au Cano, et qui sont aujourd'hui envasés,
08:56 et pour lesquels on peut libérer de l'eau et ça permettra aussi de trouver des masses d'eau pour l'irrigation.
09:01 Vous parliez d'autres pays européens.
09:03 Ils n'ont pas aussi la même législation.
09:05 Tout le monde n'a pas la même législation sur les pesticides, notamment...
09:09 Alors la France est conformée aux droits européens sur les néonicotinoïdes en les interdisant à nouveau.
09:13 Ça a suscité de la colère de la part notamment des producteurs de betteraves à sucre,
09:18 qui comptent sur ce pesticide, en fait sur ce produit phytosanitaire.
09:22 Aujourd'hui, il y a plus qu'une colère, il y a un sentiment de ne pas être bien traité sur cette question par les agriculteurs.
09:28 Il y a, je crois, un sentiment d'incompréhension qui se traduit parfois en colère,
09:31 parce qu'avec le sentiment qu'on ne dote pas les agriculteurs des mêmes outils et moyens que leurs collègues,
09:37 qui espagnols, qui allemands, qui belges.
09:39 C'est une réalité ?
09:40 Et sur un certain nombre de sujets, ils ont raison.
09:42 Donc ça veut dire que la législation française est plus stricte ?
09:44 On a eu une tendance, et ce n'est pas que sur l'agriculture, mais malheureusement en France,
09:48 à surtransposer, à se croire plus malin que les autres et à dire,
09:51 on fait sans regarder qu'au fond on est dans le même marché.
09:53 Tout ça marcherait si on est dans le même marché.
09:56 Et donc vous avez plus de souplesse ?
09:56 Non, mais il faut à chaque fois qu'on produit de la norme, qu'on se dise le bon niveau pour la produire,
10:00 parce qu'après tout, le sujet, s'il est environnemental ou s'il est de santé publique,
10:04 c'est aussi important chez nos voisins européens que chez nous.
10:07 Et donc on a besoin de porter ces sujets-là au niveau européen.
10:09 Et deuxièmement, l'interdiction, ça ne produit pas de la solution.
10:12 Donc, tandis qu'on voit que sur des molécules, il y a une tendance générale qui est une tendance à la réduction.
10:17 On aura toujours besoin, en tout cas assez longtemps, d'un certain nombre de molécules.
10:20 Mais partout où on peut trouver des alternatives, il faut les chercher.
10:23 Et donc le sujet, c'est la recherche et l'innovation qui permettra,
10:26 tandis qu'on a des molécules qu'on utilise moins, d'avoir des solutions.
10:29 Parce que l'interdiction sans la solution, à la fin, c'est la perte de souveraineté.
10:32 Allez, une toute dernière question.
10:33 Avant d'être ministre de l'Agriculture, vous étiez chargé des relations avec le Parlement.
10:36 Quel regard, à ce titre, vous portez sur ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale ?
10:40 Un fiasco quand même pour cette loi, pour l'instant, qui n'a pas pu être votée.
10:45 Est-ce que vous pensez qu'à l'Assemblée nationale…
10:46 Ce n'est pas un fiasco pour la loi, c'est un fiasco pour le débat démocratique.
10:50 Et en même temps, c'est quand même ici, dans ce lieu-là qu'on a en image,
10:54 que doit se passer la démocratie.
10:55 Si jamais nous n'arrivions pas à recrédibiliser,
10:57 donc personne n'a intérêt à décrédibiliser le Parlement,
11:00 parce que si ce n'est pas le Parlement, où auront lieu les débats ?
11:03 Et donc, c'est un fiasco de débat démocratique.
11:06 On est dans une phase où il y a un certain nombre de gens qui se font élire.
11:09 Et en même temps, quand ils ont des attitudes comme celles qu'on a vues,
11:12 viennent remettre en cause la démocratie représentative.
11:14 Et donc, c'est leur responsabilité quand on a été élu,
11:16 quand on croit à la démocratie, et en particulier à la démocratie représentative,
11:20 de faire en sorte que les débats se passent dans des conditions de confrontation d'idées,
11:23 mais pas d'empêchement de la confrontation d'idées.
11:25 Ce que vous avez ressenti.
11:26 Merci beaucoup, Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire.
11:30 On vous verra dans les jours qui viennent, au Salon de l'Agriculture.
11:33 Très bonne journée. Merci.
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