- il y a 2 jours
De leur rencontre dans les salons parisiens, fin 1795, à leur divorce marqué du sceau de l'infertilité, quatorze ans plus tard, la trajectoire parallèle de Napoléon Bonaparte et Joséphine de Beauharnais les conduisit au faîte de la puissance européenne, sans éviter au couple impérial des tourments de la passion.
Elevée en Martinique, divorcée, mère de deux enfants de ce premier mariage, Joséphine fut la grande histoire amoureuse de la vie du futur empereur, qui entretint une correspondance avec elle jusqu'en 1814, année de sa mort. Comme un ultime symbole, la dernière étape avant l'exil de l'empereur déchu, un an plus tard, le mena jusqu'au château de Malmaison, dont il avait fait cadeau à Joséphine.
Avec Pierre Branda, l'un des meilleurs spécialistes du 1er Empire, auteur de "Napoléon et Joséphine, l'intime et le grandiose" (Perrin, 2025) Passé/Présent explore la vie tendre et orageuse de l'illustre couple impérial une vie marquée par l'amour, la gloire, l'amertume et les déchirements.
Elevée en Martinique, divorcée, mère de deux enfants de ce premier mariage, Joséphine fut la grande histoire amoureuse de la vie du futur empereur, qui entretint une correspondance avec elle jusqu'en 1814, année de sa mort. Comme un ultime symbole, la dernière étape avant l'exil de l'empereur déchu, un an plus tard, le mena jusqu'au château de Malmaison, dont il avait fait cadeau à Joséphine.
Avec Pierre Branda, l'un des meilleurs spécialistes du 1er Empire, auteur de "Napoléon et Joséphine, l'intime et le grandiose" (Perrin, 2025) Passé/Présent explore la vie tendre et orageuse de l'illustre couple impérial une vie marquée par l'amour, la gloire, l'amertume et les déchirements.
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01:24Sous-titrage Société Radio-Canada
01:54Dans l'histoire, certains couples ont dépassé la sphère privée
01:56pour devenir des acteurs politiques à part entière.
01:59On pense à César et Cléopâtre,
02:01dont l'alliance a pesé sur l'équilibre du monde romain,
02:03à Louis XIV et Madame de Maintenon,
02:05dont la relation a influencé la vie de cour
02:08et les orientations religieuses du royaume,
02:10ou encore à Victoria et le prince Albert,
02:12partenaires étroitement unis,
02:14dans la consolidation d'une monarchie britannique modernisée.
02:17À chaque époque, ces couples ont meulé sentiments, stratégie et pouvoir.
02:21Mais aucun n'a peut-être autant associé l'intime et le politique
02:24que celui que nous abordons aujourd'hui,
02:26un couple né dans les incertitudes de la Révolution française,
02:30formé de deux êtres que rien ne prédestinait l'un à l'autre.
02:33Une veuve créole, mère de deux enfants,
02:35rescapée de la terreur,
02:36et un jeune général ambitieux,
02:38encore inconnu, mais déjà habité par le sentiment de sa destinée.
02:41Entre eux, il y eut à la fois l'attachement,
02:43la dépendance affective, la rivalité,
02:46le soutien mutuel, l'ascension sociale,
02:47les réseaux, la construction d'un pouvoir,
02:49puis les contraintes de leur raison d'État.
02:51Leur union a accompagné l'essor d'un régime
02:54et leur séparation a ouvert une nouvelle phase de l'histoire de France.
02:57Ce couple n'a jamais été une affaire privée.
03:00Il est devenu un élément structurant du passage du territoire au consulat,
03:04puis à l'Empire.
03:05Aujourd'hui, nous allons revenir sur cette relation,
03:07celle, vous l'avez deviné, de Joséphine et de Bonaparte,
03:10où se nouent l'amour, l'ambition, la politique, la gloire
03:13et les fragilités humaines, une relation sans laquelle
03:17une partie de l'histoire de France serait difficile à comprendre.
03:21Et pour en parler, j'ai le plaisir de recevoir aujourd'hui Pierre Brandat.
03:25Pierre Brandat, bonjour, merci d'être avec nous.
03:28Vous êtes historien, spécialiste du consulat et du Premier Empire
03:32et directeur scientifique de la Fondation Napoléon,
03:35où vous êtes en charge du patrimoine et des collections.
03:38Alors, depuis près de 20 ans, vous avez publié de nombreux travaux
03:42de références sur Napoléon, une vingtaine d'ouvrages.
03:45En particulier, vous l'étudiez en particulier sous l'angle politique,
03:49administratif et économique.
03:51Alors, je vais citer quelques livres.
03:53On peut citer notamment, donc, Le prix de la gloire,
03:56Napoléon et l'argent, paru chez Fayard en 2007.
04:00Joséphine, le paradoxe du cygne, publié chez Perrin en 2016,
04:04ou encore la saga des Bonapartes du XVIIIe siècle à nos jours,
04:08chez Perrin en 2018, sans oublier, toujours chez Perrin,
04:12en 2021, Napoléon à Sainte-Hélène.
04:15Et je vous reçois aujourd'hui pour votre dernier ouvrage,
04:17Napoléon et Joséphine, l'intime et le grandiose.
04:21Alors, ce n'est pas un livre de Confidence People,
04:24c'est un véritable travail d'historien,
04:27fondé sur les correspondances, les archives,
04:30les témoignages pour comprendre comment un couple a pu peser
04:33sur la construction, puis l'évolution du régime napoléonien.
04:38Alors, votre livre s'ouvre sur une phrase forte,
04:41« Avant de s'unir, ils n'étaient rien, ensemble, ils allèrent si loin ».
04:46Est-ce que cela peut résumer votre approche du couple Napoléon-Joséphine ?
04:50– Oui, tout à fait, parce que ce couple, vous en avez cité des célèbres,
04:54il a comme particularité d'être arrivés ensemble au pouvoir,
04:58alors même que ni l'un ni l'autre n'étaient destinés à être souverains,
05:02c'est sûr, mais leurs familles non plus.
05:04Donc, en général, ils sont uniques dans l'histoire européenne.
05:06Je n'ai pas analysé toutes les dynasties à travers le monde,
05:09mais dans l'histoire européenne, ils sont les seuls à monter sur le trône,
05:14alors même que ni l'un ni l'autre ne venaient d'une famille princière,
05:17régnante ou préparée à cela.
05:18Donc, ça change tout dans le rapport à une dynastie,
05:21dans le rapport du couple, et effectivement,
05:24cette façon d'arriver ensemble.
05:26Et avant, effectivement, de se mettre en couple,
05:32avant la campagne d'Italie qui lancera la carrière de Bonaparte,
05:35et donc aussi celle de Joséphine,
05:37et en fait, effectivement, ils ne sont pas rien,
05:40mais ils ne sont ni connus dans le grand public.
05:43Avant 1796, on sait à peine qu'il y ait Bonaparte,
05:47on l'appelle encore comme ça.
05:49Donc, quant à Joséphine, oui, elle est connue des cercles influents,
05:52mais elle n'est pas connue non plus de la France.
05:54– Alors, ce que je disais, ce n'est pas un livre people,
05:57mais vous, c'est une relecture historique,
05:59vous utilisez l'intime comme source.
06:01Comment avez-vous travaillé ?
06:02Quelle source avez-vous utilisée ?
06:04– Alors, l'intime, si je puis dire,
06:06se déploie à travers la correspondance de Napoléon à Joséphine.
06:10Elle est très connue, elle fait même partie
06:12des plus belles lettres d'amour en langue française.
06:14Elle a été découverte au fil du temps,
06:18parce qu'on ne l'a pas possédé tout de suite.
06:20On n'en a plus découvert, mais on n'a peut-être pas tout encore,
06:22mais il y a un bon corpus qui mêle, effectivement,
06:24– Il y a tout encore, c'est-à-dire qu'il y en a…
06:25– L'intime, oui, il y en a encore,
06:28oui, oui, parce qu'elles ont été, si je puis dire,
06:30récupérées par la fille de Joséphine Hortense,
06:32mais d'autres avaient été volées,
06:33d'autres ont été… des fosses ont été publiées,
06:37donc il y a quand même eu un travail de tri.
06:39– On en trouve régulièrement encore ?
06:41– Alors, de Napoléon à Joséphine, non,
06:43mais disons que ce n'est qu'en 1989 qu'on a eu une édition
06:47à peu près, pas définitive, mais déjà scientifique de tout cela.
06:51Mais par exemple, au XIXe siècle, on avait quelques lettres
06:54que Hortense avait publiées, mais on ne connaissait pas,
06:56et qu'elle avait d'ailleurs, si je puis dire, caviardé,
06:59puisqu'évidemment, les passages les plus intimes n'y figuraient pas.
07:01Donc là, nous, on possède l'intimité.
07:03Alors, malheureusement, les lettres de Joséphine à Napoléon ont disparu.
07:10Napoléon les a sans doute détruites par volonté politique ou familiale,
07:16enfin bon, on ne sait pas trop, il ne s'est jamais exprimé sur le sujet,
07:20mais néanmoins, dans cette correspondance, il lui répond.
07:22Donc c'est souvent un échange.
07:24Donc en fait, elle lui répondait plus qu'on ne l'a cru.
07:27Pas autant que lui, on y reviendra, mais quand même…
07:30Et puis sur des témoignages aussi, si je puis dire, de mémorialistes fiables,
07:35notamment Mme de Rémusat, qui avait écrit pour sa famille,
07:38qui a disparu, enfin des gens qui n'ont pas écrit dans les années 1830
07:41pour, si je puis dire, profiter de la vague éditoriale napoléonienne
07:45qui existait déjà.
07:46– Alors on va maintenant voir, vous dites qu'ils sont arrivés au pouvoir ensemble,
07:51on va d'abord voir un peu où ils en étaient, si vous voulez,
07:53avant d'arriver au pouvoir, et vous qualifiez l'année 1785 de fondatrice.
07:59Alors, a-t-elle façonné à la fois le caractère de Napoléon
08:03et celui de Joséphine ? Qu'est-ce qu'ils étaient avant que… ?
08:06– Alors, ils étaient, pour elle, elle avait été mariée à Alexandre de Bornet,
08:12le vicomte, et je veux dire, ce mariage s'est très mal passé.
08:16Ils ont eu deux enfants, mais je veux dire, le couple ne s'entendait pas du tout.
08:20Et quant à Napoléon, il était, lui, dans les écoles du roi,
08:24il aspirait à la carrière militaire, ce qu'il fera, bien sûr.
08:28Mais il faut déjà comprendre que, certes, ce sont deux insulaires,
08:30mais deux insulaires qui n'ont pas été forcément mal accueillis,
08:33mais un petit peu méprisés, tous les deux.
08:35Puisque les Corses, enfin, on connaît les fameuses anecdotes
08:39à l'école de Brienne, où il était moqué dans son école.
08:42Mais Joséphine aussi a subi le mépris, le mépris des continentaux vis-à-vis des Créoles.
08:46Donc, il y a eu déjà, si je puis dire, un bain continental
08:49qui n'aurait été pas favorable.
08:51Et alors, si ça ne se passe pas trop mal dans les écoles du roi,
08:55donc Joséphine, le mariage, ça passe assez mal.
08:58En 1785, elle se sépare d'Alexandre,
09:00mais ce qui est important, c'est qu'elle obtient,
09:02elle gagne la séparation, ce qui était assez rare pour une femme à l'époque.
09:05Mais elle est très combative, et donc c'est une sorte de libération,
09:09c'est-à-dire qu'elle peut évoluer par elle-même dans la société.
09:12Quant à Napoléon, c'est plus tragique, c'est la perte de son père,
09:16mais en quelque sorte, comme tout dira plus tard la psychanalyse,
09:20il n'aura pas à tuer son père.
09:22Il le dira d'ailleurs, de manière assez crue plus tard.
09:24Il n'est pas très chagriné, parce que son père ne l'avait pas vu depuis des années,
09:28mais surtout, il dira, si mon père eût vécu,
09:31je n'aurais pas fait cette carrière,
09:32parce qu'il nous aurait emmenés vers telle ou telle partie,
09:35parce que c'était le premier des Bonapartes, c'était Charles.
09:37Ce n'était pas lui.
09:39Donc, quand il disparaît, forcément, il y a eu une place à prendre.
09:42Joseph est plus fallot, donc il l'apprend.
09:45Et pour lui aussi, c'est une sorte, entre guillemets, de libération et de nouvelle indépendance.
09:49C'est-à-dire, il peut s'assumer tout seul, comme Joséphine,
09:51c'est-à-dire, dans cette année de 1785,
09:53en quelque sorte, il renaisse, il devient plus indépendant,
09:56et ils vont, si je puis dire, affronter seul, ou presque, la société d'alors.
10:01– Alors, la carrière de Bonaparte sous la Révolution est plus connue.
10:05Qu'en est-il de la vie de Joséphine de Beauharnais ?
10:08Ce n'est pas facile. Est-ce qu'on peut la considérer comme une survivante ?
10:11– Alors, oui, comme une survivante, parce que, d'abord,
10:14elle échappe aux troubles en Martinique, puisqu'elle retourne dans son île.
10:17En 1791, elle s'en échappe, sous les coups de fusil, les canons, etc.
10:24Elle s'embarque à la hâte avec Hortense, sa fille,
10:26elle manque de faire naufrage au large des côtes du Maroc.
10:29Elle arrive à Toulon en 1791, elle revient dans cette France qui va l'emprisonner,
10:33puisqu'elle cultive les réseaux aussi bien royalistes que très républicains,
10:38mais sous la terreur, évidemment.
10:40On va dire, son éclectisme politique ne passe plus.
10:43Elle est emprisonnée au Carme, où elle manque à quelques jours près d'être guillotinée.
10:48D'ailleurs, un matin, son nom est appelé.
10:52Elle pense que c'est pour aller dans la charrette des condamnés.
10:54En fait, elle est appelée pour être libérée,
10:55parce que deux jours avant, Robespierre vient de tomber.
10:58– Est-ce que ça a laissé des traces, des séquelles ?
11:01– Oui, oui, ce sont des survivants, ce sont des combattants.
11:06Ils ont en fait lutté très tôt pour exister, pour s'imposer, pour vivre.
11:14Mais ils sont tous les deux ambitieux,
11:15donc ils ont cherché toutes les voies possibles pour arriver.
11:18À arriver, elle, alors elle, c'est plutôt une ambiance, on va dire, sociale,
11:23mais bon, elle aspire quelque part à être une sorte de reine,
11:26et lui, une sorte de roi, quelqu'un qui a le pouvoir absolu.
11:31Alors ça tombe bien, parce qu'ils ont une ambition,
11:32mais pas pour le même fauteuil.
11:33Donc c'est pour ça qu'ils vont devenir complémentaires, évidemment.
11:35– Alors comment se rencontrent, te dit ?
11:38– Alors, le 13 Vendémiaire, Bonaparte participe à, si je puis dire,
11:43au sauvetage de la Convention, contre une manifestation royaliste.
11:47et là, il devient général en chef de l'armée de l'intérieur.
11:50Il fait saisir toutes les armes dans Paris, enfin, du moins, il essaye.
11:54Alors, on ne sait pas s'il l'a pris ou s'il allait le prendre,
11:56mais il est question du sabre du général de Boarnay,
11:59le mari de Joséphine, mais le père de Gênes.
12:02Ils ont eu l'enfant que Joséphine a eu avec Alexandre.
12:06Et Alexandre a été guillotiné, lui, et bien ce sabre,
12:10Gênes demande à le récupérer ou à le garder, on ne sait pas trop.
12:13Bonaparte accepte, touché par, si je puis dire, l'émotion de cet enfant.
12:17Joséphine le remercie et l'invite.
12:20Et Bonaparte commence à entrer dans le cercle de Joséphine.
12:23Au départ, il pense être seul à seul.
12:25– Oui, il pense être tout seul au discruteur pour un tête-à-tête.
12:27– Oui, pour un tête-à-tête.
12:28Mais non, il y a dix personnes, il aura un deuxième rendez-vous,
12:31il pense encore être seul à seul, mais là, il dira lui-même,
12:33un jus barrasse, c'est-à-dire le directeur qui était là.
12:36Et puis enfin, sans doute, au troisième rendez-vous,
12:38si je puis dire, la victoire était là.
12:44On le sait, le 1er décembre, de toute façon, ils sont amants,
12:47on a une lettre de lui, d'où c'est incomparable Joséphine,
12:50quel empire possèdes-tu sur moi, je me réveille plein de toi.
12:54Et si je puis dire, effectivement, la passion amoureuse commence.
12:56– Alors, qu'est-ce qui attire réellement Napoléon chez Joséphine ?
13:01Il y a de la passion, il y a de l'admiration ?
13:03Ou est-ce qu'il y a une forme déjà de stratégie sociale ?
13:05– Alors, avec ces personnages, ce qui est difficile, c'est que tout se mêle.
13:09Ils sont passionnés, si je puis dire, par tous les canaux et les choses possibles, en fait.
13:15Alors, c'est aussi bien l'amour que la politique.
13:18Donc, c'est un ensemble, je pense qu'il a effectivement une admiration pour cette femme
13:23qui est déjà installée, qui a déjà deux enfants,
13:26qui en société brille, ce qui n'est pas son cas.
13:29– Qui est plus âgée que lui ?
13:30– Qui est six ans de plus.
13:33Et donc, effectivement, elle possède, si je puis dire, des réseaux,
13:39elle a une autorité naturelle qu'il n'a pas encore réellement,
13:42qu'il va acquérir au fil du temps, évidemment, assez rapidement même,
13:46mais qu'il n'a pas.
13:47Et donc, il y a quand même cela.
13:49Et pour elle, elle avait toujours rêvé d'avoir un homme à ses pieds,
13:52qui plus est plus jeune.
13:54Et ce qui est intéressant de savoir, c'est que les deux hommes dont on est certain
13:58qu'elle a connu d'abord son premier mari, Alexandre, l'a fui parce qu'il a dit
14:02que c'était un tyran domestique.
14:03Et le second, qui est le général Roche, qu'elle a connu juste avant Bonaparte,
14:07a dit que cette veuve en voulait trop de lui.
14:10Donc, voilà.
14:11Mais ce général, non, il en veut encore plus.
14:13Et donc, pour elle, voilà, c'est tout trouvé.
14:15Joséphine est une possessive.
14:18Donc, elle a, enfin, un général à ses pieds, qui n'arrête pas de lui dire,
14:22de lui écrire mille serments d'amour.
14:24Donc, elle est ravie.
14:26Son amour est sans doute différent.
14:28Il est plus mûr, plus mature, parce qu'elle a déjà eu,
14:31elle a une expérience beaucoup plus que lui,
14:33et que lui, il reste encore très sentimental.
14:35– Il a un petit côté chien fou.
14:36– Oui, il est chien fou.
14:37Et puis, il est sur le coup d'une déception sentimentale avec Désiré Clary.
14:40– Et alors, je vais vous poser la question.
14:41Qu'est-ce qu'on sait de lui, justement, de ses aventures précédentes ?
14:46– Son expérience amoureuse est très réduite.
14:48Il a eu une relation, on ne sait pas s'il a été platonique ou non,
14:52avec Désiré Clary, qui était la sœur cadette de Julie Clary,
14:55que son frère Joseph avait épousée.
14:57Lui, il voulait épouser Désiré, sauf que Joseph, comme les Clary, ne voulait pas.
15:01Et il a commencé à le comprendre, et chez lui, ça a été une rupture,
15:04parce que jusqu'à présent, pour lui,
15:06le clan, le clan Bonaparte, en fait,
15:07tous ceux qui y appartenaient, devaient tout faire pour le clan.
15:10Dès que quelqu'un arrivait à une position,
15:13il devait en faire profiter son clan.
15:15Il va comprendre que dans ce clan, si lui, il joue le jeu,
15:17les autres ne jouent pas le jeu, en particulier Joseph.
15:20Donc, il va commencer à être beaucoup plus indépendant,
15:22et chose rare, il ne se confie plus à Joseph,
15:26il ne se confie plus à sa famille.
15:28Et il va donc se jeter, si je puis dire, dans les bras de Joséphine,
15:30parce que quelque part, il trouve une autre famille.
15:32Et là, il affirme son indépendant, il n'a que 25 ans,
15:36il est très marqué par son clan,
15:38par les Bonapartes.
15:40Il y a seulement deux ans qu'il a quitté la Corse,
15:42dans les conditions que l'on connaît,
15:44et donc, il est encore, si je puis dire,
15:46effectivement, chien fou et très jeune.
15:48Et cette femme le rassure aussi.
15:50Joséphine est un côté très rassurant,
15:52plus mature que lui, à ce moment-là.
15:54Donc, tout cela fait sens, en fait.
15:56Et elle est assez riche, ce qui, pour le Bonaparte, compte.
16:00Et elle a des réseaux politiques, ce qui compte aussi.
16:02Donc, en fait, c'est la femme parfaite pour lui, à ce moment-là.
16:04– Est-ce que, du côté de Joséphine,
16:06est-ce qu'elle s'empoindre derrière le chien fou ?
16:10– Alors, elle a, sans doute,
16:12parce qu'elle était très psychologue,
16:14elle arrivait très rapidement à comprendre qui vous étiez.
16:17Elle a dû comprendre qu'il y avait du potentiel,
16:20puisqu'évidemment, il avait déjà franchi certaines étapes.
16:24Elle ne pensait peut-être pas qu'il arriverait aussi haut.
16:27Enfin, en tout cas, elle voyait bien que quelque chose était en lui.
16:30C'était très visible, même pas seulement par elle.
16:34Donc, je pense que, oui, elle a fait un pari sur l'avenir,
16:36un pari gagnant pour elle aussi.
16:38– Oui, oui, effectivement.
16:38– Exactement. Donc, vous dites qu'elle, elle a eu son mari,
16:42Hoche comme amant.
16:43On lui a prêté également Barras,
16:44mais c'est a priori plus une légende.
16:46– Non, c'est plus une légende, en fait.
16:49Barras s'est affiché avec beaucoup de femmes,
16:51mais bon, sa vie…
16:53– Ce n'est pas ce qu'il préférait.
16:54– Non, ce n'est pas ce qu'il préférait.
16:55Voilà, donc tout ça faisait partie des calomnies d'époque,
16:59des royalistes comme des Anglais,
17:02qui voulaient présenter le régime du Directoire
17:03comme corrompu, ce qu'il était en grande partie,
17:05et surtout très débauché, ce qu'il était beaucoup moins en réalité.
17:07Donc, je veux dire, tout cet ensemble s'est resté,
17:11néanmoins, ça lui a collé à la peau, si je puis dire,
17:14mais en fait, tout ça n'a pas réellement existé.
17:17Ce n'est pas, justement, avec quelqu'un comme Bonaparte,
17:19on peut s'imaginer ce qu'il était déjà,
17:22c'est-à-dire quelqu'un de jaloux, d'envahissant, suspicieux,
17:25malgré tout autoritaire, parce qu'il avait déjà cette personnalité,
17:29je veux dire, il n'était pas quelqu'un de complètement naïf.
17:33– Comment se passent les premiers mois de leur relation ?
17:39– Alors, les premiers mois de leur relation, ce qui frappe tout de suite,
17:41c'est qu'ils s'affichent, et là, en société d'emblée,
17:44c'est-à-dire, et le couple apparaît, malgré leur dissonance,
17:47parce que même physiquement, lui, il est plus jeune,
17:49enfin, il paraît, et elle, plus établi,
17:52mais le couple s'installe comme s'il avait toujours existé.
17:56Et ça frappe tout le monde, c'est-à-dire qu'on aurait pu attendre
18:00quelques semaines, enfin, que tout ça…
18:02Non, non, non, non, c'est comme une évidence,
18:04il s'impose aux enfants de Joséphine,
18:06il s'impose au cercle de pouvoir,
18:09Joséphine va demander un mariage très rapidement,
18:11bref, cette union, et Bonaparte, qui aime déjà que les choses aillent vite,
18:16pour lui, c'est aussi une aubaine,
18:18donc en fait, ce couple-là s'affiche très rapidement ensemble,
18:22et qu'on comprend qu'il construit déjà une alliance,
18:25pas seulement amoureuse.
18:27– Parce qu'elle l'introduit dans les cercles du pouvoir, comment ça…
18:30– Oui, petit à petit, alors lui, il les connaît déjà un petit peu quand même.
18:32– Il les connaît déjà un petit peu,
18:33mais elle appuie encore avec d'autres personnes qu'elle connaît,
18:36surtout du côté de l'Ancien Régime,
18:38où elle avait quand même pas mal d'appuis, de réseaux, de connaissances,
18:42et puis comme, évidemment, elle tient le rôle social à travers ses salons, etc.,
18:47elle lui fait rencontrer beaucoup de gens,
18:49et effectivement, elle lui ramène beaucoup de personnes,
18:53et qui comprennent que cet homme, plein d'avenir, se sent quand même déjà.
19:00Voilà, il y a quelque chose à faire là.
19:02– Et est-ce que lui donne également les codes ?
19:04– Oui, très probablement, parce qu'elle essaiera de lui donner toute sa vie d'ailleurs,
19:09parce qu'il n'a pas les codes, il est très cassant, c'est quelqu'un qui en fait s'y était…
19:14Je veux dire, il aimait par exemple que les femmes se fardent de rouge,
19:17et apparaissent effectivement tricolorées.
19:19Alors peut-être, est-ce que c'est ses origines corse avec le soleil ?
19:22On n'en sait rien, c'est possible.
19:23Enfin, si la femme n'était pas assez fardée en société,
19:25elle était capable de lui dire,
19:27« Ah bien, aujourd'hui, madame, vous avez l'air d'un cadavre »,
19:29ce qui, évidemment, dans les relations sociales, elle m'en voulait toujours.
19:33Donc, et elle, derrière, voilà, si je puis dire, rattrapait un petit peu tout ça,
19:37en disant sans doute, « Mais non, madame, vous savez, c'est pas vrai,
19:40il n'a peut-être pas bien vu avec la lumière ».
19:41Enfin, elle était capable, voilà, d'inverser le processus, d'abord d'accueillir.
19:46C'était quelqu'un à qui on pouvait toujours s'adresser,
19:49qui ne paraissait jamais fatigué de vous entendre,
19:51qui était toujours à votre écoute, donc ce qu'il n'était pas, lui,
19:54il n'avait ni le temps ni l'envie.
19:56S'il avait vraiment envie de vous parler, c'était plutôt pour vous poser mille questions.
19:58Mais, je veux dire, ce n'est pas forcément une conversation comme on pourrait l'entendre.
20:05– Alors, vous dites que, vous disiez qu'elle était jalouse, mais lui aussi,
20:08enfin, c'est un couple assez tonique.
20:12– Oui, oui, c'est un couple très jaloux, qui, de manière théâtrale pour Bonaparte,
20:16et sans doute de manière assez vive pour elle,
20:19puisque dans sa correspondance, il explique que lorsqu'il est en Italie,
20:23que oui, les femmes italiennes sont belles, mais que lui ne la regarde pas.
20:26– Oui, bien sûr.
20:27– On n'est pas obligé de le croire, mais sans doute elle non plus,
20:30mais que c'est Murat, justement, qui s'amuse, mais que lui, il est très sérieux,
20:34et donc à plusieurs reprises.
20:35Et lui, dans le même temps, il lui dit, crains le poignard d'Otello,
20:38si je reviens à Paris, que je te surprends avec un amant.
20:40Donc, il y a une part de jeu entre eux, qu'on a pris au pied de la lettre,
20:45c'est-à-dire qu'on a cru qu'il soupçonnait en permanence de l'infidélité,
20:49alors qu'en fait, c'est un jeu qui se réponde,
20:51en faisant des personnages qui sont effectivement excessivement jaloux,
20:54et qui s'espionnent, parce que c'est un couple, Joséphine a toujours fait espionner Bonaparte,
20:59et Bonaparte l'a toujours espionné.
21:01Donc, c'est pas qu'ils se font confiance, oui,
21:04mais ils ont ce caractère qui les empêche.
21:07– Vous racontez d'ailleurs une scène qui m'a fait rire,
21:11assez cocasse, alors qu'il est plus tard,
21:12parce que je ne sais pas s'il est aux Tuileries ou je ne sais où,
21:15où elle va avec sa dame de compagnie dans les couloirs,
21:17avec juste une lanterne pour espionner à son bureau,
21:20voir s'il n'est pas en galant de compagnie.
21:21– Oui, oui, exactement, oui, non, mais c'est ça, parce qu'elle ne s'endormait que lorsqu'elle revenait au lit,
21:27et donc parfois c'était 3, 4 heures du matin,
21:29donc elle lui demandait évidemment qui il était,
21:31alors lui disait, tu sais, non, j'ai travaillé tard, avec Talleyrand, etc.
21:34Et puis, bon, elle ne le croyait pas toujours,
21:36et puis une nuit, elle a voulu aller voir,
21:38parce qu'elle savait qu'une actrice, Mlle Georges, était à Paris,
21:42elle avait sans doute vu que son mari, ce qui était vrai,
21:44était attiré par elle,
21:46donc elle s'est dit, oula, c'est sûrement qu'il a rendez-vous avec elle,
21:49mais enfin, ils se sont un peu perdus dans le palais qui était tout noir,
21:52ils ont eu peur que Roustan, le même Luc de Bonaparte,
21:55ne les reconnaisse pas, elle est poignarde,
21:57donc elles n'ont pas été plus loin, elles sont revenues.
21:59Mais enfin, c'est dire que, en fait, elle était en permanence,
22:04Napoléon à Sainte-Hélène aura cette phrase pas très jolie,
22:07il dira, elle m'avait mis le grappin dessus, ce qui veut tout dire.
22:11– Est-ce qu'on le sent vulnérable devant Joséphine ?
22:14– Oui, il est totalement vulnérable, parce qu'elle a compris comment il fonctionnait.
22:19Et son mode de fonctionnement, il est assez simple,
22:22c'est qu'il y a un mode de fonctionnement, d'ailleurs,
22:24assez peu partagé par tout le monde,
22:26mais lui, il est fort avec les forts, et il est faible avec les faibles,
22:29et en général, il est l'inverse.
22:31Donc, elle savait que, si je puis dire,
22:34si elle mettait en avant la faiblesse, etc., il était totalement désarmé.
22:37Il ne pouvait pas s'en prendre à quelqu'un qui était devant lui,
22:40ou en pleurs, ou dont il sentait qu'il allait faire mal.
22:44Si on lui faisait mal, effectivement, si on l'attaquait,
22:46il était le plus vigoureux, et là, il était très fort.
22:50Mais si on, pas qu'on se dérobait, mais qu'on était, voilà,
22:53à la fois houhou, larmoyant, etc., mais qu'on alternait,
22:55parce qu'elle lui a fait des reproches, etc.,
22:58il n'arrivait pas à…
23:00C'est quelqu'un qui n'aimait pas rester fâché,
23:02il avait horreur de cela.
23:03Donc, il pouvait avoir quelques emportements,
23:06mais avec elle, je pense que ça a été très difficile,
23:08d'ailleurs, jusqu'à leur séparation, il n'arrivera pas…
23:12Il n'arrivera, par exemple, jamais à lui dire « tu dépenses trop ».
23:15Il n'y est jamais parvenu.
23:17Alors, on va aborder également, vraiment, leur intimité,
23:21parce que vous montrez une véritable sensualité dans le couple.
23:25Il y a même un érotisme durable qui nourrit le lien.
23:30Pendant des années, je ne sais pas si c'est nouveau,
23:33mais il y a une correspondance très crue, très chaude,
23:36on pourrait dire, aujourd'hui.
23:37– Ah oui, oui, qui dévoile toutes les envies de l'un
23:42et de l'autre, puisqu'ils se répondent.
23:45Il y a eu une entente sexuelle, ce qui a compté dans le couple aussi,
23:48qui finalement s'allie, si je puis dire, de toutes les façons.
23:52Et donc, on a des évocations.
23:54Alors, ce sont quand même des mots choisis.
23:56– Bien sûr.
23:56– Ils fonctionnent par, si je puis dire, par analogie, etc.
23:59Mais enfin, on comprend les choses, il a fallu un petit peu décoder,
24:01parce qu'on en a cru par moments,
24:03que certains termes étaient sexuels alors qu'ils ne l'étaient pas.
24:06– Mais bon, on sent bien jusqu'à…
24:09– Et là, ça dure…
24:10– Oui, ça dure jusqu'à…
24:11– Oui, oui, on sent bien qu'il y a une passion amoureuse complète,
24:16qui probablement pour lui a été nouvelle.
24:19– Oui, c'est ça, elle fait également son éducation sentimentale.
24:22– Oui, très probablement, puisqu'il n'a pas connu véritablement de femme avant elle.
24:27Mais elle, pas tellement non plus, mais bon, elle avait quand même été mariée, etc.
24:31Et puis bon, voilà, comme on dirait, ça a marché.
24:35Donc voilà, et ça, ça a contribué bien sûr aussi au ciment du couple.
24:40– Alors, est-ce qu'on peut dire que c'est également la première alliée politique de Napoléon ?
24:45Comment a-t-elle vraiment concrètement contribué à sa carrière ?
24:49– Alors, c'est une alliée politique importante,
24:52puisqu'en fait, elle va être assez rapidement, elle aussi, placée sous le feu des projecteurs,
24:57devenir une icône qui apparaît à ses côtés, ça c'est très important.
25:01Alors, c'est d'abord quelqu'un qui doit être présenté comme celle qui porte chance,
25:06la fameuse bonne étoile de Napoléon, mais pas seulement,
25:09on va l'appeler Notre-Dame des Victoires,
25:11c'est-à-dire quelqu'un qui finalement, avec qui rien ne peut vraiment arriver.
25:16Et aussi quelqu'un de doux, une personne douce, bienveillante,
25:20à côté de ce général plus autoritaire, qui peut inquiéter,
25:23il n'est pas toujours très facile, donc on présente en fait un couple assez équilibré,
25:29c'est ce que j'appelais Vénus en contrepoint de Mars,
25:32et donc qui se complète, alors à la ville, mais médiatiquement,
25:36ce qui apparaît assez rapidement et qui va toujours d'ailleurs continuer,
25:39et qui est un calcul politique très habile,
25:42et qui se déploie aussi, on le disait tout à l'heure, en société,
25:45puisque, en fait, lui, par moment, c'est une technique assez éprouvée,
25:51mais un petit peu sommaire, mais parfois, lui, il jouera le mauvais flic,
25:56et elle, le bon flic, dans des négociations diplomatiques,
25:59par rapport à des politiques, par rapport…
26:01Donc, le couple va alterner.
26:03Alors, ce qui est difficile avec eux, c'est est-ce qu'ils ont voulu vraiment ce jeu,
26:08ou étaient-ils, voilà, tout le temps sincères.
26:11En fait, ils jouent leur propre rôle, mais ils sont ça aussi,
26:14ils sont cela aussi, c'est-à-dire, ils correspondent à leur caractère,
26:17ils ne se travestissent pas vraiment, mais en même temps,
26:21leur rôle, ce qu'ils sont, eh bien, ils l'utilisent à plein pour la politique.
26:27– Alors, d'ailleurs, vous dites, vous avez une formule,
26:28j'aimerais bien que vous la déviopliez,
26:30vous dites, en 1795, Napoléon manquait de surface,
26:33et Joséphine de hauteur, est-ce que vous pouvez nous expliquer ça ?
26:36– Oui, lui, il manquait de surface, parce que ses réseaux étaient assez faibles, finalement.
26:41Au moment de Vendémière, il connaissait Barras,
26:43quelques politiques, mais il avait été écarté pendant un moment,
26:47donc la surface, on va dire, politique et les réseaux, ils ne les avaient pas.
26:52Quant à Joséphine, elle les avait, mais elle manquait de,
26:55elle ne pouvait pas, femmes divorcées, etc.,
26:58elle ne pouvait pas aller beaucoup plus haut,
27:00il fallait que quelqu'un l'emmène plus haut,
27:02et qu'elle, elle lui offre en retour cette surface.
27:05Donc, c'est pour ça que cette alliance va tout de suite fonctionner,
27:09puisqu'il manquait, il lui manquait effectivement,
27:12à Joséphine de la hauteur, de la possibilité d'aller plus loin,
27:14elle avait déjà une surface étendue,
27:16et lui, effectivement, voulait aller très haut, très loin,
27:19il ira très haut, très loin, mais il manquait encore d'un vaste réseau.
27:24– Bien.
27:25Vous parliez tout à l'heure d'argent en disant qu'il ne pouvait rien lui refuser,
27:30est-ce que c'est un vrai problème l'argent dans ce couple ?
27:32Elle est très dépensière ?
27:33– Oui, elle est très dépensière, parce qu'elle collectionne,
27:36si je puis dire, elle dépense l'argent avant même de l'avoir reçue,
27:39elle a toujours été, si je puis dire, débitrice.
27:41Et ce qui est frappant dans ce couple, c'est qu'ils n'ont jamais parlé d'argent.
27:45Alors que Napoléon était quelqu'un, comme sa mère, d'assez économe,
27:49qui regarde tous les comptes, les comptes de l'Opéra,
27:51en passant par tous les comptes possibles qui lui passent sur la main,
27:53c'est une passion pour lui, de compter et de recompter.
27:56Sauf que le seul endroit où il ne comptera jamais,
27:59où il ne voudra jamais regarder, sans doute parce qu'il avait peur,
28:02où il se sentait impuissant, finalement, ce sont les comptes de sa femme.
28:06Et elle, en retour, ne lui demandera d'ailleurs jamais rien non plus directement.
28:11À aucun moment, il le dira à Sainte-Hélène, elle ne m'a jamais rien demandé.
28:13– Ils sont indépendants financièrement ?
28:15– Alors, elle essaye d'être indépendante financièrement vis-à-vis de lui,
28:19d'ailleurs, elle le trafiquera dans son dos.
28:21– Qu'est-ce qu'elle a comme revenu, elle ?
28:22– Alors, elle avait ses revenus de la Martinique,
28:24mais ensuite, elle va profiter de ses réseaux pour encore trafiquer
28:28avec, par exemple, les Baudins qui sont des munitionnaires à l'armée d'Italie,
28:31dans le dos de son mari.
28:33Donc, elle reçoit des pots de vin, c'est avec ça qu'elle paiera la compte de Malmaison, d'ailleurs.
28:37Et, bon, après, Bonaparte, le premier consul et ensuite empereur,
28:41évidemment, elle a des revenus plus officiels,
28:45mais évidemment, elle les dépasse largement.
28:48Lui, il la prend, puisqu'en fait, ses dettes sont connues, il les éponge.
28:54Alors, il essaie d'obtenir des rabais, mais ils n'en parleront jamais.
28:57Donc, comme si, voilà, comme s'il n'osait pas, comme si, voilà, il dira,
29:02parce qu'une fois, elle s'est évanouie dans son salon,
29:04on lui rapportera ça, il dit, je suis certain qu'elle a dépensé plus d'un million en trop.
29:10Il n'était pas loin, c'était un million et demi.
29:11Donc, voilà comment ça fonctionnait, mais c'est drôle, parce que, voilà,
29:15un couple qui n'ose pas, comme s'il, s'il voulait aussi, les points de friction,
29:19est-ce qu'il pouvait créer un problème ?
29:21Eh bien, soit on n'en parlait pas, soit on les évitait,
29:23parce qu'on voulait que ça continue.
29:26– Alors, sous le consulat, puis l'Empire,
29:30quel rôle politique joue, Joséphine ?
29:32Est-ce qu'elle continue en termes diplomatiques, dans les cérémonies ?
29:35Est-ce qu'elle participe à l'équilibre du régime ?
29:37– Alors, elle a très tôt un rôle officiel, on l'appellera la consulesse,
29:40par exemple, les ambassadeurs lui sont présentés en même temps ou avant Bonaparte,
29:46elle apparaît en société, elle commence à apparaître comme celle qui forme une cour,
29:50toute la partie de cela, elle appelle au régime,
29:53enfin, elle contribue à fédérer au régime toutes les anciennes familles,
29:57ce que Napoléon aime bien, c'est-à-dire toute la noblesse émigrée,
30:01c'est elle qui, d'ailleurs, fait revenir d'un certain nombre d'émigrés en France,
30:05parce que Bonaparte veut réaliser la synthèse, on le sait,
30:08des nouvelles et des anciennes élites, mais il faut ces anciennes élites,
30:11donc elle contribue à les faire revenir, elle les rassure,
30:14elle entretient leurs relations, elle en connaît beaucoup,
30:18et donc, en fait, elle continue de lui faire profiter de ses réseaux,
30:21et en même temps, son image officielle se renforce,
30:25on comprend qu'elle devienne une sorte de…
30:27Elle fut, d'ailleurs, la première, première dame de l'histoire, à ce moment-là.
30:30– Et ce n'est pas une potiche.
30:31– Elle n'est pas encore souhaitée, non, non, non, ce n'est pas une potiche.
30:34D'ailleurs, elle essaie d'influencer son mari, mais elle n'y arrivera pas,
30:38Napoléon n'est pas influençable, il peut écouter, mais que ce qu'il a…
30:41– Elle essaie de l'influencer sur quelle…
30:42– Alors, elle, elle pensait plutôt, alors elle l'a fait indirectement,
30:46mais que, si je puis dire, de l'Empire, alors il n'était pas encore question,
30:51mais que devenir souverain, ça n'avait pas de sens,
30:53que l'opinait plutôt pour une restauration,
30:55mais une restauration dans laquelle lui serait à la fois le favori,
31:00le Premier ministre, effectivement une sorte de manque à l'époque
31:04par rapport à la Révolution d'Angleterre,
31:07mais cette idée, lui, n'en voulait pas, il voulait le pouvoir suprême,
31:11et aussi, par exemple, quand il était question de faire fusiller le Duc d'Anguin,
31:15ça on le sait par combat, c'est vrai,
31:17elle fut la seule à lui dire que c'était une erreur,
31:19il ne fallait pas le faire, il l'a fait quand même,
31:21mais, voilà, personne n'avait le courage de s'opposer à lui,
31:26et Napoléon, ça n'étonnera personne, n'aimait pas la contradiction,
31:29donc il pouvait se renseigner, il mûrissait ses décisions,
31:33mais une fois qu'elles étaient prises, il n'aimait pas qu'on vienne lui dire
31:36non, c'est pas bien, etc.
31:37La seule qui pouvait le faire, avec tout son charme
31:40et à la fois tout son tact, c'était Joséphine, en réalité.
31:44– Et au sein de la famille Bonaparte, comment elle s'inscrit ?
31:48– Alors, elle s'inscrit au départ, pas trop mal,
31:51parce qu'elle a un avantage par rapport à les écrases,
31:53si je puis dire, en société, et même en personnalité,
31:56par rapport aux sœurs, même aux frères, qui ne sont rien du tout,
31:59et elle, par contre, elle a déjà l'habitude de société beaucoup plus évoluer,
32:03donc, mais, comme il y a eu ce moment où Napoléon,
32:08elle aura échappé, elle a échappé au clan en 95,
32:11et qui fait, elle conclut cette alliance, ce mariage sans eux,
32:15ils vont avoir l'impression qu'elle aura volé Napoléon,
32:17ils vont penser que c'est une manœuvre d'aide,
32:19alors que ce n'est pas une manœuvre d'aide,
32:21où il y a participé, mais c'est lui qui voulait s'affranchir de son clan,
32:24en grande partie, à travers elle.
32:25Et eux, ne vont pas le comprendre,
32:28et à chaque fois, lui, il joue entre les Beauharnais,
32:30qui donne des postes,
32:31Eugène, il le fera vice-roi d'Italie,
32:33il sera d'ailleurs le premier, si je puis dire,
32:35pas couronné, mais, à obtenir un poste de cette nature,
32:38avant les Bonapartes,
32:39parce que pour les Bonapartes, tout ce qui est à Napoléon est à eux.
32:41Et tout ce qui est à eux n'est pas à Napoléon, je le redis.
32:46Donc, ce qui fait que lui, il est obligé d'équilibrer,
32:48il ne peut pas se passer de son clan, on le sait,
32:50sa famille, on la trouvera trop encombrante,
32:52tout ce qu'on veut, mais voilà, il ne peut pas,
32:55ce n'est pas possible.
32:56Par contre, il peut essayer de faire pièce avec les Beauharnais,
32:59essayer de compenser, leur disant,
33:01oui, voilà, je vous appartiens,
33:02je ne suis pas complètement à vous.
33:04Alors, dans ça, évidemment,
33:05les Bonapartes, les frères, les sœurs,
33:08vont toujours à Joséphine,
33:10essaieront de faire divorcer en permanence leurs frères,
33:13essaieront de l'empêcher d'être couronnés à Notre-Dame.
33:17Et voilà, et en plus, chaque, si je puis dire,
33:19faveur accordée au Beauharnais,
33:22ils le prennent, je l'ai dit, très mal.
33:24Et bon, on a cette scène où il oblige ses sœurs
33:26à porter la traîne de Joséphine au moment du sacre.
33:29Alors, c'est un drame familial,
33:32puisqu'elles vont se rouler par terre,
33:33mais elles vont être obligées d'accepter.
33:35– Se rouler par terre, littéralement.
33:35– Oui, littéralement, c'est Caroline qui se jettera par terre
33:38parce qu'elle n'est pas princesse.
33:39Enfin, c'est une famille corse,
33:40donc elle est quand même exubérante.
33:42Il ne faut pas croire que ce sont des Suédois.
33:44Donc, évidemment, ils sont exubérants.
33:46Et donc, alors que Joséphine, elle reste très calme.
33:49Elle n'est jamais, on ne l'a jamais prise en colère.
33:52On n'a jamais vu en colère.
33:53Mais eux, c'est en permanence.
33:55C'est une famille latine,
33:56donc très démonstrative, évidemment.
33:58Et donc, mais elles vont accepter
34:00de ne pas porter, mais de pincer la traîne.
34:03Donc, on voit bien qu'on dit que Pauline aurait voulu marcher dessus
34:06pour qu'elle tombe.
34:07Mais c'est possible.
34:08Il l'appelait la vieille.
34:09Enfin bon, ça a été une belle famille, on va dire,
34:12comme on peut moins la mère.
34:13– Oui, j'ai posé la question,
34:15avec la belle-mère, ça se passe comment ?
34:16– Avec la belle-mère, finalement,
34:17elle avait réussi un petit peu à la séduire.
34:19Il faut, Laetitia, c'est une petite femme d'un mètre cinquante,
34:22toujours habillée de noir, assez austère,
34:24qui fait peur à son fils encore, Napoléon.
34:27Elle, non, on sait qu'elle l'amènera plombière,
34:30qu'ils ont ri ensemble, etc.
34:35Joséphine a ce côté, si je puis dire, inattaquable,
34:39c'est qu'elle, jamais, ne vous affronte réellement.
34:42C'est très difficile de vraiment s'en prendre à elle.
34:44Donc, la mère laisse faire.
34:46En fait, pourquoi elle n'est pas au sacre ?
34:49On l'a dit parfois que c'était à cause de Joséphine, c'est faux.
34:52Elle n'est pas au sacre à cause de Joséphine,
34:54elle n'est pas là parce que Lucien est en froid avec Napoléon.
34:57Et Lucien, c'est vraiment son fils préféré, en réalité,
35:00et qu'elle préfère le soutenir.
35:01Et donc, elle n'est pas le 2 décembre de 1804 à Notre-Dame.
35:05– Alors, on va arriver maintenant à la raison d'État.
35:09Est-ce que le manque d'héritiers est souvent présenté
35:13comme la cause de leur divorce ?
35:14Mais est-ce que vous montrez que c'est plus complexe ?
35:18Qu'est-ce qui rend finalement ce problème si explosif politiquement ?
35:22Et est-ce qu'il y a d'autres raisons ?
35:23– Alors, c'est vrai qu'une dynastie qui se fonde sans héritier,
35:27ça paraît déjà antinomique.
35:28Donc, ils inventeront une solution au départ,
35:31en faisant épouser le frère de l'un Louis à la fille de Joséphine Hortense,
35:37pour qu'ils aient une descendance, une descendance que l'on adoptera.
35:40Alors, ils ne seront pas adoptés,
35:42mais le premier enfant de 1802, c'est Napoléon Charles.
35:44Pourquoi Napoléon ?
35:45Parce qu'il devait lui succéder,
35:47sauf qu'il mourra en 1807 de la tuberculose,
35:50et Napoléon saura qu'il peut être père,
35:53avec une maîtresse et l'honneur de Nuel de la Plagne,
35:56que Caroline avait quasiment placée dans son lit, d'ailleurs,
35:59sans doute à dessein.
36:00Parce qu'on ne savait pas qui était stérile.
36:03Joséphine ayant eu deux enfants,
36:04on pouvait penser que c'était lui.
36:06Et là, il a preuve qu'il peut être père.
36:08Aussi, Napoléon aime les enfants,
36:10et ça, Joséphine ne peut plus lui en donner.
36:12Donc, ceci va quand même, évidemment, gangréner la relation.
36:17– Je vous interromps, vous dites d'ailleurs,
36:19enfin, ça gangrène la relation,
36:20mais également au niveau de leur entente physique,
36:24le fait qu'ils cherchent toujours à avoir des enfants,
36:26finalement, ils ne font pas attention.
36:28– Non, non, non, oui, ça c'est…
36:30– Je reviens, je sors du lit et je reviens.
36:33– Non, non, mais c'est vrai,
36:33parce qu'à l'époque, évidemment,
36:35la contraception pour les femmes n'existe pas.
36:37Alors, ce n'est pas seulement, effectivement,
36:39il y a la grossesse, l'enfant,
36:42mais faut-il déjà pouvoir accoucher ?
36:44Parce que beaucoup de femmes mouraient en couche.
36:46Donc, à chaque fois, elles prenaient un risque,
36:48à la fois, si je puis dire,
36:50alors si elles étaient la menthe de l'un ou de l'autre,
36:52avoir des enfants,
36:53c'était déjà la preuve d'une infidélité,
36:55mais seulement, elles avaient un fort risque de mourir.
36:57Plus, effectivement, elles enchaînaient les grossesses,
37:01les accouchements,
37:02et plus ça pouvait être difficile.
37:03En tout cas, effectivement,
37:05elle ne peut plus, en tout cas, courir ce risque,
37:07qui, sans doute, a prolongé l'entente sexuelle,
37:11vous avez raison.
37:12Mais, en même temps, aussi,
37:14Napoléon, en 1809,
37:16quand il se décide à se séparer de Joséphine,
37:19il change de système.
37:20C'est-à-dire, on voit bien que,
37:22avant, c'était un système
37:23qui essayait d'opérer la synthèse
37:25avec des gens comme Fouché, Talleyrand et Joséphine,
37:27qui incarnaient cette nouvelle France.
37:29C'est-à-dire, une France venue de l'Ancien Régime,
37:34mais qui s'était développée sous la Révolution,
37:36et donc, qui était comme ça,
37:37une sorte de synthèse de ce nouveau monde.
37:39Et lui, il veut retourner un petit peu vers l'Ancien Monde,
37:42puisqu'il est dans un monde, aujourd'hui,
37:43enfin, depuis qu'il est empereur,
37:46de roi, de reine, de souverain, etc.
37:47Et si je puis dire, il se prend un petit peu au jeu,
37:49il se fait avoir, d'ailleurs,
37:50parce que, par exemple, quand Talley, il cite,
37:52le tsar lui dit,
37:53« Mon frère, il n'en pense pas un mot. »
37:55Et lui, il pense qu'il est entré dans les grandes familles européennes,
37:58ce qui n'est pas le cas.
37:59Les grandes familles européennes,
38:00il est entré parce qu'il a un sabre.
38:04Mais dès que ce sabre commencera à se briser la campagne de Russie,
38:08on verra bien que personne ne le considère de sa famille,
38:11y compris son beau-père, l'empereur d'Autriche.
38:14Mais lui, il se méprend,
38:15et il pense que l'Empire et la dynastie passent par des alliances.
38:21C'est ce qu'il applique, d'ailleurs,
38:22à des bornés comme à des Bonapartes,
38:24qu'il veut marier avec toutes les grandes familles européennes.
38:27Et lui, si je puis dire, veut sauter le pas aussi.
38:31Il pense, il n'est pas le seul, d'ailleurs, à le penser.
38:33Mais qu'il faut faire ça,
38:34donc, je défine, dans ce schéma-là, n'existe plus.
38:37Donc, il y a à la fois la rupture avec, si je puis dire,
38:39le Bonapart du consulat,
38:41et ce désir d'enfant,
38:44et évidemment, une relation qui ne peut plus…
38:46– Oui, oui, il désire de changer du système politique.
38:49– Pour faire une alliance.
38:51Ce divorce, il est compliqué, juridiquement,
38:54parce qu'ils se sont mariés également religieusement.
38:56– Oui, alors, ils se sont mariés civilement,
38:59et en fait, aussi, le Code civil interdisait une séparation à la mer avec une femme de plus de 45 ans,
39:04on en avait 46,
39:05les statuts de la famille impériale interdisaient le divorce,
39:08donc il a fallu faire une loi spéciale,
39:10un sénatus consulte, pour cette séparation.
39:12Et effectivement, ils s'étaient mariés religieusement,
39:14c'était encore une, enfin, si je puis dire,
39:16un coup, oui, une coup fourrée de Joséphine,
39:18à la veille du sac, qui, le 1er décembre,
39:20l'avait obligé à un mariage religieux.
39:22Il fallait, là aussi, le dissoudre,
39:24avec un tribunal ecclésiastique,
39:26en prétendant que le lieu, la paroisse,
39:28n'était pas la bonne, les tuileries,
39:29qu'il aurait fallu être ailleurs, qu'il n'y avait pas de témoins,
39:31ce qui n'était pas vrai, enfin bon, évidemment,
39:33quand on veut, on peut, si je puis dire,
39:34et on a trouvé toutes les argusties, à la fois juridiques
39:37comme religieuses, pour briser les deux mariages,
39:39mais le terme employé n'est pas divorce,
39:43parce qu'on ne pouvait pas, juridiquement,
39:45c'est une séparation.
39:46– Séparation.
39:47– Un peu, si je puis dire, à l'ancien monde,
39:49mais bon, ça revient à divorcer.
39:51– Alors, est-ce que Napoléon, pour prendre cette décision,
39:53donc, il y a l'affaire privée, mais aussi l'affaire d'État,
39:56il consulte, il prend sa décision tout seul,
39:58est-ce qu'il en parle à Joséphine avant ?
40:00– Comment ça se passe ?
40:01– Non, il lui annoncera une fois qu'il avait pris cette décision.
40:03– Le fameux 15 décembre, où il avait la Seine, on en parle.
40:07– Oui, un petit peu avant.
40:09Alors, Fouché avait poussé à cette solution
40:12de la séparation d'avec Joséphine,
40:15on lui proposait des princesses russes,
40:19enfin, on lui faisait espérer,
40:21ce sera une autrichienne finalement, il l'essaiera,
40:23mais c'est d'ailleurs le tsar et sa mère qui refuseront.
40:27Donc, dans l'air, si je puis dire, depuis deux ans, depuis 1807,
40:33cette solution est, si je puis dire, plus qu'envisagée.
40:37Napoléon atteste, demande, mais n'en parle pas à Joséphine,
40:40il n'en parlera que lors d'un dîner en tête à tête,
40:44parce que jusque là, il n'était pas arrivé.
40:46– Alors, comment ça se passe, ce dîner en tête à tête ?
40:48– Alors, ce dîner en tête à tête, il mettra beaucoup de mal à lui dire
40:52qu'il faut se séparer, pour raison d'État d'ailleurs,
40:55qu'il a besoin d'un héritier, que pour la dynastie c'est nécessaire.
41:02Alors, selon les témoins qui écoutaient à la porte,
41:05puisqu'ils étaient, eux, ils n'avaient voulu personne d'autre,
41:08Joséphine aurait pleuré, se serait même évanouie,
41:11alors est-ce que c'est vrai, ça a toujours des difficultés avec eux ?
41:13– Sans doute qu'elle a été très atteinte, parce que c'était sa peur,
41:17depuis, elle savait qu'elle était sur un siège éjectable,
41:19et voilà, quand elle le pressentait, le sentait venir,
41:23mais une fois que c'est officiel, si je puis dire, tout s'écroule.
41:27– Et pour lui aussi, c'est un déchirement.
41:29– Lui aussi, c'est un déchirement, parce qu'il sait que cette relation-là,
41:32il ne l'aura plus jamais, et que, voilà, il sait d'abord qu'il lui fait mal,
41:37mais ça lui fait mal aussi, et voilà, que sera demain,
41:40lui, il est très confiant, mais il y a quelque chose qui se brise
41:44et qu'il n'aime pas, je veux dire, il n'aime pas les ruptures,
41:48et donc, c'est encore un couple singulier,
41:51puisque le 15 décembre 1809, en présence de la famille impériale,
41:55ce qui fut une humiliation pour Joséphine,
41:57qui n'est pas arrivée à lire le discours jusqu'à la fin,
41:59c'est Réunion de Saint-Jean d'Angélie qui continuera,
42:02elle a signé, mais elle pleurait sur le document,
42:04enfin bon, c'est une scène, évidemment, pas très gaie,
42:06mais il se sépare, donc, officiellement le 15 décembre,
42:10et il passe Noël et Jour de l'An ensemble,
42:13ce qui, quand même, pour un couple qui vient de séparer,
42:15peut arriver, mais enfin, est bien un signe que, voilà,
42:17c'est ce qui était le lien, on va dire, affectif,
42:19n'est pas du tout rompu, il y a avant tout le lien d'État,
42:23et aussi, c'est effectivement cette volonté d'être père,
42:26voilà, il y a quelque chose qui a, malgré tout…
42:29– C'est un grand sentimental, finalement.
42:31– Oui, oui, c'est un, non, non, mais c'est un grand sentimental,
42:34il veut toujours être bien vu, aimé, etc.,
42:39il n'aime pas rester en froid, son problème, c'est que,
42:41si vous voulez, d'ailleurs, de manière générale,
42:44même quand il remporte des victoires,
42:46quand, eh bien, avec des nations,
42:48il négocie des traités de paix,
42:50il n'est pas, il ne cherche pas à tuer son ennemi,
42:53il ne l'achève pas, si je puis dire,
42:55parce qu'une fois qu'il a vaincu,
42:58eh bien, voilà, il est même plus magnanime que d'autres,
43:01et parfois, il veut obtenir beaucoup de choses,
43:04mais quand il a une tenue, il n'est pas ce personnage
43:07qui serait peut-être à tort pour lui, d'ailleurs,
43:10parce qu'il n'a pas, enfin, c'est des aimés,
43:11on peut penser aussi à Téléran, d'ailleurs,
43:13qui le savait, qui le trahissait,
43:15mais il a toujours laissé avec lui,
43:17il l'a gavé d'or et d'argent,
43:18mais ça ne fait rien, comme s'il ne voulait pas rompre,
43:21il n'arrive pas à rompre.
43:22– Et d'ailleurs, avec Joséphine, le lien est maintenu ?
43:25– Oui, oui, oui, alors il est obligé d'aller la voir en cachette,
43:27parce que Marie-Louise a eu peur.
43:28– Il va la voir en cachette, mais bon, ils ne sont plus amants.
43:31– Non, non, ils ne sont plus amants,
43:32mais Marie-Louise n'accepterait même pas qu'il aille la voir,
43:35donc il la voit en cachette,
43:37il prétexte que, enfin, il soumit le prétexte, mais voilà.
43:41Donc, bon, de moins en moins,
43:42mais il continue un petit peu à s'écrire.
43:45Il cachait parce que Marie-Louise a eu peur d'un retour de Joséphine,
43:47qu'il ne demandait que ça.
43:48Joséphine serait revenue à la cour.
43:50Le problème, c'est que si elle revenait,
43:52Marie-Louise savait qu'elle était battue d'avance avec une femme comme ça,
43:55qui possédait, qui avait fait tant de biens autour d'elle,
43:59à la cour et ailleurs, donc elle avait des alliés partout.
44:02Donc, pour elle, qui était une Autrichienne,
44:04en souvenir de tout ce que se fut pour l'histoire de France,
44:08c'est-à-dire Anne d'Autriche et surtout Marie-Antoinette,
44:09qui était sa tante,
44:11tout ça faisait que, voilà, elle avait qu'une peur,
44:13c'est de voir réapparaître l'impératrice douée arrière, Joséphine.
44:17Donc, elle a toujours voulu,
44:18elle n'a jamais voulu visiter Malmaison,
44:20même en son absence, elle a refusé à Napoléon.
44:23Donc, voilà, elle l'a mis à l'écart.
44:25– Ce qui peut se concevoir.
44:27Mais donc, après leur séparation,
44:28leur correspondance, est-ce qu'on sent,
44:31quel est le ton ?
44:32On va vers une amitié amoureuse ?
44:34Qu'est-ce que ça donne ?
44:35– C'est toujours le même, en fait,
44:37et elle sait le prendre.
44:40Quand il a voulu qu'à Paris,
44:43elle ne puisse plus aller,
44:45elle ne pouvait plus aller à Paris,
44:46ni même à Malmaison au départ,
44:48pour ne pas être trop proche de la cour.
44:50Donc, il a exilé à Navarre,
44:52pas très loin, en Normandie.
44:54Et elle, elle veut revenir à Malmaison
44:56et lui écrit officiellement
44:58une lettre très froide,
45:00« Sire, vous voudrez bien », etc.
45:02Lui, quand il reçoit cette lettre,
45:03il lui dit, mais qu'est-ce qui t'arrive ?
45:04« Pourquoi tu me parles comme ça ? »
45:05« Oui, bon, d'accord, c'est vrai, Malmaison,
45:08tu peux revenir, etc. »
45:09Et vous savez, qu'est-ce qu'elle lui répond ?
45:10Elle va lui répondre, parce que celle-là, on les a,
45:12elle va lui répondre à Bonaparte,
45:14elle va leur rappeler Bonaparte,
45:15et le tutoyer, et dire,
45:17« Bonaparte, je te reconnais bien là,
45:19je sais que tu es, etc. »
45:20Donc, vous voyez le jeu.
45:22Mais enfin, l'appeler Bonaparte,
45:24c'est comme si ça n'avait pas changé, en réalité.
45:27Mais ces personnages-là
45:29ne sont pas dupes du pouvoir
45:30et de tout ce que ça implique.
45:32Et donc, voilà, ils ont continué,
45:35si je puis dire à distance,
45:36elle s'est inquiétée pour lui,
45:37lorsqu'elle était en Russie,
45:40elle avait peur qu'il disparaisse,
45:41elle avait toujours peur pour lui.
45:43Comme si, non, le lien n'a pas changé,
45:45évolué, bien sûr,
45:46mais il n'avait pas disparu.
45:48Donc, elle va disparaître,
45:49en revanche, avant lui,
45:51comment cela l'affecte-t-il ?
45:54– Alors, elle disparaît en mai 1814,
45:56emportée par une pneumonie.
45:58Il l'apprend à l'île d'Elbe,
45:59lui-même, c'est son premier exil.
46:02On sait qu'il restera enfermé
46:03toute une journée à pleurer, sans doute.
46:07Et là, il est très atteint.
46:09Il pensait, sans doute,
46:10a-t-il pensé à un moment,
46:11quand il a vu que Marie-Louise
46:12ne répondait plus, si je puis dire,
46:14qu'il le dira.
46:15D'ailleurs, Joséphine serait venue
46:16avec moi à l'île d'Elbe.
46:17Il avait raison.
46:18Bien sûr que Joséphine
46:19ne l'aurait pas laissé.
46:20Alors que Marie-Louise,
46:21on le sait, le laissera.
46:24Donc, et pour vraiment,
46:25même s'il avait pu continuer
46:26à Sainte-Hélène,
46:27elle serait allée.
46:28Elle n'avait peur de rien,
46:29en fonction continue de son passé.
46:32Donc, c'est pour lui,
46:33c'est un premier écroulement hyper,
46:36une figure essentielle pour lui.
46:38Quant aux 100 jours,
46:40après, quand il part,
46:41justement, pour Sainte-Hélène,
46:42il passe par Malmaison,
46:44il ira dans la chambre
46:45où elle est morte,
46:45qui se visite toujours,
46:47d'ailleurs.
46:48Il se mettra à pleurer.
46:49Il aura comme ça
46:50une journée de souvenirs.
46:52Parce que Malmaison,
46:52ce fut le lieu du bonheur,
46:53ce fut le lieu du consulat,
46:55ce fut le lieu où ils ont
46:56tout construit,
46:56à la fois la France,
46:57mais un couple,
46:59si je puis dire,
47:00éclatant.
47:01Bref, je veux dire,
47:02et à Sainte-Hélène,
47:04il avait,
47:05c'était à l'époque,
47:06sur les tabatières,
47:07les portraits,
47:08puisque c'était les seuls souvenirs,
47:10il avait le roi de Rome,
47:11Joséphine,
47:12sa mère,
47:13donc on voit bien,
47:14si je puis dire,
47:15les trois.
47:16– Et sur la fin,
47:17il pensera toujours…
47:19– Ah oui, oui,
47:19il en rêvera,
47:20il pensera toujours à elle,
47:22il parlera beaucoup d'elle,
47:23il déclinera ses défauts,
47:25il expliquera aussi,
47:26en partie,
47:27ce qu'était son couple,
47:28il le racontera,
47:30à tous ses compagnons d'infortune,
47:33et ce qui est frappant,
47:35c'est que,
47:36alors l'historien ne peut pas,
47:37évidemment,
47:37entrer là-dedans,
47:38mais ils ont connu l'exil
47:40au même âge,
47:41finalement,
47:41à 46 ans,
47:42et ils vont mourir au même âge,
47:4352 ans, oui.
47:45– C'est à peu près,
47:46où ils allaient sur leurs 52 ans.
47:47C'est quand même un parallèle,
47:49alors même qu'aussi,
47:50au départ,
47:51ils avaient, on l'a dit,
47:52connu en même temps
47:53les mêmes épreuves,
47:56et finalement,
47:56à la fin,
47:57ils ont connu aussi
47:58les mêmes épreuves,
47:59alors à six ans
47:59de différents décarts,
48:01mais, si je puis dire,
48:02physiologiquement,
48:03en même temps,
48:04en réalité.
48:05– Alors,
48:05nous arrivons au terme
48:06de l'émission.
48:08Très rapidement,
48:09donc, avec ce livre,
48:11est-ce que vous avez voulu
48:12changer l'image de Napoléon,
48:13nous montrer qu'il n'y a pas
48:14de Napoléon
48:15sans Joséphine ?
48:17– Est-ce qu'on voit
48:18un Napoléon plus humain,
48:19évidemment,
48:20avec votre livre ?
48:22– Il y aurait eu Napoléon,
48:24il serait sans doute
48:25arrivé au pouvoir,
48:26mais il n'y aurait pas eu
48:26ce Napoléon-là.
48:29Sans une femme
48:30comme Joséphine,
48:31je l'ai dit tout à l'heure,
48:31son apparence au pouvoir,
48:34sa réalité d'ailleurs,
48:35puisque Joséphine
48:35avait un rôle effectif,
48:37le pouvoir serait apparu
48:40sans doute plus rude,
48:41plus difficile à accepter,
48:44et même pour la postérité.
48:45Là, on a une illustration
48:47de ce couple en majesté,
48:49et d'ailleurs,
48:50vous l'avez dit,
48:51on possède leur intimité,
48:53une correspondance
48:54qu'on possède rarement
48:55en histoire,
48:56mais c'est aussi le couple
48:57qui possède la relation,
48:59enfin, pardon,
49:00la représentation la plus iconique,
49:02c'est le tableau du sacre,
49:04parce que le tableau du sacre,
49:04c'est un moment de couple.
49:06C'est Napoléon
49:06qui couronne Joséphine,
49:08et qu'il a voulu,
49:08pas seulement de manière politique
49:09ou dynastique,
49:10il a dit,
49:11je la couronne parce que
49:12dans les moments difficiles,
49:13elle était avec moi.
49:15Donc, si vous voulez,
49:16et donc ils ont cette,
49:17d'où effectivement
49:18l'intime et le grandeur,
49:20ils ont ce grandiose
49:21qui maintenant est aux yeux
49:22du monde entier,
49:24puisque c'est un des tableaux
49:24les plus célèbres du Louvre,
49:26et qui illustre bien
49:27ce qui fut finalement
49:28cette relation,
49:29ce grandiose
49:30qu'ils ont réussi
49:31à accomplir ensemble.
49:32Pierre Mandin,
49:33merci infiniment.
49:34Merci.
49:34Donc, je rappelle votre livre,
49:36Napoléon et Joséphine,
49:38rappelez-moi le sous-titre,
49:38parce que nous, le papier…
49:39L'intime et le grandiose.
49:41L'intime et le grandiose,
49:42donc il vient de paraître
49:43aux éditions Perrin.
49:45Merci infiniment.
49:46Merci.
49:47On pourrait vous écouter
49:47des heures sur le sujet,
49:48mais malheureusement,
49:49c'est la fin de l'émission.
49:51C'était Passé-présent,
49:52l'émission historique de TVL,
49:54réalisée en partenariat
49:56avec la revue d'Histoire européenne.
49:58Avant de nous quitter,
49:59vous n'oubliez pas bien sûr
50:00de cliquer sur le pouce levé
50:01sous la vidéo
50:01et de vous abonner
50:03à notre chaîne YouTube.
50:04Merci, à bientôt.
50:05Sous-titrage Société Radio-Canada
50:10Sous-titrage Société Radio-Canada
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