Poutine en Inde : le Kremlin renforce ses liens avec Modi

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00:00Bonjour Olivier Guillard, vous êtes chercheur au CERIAS, c'est le centre d'études et de recherches sur l'Inde, l'Asie du Sud et sa diaspora.

00:07Vous officiez aussi à l'université de Québec à Montréal.

00:11Pour l'Inde, on peut le dire, cette rencontre c'est l'occasion rêvée de réaffirmer le partenariat stratégique avec la Russie.

00:17Il est de quel ordre exactement aujourd'hui ce partenariat ?

00:22Écoutez, vous avez fait bien mentionner ce point, il est d'importance.

00:25Cette année consacre le 25e anniversaire du partenariat stratégique entre l'Inde et la Russie.

00:31Donc c'est un moment fort, symbolique, dans une région qui aime ce genre de symboles.

00:35Le président, le premier ministre iranien, était en déplacement à Moscou il n'y a pas si longtemps que cela.

00:41On avait déjà tracé quelques petites perspectives pour une rencontre future.

00:46Aujourd'hui, c'est le premier ministre Modi qui accueille le chef d'État russe dans une atmosphère qui est relativement détendue.

00:52On le voit d'ailleurs sur les images, elles sont assez parlantes.

00:55Les deux sont en terrain familier.

00:57D'un point de vue personnel, M. Modi et M. Poutine s'entendent assez bien.

01:01Et ce qui doit être négocié, discuté, etc. ne fait l'objet pratiquement d'aucune clause secrète ou particulière.

01:09Donc les uns, l'un et l'autre, attendent, les populations également de ces deux pays, attendent certaines dividendes de cette rencontre.

01:15Une rencontre qui est brève, dans 27 heures entre la descente de l'avion et le retour vers Moscou.

01:21Ça sera certainement suffisant pour M. Poutine qui a quelques messages aussi à faire passer.

01:26Et également pour M. Modi auprès de sa population.

01:27Pour rappeler que l'Inde est un géant en devenir, mais déjà un géant géopolitique ou en tous les cas régionalement.

01:35Et que ce n'est pas un géant qui se laisse dicter sa conduite par n'importe quelle capitale occidentale fut-elle de l'Atlantique.

01:41Malgré justement ces pressions occidentales, et notamment celles de Donald Trump, on l'a compris,

01:45Moscou reste à ce jour le principal fournisseur d'armement de l'Inde.

01:50Cette tendance, elle ne va faire que se confirmer.

01:52C'est du gagnant-gagnant pour les deux pays ?

01:56C'est très probable.

01:57En tous les cas, même si on observe depuis une petite vingtaine d'années un effort de diversification de l'industrie de défense,

02:03en tout le cas des besoins de la défense indienne vers d'autres prestataires, notamment la France, mais pas seulement,

02:08le fournisseur russe reste déterminant.

02:12Probablement aujourd'hui, entre les deux tiers de tous ceux qui volent, qui flottent ou qui décollent à grande vitesse,

02:18est originaire des usines russes.

02:23Visiblement, depuis le printemps dernier, rappelez-vous, il y a eu ce bref conflit frontanier entre l'Inde et le Pakistan,

02:29les besoins de l'Inde n'ont évidemment pas diminué en cela.

02:32C'est pour cela que les marchands d'armes, de canons, d'avions et de matériaux flottants russes

02:38se frottent certainement les mains de cette visite, mais également parce que de l'autre côté,

02:42donc de l'autre côté de la frontière pakistano-indienne, un autre pays s'approvisionne, lui, du côté de la Chine

02:50pour contrer les expériences stratégiques à la défense de l'Inde, on parle ici du Pakistan.

02:54Donc ceci est en arrière-plan aussi de cette réunion d'importance de deux jours à New Delhi.

02:59Alors on l'a dit tout à l'heure, les Etats-Unis de Donald Trump essaient depuis plusieurs mois

03:03d'éloigner le plus possible New Delhi de Moscou.

03:06On exagère quand on dit que Narendra Modi est aujourd'hui pris en étau entre l'Occident et la Russie ?

03:12Non, votre parabole est très bonne.

03:14En fait, l'Inde professe, dans ce contexte un petit peu difficile,

03:18entre le non-alignement et ce que l'Inde préfère appeler une ambiguïté stratégique,

03:22à savoir une sorte d'équilibre entre les deux grands pour préserver les uns et les autres,

03:26un historique ancien de bonne relation avec Moscou, par exemple,

03:30et une histoire un peu plus récente, un petit peu plus heurtée,

03:34sans compter celle qui prévaut depuis le début de l'année entre New Delhi et Washington,

03:39avec le gouvernement Trump 2.0,

03:43l'Inde doit aussi, d'un point de vue domestique,

03:48envoyer l'image d'une nation qui est respectée par des grandes nations de ce monde,

03:52mais également une nation qui doit rendre des comptes à ses électeurs.

03:56Et M. Modi, qui lui, à la différence de M. Poutine,

03:58est dans une véritable démocratie où on rend des comptes aux personnes inscrites sur les listes électorales,

04:03M. Modi doit montrer qu'il est capable de discuter avec tout le monde,

04:08au profit de la nation, de ce géant économique,

04:11qui est aujourd'hui quatrième ou cinquième économie mondiale,

04:13avec de grandes espérances pour demain.

04:15C'est un des enjeux, notamment, de cette rencontre qui doit normalement se dérouler

04:19sans trop d'un microche, d'un point de vue domestique,

04:21comme d'un point de vue régional entre ces deux pays.

04:24New Delhi, qui reste un partenaire de Moscou,

04:26aussi dans l'ébauche de ce nouvel ordre mondial post-occidental

04:30accéléré par la guerre en Ukraine.

04:32C'est un exercice d'équilibriste auquel se livre aujourd'hui le Premier ministre indien.

04:37C'est tout à fait exact.

04:40On reproche beaucoup en Occident, notamment dans Coutre-Atlantique,

04:42mais également dans les diverses capitales européennes,

04:44et nous sommes bien placés pour le faire,

04:46que le gouvernement indien maintient une sorte de neutralité de discours

04:51dans la posture, dans les responsabilités russes dans le conflit en Ukraine,

04:56qui se déroule évidemment au marge de l'Europe occidentale,

04:59donc tout près de Paris, de Berlin, de Bâle et d'autres.

05:04On souhaiterait que l'Inde, selon la lecture occidentale,

05:08se montre un petit peu plus à l'écoute des besoins et des préoccupations

05:11de l'Europe occidentale, en pressant peut-être,

05:13dans une certaine mesure, ce n'est jamais facile,

05:15lorsqu'on doit presser l'Ukraine d'une manière ou d'une autre,

05:18pour qu'il y ait un petit peu plus d'équité stratégique

05:22ou d'équité politique dans les avancées futures

05:25ou actuelles sur ce terrible et pénible dossier de l'invasion russe en Ukraine.

05:31C'est beaucoup attendre M. Laudy,

05:32qui a peu, entre guillemets, de levier

05:34pour contraindre, d'une manière ou d'une autre,

05:37M. Poutine à voir sa feuille de route différemment, bien entendu.

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