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00:00Nous sommes en ligne avec Christine Dugouin-Clément, bonjour et merci d'être sur France 24.
00:04Vous êtes analyste en géopolitique, spécialiste de la Russie, auteur du livre « Géopolitique de l'ingérence russe,
00:09la stratégie du chaos » aux éditions PUF en mars dernier.
00:14Qu'est-ce que vous vous attendez du déplacement de Witkoff à Moscou ?
00:16Est-ce que ça peut faire avancer les négociations sérieusement ou est-ce qu'il ne faut pas être dupe ?
00:21La question, ce n'est pas forcément toujours ce que l'on en attend, mais ce que l'on peut en craindre.
00:24Il ne faut pas oublier, si on remonte un petit peu dans le temps, que les différents projets qui avaient pu être mis sur la table
00:32par le tandem Witkoff-Nutriyev étaient inacceptables pour l'Ukraine, pas plus d'ailleurs pour les Européens,
00:39et reprenaient vraiment tous les items qui correspondent à une capitulation.
00:43C'est à chaque fois ce qui a pu être poussé par Moscou avec cette entremise,
00:49et les Européens, que ce soit à titre individuel au niveau européen ou par la coalition,
00:55ont essayé, si vous voulez, de faire ce qu'on appellerait en anglais du « damage control »,
01:00c'est-à-dire de limiter et de revenir à quelque chose qui soit plus acceptable et qui relève d'une paix juste.
01:06C'est d'ailleurs ce que l'on a pu voir encore une fois être réalisé suite au plan qui avait été proposé,
01:12en 28 points, qui a été remodifié ensuite, et pour mémoire, ça a été qualifié par la Russie
01:19comme étant des propositions qui n'étaient pas constructives,
01:22ce qui laisse présager d'une position extrêmement raide de la part de Moscou.
01:28Est-ce qu'il y a la volonté néanmoins pour les Américains de connaître les lignes rouges des Russes ?
01:34Je pense que les lignes rouges, elles sont assez franchement connues.
01:38Après, c'est de regarder ce qui peut être potentiellement envisagé,
01:42mais encore une fois, il faut garder à l'esprit qu'on est dans des approches qui sont très transactionnelles,
01:46que ce soit à Washington, voire au Kremlin, avec une vision un petit peu différente,
01:51puisque ce qui est posé, si vous voulez, dans la balance par la Russie,
01:55dépasse très largement le déjà complexe, mais néanmoins simple cadre ukrainien.
02:02On est sur une demande d'arriver à avoir une validation internationale
02:07d'éléments qui sont en contradiction avec, notamment, le droit international.
02:13Donc, les lignes rouges, elles sont assez fortement connues.
02:15C'est de savoir jusqu'où est-ce que, potentiellement,
02:18il serait accepté d'aller pour avoir une torsion de bras,
02:21tout en sachant qu'une paix qui ne serait pas juste,
02:24des garanties de sécurité qui ne seraient pas solides,
02:26un cessez-le-feu momentané qui pourrait être brisé de manière extrêmement facile
02:30et extrêmement simple, eh bien, ferait l'avantage de la Russie,
02:33qui pourrait gagner du temps pour reconsolider, notamment, ces stocks,
02:38que l'on parle en matériel ou en humain,
02:40et avoir la marge de redevenir, le mettre un petit peu du tempo et du rythme.
02:45C'est d'ailleurs pas sans raison qu'on a cette montée très forte,
02:48cette poussée qui est réalisée par l'armée russe,
02:51et on oublie de le dire, à un coup humain qui est quand même assez fort,
02:54qui est extrêmement fort, pour essayer d'arriver dans une position
02:58la plus forte possible, en faisant des Européens,
03:02en tout cas c'est la tentative russe,
03:04eh bien, tout simplement, des acteurs avec lesquels on ne parle pas
03:06et que l'on discrédite de manière régulière.
03:08Je vous renverrai à cette posture de dire que les positions
03:12ne sont pas constructives, voire à différents articles
03:16qui sont sortis récemment dans des magazines
03:18et qui montrent qu'on a, si vous voulez, cette volonté
03:23de ne quasiment pas traiter avec des acteurs que l'on discrédite.
03:28Est-ce qu'il y a néanmoins des éléments qui pourraient contraindre
03:31Poutine, le président russe, de négocier sérieusement ?
03:36Il y a tout le travail qui est réalisé sur les sanctions.
03:41Alors les sanctions, ce n'est pas quelque chose de magique,
03:43bien évidemment, c'est du travail de temps long.
03:46On pourrait dire qu'il n'y a pas eu d'effet.
03:48Alors en un sens, on pourrait prendre la question à l'envers,
03:51c'est quels auraient été les effets ou tout du moins la capacité
03:54d'action russe sans ces sanctions, mais sans avoir une volonté
03:57extrêmement forte et sans avoir, et là je pense notamment aux Européens,
04:00une capacité de dissuasion qui soit crédible et qui soit suffisamment
04:05robuste pour limiter un certain nombre de velléités,
04:09puisqu'on est vraiment dans une demande de capitulation
04:12qui en plus ne prend en considération que les avantages d'un côté.
04:16Je vais vous donner un exemple très simple sur les 28 points.
04:19Eh bien, il était précisé que l'Ukraine ne pourrait plus,
04:22en tout cas, il serait interdit à l'Ukraine de mener des attaques
04:25sur des villes russes, Saint-Pétersbourg, Moscou, etc.
04:27Mais on n'avait absolument aucune contrepartie du côté russe.
04:30Donc ce n'était absolument pas précisé.
04:32On en revient vraiment à cette approche d'avoir une, si vous voulez,
04:36une convergence avec, ça sera multifactoriel, ça sera multivectoriel,
04:40c'est pour ça que c'est compliqué, une capacité de dissuasion
04:42qui soit économique, qui soit politique, qui soit de défense,
04:45qui soit informationnelle par rapport à un pouvoir qui pousse les lignes rouges
04:51et à un intérêt qui est vraiment d'offrir une alternative
04:54et de changer les règles tout en faisant la démonstration sur le terrain
04:58qu'elle a réussi à faire plier les acteurs à l'international.
05:03Alors on a l'information, mais on n'a pas l'image,
05:04mais Steve Whitkoff vient bien d'arriver au Kremlin.
05:08Poutine le reçoit à domicile, en quelque sorte,
05:10il le reçoit au Kremlin.
05:11Chez lui, il reçoit un émissaire qui n'est pas de son niveau.
05:16Ça veut dire quoi dans l'image, dans le message ?
05:19Les Russes veulent flatter les Américains ?
05:21Alors on a un double message, les Russes veulent flatter effectivement,
05:27mais c'est aussi un moyen de dire que, et on est dans le narratif,
05:31que la Russie a toujours été un acteur de paix.
05:35Ça fera écho avec, ils ont été contraints de mener l'invasion de l'Ukraine.
05:39C'est d'ailleurs le narratif qui est porté de manière régulière,
05:42qui est décliné avec un certain talent.
05:44Il ne faut pas le nier, par exemple, par le ministre Sergei Lavrov.
05:47Et puis c'est de se positionner sur, regardez, c'est l'Ukraine qui refuse la paix,
05:52et ce sont les Occidentaux, et là avec le doigt pointé sur les Européens,
05:55qui sont des vattes en guerre.
05:57Et ça vous permet non seulement d'avoir une position vis-à-vis de l'étranger,
06:01nous ne sommes pas dans l'ingérence, nous sommes dans la protection des peuples.
06:03C'est une distorsion, bien évidemment, mais c'est ce que l'on va avoir.
06:06Et les Européens qui, eux, veulent simplement une paix juste et avoir des garanties,
06:10en fin de compte, ce sont des vattes en guerre.
06:11Donc on est sur cette inversion, avec cette posture d'un Vladimir Poutine qui est raisonnable,
06:16qui est sage et qui est prêt à recevoir les émissaires qui sont les acteurs de ce plan de paix.
06:22Ce que l'on ne dit pas dans les petites lignes, c'est que quand il y avait eu différentes rencontres,
06:25on pourrait penser par exemple à Istanbul,
06:27et bien la délégation envoyée par Moscou, de par sa composition,
06:31faisait la démonstration du manque d'intérêt ou de volonté du Kremlin
06:34de donner une suite favorable à ces rencontres.
06:35Merci beaucoup Christine Dugouin-Clément pour vos explications,
06:40votre analyse de ce qui est en train de se dérouler là au Kremlin.
06:45J'ajoute que concernant l'actualité militaire,
06:48les Russes ont diffusé une vidéo de soldats qui hissent un drapeau
06:52sur la place centrale de Pokrovsk, cette ville symbole du Donbass,
06:57histoire de dire que la ville est tombée.
06:58Les Ukrainiens affirment le contraire, ils disent que les combats se poursuivent.
07:03Merci.
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