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00:00Thomas Borez, vous êtes le chroniqueur culture de France 24, vous êtes en ligne avec nous.
00:05En quoi est-ce que Brigitte Bardot était si spéciale pour le cinéma ?
00:11Écoutez, on a bien entendu même dans ce reportage, et c'est ce qui corrobore,
00:14et c'est ce qui va avec toute l'image qu'on avait d'elle, et qui sont devenues presque des clichés.
00:19L'icône se transformant avec les clichés, on a entendu les mots sex-symboles, mythe, belle.
00:24Alors elle était tout ça effectivement Brigitte Bardot,
00:27mais on voit bien à quel point le statut de la femme héritée de l'âge d'or du cinéma hollywoodien
00:32était compliqué à cette époque, c'est-à-dire c'était « sois belle et tais-toi » comme dirait l'expression,
00:38et c'est vraiment pour la silhouette d'abord qu'on jugait l'importance des actrices,
00:45et ça dit assez bien le sexisme qui avait cours à l'époque.
00:50Ce qui est intéressant avec Brigitte Bardot, c'est comment elle va se servir,
00:53si vous voulez, de cette enveloppe et de cette image, pour créer des tensions au sein même de sa carrière,
01:00pour revendiquer une certaine indépendance.
01:02Et donc, plutôt que de refuser le côté sex-symbol, elle va le jouer à plein,
01:06mais d'une manière très fine et très intelligente,
01:09elle va réussir à imposer une image indépendante.
01:13Ce qu'il faut savoir, c'est qu'elle commence sa carrière au début des années 50, sa carrière de cinéma,
01:19et c'est le début d'un changement dans le cinéma mondial.
01:22Et ça va se passer en France avec ce qu'on a appelé la nouvelle vague à la fin de cette décennie-là,
01:26où d'un coup, on change complètement le statut des acteurs pour jouer dans un jeu plus naturel.
01:32Et ce qui est intéressant, c'est qu'elle est à cheval sur ces deux mondes, Brigitte Bardot.
01:35C'est à la fois, elle est l'héritière d'un certain classicisme,
01:38et déjà, elle porte en main de la modernité.
01:41Et cette modernité, c'est un jeu extrêmement libre, et on va dire extrêmement naturel.
01:45Ce qui importe à cette époque-là, c'est le réalisme, c'est d'être dans la vraie vie,
01:50et elle respire, son jeu respire de tout ça, à Brigitte Bardot.
01:53Alors, Thomas, Brigitte Bardot a tourné dans une petite cinquantaine de films.
01:58Quel est celui qu'il faut retenir, s'il n'y en avait qu'un seul à retenir dans sa filmographie ?
02:02Écoutez, il se situe vraiment, on va dire, à équidistance de toute sa carrière, en plein milieu.
02:08C'est le mépris de Jean-Luc Godard.
02:10Alors, outre que le film est absolument magnifique, c'est un film presque de commande.
02:16Jean-Luc Godard chante de la nouvelle vague dont je viens à peine de parler,
02:20et il filme l'histoire d'une rupture amoureuse, une adaptation d'un roman d'Alberto Moravia.
02:24Il filme, d'une certaine manière, le délitement d'un couple et le délitement d'une tragédie.
02:29Et au cœur de ce processus, il y a ce couple.
02:32Camille, c'est Brigitte Bardot qui l'incarne, et l'homme qui est joué par Michel Piccoli.
02:37Et on voit comment Jean-Luc Godard filme presque une statue grecque,
02:42mais vraiment réellement, puisqu'elle est censée incarner presque une statue grecque,
02:46et comment cette femme va imposer à l'homme cette rupture.
02:51C'est juste, le mot est juste, c'est du mépris.
02:53C'est juste que, c'est pas qu'elle ne l'aime plus, c'est que d'un coup elle a du mépris pour cet homme.
02:57Et l'indépendance dont je parlais, elle se situe justement à ce moment-là.
03:01Et là, il y a presque une beauté confondante entre la beauté, la puissance, le jeu de Brigitte Bardot et le style de Jean-Luc Godard.
03:10Et je pense que là, toute la modernité de Brigitte Bardot en son jeu s'incarne ici, encore une fois.
03:15Oui, on se souviendra de ce monologue où elle énumérait les parties de son corps nu à l'ouverture de ce film,
03:23le mépris de Jean-Luc Godard.
03:25Reste que Brigitte Bardot a, Thomas, une réputation sulfureuse,
03:30avec des prises de position qui ont fait beaucoup de polémiques.
03:33Absolument.
03:34C'est sûr que, malheureusement, ce qui devrait rester, c'est aussi en partie ça.
03:38Alors, j'ai l'impression quand même que la carrière d'actrice va prendre le pas sur le reste.
03:42Effectivement, c'est prise de position extrêmement malheureuse.
03:45J'ai l'impression que tout partait d'abord de cette envie farouche de défendre la cause animale.
03:51Il faut savoir que, par exemple, ces premières prises de position racistes envers les musulmans
03:58tenaient justement au rituel du sacrifice des animaux dans cette culture-là
04:03et que ce racisme va commencer à partir de là.
04:07Où d'un coup, elle va un petit peu tout confondre et est tellement passionnée par ses causes
04:11qu'elle va en perdre, j'ai presque envie de dire, la raison.
04:15Et c'est vrai qu'on peut retenir d'elle, qu'on se moquait d'elle parce qu'elle était pour la protection des bébés phoques.
04:19C'est elle qui, sous Giscard Destin, va imposer au président de la République alors la fin de ce trafic
04:25et ça va avoir un rayonnement mondial.
04:27On se moquait d'elle à l'époque.
04:28Elle était en train de poser avec des bébés phoques dans Paris Match, je crois.
04:31Bref, il y a quelque chose de très ambivalent.
04:33Le fait qu'elle ait arrêté sa carrière en 73, on peut voir ça comme un gage d'indépendance.
04:39Elle ne voulait plus se soumettre peut-être au patriarcat du cinéma à ce moment-là
04:43et en même temps, presque une espèce de suicide artistique.
04:46Ce qu'il faut savoir, je dirais presque pour conclure,
04:48vous parleriez très justement de ce monologue du mépris au tout début.
04:51Il faut savoir que cette scène, à la base, elle n'était pas tournée.
04:55Et c'est des producteurs qui ont imposé à Godard en disant
04:57« Vous avez la plus belle femme du monde et à aucun moment on la voit nue. »
05:00C'est pour vous dire.
05:01Donc Godard a rajouté cette scène juste pour montrer Brigitte Bardenu.
05:05Encore une fois, c'était pour conclure sur l'idée que l'image qu'on se faisait de la femme
05:09dans le cinéma français à l'époque, comme une femme objet.
05:11Et ce qui était bien, c'est que Godard était tout sauf un objet.
05:15Merci Thomas.
05:16Thomas Borez, le spécialiste cinéma de France 24.
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