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  • 22/02/2023

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00:00 et pour en parler, notre invité Martin Duploncktje est avec nous.
00:03 Merci à vous d'intervenir dans Paris Direct ce matin.
00:07 Vous êtes architecte urbaniste et président de l'association Architecture.
00:12 Dès le début de l'invasion russe, vous avez constitué une équipe d'architectes français,
00:17 mais aussi ukrainiens pour faire un état des lieux des destructions et pour tout reconstruire.
00:22 Vous vous êtes d'ailleurs rendu dans plusieurs villes du pays.
00:26 Beaucoup de ces villes ont été totalement, partiellement détruites.
00:30 On pense à Isioum, Mariupol, Kharkiv ou encore Mykolaïv.
00:34 Aujourd'hui, selon vous, quelle est l'urgence ?
00:38 Bonjour. L'urgence aujourd'hui, elle est énorme pour toute la frange est du pays,
00:44 en effet, qui a été occupée, qui a été balayée par le front.
00:51 Et vous avez encore, par exemple, dans une ville comme Isioum, 40% de la population qui vit.
00:57 Donc, on se rend bien compte qu'en termes d'infrastructures, d'eau, d'énergie, d'électricité,
01:04 l'urgence est absolue.
01:08 Et donc, notre rôle à tous, Européens, c'est de pouvoir aider ce pays à pouvoir rebrancher tous ses réseaux,
01:17 alimenter l'ensemble de ses villes et puis, en effet, par la suite, reconstruire,
01:23 protéger le patrimoine, reconstruire une identité de ces villes
01:27 qui ont été, encore une fois, balayées largement par les dernières semaines.
01:32 Est-ce qu'aujourd'hui, un an après le début de la grande invasion de Russes,
01:37 est-ce que ce travail de réparation, il a déjà commencé ?
01:40 Et est-ce que réellement, il est possible alors que les bombes continuent de tomber par endroits ?
01:46 Alors, ce n'est pas qu'il est possible, c'est qu'il est obligatoire, il est indispensable.
01:50 Encore une fois, vous avez beaucoup de population qui vit dans ces zones de guerre
01:57 ou dans ces anciennes zones de guerre.
01:59 Et donc, il est indispensable de pouvoir anticiper à la fois la reconstruction de long terme
02:07 et permettre la vie à court terme.
02:09 Donc, on est vraiment dans cette espèce de double temporalité qu'il faut qu'on articule.
02:15 Donc, on est dans l'urgence, mais on est aussi dans la vision de long terme.
02:19 Et c'est là toute la difficulté.
02:22 Alors, vous avez pu vous rendre compte de ces défis de la reconstruction.
02:27 Est-ce qu'aujourd'hui, à l'avenir, les bâtiments seront construits différemment ?
02:33 Est-ce qu'il y aura par exemple, par endroits, des abris anti-bombes ?
02:37 Alors, en effet, vous avez à peu près 2 000 écoles qui ont été bombardées.
02:42 Vous avez à peu près 1 200 hôpitaux ou centres de soins qui ont été aussi démolis.
02:49 Donc, on voit bien qu'il y a une stratégie d'à la fois détruire toute trace de patrimoine ukrainien
02:56 sur des objets remarquables, des bâtiments remarquables,
03:00 qui sont vraiment l'âme de ces villes.
03:03 Mais vous avez aussi un souhait de taper sur les équipements publics
03:09 et de faire en sorte que la vie soit impossible.
03:12 Donc, les abris anti-bombes font partie malheureusement du nouveau vocabulaire
03:17 de l'architecture de l'urbanisme en Ukraine.
03:20 Donc, nous, on essaie d'accompagner des villages qui sont souvent les grands oubliés quand même
03:25 de cette aide internationale, les villages, les petites villes,
03:29 pour qu'elles aient justement des espaces où la population peut se recueillir lors des alarmes,
03:39 mais aussi dans les bâtiments.
03:41 Alors, on a nous déployé toute une boîte à outils pour permettre l'adaptation des équipements publics
03:47 à ces normes, je dirais anti-bombe, avec la construction d'abris à l'intérieur même des bâtiments
03:54 et permettre un double usage, qu'un abri anti-bombe ne soit pas simplement un abri anti-bombe,
03:59 mais qu'il soit aussi une salle de cours, qu'il soit aussi un espace de vie potentiellement pour ces équipements.
04:07 Bref, on essaie de développer des stratégies pour justement adapter cette ville ukrainienne à cette nouvelle norme.
04:15 Alors, on le comprend, on ne reconstruit pas pareil, mais est-ce qu'il est quand même possible,
04:19 quand on a tout à reconstruire, de garder quand même l'âme d'une ville ?
04:23 Est-ce que vous y pensez ?
04:25 Oui, tout à fait.
04:26 C'est un de nos premiers chevaux de bataille.
04:29 Ça a été de cartographier les pertes patrimoniales, d'essayer d'archiver le maximum de ces architectures
04:37 très intéressantes et très diverses que l'Ukraine regroupe.
04:43 Et puis, ce travail sur l'âme d'une ville, sur l'identité de ce lieu, on va le mener.
04:51 On va essayer en tout cas de faire pédagogie auprès de l'ensemble des élus locaux,
04:57 mais aussi, ça va être un grand travail avec la population locale
05:00 pour retrouver une architecture ukrainienne du XXIe siècle qui fasse à la fois part à ce que vous disiez,
05:08 c'est-à-dire la mémoire d'un lieu, la mémoire d'une ville, mais aussi regarder vers le futur
05:14 et se demander comment est-ce que la décarbonation, l'indépendance énergétique,
05:19 qui n'est pas un choix idéologique, qui est une obligation géopolitique, j'ai envie de dire,
05:25 que cette indépendance énergétique, elle soit génératrice aussi d'une nouvelle architecture décarbonée
05:32 qui fait appel à des ressources locales, qui fait appel aussi à des nouvelles technologies
05:36 que peut-être la France ou l'Europe va pouvoir mettre à disposition pour créer, recréer des villes
05:42 qui soient responsables et qui fassent résonance avec leur territoire.
05:49 Et donc on est complètement à l'inverse de la reconstruction post-45 qui a été menée par les Soviétiques
05:55 où on a vu du Copié-Collé, de Vladivostok à Murmansk en passant par Odessa et Kharkiv.
06:03 Donc ce n'est plus de la ville standard, c'est de la ville non-standard, de la ville contextuelle
06:07 et justement qui fait place à la mémoire et à l'âme finalement de ces lieux.
06:13 Donc on imagine que l'on va voir émerger peut-être, on l'espère, des villes nouvelles en Ukraine.
06:20 Qu'est-ce qui est le plus difficile aujourd'hui quand on doit tout reconstruire ?
06:25 Est-ce que c'est par exemple de coordonner les différents acteurs sur le terrain ?
06:30 Alors c'est sûr qu'il y a une grosse question qui n'est encore pas totalement résolue,
06:37 c'est la question de la gouvernance et la question des ressources humaines
06:43 que l'on met en face de ces grands projets.
06:45 Et donc là tout reste encore à faire, il y a un ministère de l'Infrastructure
06:49 qui a été créé par le gouvernement central et qui tente de générer cette nouvelle gouvernance.
06:58 Il y a aussi un mouvement de décentralisation qui a déjà été mené
07:03 avant même le début de cette nouvelle phase de la guerre l'année dernière
07:09 où les ramadas, c'est-à-dire les autorités locales ont beaucoup de pouvoir.
07:13 Et donc il faut, je dirais, encore une fois faire acte de pédagogie.
07:18 Peut-être que les États européens peuvent aussi apporter des solutions en termes de gouvernance.
07:22 Je pense que la ville à la française dans cette perspective-là,
07:27 en termes d'aménagement, a aussi beaucoup de choses à apporter à l'Ukraine
07:31 pour que le pays ait des outils pour mettre en marche, encore une fois,
07:37 ce grand mouvement de reconstruction.
07:39 Je le rappelle, en 1918, pour la reconstruction de nos villes,
07:44 on n'a pas attendu la signature de l'armistice, on s'en est préoccupé trois ans avant.
07:50 En 1915, la Belgique et la France ont déjà commencé à faire, je dirais,
07:56 les premiers pas vers des plans de reconstruction.
07:58 Donc tout ça, ça prend du temps.
08:00 Le temps de la ville, c'est le temps long.
08:01 Et c'est vrai qu'il faut mettre des outils en face, il faut aussi consulter,
08:06 il faut réfléchir à tout cela.
08:08 Il y a des grands points d'interrogation qui demeurent sur le retour des personnes
08:14 qui ont été déplacées au sein même de l'Ukraine et puis au sein même de l'Union européenne.
08:19 Combien d'entre eux vont revenir ?
08:22 À quel endroit en Ukraine ?
08:24 Est-ce qu'ils vont revenir à 20 km de la Russie ?
08:27 Si la Russie demeure belliqueuse, rien n'est moins sûr.
08:31 On est encore sur des grandes hypothèses qu'il va falloir qu'on clarifie petit à petit.
08:37 Vous venez de le dire rapidement, il faut du temps, mais il faut aussi de l'argent.
08:41 Il y a eu des promesses de dons, plus de 20 milliards d'euros me semblent-ils promis
08:46 lors de la conférence pour la reconstruction de l'Ukraine.
08:49 Ce n'est pas beaucoup finalement ?
08:51 Non, ce n'est pas beaucoup.
08:53 On estime à peu près simplement sur le parc immobilier,
08:57 on est à peu près à 100 milliards de dollars nécessaires
09:04 pour reconstruire le parc immobilier de logement à ce stade.
09:08 C'est évidemment un chiffre qui va malheureusement évoluer dans le mauvais sens.
09:13 Donc oui, on en est loin, mais on a quand même espoir.
09:17 Le président de la République, le ministre de l'Économie ont été assez clairs
09:22 sur le fait que les bailleurs de fonds, qu'ils soient nationaux ou internationaux,
09:27 allaient suivre.
09:29 Et puis, vous savez, je pense que tout cela est une grande question politique.
09:34 Donc nous, ce qu'on espère, c'est que ces fonds qui ont déjà été annoncés,
09:40 s'ils pouvaient déjà descendre d'un point de vue opérationnel sur le terrain,
09:44 ce serait déjà un vrai premier pas qui donnerait espoir à beaucoup de gens ici.
09:49 Merci beaucoup, Martin Duplantier.
09:51 On l'aura compris, beaucoup de défis se posent pour cette reconstruction de l'Ukraine.
09:56 Je rappelle que vous êtes architecte urbaniste et président de l'association Architecture.
10:00 Merci d'avoir été avec nous sur France 24.
10:03 Merci à vous.

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