00:00Nous sommes en 2025 et la lutte contre le sida est plus que jamais d'actualité.
00:04En cette journée internationale, on s'arrête sur quelques chiffres et quelques repères.
00:08Dans le monde, vous voyez, plus de 40 millions de personnes vivent avec le VIH.
00:11L'an dernier, plus de 1,3 millions de personnes ont été infectées.
00:15Le dépistage est essentiel, le traitement aussi.
00:18La trithérapie sauve des vies, mais l'accès à ces traitements reste difficile,
00:22voire impossible, pour plus de 9 millions de personnes dans le monde.
00:25Alexandra Calmy, bonjour et merci d'être en direct sur France 24.
00:29Il faut être responsable de l'unité VIH-Sida aux hôpitaux universitaires de Genève.
00:33On vous retrouve donc logiquement en direct de Suisse.
00:37D'abord, que peut-on dire de la dynamique de l'épidémie dans le monde ?
00:42Bonjour, merci pour votre invitation.
00:45Aujourd'hui, nous assistons à un séisme important dans le financement de la riposte au VIH.
00:49On doit surmonter de grandes perturbations et les réductions importantes et brutales
00:54des financements des donateurs internationaux ont mis en péril de nombreux programmes.
00:58Toutefois, la riposte ne peut reposer que sur des ressources internationales et sur celles des donateurs.
01:05Donc, il est important aussi, aujourd'hui, de mettre en valeur la résilience des pays et des communautés qui sont affectées.
01:10Ça veut dire qu'aujourd'hui, la suspension, le retrait américain se pèse déjà sur la recherche ?
01:18Oui, bien sûr, sur la recherche, sur les recherches notamment en termes de prévention, sur le financement des associations communautaires.
01:26C'est pour ça qu'il existe aussi une certaine mobilisation en dehors des donateurs habituels, comme si les États-Unis l'étaient auparavant,
01:33pour essayer de continuer à avoir des actions multilatérales qui nous permettent de ne pas revenir en arrière.
01:40Je crois qu'aujourd'hui, ce qui est assez clair, c'est que personne ne veut revenir en arrière sur les acquis de l'accès au traitement.
01:45Mais il faudra nous mobiliser pour ne pas laisser non plus en arrière toutes les innovations de la prévention
01:51qui ont été très importantes ces dernières années, et puis celles aussi de la communauté qui a pris en marche, finalement,
01:58la question de l'implémentation des traitements et de la prévention dans les pays.
02:01Alors, comment pallier cette absence américaine ? Vous appelez-vous l'Europe à intervenir ?
02:09Oui, bien sûr, on appelle l'Europe à intervenir, et on a vu, avec la reconstitution du Fonds global de lutte contre le sida, la malaria et la tuberculose,
02:18qu'il existe toujours une solidarité. Je pense que l'Europe a un rôle clé à jouer pour maintenir cette solidarité.
02:24Et aujourd'hui, ce que l'on voit, c'est qu'il y a quelques signes quand même très encourageants,
02:28avec une reconstitution de ce financement de la réponse mondiale, qui semble arriver, en tout cas, à des taux probablement nécessaires
02:38pour reconstituer, aujourd'hui, les traitements et la prévention dans les pays qui sont le plus affectés dans le monde.
02:44Est-ce que vous pouvez nous faire un point sur les avancées en termes de recherche ?
02:49Quels sont les grands espoirs en 2025 ? Et puis les défis, aussi ?
02:54Oui, trois pistes, en tout cas. La première, c'est celle de la prophylaxie de pré-exposition, avec des outils supplémentaires, nouveaux, très innovants,
03:02qui sont arrivés, enfin, ou qui sont en train d'arriver. En tout cas, on doit se battre pour qu'ils arrivent.
03:07Notamment le lénacapavir, cette fameuse molécule qui n'est pas un vaccin, mais qui prévient l'acquisition du VIH
03:13chez à peu près 98-99% des personnes qui le prennent.
03:17Deuxième innovation, les traitements de longue durée d'action qui simplifient grandement le traitement,
03:23alors pas la prévention, mais le traitement, en l'occurrence, pour ces traitements de longue durée d'action.
03:27Et puis des pistes prometteuses qui combinent des immunothérapies avec des anticorps largement neutralisants
03:33qui sont aussi des pistes pour espacer encore l'administration du traitement, peut-être dans le futur,
03:38chaque six mois, par exemple, au lieu de prendre des comprimés tous les jours,
03:41une injection chaque six mois pourrait suffire, donc des beaux espoirs,
03:46mais pour que ces espoirs deviennent une réalité, il faudra encore qu'on arrive à les implémenter,
03:54c'est-à-dire avoir aussi des financements pour faire en sorte que les pays les plus touchés
04:00puissent avoir accès à ces molécules.
04:01Donc on n'en est pas encore tout à fait là, mais les espoirs et la recherche ont été extrêmement actifs.
04:06Puis peut-être juste pour dire, la recherche est aussi en danger, la rupture de ces financements
04:10ne s'est pas concentrée uniquement sur l'aspect humanitaire, mais aussi sur la recherche.
04:15Il est important aussi que nous, les académiques, soyons présents pour répondre à ce défi-là.
04:21J'aimerais qu'on s'arrête, Alexandra Calmy, sur la prophylaxie pré-exposition que vous évoquiez.
04:28On apprend que les premières injections de ce traitement vont débuter en Afrique à partir d'aujourd'hui.
04:33Alors ce n'est pas un vaccin, vous le disiez, c'est un moyen préventif, une mesure complémentaire.
04:38Il n'y a pas néanmoins un risque que cette option développe un sentiment de toute puissance,
04:42du moins de sécurité pour les personnes ?
04:46Mais alors tant mieux si ça donne un sentiment de sécurité, puisque c'est l'objectif.
04:49L'objectif, c'est quand même de prévenir l'acquisition du VIH.
04:53Ce qu'on observe aujourd'hui, c'est que les personnes qui prennent la PrEP,
04:55et il y en a beaucoup des personnes qui prennent la PrEP dans le monde,
04:59et c'est d'ailleurs très efficace pour diminuer l'incidence du VIH,
05:02ce n'est pas vraiment ce qu'on observe.
05:03Les gens disposent d'un suivi médical, ils viennent tous les 3 mois ou tous les 6 mois,
05:09et ça, ça donne plutôt un sens, à mon avis, de responsabilité.
05:13Donc je crois que la PrEP est amenée, au contraire,
05:16non seulement à permettre une certaine sécurité de ses usagers,
05:21mais aussi une certaine responsabilité.
05:24Et la sécurité et la responsabilité seront les maîtres mots pour que la PrEP fonctionne le mieux possible.
05:29Aujourd'hui, la meilleure arme contre le sida, alors mis à part bien sûr le préservatif, ça reste la trithérapie ?
05:36Alors la trithérapie, c'est quelque chose qu'on prend lorsque l'on vit avec le virus,
05:41et que l'on veut contrôler la multiplication du virus.
05:43Donc j'aime pas utiliser ce mot militaire,
05:48mais enfin c'est un outil en tout cas extrêmement puissant,
05:50puisque ça permet de contrôler la multiplication du virus,
05:53et une personne dont le VIH est contrôlé dans le corps ne transmet pas ce virus à des partenaires.
05:59Donc c'est évidemment aussi la trithérapie un outil de prévention,
06:03et ça je crois que c'est important de le dire.
06:05Et elle évolue comment cette trithérapie ?
06:07Et notamment concernant les effets secondaires qu'elle engendre ?
06:13On revient de très très loin, évidemment.
06:16Les trithérapies étaient grevées de nombreux effets secondaires,
06:19certains très stigmatisants d'ailleurs.
06:21C'est beaucoup moins le cas aujourd'hui.
06:23On a des trithérapies, on a des bithérapies,
06:26on a des traitements qui s'injectent,
06:28on a des traitements qui se donnent par la bouche.
06:30Donc ce qui est vraiment flagrant maintenant comme innovation,
06:33c'est le nombre d'options disponibles pour qu'un patient et une patiente
06:37choisissent le traitement qui lui convient le mieux.
06:40Et ceci maintenant, ce qui est aussi très intéressant dans les traitements,
06:43c'est que les recommandations internationales se sont alignées.
06:46Que ce soit les recommandations de l'OMS,
06:48ou les recommandations européennes,
06:50ou les recommandations nationales,
06:51la plupart maintenant recommandent des traitements
06:53d'une même classe de molécules.
06:57Et ça, c'est très très encourageant.
06:59Ça veut dire qu'on est arrivé quand même
07:00à un traitement universel aujourd'hui dans le monde.
07:04Bon, il y a des traitements,
07:05mais on attend toujours le grand soir,
07:06le fameux vaccin contre le sida.
07:08Est-ce que vous pouvez nous expliquer
07:09en quoi le VIH est un virus très particulier
07:12qui échappe encore à la vaccination ?
07:14Oui, il échappe à la vaccination depuis des années,
07:17depuis 30 ans,
07:19alors qu'on a réussi à faire un vaccin Covid rapidement.
07:21Eh bien, il y a des différences majeures
07:23entre le Covid et puis le VIH.
07:25Le VIH est un virus qui mute très très rapidement.
07:28Et on a toujours l'impression d'arriver finalement trop tard,
07:31au moment où on veut mettre des anticorps
07:33pour se protéger du VIH.
07:35Et puis, on n'a pas non plus
07:36les corrélats de protection sur le VIH.
07:38Pour le Covid, pour reprendre cet exemple,
07:40on sait qu'il faut des anticorps
07:43ciblant l'enveloppe
07:44et qu'avec ça, on va pouvoir se protéger.
07:46Pour le VIH, on n'a pas une telle simplicité,
07:49entre guillemets, de concept.
07:51On n'arrive pas, en donnant juste des anticorps,
07:53un ou deux anticorps,
07:54à contrôler l'acquisition du VIH par un vaccin.
07:58Alors, aujourd'hui, malheureusement,
08:00on a des résultats plutôt décevants
08:03des vaccins de première génération
08:05avec un essai clinique qui est paru
08:06cette semaine encore dans une revue prestigieuse,
08:09le Lancet,
08:10et qui montre des résultats très négatifs
08:11sur 3 900 patients.
08:13Enfin, négatifs dans le sens que
08:15le vaccin n'était pas efficace,
08:16ce candidat vaccin n'était pas efficace.
08:18Mais ça montre aussi que peut-être
08:19d'autres approches qui sont en train
08:21d'être développées,
08:22qui sont encore un petit peu plus préliminaires,
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