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00:00C'était il y a quelques jours à Genève.
00:03La directrice exécutive de l'ONU-SIDA s'alarmait de ruptures de stock de tests de dépistage du VIH et de médicaments
00:09dans des pays comme l'Ethiopie ou la République démocratique du Congo.
00:14Pour Winnie Biannima, les services de prévention sont en crise sur le continent africain.
00:20450 000 femmes en Afrique subsaharienne ont perdu l'accès à ce que nous appelons des mentors maternels,
00:28c'est-à-dire des femmes qui les mettent en relation avec les services.
00:3324% des prestataires ont signalé des interruptions dans le diagnostic précoce des nourrissons.
00:38Le Nigeria a vu une baisse de 55% dans la distribution de préservatifs.
00:46Des chiffres inquiétants qui s'expliquent par l'arrêt brutal des financements américains.
00:51L'ONU-SIDA elle-même était auparavant financée à 50% par les Etats-Unis.
00:54Mais d'autres grands donateurs ont aussi considérablement réduit leur aide publique au développement
00:59et confirment la tendance depuis 10 ans à une baisse des apports en capitaux.
01:04Si Donald Trump a effectivement gelé de nombreux programmes d'aide étrangère au début de sa présidence,
01:08il a tout de même dû rétablir certains volets du PEPFAR,
01:11une initiative mondiale de lutte contre le VIH lancée par George Bush en 2003.
01:15Mais l'Afrique du Sud, pays le plus touché au monde, est spécifiquement visée par un décret présidentiel
01:21supprimant tout financement vers le pays alors que l'aide américaine représentait 17% de son budget SIDA.
01:30Ici, un habitant sur cinq vit avec le virus.
01:32Les ONG doivent repenser les systèmes humanitaires traditionnels
01:35et s'adapter à des flux financiers plus faibles et moins stables.
01:38Des fonds privés pourraient être financièrement incités à investir par le gouvernement
01:42si les programmes parraînés atteignaient les objectifs convenus.
01:45D'autres mécanismes de financement commencent aussi à être envisagés
01:48comme des taxes sur les produits nocifs pour la santé
01:50ou le partage de ressources entre organisations et pays.
01:54Le problème reste que l'aide américaine était massive et qu'elle s'est tarie trop abruptement.
01:59Et on va en parler longuement avec notre invitée Esther Serra Jordia.
02:03Bonjour et merci d'être en plateau sur France 24.
02:04Bonjour merci.
02:05Vous signez un reportage très parlant qui paraît aujourd'hui dans le journal La Croix
02:09pour lequel vous travaillez.
02:11On va voir la une du journal.
02:14Vous êtes parti à Bujumbura, capitale du Burundi.
02:17C'est juste à côté du Rwanda.
02:18Petit pays de 12 millions d'habitants.
02:20Une personne sur 100 essai repositive.
02:22Le Burundi, on l'apprend dans le papier, a longtemps été un leader régional
02:27dans la lutte contre le VIH.
02:29D'ailleurs, le nombre de nouvelles infections a fortement chuté depuis 25 ans.
02:33Comment est-ce qu'on peut l'expliquer ?
02:35En fait, depuis 2010, c'est l'arrivée des antirétroviraux en Afrique.
02:39Ce sont les médicaments qui permettent de faire baisser la charge virale
02:42et donc de pouvoir vivre correctement, convenablement avec le sida
02:45et donc de ne pas infecter d'autres personnes.
02:48Depuis 2010, on estime qu'à peu près 40%, il y a eu une chute de 40% des infections en Afrique.
02:53Et au Burundi, c'est plutôt 60%, voire 70%.
02:56Ça s'explique par une forte mobilisation de la société civile.
03:00De la société civile.
03:01Oui, totalement.
03:02Qui a vraiment pris ça à bras-le-corps.
03:04Et de la mobilisation des pères éducateurs pour aller dans les zones, dans les régions
03:09où il y avait des fortes contaminations au sida,
03:13pour mobiliser les gens, les motiver à se faire tester
03:18et puis les motiver aussi à se soigner.
03:20C'est vrai que ce qui ressort de votre article, c'est la parole libérée au Burundi.
03:24Vous nous emmenez notamment dans un centre de dépistage, à Bujumbura.
03:27Et là, dites-vous, c'est l'affluence.
03:29Est-ce que ça vous a étonné ?
03:30Oui, c'est assez étonnant parce que quand on arrive,
03:33on nous explique auparavant que le sida reste tabou là-bas.
03:36Il y a beaucoup de fausses croyances.
03:38On estime que c'est une malédiction divine.
03:41Et ce lundi-là, quand je suis arrivée,
03:42il y avait beaucoup de monde qui venait pour se faire dépister.
03:45Du sida, mais aussi d'autres IST et la tuberculose, etc.
03:49Et ça, c'est aussi lié à une forte mobilisation des pères éducateurs,
03:54mais aussi à de la sensibilisation au grand public,
03:56toujours de la part des associations, en fait.
03:58Et c'est vrai qu'on sent que les gens se sentent en sécurité
04:01à l'intérieur de ces centres de dépistage
04:03et que le regard, finalement, est peut-être en train de changer.
04:07C'est ce que vous voyez, oui.
04:08Oui, totalement.
04:09Toujours grâce aux pères éducateurs,
04:10mais aussi parce qu'en fait, les populations ont compris
04:13qu'en allant là-bas, elles n'allaient pas être jugées,
04:17mais écoutées, comprises.
04:18Et donc, ça motive d'autres gens comme eux à venir, en fait.
04:21D'ailleurs, il y a une personne homosexuelle
04:23que vous évoquez dans l'article
04:25qui fait partie des populations à risque,
04:28que ce soit en Afrique ou ailleurs dans le monde.
04:31Rappelons qu'au Burundi, comme dans beaucoup de pays africains,
04:34l'homosexualité est condamnée.
04:35Et pourtant, ce jeune homme vient se faire dépister, malgré tout.
04:39En fait, c'est un peu tabou.
04:40Donc, dans les hôpitaux publics,
04:42on ne dit pas vraiment qu'on a des relations sexuelles avec des hommes.
04:45Mais dans ce centre-là, le centre de l'ANSS,
04:49les soignants sont formés à ça.
04:51Donc, il n'y a pas de jugement.
04:52Et donc, ceux qui viennent savent qu'ils vont pouvoir être écoutés
04:55et ne pas être jugés,
04:56et qu'on va les aider à soit se protéger,
04:58soit se soigner contre le sida.
05:00Une forme de refuge, finalement.
05:04Malgré tout, les fausses croyances ont encore la dent dure
05:07au Burundi et ailleurs en Afrique.
05:09C'est quoi les principales peurs ?
05:11La peur de la transmission, par exemple ?
05:13La peur de la transmission, et puis la peur d'en mourir,
05:16et la peur de contaminer d'autres.
05:19Et les fausses croyances sont aussi partagées dans le sens où
05:21on ne sait pas encore vraiment,
05:23enfin, en tout cas, de nombreuses populations
05:24ne savent pas comment se transmet le sida.
05:27Donc, j'ai rencontré des gens qui m'ont dit
05:29qu'on ne voulait pas que je partage ma chambre avec mes cousins,
05:31notamment des adolescents atteints du VIH,
05:33parce qu'on avait peur que je leur donne.
05:35Or, ça n'existe pas, mais c'est des fausses croyances
05:37qui sont très ancrées dans la population.
05:39Voilà, encore un travail de pédagogie.
05:40Il y a aussi de l'espoir, puisque vous nous parlez
05:43du traitement préventif contre le VIH, le fameux PrEP.
05:46D'ailleurs, on a appris que les premières injections
05:47sont arrivées depuis ce matin en Afrique,
05:51dans certains pays en Afrique.
05:52En Afrique du Sud, au Zambie,
05:54et au... j'ai oublié l'autre même pays.
05:57Je vais vous le dire.
05:57Mais oui, c'est arrivé ce matin, grâce à l'USAID,
06:03et ça, c'est extrêmement prometteur,
06:05parce qu'en fait, la PrEP, normalement,
06:06c'est un comprimé par jour à heure fixe,
06:09et là, ce sera une injection deux fois par an.
06:11Donc, d'un coup, ça change tout le quotidien
06:13des gens sous PrEP et sous ce traitement-là.
06:16Eswatini, Zambie et Afrique du Sud.
06:19Donc, rappelons que c'est quand même préventif.
06:21Ce n'est pas un traitement, ce n'est pas un vaccin.
06:24Non, c'est préventif.
06:25Mais c'est une avancée.
06:26Quand on parle d'épistage, quand on parle traitement,
06:30on parle forcément de moyens.
06:33Le Burundi, vous nous le dites,
06:34est fortement dépendant de l'aide extérieure,
06:3790% à hauteur de 90%,
06:39et notamment de l'aide américaine.
06:41Je vous propose, avant de vous retrouver,
06:43une étape au Malawi,
06:45pays africain qui enregistre de grands progrès
06:48en matière de lutte contre le VIH.
06:50Là-bas, les infections sont en baisse également,
06:52les traitements en hausse,
06:54une dynamique fragilisée par la suspension de l'aide américaine.
06:56Regardez un extrait de notre émission reporter.
07:00À une heure de route dans la capitale Ilongwe,
07:02le retrait de l'USA a aussi contraint des dizaines d'ONG
07:06à fermer ou à réduire leurs activités.
07:09Comme dans cette clinique,
07:11spécialisée dans l'accompagnement de la communauté LGD,
07:13dans un pays où l'homosexualité reste illégale.
07:18Angela nous montre des bureaux désormais vides.
07:21Ils étaient une dizaine à travailler ici auparavant.
07:26Maintenant que nous n'avons plus d'argent,
07:28nous sommes incapables de nous déplacer
07:30pour soigner les gens chez eux.
07:32Nous avions 500 clients réguliers
07:34qui recevaient leurs médicaments ici.
07:36Mais maintenant, environ 300 en sont privés.
07:42Au Malawi, l'homosexualité est passible de 14 ans de prison.
07:46Cette clinique reste un lieu de refuge.
07:48On y vient pour échanger, se détendre en toute sécurité.
07:51Ce patient vit à trois heures de route de l'île Ngué.
07:59Il a cessé son traitement préventif
08:00depuis que l'ONG n'envoie plus de clinique mobile dans son village
08:03car il n'a pas les moyens de payer le transport.
08:06Mais il s'était exceptionnellement déplacé ce jour-là pour témoigner.
08:10J'ai peur parce que je peux attraper le sida n'importe quand.
08:17J'ai des petits amis et je ne prends pas mes médicaments correctement
08:21parce que c'est compliqué pour moi de réunir assez d'argent
08:25pour venir ici récupérer mes médicaments.
08:29Angela puise dans son stock quand les patients se déplacent.
08:33Elle sait que la communauté LGBT évite les hôpitaux publics
08:36ou depuis le retrait de l'aide américaine.
08:38Ils sont l'objet de discriminations.
08:43Ils disent, tu vois, maintenant t'es tout seul.
08:47Trump ne soutient plus les trans ou les gays.
08:50Vous vous retrouvez seul.
08:53Les gens qui vous aident ne viendront plus.
08:58Alors ça nous touche encore plus.
09:02Et bien sûr, ce retrait américain,
09:05ce désengagement de Donald Trump,
09:06de l'administration Trump, finalement,
09:08elle touche toute la population, pas seulement les homosexuels.
09:12Cette suspension, ce retrait, Esther Serra-Jordia,
09:15est-ce que vous l'avez vu, vous, comme conséquence au Burundi ?
09:19Oui, oui, complètement.
09:20Alors déjà, il y a une première conséquence sur les employés des centres.
09:23Donc il y a une baisse salariale d'à peu près 49%.
09:26Et il y a une grosse conséquence aussi sur le défraiement des pères éducateurs.
09:31Donc ils ne sont plus défrayés.
09:33Au Burundi, il y a un gros problème de carburant.
09:35Donc beaucoup prennent des transports en commun
09:37ou doivent payer une essence très très chère.
09:39Donc le défraiement, ça fait qu'ils ne vont plus dans les quartiers à risque.
09:42Et ils étaient défrayés par qui ? Par les associations ?
09:43Exactement.
09:44Et donc, il y a déjà des conséquences.
09:47Il y a déjà une augmentation des cas,
09:48une augmentation des perdus de vue
09:50et une augmentation de la détection de la charge virale.
09:53Donc ça veut dire des personnes qui ne prennent pas
09:55ou qui prennent très mal leurs médicaments.
09:57Donc ça casse la dynamique ?
09:58Complètement.
09:59Une dynamique qui était quand même assez forte au Burundi,
10:01qui était un pays leader dans la région.
10:02Et le risque, tout le monde le dit là-bas,
10:04mais c'est le cas pour l'Afrique en général,
10:06c'est de revenir en arrière.
10:07Donc on était sur une lancée très prometteuse
10:10et là, il y a un risque de rupture totale.
10:12Avec un objectif qui a été clairement affiché
10:14par plusieurs pays africains,
10:16l'éradication du sida à horizon 2030.
10:18C'était demain.
10:19C'était demain.
10:21Le gouvernement au Burundi,
10:23est-ce qu'il a les moyens de pallier à ce retrait américain ?
10:25Malheureusement, non.
10:27Le gouvernement, il avait donné en 2001 à peu près
10:29qu'il allait donner 15% de son budget à la santé.
10:32Et en fait, on est plutôt autour de 5%.
10:34Mais comme c'est un pays très pauvre,
10:36il y a une très très forte dénutrition.
10:38Et donc c'est plutôt la priorité du gouvernement,
10:40moins de financer cette cause-là,
10:42qui de toute façon est infinançable au vu des moyens qu'il a.
10:45Reportage édifiant à lire dans le journal La Croix.
10:48Lisez, lisez La Croix.
10:50C'est un très bon journal.
10:50Esther, Sarah Jordia.
10:52La lutte obstinée contre le sida.
10:55Reportage au Burundi.
10:56Merci infiniment d'être passée sur France 24.
10:58Merci.
10:59Sous-titrage Société Radio-Canada
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