00:007h10 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le président de la coordination rurale.
00:05Oui, les célèbres bonnets jaunes, devenus lors des récentes élections dans les chambres d'agriculture.
00:10Le premier syndicat agricole français avec près de 30% des suffrages.
00:13Bonjour Bertrand Vanto.
00:15Bonjour.
00:16Bienvenue sur Europe 1, vous avez donc très récemment pris la présidence de la coordination rurale, il y a moins d'un mois.
00:21C'est une semaine de mobilisation intense qui s'ouvre pour vous avec des appels à la mobilisation dans de nombreuses villes.
00:27Le déclencheur, c'est cette campagne d'abattage total des troupeaux de bovins en cas de dermatose nodulaire.
00:33Alors justement, vous êtes vous éleveur de vaches limousines, vous êtes à Saint-Thierry-et-la-Perche, c'est au sud de Limoges.
00:39Vous êtes contre cette politique de dépeuplement, comme on dit, d'abattage systématique quand un cas de dermatose a été identifié.
00:46La Confédération Paysanne est sur la même ligne que vous.
00:50Pourquoi vous vous opposez à ce protocole sanitaire qui a été pourtant validé par trois fois depuis les premiers cas apparus au début de l'été, Bertrand Vanto ?
00:59Tout simplement parce qu'aujourd'hui, ce protocole pourrait être fait totalement différemment.
01:05Dans les autres pays d'Europe, ce n'est pas du tout ce qui se passe, du moins dans cette ampleur,
01:09et qu'on emmène et qu'on euthanasie des animaux qui sont sains et qui pourraient se sortir de la maladie.
01:15Donc c'est un drame pour les éleveurs, c'est une perte financière pour la filière et c'est une perte pour la balance commerciale.
01:22Ce qui est mis en place en France est basé uniquement sur le principe de précaution, sans un recul,
01:27par rapport à l'effet que ça a sur les éleveurs, que ça a sur la filière et que ça a sur la balance commerciale.
01:33Depuis le début, la ministre est très mal conseillée.
01:37La FNSEA, sujet auquel elle ne comprend rien, appuie la ministre, avec bien sûr la spirale qui est autour d'elle.
01:42Et les conseillers, la ministre, qui sont des vétérinaires qui n'ont jamais pratiqué la rurale,
01:49c'est-à-dire vraiment avoir fait des actes praticiens et qui ne sont jamais allés faire le tour du monde pour voir les maladies,
01:53la conseillent très mal.
01:54Et surtout, le problème qu'il y a, c'est que la ministre ne veut pas faire marche arrière, ne veut pas évoluer.
02:00On a très concrètement, les éleveurs ont la trouille que la maladie arrive chez eux,
02:04d'être obligés de faire abattre leurs animaux, alors même qu'ils ont pu être, comme dans le doux, vaccinés, si vous voulez.
02:09C'est un drame ce qui est en train de se passer.
02:11Oui. Alors, je ne suis pas vétérinaire, je ne suis pas spécialiste de ces maladies-là.
02:15Ceci dit, Bertrand Vanteau, le fameux Parlement sanitaire qui a arrêté ce protocole au début de l'État,
02:22réunissait notamment les syndicats agricoles.
02:24La coordination rurale que vous présidez avait validé ce protocole.
02:30Et en l'occurrence, la maladie, on sait que les vaches qui y survivent,
02:34malheureusement, elles ne sont pas en très très bon état derrière.
02:37Enfin, on a l'impression quand même que vous avez un peu changé, retourné votre manteau dans cette histoire-là,
02:42retourné votre veste dans cette histoire, Bertrand Vanteau.
02:44Vous avez changé de point de vue, vous souteniez ce protocole, coordination rurale,
02:48et ça n'est plus le cas. Qu'est-ce qui s'est passé ?
02:50Alors, qu'est-ce qui s'est passé, pour être très clair ?
02:52On avait, pour les chambres d'agriculture, qui étaient coordination rurale,
02:55étaient les premiers à demander la vaccination.
02:57Qu'est-ce qui s'est passé honnêtement ?
02:58Notre représentante a été mal informée, parce qu'à l'époque, le service en interne n'a pas fonctionné sur le positionnement.
03:05Les chambres avaient un avis, depuis le début, qui était sur la vaccination.
03:09La croix de transmission ne marchait pas avec le syndicat.
03:11Bon, depuis que les élections sont passées en interne et que les choses sont plus claires,
03:15ça a permis de se positionner comme il faut.
03:16Je pense que notre représentante, à l'époque, a été influencée en erreur par les conseils qu'il y avait.
03:20Le retour en interne n'était pas là.
03:22Mais en tout cas, les chambres d'agriculture ont été très claires,
03:23et on a rectifié très vite le positionnement derrière.
03:26C'est une erreur qui s'est passée, qui a eu lieu.
03:28Mais en tout cas, le positionnement, je vous le répète, des chambres d'agriculture CR,
03:32qui étaient à l'époque un peu loin de la structure nationale,
03:34a toujours été pour la vaccination.
03:36Aujourd'hui, le développement de la vaccination sur chaque telle souche.
03:39Bon, voilà, ça a été une erreur.
03:40Elle est là.
03:41On peut être sous pression des fois quand on est au milieu de 20 personnes qui sont contre vous.
03:44C'est ce qui s'est passé.
03:46Le tir est rectifié.
03:47Les demandes sont claires.
03:48Et aujourd'hui, on assume totalement ce qui s'est passé.
03:51Malgré tout, on va avancer.
03:52On va avancer pour essayer de sauver un maximum d'éleveurs, un maximum de vaches à venir.
03:58La peur qu'on a, mais très concrètement, c'est que la maladie se répande plus vite que la vaccination
04:02et qu'on soit en train de courir à cette maladie à fin d'hiver, début printemps,
04:07peut-être même pendant l'hiver, et qu'on n'ait pas pu l'enrayer
04:09parce que c'est le positionnement de la ministre qui n'a pas changé et qui n'a pas su être anticipé.
04:14C'est ce que je lui disais l'autre jour.
04:15Je lui disais déployer massivement la vaccination
04:17parce que ça nous permettra de sortir très rapidement de cette crise.
04:22Sinon, on va avoir un sacré bazar au printemps et les éleveurs vont devenir fous.
04:27C'est ça la réalité.
04:29Je crois que c'est un million et demi de vaches qui vont être vaccinées dans les prochaines semaines.
04:33C'est long, une campagne de vaccination.
04:35Je lisais que c'est 7 à 12 mois s'il fallait vacciner l'ensemble du cheptel français,
04:3915 à 16 millions de bêtes.
04:41C'est quand même extrêmement long.
04:42Le temps joue contre tout le monde dans cette histoire-là, Bertrand.
04:45Non, alors, là, une fois de plus, qu'est-ce qu'il a peut-être demandé à la ministre ?
04:49On est en période de prophylaxie, c'est-à-dire que c'est la période, l'hiver,
04:52d'octobre à avril, où on détecte, on recherche les maladies hautes que la DNC,
04:58je ne vais pas entrer dans le détail,
04:59et où les vétérinaires viennent nous faire des prises de sang sur nos animaux, sur nos vaches.
05:04Donc, en fait, ce n'est pas un problème de déployer ça pendant la prophylaxie.
05:07C'est même la solution, c'est ce qu'on a demandé à la ministre,
05:09pour lui dire, écoutez, ça ne va pas être compliqué.
05:11On attrape les animaux, donc, quitte à l'attraper une fois pour le roi des schizons,
05:15autant faire la vaccination à ce moment-là, et ça peut aller très vite.
05:18Après, je pense qu'il y a un réel problème de dose vaccinale.
05:21Je pense que c'est un des plus gros sujets, en fait,
05:23parce que les vaccins viennent apparemment d'Afrique du Sud,
05:25mais on est en capacité d'avoir des laboratoires en France qui sont capables de faire ça.
05:29Donc, c'est juste à la ministre de ses services d'ordonner la fabrication des vaccins et de déployer ça.
05:33Ce n'est pas dans un mois qu'il faudra qu'elle le fasse, Annie Gennevard.
05:36C'est maintenant et c'est sur ça où elle bloque.
05:38Et là, c'est vraiment problématique.
05:40Il faut vraiment qu'elle se réveille et qu'elle mette ses services à faire le travail.
05:42Alors, on sait qu'il y a d'autres sujets aussi, Bertrand Venteau,
05:44qui pèsent lourd dans la balance.
05:46La baisse annoncée du budget de la PAC européenne.
05:48Et puis, il y a l'accord commercial UE-Mercosur,
05:51qui devrait être acté dans la semaine.
05:52Vous avez vu que le gouvernement français, hier, a demandé en catastrophe
05:55le report des échéances des prochains jours.
05:58J'imagine que c'est plutôt ce que vous souhaitez, vous, à la coordination rurale.
06:04Bien évidemment qu'on dénonce les traités de libre-échange.
06:06Mais si vous voulez, si c'est juste repoussé pour qu'il soit quand même validé au final,
06:10c'est une manœuvre pour essayer de calmer la colère agricole.
06:12Ça ne marchera pas.
06:13Les paysans de la base ont très bien compris que l'accord du Mercosur allait être signé
06:16parce que la France ne pèse plus dans les négociations avec ses partenaires européens.
06:20On nous dit que ça va repousser, qu'il y aura des clauses miroirs et tout.
06:23Le gros de l'accord passera, il sera acté.
06:26Et c'est un traité parmi d'autres.
06:27On a eu le CETA également.
06:29Aujourd'hui, la vraie solution, c'est que quand vous regardez les grandes puissances,
06:35l'OMC, quand ils vont discuter, ils disent
06:37« Ce secteur-là, on n'y touche pas, sinon je vous taxe. »
06:39Donc ce qu'il faut que la France et l'Europe fassent,
06:41c'est qu'on ait vraiment des représentants qui aillent, entre guillemets,
06:44ferrailler avec les grandes puissances et qui disent, par exemple,
06:47« La partie bovin-viande, ce n'est pas négociable, on n'y touche pas,
06:49il n'y a plus d'accord. »
06:50Et c'est sacré chez nous.
06:52Bertrand Venteau, je profite de vous avoir au téléphone aussi
06:54parce que lors de votre discours inaugural de président,
06:58il y a quelques semaines, vous avez dit
06:59« Les écolos, la décroissance veulent nous crever,
07:03nous agriculteurs, nous devons leur faire la peau. »
07:05Est-ce que vous pouvez vous expliquer pour ces mots
07:07qui vous valent aujourd'hui d'être attaqués en justice ?
07:09Ce sont des mots quand même extrêmement forts et violents,
07:11qui ont été mal reçus.
07:12Oui, oui, je vais vous dire, on a du franco-français,
07:16des règles franco-françaises qui sont la déclinaison du principe de précaution,
07:20de la décroissance, et la DLCR fait partie d'ailleurs.
07:22Sa gestion, c'est basé sur le principe de précaution.
07:25Donc en fait, l'écologie punitive a infusé toutes les strates de décision étatiques,
07:29des collectivités territoriales, et des agences et des offices d'État.
07:34Et j'assume pleinement ce que j'ai dit,
07:36c'est-à-dire qu'aujourd'hui, si la production agricole française a chuté
07:40beaucoup plus que celle qui est au niveau européen, dans d'autres pays européens,
07:44bien évidemment, c'est la faute de l'écologie punitive
07:46et de ces représentants qui ont infusé partout
07:49et qui nous entravent au quotidien, nous les producteurs,
07:53c'est-à-dire qu'on soit en production animale ou en production végétale,
07:56parce qu'on nous a entravés, parce qu'on nous a retirés des matières actives,
07:59soit-elles phytosanitaires ou vétérinaires,
08:01parce qu'on nous a empêchés et compliqués la vie pour avoir accès à l'eau,
08:04parce qu'on a eu, chaque fois qu'on a voulu faire une réserve d'eau,
08:07monter un bâtiment, on a eu des associations qui sont arrivées derrière,
08:10ou des choses qui nous ont bloquées en interne,
08:12par les services de l'État, à demander plus de réglementation,
08:16à faire plus de demandes,
08:17et quand vous avez un projet, vous mettez,
08:19au lieu de, comme en Espagne ou ailleurs,
08:21mettre un an ou deux maximum.
08:23Ici, ça prend 5 à 10 ans si on a des recours
08:25et qu'on est attaqués en justique, et ça coûte de l'argent.
08:27Et les paysans, ils n'ont pas l'argent nécessaire
08:29pour tenir sur des procédures pendant 10 ans.
08:31C'est ça, la réalité.
08:32Merci Bertrand Vanto, le président de la coordination rurale,
08:35d'avoir été ce matin en direct avec nous sur Europe 1.
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