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  • il y a 4 mois
Interview de Mr Duchon-Doris, président de la Cour Administrative d'Appel de Marseille.

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Éducation
Transcription
00:00Bonjour M. Jean-Christophe Duchamp Doris,
00:25vous êtes le président de la Cour administrative Appel de Marseille depuis le 1er octobre 2024.
00:30Nous avons le plaisir d'être accueillis dans cette salle de balle de la Cour administrative d'appel,
00:35dans des locaux non loin de la préfecture de région,
00:37dans des locaux qui ont aussi une histoire,
00:39qui sont ceux de la Compagnie Générale d'Électricité de Marseille.
00:41Vous avez participé à la création de cette cour qui a été créée en 1997.
00:45Vous êtes un ancien élève de l'ENA, de l'École nationale d'administration,
00:49et conseiller d'État, vous êtes spécialisé en droit fiscal.
00:52Vous avez exercé les fonctions de président du Tribunal Administratif de Toulon de 2014 à 2017,
00:57puis de Nice de 2017 à 2019, et de Paris enfin de 2019 à 2024.
01:02Vous êtes à noter également en parallèle professeur associé à la faculté de droit d'Aix-Marseille-Université,
01:06où vous enseignez le droit et la procédure fiscale.
01:09Et à noter également une chose peu commune, vous êtes un écrivain reconnu,
01:12puisque vous avez eu la bourse Goncourt de la Nouvelle en 1994.
01:16Nous allons maintenant rentrer dans le cœur de cette interview,
01:19et nous allons traiter le premier thème qui concerne la cour administrative d'appel de Marseille et les tribunaux du ressort.
01:25Monsieur le Président, est-ce que vous pourriez nous présenter votre cour administrative d'appel de Marseille ?
01:29Eh bien, soyez d'abord le bienvenu à cette cour administrative d'appel.
01:32Je suis ravi d'accueillir la SECAM pour dialoguer avec vous.
01:36La cour administrative d'appel de Marseille a été pendant longtemps la première cour de France,
01:42en termes d'entrée, de sortie, de magistrats.
01:45Ce n'est plus le cas depuis la création de la cour administrative d'appel de Toulouse,
01:49puisque nous avons perdu les ressorts des tribunaux administratifs de Nîmes et de Montpellier,
01:53mais ça reste une cour très importante.
01:55Nous jugeons en appel des décisions que rendent les tribunaux administratifs de Nice, de Toulon, de Marseille et de Bastia.
02:03La cour est composée de six chambres, qui sont des chambres spécialisées.
02:07Elle comporte une trentaine de magistrats, à peu près 36 agents de greffe,
02:11et toujours quatre à cinq aides à la décision que nous recrutons sous forme contractuelle.
02:16Monsieur le Président, quels sont les types de dossiers traités par la cour administrative d'appel de Marseille
02:20et quelle part on les expertise dans ces dossiers ?
02:24La cour administrative d'appel de Marseille, en entrée et en sortie,
02:28traite chaque année à peu près entre 3200 et 3500 dossiers.
02:32Comme toutes les cours administratives d'appel et comme toutes les juridictions, nous avons bien sûr un fort contentieux d'étrangers.
02:38La particularité de la cour administrative d'appel de Marseille, c'est que ce pourcentage est l'un des plus bas de France.
02:44On tourne à 37-38% de nos dossiers qui sont des dossiers d'étrangers, alors que certaines cours, par exemple la cour administrative d'appel de Nancy,
02:51a plus de 69% de dossiers d'étrangers.
02:55Ce qui caractérise la cour de Marseille, c'est l'importance du contentieux de l'urbanisme et de l'environnement, presque 14%,
03:02ce qui est très largement au-dessus de la moyenne nationale.
03:05Nous avons aussi un fort contentieux de la fonction publique, autour de 12%,
03:09et nous avons un contentieux fiscal, qui est aussi important, de l'ordre de 10%.
03:14Pour le reste, ce sont des marchés publics, la santé, les décisions des collectivités territoriales.
03:21S'agissant des expertises, nous avons bien sûr beaucoup moins d'expertises en appel qu'en première instance,
03:26puisque nous ne décidons d'une expertise que dans l'hypothèse où le tribunal administratif n'en a pas déjà décidé une.
03:33Alors comme pour toutes les juridictions, certaines expertises sont décidées en référé,
03:37et d'autres par des arrêts avant-dire droit.
03:40En référé, le plus souvent, nous apprécions si oui ou non le tribunal administratif a eu raison ou tort
03:47de ne pas décider d'un référé expertise.
03:50En décision avant-dire droit, nous sommes saisis au fond,
03:53et la question c'est de savoir si nous avons besoin d'un complément d'instruction,
03:57d'une expertise, pour déterminer les responsabilités,
04:00ou le plus souvent pour déterminer l'étendue des préjudices.
04:03S'agissant de la répartition, nous avons à peu près entre 20 et 25 expertises chaque année,
04:10un tiers en référé, deux tiers en décision avant-dire droit,
04:16et sur cette répartition, nous avons à peu près deux tiers d'expertises qui concernent la santé publique,
04:23et un tiers qui concerne la construction, les travaux publics.
04:26Pour une raison assez simple, c'est que très souvent, notamment en responsabilité hospitalière,
04:32les préjudices évoluent en appel, et donc nécessitent de nouveau une expertise ou une contre-expertise.
04:37Et en stock, nous avons à peu près une trentaine d'expertises en cours,
04:40sachant que la durée moyenne d'une expertise, c'est quatre mois.
04:44Mais ce délai de quatre mois est un délai moyen,
04:46puisque bien sûr certaines expertises peuvent durer beaucoup plus longtemps,
04:49en fonction des enjeux qu'elles ont à traiter.
04:51Monsieur le Président, le deuxième thème traite du rôle de la Cour dans l'inscription initiale,
04:57puis dans la réinscription des experts au tableau de la Cour.
04:59Est-ce que vous pouvez nous expliquer le rôle de la Cour dans cet établissement, ce tableau ?
05:04Les articles R221-9 et suivants du Code de justice administrative attribuent aux Cours administratifs d'appel
05:10le soin d'établir la liste des experts qui vont ensuite officier,
05:14à la fois au niveau de la Cour, mais aussi des tribunaux administratifs du ressort.
05:18Donc la Cour administrative d'appel de Marseille, comme toutes les autres Cours,
05:20établit chaque année sous la responsabilité de son président le tableau des experts.
05:26La procédure est complexe, en tout cas elle est relativement longue.
05:31La campagne s'ouvre au 1er juin de l'année N-1.
05:35Les candidats doivent déposer leur dossier avant le 15 septembre.
05:39Une commission se réunit à l'automne pour examiner ses candidatures
05:42et le tableau est arrêté au début de l'année N, donc de l'année suivante.
05:47Donc M. le Président, sur cette commission du mois de novembre,
05:49est-ce que vous pouvez nous donner des détails sur comment est-ce qu'elle fonctionne et qui est dans cette commission ?
05:53Les candidatures, comme je vous l'ai dit, sont déposées entre le 1er juin et le 15 septembre.
05:57Elles vont être traitées par le service des expertises de la Cour, qui va les vérifier, qui va les préparer,
06:02et qui va donc les présenter à cette commission.
06:05Alors, les candidatures qui remplissent toutes les conditions sont d'abord examinées par un professionnel, un expert,
06:12qui va donner son avis sur la qualité de ces candidatures.
06:15Et ensuite, donc, cette commission se réunit.
06:17Cette commission, elle regroupe bien sûr le président de la Cour, les présidents des tribunaux administratifs,
06:22et deux professionnels experts, un dans le domaine de la santé et un hors de ce domaine.
06:26Et chacun, donc, va pouvoir examiner les candidatures et vérifier que les conditions qui sont nécessaires sont remplies.
06:32Et ensuite, donc, c'est le président de la Cour administrative d'appel qui, au vu de l'avis de cette commission,
06:36rendra sa décision et décidera d'inscrire ou pas l'expert sur la liste.
06:40Jeune président, vous évoquiez ces critères. Est-ce que vous pouvez nous les détailler ? Quels sont les critères principaux retenus ?
06:45Alors d'abord, il faut citer l'article R221-9 du Code de justice administrative,
06:50qui précise que la liste des experts est arrêtée par le président en fonction des besoins des juridictions.
06:54Donc c'est un premier critère. Mais sinon, il y a bien sûr des critères qui sont nécessaires pour que l'expert puisse être inscrit.
07:00Il faut d'abord qu'il y ait, bien sûr, une qualification professionnelle. Il faut qu'il ait une expérience professionnelle assez importante.
07:06On pourra en reparler. Il faut qu'il n'ait pas été condamné pénalement. Il faut qu'il réside personnellement ou professionnellement dans le ressort de la Cour.
07:15Et enfin, il faut qu'il ait une expérience, une formation à l'expertise, et en particulier à l'expertise devant les juridictions administratives.
07:22Monsieur le Président, nous allons maintenant aborder le troisième thème de cet entretien, qui concerne les experts, la qualité des expertises et des rapports.
07:30Une fois inscrit, l'expert a-t-il une évaluation régulière ?
07:34Bien sûr, il y a une évaluation constante des experts. D'abord, ce qu'il faut rappeler, c'est que la première inscription est probatoire.
07:42Donc elle dure trois ans. Donc c'est au bout de ces trois ans qu'on va apprécier si véritablement l'expert mérite de rester sur le tableau.
07:48Ensuite, il y a une inscription pour cinq ans. Mais chaque année, il y a un rapport d'activité que doit rendre l'expert qui permet d'apprécier son travail et qui sera joint à son dossier de renouvellement.
07:58Et au moment de ce renouvellement, on interroge les présidents des tribunaux administratifs qui ont confié des expertises à cet expert pour voir s'ils ont donné satisfaction sur un certain nombre de critères.
08:10La qualité, bien sûr, du rapport d'expertise, la pertinence des réponses posées aux questions de la juridiction, la durée, le temps qu'il a fallu nécessaire à l'expert pour rendre son rapport, et puis la qualité d'une façon générale des rapports entre l'expert et la juridiction.
08:25Toujours dans ce thème maintenant, quelles sont selon vous les qualités essentielles que doit présenter un bon expert pour travailler auprès des juridictions administratives, que ce soit en première instance ou en appel ?
08:34Eh bien, à vrai dire, l'expert doit être un super-héros parce qu'on lui demande de cumuler un certain nombre de qualités, bien sûr les qualités de professionnel.
08:41Il va être, comme on l'a dit, apprécié au niveau de son dossier de candidature par un professionnel qui connaît bien les matières sur lesquelles il veut s'inscrire, donc les qualités de sérieux et de compétence et de formation.
08:52On lui demande aussi des qualités essentielles en tant qu'expert, de maîtrise des techniques d'expertise.
08:58Et par rapport à cela, on va juger de sa diligence, de sa capacité à écouter les parties.
09:04On va lui demander aussi d'apprécier, ce qui est un point important, le coût de l'expertise par rapport aux enjeux financiers du dossier.
09:12Et par ailleurs, on lui demande des qualités personnelles, des qualités humaines importantes.
09:16Le rôle de l'expert est de plus en plus celui d'un médiateur, d'un conciliateur.
09:20Donc on lui demande d'être à l'écoute des parties, de pouvoir rapprocher les points de vue, de ne pas rajouter de l'huile sur le feu.
09:26Mais au contraire, de faire en sorte que le conflit qui est à l'origine de la saisine du juge puisse s'atténuer, voire disparaître.
09:32Monsieur le Président, donc maintenant le dernier thème de notre interview concerne la collaboration entre la Cour et les compagnies d'experts.
09:39Quel regard portez-vous sur l'action des compagnies dans la formation continue des experts ?
09:44Alors notre collaboration avec les compagnies d'experts et en particulier la SECAM est une collaboration constante à plein de niveaux.
09:50Comme je l'ai dit, la compagnie intervient lors du recrutement.
09:53Elle participe activement à la commission et aux avis donnés sur la qualification et l'expérience professionnelle des experts.
10:00Mais le rôle essentiel, c'est effectivement celui de la formation.
10:03Alors nous avons des comités de pilotage avec la compagnie qui permet de mettre en place des plans de formation, etc.
10:10Nous participons activement avec la compagnie aux formations qu'elle offre et ces formations sont essentielles à la fois pour préparer la candidature des experts,
10:19mais aussi en termes de formation professionnelle continue en permettant aux experts de toujours se mettre à jour par rapport aux nouvelles techniques,
10:28par rapport aux nouvelles exigences de la jurisprudence. Donc c'est un point important.
10:32Et puis, par ailleurs, si on continue sur la collaboration entre la Cour et les compagnies, nous participons à un certain nombre d'événements.
10:38Il peut y avoir des colloques. On en a fait récemment un sur l'intelligence artificielle que j'ai personnellement beaucoup apprécié.
10:45Et puis, bien sûr, la compagnie participe aussi à la cérémonie d'accueil des experts, à la prestation de serment.
10:52Pour toutes ces raisons, les compagnies, en particulier la SECAM, sont des acteurs essentiels de la qualité de l'expertise devant les juridictions administratives.
11:01Monsieur le Président, pour terminer cette interview, une dernière question.
11:04Si vous aviez à donner un conseil à un expert qui souhaite être transcrit au tableau, un expert postulant, qu'est-ce serait ce conseil ?
11:10Je crois que ce qui est essentiel, c'est que l'expert ne prenne pas à la légère cette candidature devant la Cour administrative d'appel.
11:17L'expert va être un collaborateur du service public de la justice avec toutes les exigences que cela implique.
11:22Ce qui veut dire qu'il faut que son dossier soit très sérieux d'un point de vue de qualification professionnelle, d'expérience professionnelle.
11:30Je rappelle que l'expert doit avoir une expérience professionnelle de 10 ans pour pouvoir candidater
11:35et ne pas avoir cessé son activité depuis plus de deux ans, sachant par ailleurs que désormais cette activité professionnelle
11:43ne peut pas être constituée exclusivement d'expertise.
11:46Donc voilà le sérieux par rapport à cela et puis le souci constant quand même de se former.
11:51Je crois que vraiment l'exigence de formation est essentielle.
11:54Il faut que nous ayons la certitude que l'expert est compétent à la fois dans son rôle de professionnel, mais aussi dans son rôle d'expert.
12:01Monsieur le Président, je vous remercie. Je vous remercie pour cet entretien.
12:04Pour le temps que vous avez consacré à la compagnie et aux experts.
12:07Plus particulièrement pour les précieux conseils que vous avez prodigués aux nouveaux experts
12:11qui souhaiteraient rejoindre le tableau de la cour administratrice appel de Marseille.
12:14Nous vous remercions également pour cet accueil et pour votre collaboration avec la compagnie.
12:18Comme vous l'avez mentionné, nous avons un soutien indéfectible des magistrats du ressort de la cour
12:23à nos formations ou aux colloques que nous organisons.
12:25Merci pour votre disponibilité, pour votre regard exigeant et bienveillant
12:30et pour le lien constructif que vous entretenez avec la CECAR.
12:33C'est moi qui vous remercie.
12:35Ce fut un vrai plaisir d'échanger avec la CECAM sur tous ces sujets qui sont bien sûr très importants.
12:39Sous-titrage Société Radio-Canada
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