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00:00Bienvenue au Cœur du Crime, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Savez-vous que plus d'un tiers des crimes et délits commis en France sont traités par la Gendarmerie nationale ?
00:19Je m'appelle Yann Kermadek, je suis commandant de gendarmerie.
00:25Je dirige une section de recherche dont la mission essentielle est une mission de police judiciaire.
00:41L'histoire que je vais vous raconter est une histoire vraie.
00:46Tous les faits sont réels et se sont déroulés en France.
00:50Seuls les noms des personnes et des lieux ont été changés.
00:55Léonard est réveillé par un coup de sonnette.
01:03Ça fait bien vingt ans que ça ne lui est pas arrivé d'être tiré de son sommeil au milieu de la nuit.
01:09À l'époque, ça signifiait que quelqu'un avait besoin de lui.
01:13Bien sûr, il râlait toujours un petit peu, mais pour être tout à fait honnête, il adorait les urgences de nuit.
01:22Léonard avait été un excellent médecin.
01:26Mais ce soir, il est inquiet.
01:29Aucun de ses voisins, personne, à l'exception de son vieux copain Harry Adams, ne sait qu'il a été médecin.
01:38La première pensée qui lui traverse l'esprit est que Marie, son ex-épouse, est morte,
01:43ou bien que son fils, Tommy, a encore des ennuis.
01:46Léonard enfile sa vieille robe de chambre et se dirige vers la porte en traînant les pieds dans ses savates.
01:54Il fait jouer la serrure, tourne le bouton de la porte, et un homme entre comme une furie chez lui,
01:59le bouscule et pointe son flingue directement sur son poumon gauche.
02:04Le visage de l'homme est dissimulé par un bas noir.
02:08Curieusement, Léonard se sent soulagé.
02:12Il sait que ni Marie ni Tommy ne sont concernés par cette visite.
02:16Léonard est trop vieux pour avoir peur, trop amère pour redouter la mort, et trop fier pour courber l'échine.
02:25Alors, Léonard regarde l'intrus et il sourit.
02:31Vous vous êtes trompé de porte, l'ami.
02:34Si c'est mon portefeuille que vous cherchez, il est sur le bureau, dans l'autre pièce,
02:39mais entre nous, il est trop mince pour être volé.
02:42Enfin, si le cœur vous en dit, vous pouvez le prendre, mais prenez-le et filez.
02:49Je suis un vieil homme, vous le voyez, et j'ai besoin de dormir.
02:54La voix, sèche et assourdie par le bas de soie, lui réplique.
02:58Allez, mettez vos frusques, docteur. Vous allez venir avec moi. Il y a du boulot pour vous.
03:04Décidément, vous avez frappé à la mauvaise porte, mon jeune ami.
03:08Je ne suis pas médecin. Quand on l'a été une fois, on le reste pour toujours.
03:11Allez, je n'ai pas de temps à perdre. Prenez vos instruments, docteur.
03:14Mais en fait, je n'en ai pas, voilà.
03:16Allez, ça suffit maintenant. Prenez votre trousse à outils et grouillez-vous.
03:22Léonard hausse les épaules et commence à s'habiller.
03:27Bien sûr, il aurait pu envoyer balader ce type et se laisser descendre.
03:32Tous ces problèmes auraient été résolus une fois pour toutes.
03:35D'ailleurs, Léonard a déjà songé à se suicider.
03:41Mais pour son fils, pour Marie, seule et souffrante, il n'a pas pu s'y résoudre.
03:49Alors, il vivote de petits jobs qu'il dégote toujours quand il reste sobre assez longtemps.
03:57Plus vite, docteur, plus vite.
03:59Voilà, vous allez faire une petite opération.
04:01Oh ! Léonard a compris.
04:06Une balle à extraire du ventre d'un voyou.
04:09Bien sûr, ils savent, c'est connu.
04:11Les truands possèdent la liste des médecins dont le nom est rayé du Conseil de l'Ordre.
04:17Léonard va chercher sa trousse dans le placard de sa chambre.
04:20Elle n'est même pas poussiéreuse car Léonard a l'habitude, une fois par semaine au moins, de la sortir, de l'essuyer et d'astiquer tous ses instruments en rêvant à ce qu'aurait pu être sa vie.
04:36Dans l'autre pièce, l'homme lui fait signe de poser sa trousse.
04:40« Ok, maintenant, tournez-vous, docteur. »
04:43L'instant d'après, Léonard ressent un choc et puis il ne se souvient plus de rien.
04:54Léonard gît comme un sac sur le plancher d'une voiture.
04:57Il a les yeux bandés, mais il est conscient, conscient des bruits de la circulation et de la présence du conducteur à côté de lui.
05:05Il n'a absolument aucune idée de l'endroit où il se trouve.
05:09Soudain, il entend des cornes de brume.
05:12La voiture longerait-elle Hudson ou traverserait-elle Lys Triva ?
05:18Léonard se souvient que cette nuit était chaude, mais là, il fait agréablement frais et la voiture roule en douceur.
05:28Léonard pense qu'il se trouve probablement dans une limousine à air conditionné.
05:34« Quelle histoire ! » se dit le vieil homme.
05:38« Me voilà mêlé à une affaire de meurtre ou de raquette.
05:44Je pensais que tout ça était bien fini pour moi.
05:47Et voilà ! »
05:50En réalisant qu'il pouvait encore être utile, un frisson lui parcourt le dos.
05:57Pour cette simple raison, il va accepter d'offrir ses services.
06:03Ils n'auront pas besoin de le menacer.
06:05La voiture s'arrête et le conducteur descend.
06:10Léonard entend ses pas sur le gravier qui font le tour du véhicule, puis il ouvre la porte.
06:19« Sortez doucement ! » dit l'homme.
06:22« Et je vous préviens, n'essayez pas de regarder à travers le bandeau. »
06:27Léonard se laisse conduire.
06:28L'autre le fait traverser une rue, franchir une porte, puis il monte deux étages, enfin redescendre quelques marches.
06:40L'immeuble a une résonance de lieu déserté, et ça sent le moisi.
06:46« On est arrivé, Doc. »
06:51L'homme frappe à une porte.
06:54Elle s'ouvre.
06:55Une main pousse doucement Léonard à l'intérieur.
06:59Il reçoit une bouffée d'eau de toilette masculine,
07:03mais ce parfum trop subtil ne couvre pas l'odeur d'abandon qui règne ici.
07:11La main s'appuie sur son bras, caressante,
07:15et la voix qu'il entend est parfaitement courtoise.
07:20« Asseyez-vous, je vous en prie, docteur. »
07:24« Je suis désolé pour ce brusque enlèvement. »
07:27« Allez, maintenant, c'est fini, puisque vous êtes là.
07:31Vous prendrez bien un verre avec nous pour vous remettre. »
07:35Léonard hoche la tête.
07:37Il a la gorge douloureusement sèche.
07:40« Je n'ai que du scotch à vous offrir, docteur, et sans glace.
07:45Nous sommes plutôt mal installés, comme vous avez dû le deviner. »
07:50« Vous pouvez m'enlever ce bandeau ? »
07:54demande le vieil homme.
07:55« Non, désolé, docteur, pas encore.
07:59Mon ami va vous détacher les mains,
08:01mais ne touchez pas au bandeau.
08:03Si, par malheur, vous voyiez nos visages,
08:08nous serions obligés d'agir avec vous avec beaucoup moins de courtoisie.
08:13Suis-je assez clair ? »
08:15« Oh, oui, oui ! » dit Léonard.
08:20L'autre homme s'approche de lui
08:22et dénoue la corde qui liait ses poignets.
08:26Léonard prend le verre que lui tend la main anonyme.
08:30Il boit.
08:33Il sent le whisky glisser dans sa gorge desséchée.
08:38« On dirait que vous aimez ça, docteur.
08:41Il paraît que vous avez un certain penchant pour l'alcool. »
08:46dit l'autre homme.
08:48« Non, mais ce n'est pas pour me dire ça que vous m'avez fait venir, je suppose.
08:52Non, non, c'est pour votre talent de chirurgien.
08:56Mais je ne le suis plus, monsieur.
08:58D'ailleurs, je l'ai dit à votre copain.
09:01Ne soyez pas modeste.
09:03Vous avez été un chirurgien hautement respecté
09:07jusqu'au jour où vous avez opéré illégalement une jeune femme
09:11qui est morte.
09:14Vous avez été condamné pour homicide.
09:17Mais, venons-en au fait, docteur.
09:20Dites-moi, avez-vous entendu parler du rubis l'œil du lion ?
09:25Non, monsieur.
09:28Dommage.
09:29Si nous en avions le temps, je vous raconterai toute son histoire.
09:33Enfin, je vous dirai seulement qu'il a été extrait
09:35des mines de Mogok, en Birmanie, il y a des centaines d'années.
09:40Il fut volé par les Perses au XVIIIe siècle
09:43dans le palais du Grand Mongol, à Delhi.
09:45Puis, il fut porté par une personnalité royale en Iran
09:50où il fut encore volé, et là, par moi.
09:53Pour mon malheur, j'ai dû faire appel à un comparse pour le rapporter ici,
09:59et ce garçon, qui a fait entrer le rubis dans le pays,
10:04s'est montré plus gourmand que je ne le pensais.
10:07Quand je m'apprêtais à lui payer la somme convenue,
10:09il a exigé deux fois plus.
10:12Ce chantage m'a mis hors de moi,
10:14et je l'ai abattu.
10:17« Ah, oui, je vois, » dit Léonard.
10:21« Vous lui avez tiré dessus avant de savoir où il avait planqué le rubier.
10:24Maintenant, vous voulez que je le maintienne en vie le temps qu'il parle. »
10:30« Non, ce n'est pas tout à fait ça, docteur.
10:33Cet homme est mort, et bien mort, je peux vous l'assurer.
10:37Son corps est dans la pièce d'à côté. »
10:39« Non, voilà, docteur.
10:40Avant de mourir, il a eu le temps d'avaler le rubis.
10:46Vous comprenez maintenant pourquoi vous êtes là ? »
10:52Un frisson de dégoût traverse le dos de Léonard.
10:56Il ne s'attendait pas à un boulot aussi macabre.
11:01Il tend son verre vide.
11:02« Donnez-moi un peu de whisky, s'il vous plaît. »
11:05Puis, après quelques instants de réflexion,
11:07« Mais pourquoi moi, hein ?
11:11Puisque vous avez le corps. »
11:14« Voyez-vous, docteur,
11:16nous, on sait tirer sur un type,
11:19mais on ne sait pas lui sortir les tripes.
11:23Ça, c'est votre job.
11:26Vous allez nous faire ça en professionnel et proprement.
11:31Hein ?
11:32Vous n'en aurez pas pour longtemps.
11:35Êtes-vous sûr qu'il l'ait avalé, ce rubis ?
11:38Ça n'est pas évident.
11:39Surtout quand on vient de recevoir une balle.
11:43Docteur, je l'ai vu porter la main à sa bouche en tombant.
11:46Le rubis est de la taille d'une grosse bille.
11:49C'est sûr, il avait la pierre sur lui.
11:51Je l'ai vu.
11:52Et puis, nous avons fouillé ses vêtements.
11:55Méticuleusement.
11:55Non, non, non.
11:56Le rubis est dans son corps.
11:57Nous vous demandons de le retrouver le plus vite possible.
12:00Nous ne voulons pas nous éterniser ici.
12:03Allez, au travail, docteur.
12:04Vous trouverez le corps nu dans la pièce d'à côté.
12:06Il est sur la table.
12:08Dès que la porte sera fermée,
12:09vous pourrez retirer le bandeau.
12:11On vous laissera seul avec le cadavre.
12:12Quand vous aurez fini, frappez à la porte.
12:15Voilà.
12:15Si vous acceptez, vous serez très bien payé.
12:20Si vous refusez, vous serez tué.
12:25Maintenant qu'il sait ce que ses hommes attendent de lui,
12:30Léonard va-t-il refuser leur offre ?
12:33Vous le saurez dans quelques instants.
12:35Sortir un rubis des tripes d'un cadavre ?
12:45Mon Dieu, on a déjà vu opération plus ragoûtante.
12:50Mais qu'en pense le docteur Léonard ?
12:52Alors, docteur, demande l'autre homme.
12:59Acceptez-vous de faire cette opération pour nous ?
13:02Mon Dieu, je crois que je n'ai pas le choix.
13:06Bien raisonné, docteur.
13:08Au fait, quand vous aurez fini,
13:10n'oubliez pas de remettre le bandeau
13:12avant de sortir de la pièce.
13:14Là-dessus, Léonard est doucement poussé vers la porte.
13:20On lui met sa trousse dans les mains.
13:22La porte se referme.
13:27Léonard attend cinq secondes avant d'enlever son bandeau.
13:32La nudité froide de la pièce le fait frissonner.
13:35Petite et humide,
13:37des plaques de plâtre sont tombées du plafond
13:39et jonchent le sol.
13:42Sous l'unique ampoule allumée,
13:45le corps nu d'un homme jeune est étendu sur une longue table.
13:49Bien que la pièce soit fraîche,
13:54Léonard transpire.
13:57Il pose sa trousse.
14:00« Travaillez vite ! » a dit l'homme.
14:03Mais Léonard n'est pas pressé de mutiler
14:06cette sculpture humaine étrangement belle.
14:10Mais il n'ose pas s'attarder plus longtemps.
14:14Quelque part dans ce corps est enterrée une fortune.
14:19Le vieil homme ouvre sa trousse
14:22et sort les instruments nécessaires.
14:26Au moment où il lève son scalpel
14:28au-dessus de l'abdomen de l'homme,
14:31Léonard ne peut s'empêcher de songer
14:33à l'ironie du sort
14:34qui lui fait réaliser sa première opération
14:38depuis vingt ans sur un cadavre.
14:40Trente minutes plus tard,
14:46Léonard cogne à la porte après avoir remis son bandeau.
14:50La porte s'ouvre et une main le tire dans l'autre pièce.
14:54« Hum, hum, hum, est-ce que je pourrais avoir un scotch ? »
14:59« Vous avez l'air d'en avoir besoin, docteur.
15:02Vous ne vous sentez pas bien ? »
15:04« Oh, j'ai déjà été mieux. »
15:07On lui met un verre dans les mains.
15:10« Buvons à votre succès, docteur.
15:12Alors, vous avez le rubis ? »
15:15« Non, monsieur.
15:17Vous avez dû vous tromper. »
15:20L'homme émet un son
15:21où se mêlent colère et étonnement.
15:24« Si c'est une plaisanterie, docteur,
15:26elle est vraiment de mauvais goût.
15:27Nous n'avons pas de temps à perdre.
15:28Allez, donnez-moi le rubis. »
15:29« Mais puisque je vous dis qu'il n'y a pas de rubis, »
15:33répète Léonard avec conviction,
15:35« ben enfin, si le cœur vous en dit,
15:37vous pouvez aller vérifier. »
15:39Et instinctivement,
15:40le vieil homme fait un pas vers la porte.
15:42Les deux hommes lui saisissent chacun un bras
15:44et le tirent en arrière.
15:45Soudain, il sent les mains trembler
15:48et relâcher la pression.
15:50« Ah, vous n'avez jamais mis les pieds
15:53dans un laboratoire
15:54ni assisté à une autopsie. »
15:57Reprend Léonard, « C'est vrai,
15:58il faut un certain temps pour s'y habituer. »
16:03Léonard jouit de la déconvenue des deux hommes
16:05qu'il sent, à défaut de les voir.
16:07« Le fait est qu'il existe énormément d'endroits
16:11où un objet avalé peut se loger.
16:15J'ai entièrement ouvert le tube digestif.
16:18Si vous ne me croyez pas,
16:19allez voir par vous-même. »
16:23Léonard sent les deux hommes
16:24au bord de l'évanouissement.
16:25« Ça n'est pas possible.
16:28Je ne peux pas regarder ça.
16:29Il a dû faire autre chose que l'avaler.
16:30Le rubis doit être caché quelque part ! »
16:32dit l'un.
16:33« Ne sois pas stupide ! »
16:34dit l'autre.
16:35« Le docteur compte peut-être sur notre répugnance
16:37pour nous jouer un tour.
16:39Surveille-le ! »
16:41Léonard sent sur son bras
16:42la moiteur de la paume de l'un des hommes.
16:45Il entend l'autre se diriger vers le cadavre,
16:48puis plus rien pendant plusieurs minutes.
16:50Finalement, celui qui semble être le chef
16:54parle d'une voix tendue.
16:57« D'accord.
16:58La pierre n'est pas dans le tube digestif.
17:02Docteur, seriez-vous assez stupide
17:04pour penser que vous pourriez voler le rubis ? »
17:07« Oh non, monsieur !
17:09Enfin, je ne l'ai pas volé ! »
17:11« Très bien.
17:13Nous allons vérifier.
17:14Venez dans cette pièce. »
17:18Léonard est nu comme un verre.
17:21Les deux hommes le fouillent soigneusement,
17:24ainsi que ses vêtements.
17:26L'un des deux hommes lâche un juron.
17:28« Mais enfin, ça n'est pas possible !
17:30Le rubis n'a pas pu se volatiliser !
17:32Il doit être là !
17:35On ne peut pas rester ici toute la nuit ! »
17:38Léonard a la gorge sèche,
17:41mais ce n'est pas le moment
17:42de demander un autre scotch.
17:44« Il me semble, monsieur,
17:49que vous ne voyez pas
17:51ce qui tombe sous le sens ! »
17:54Fait-il soudain.
17:56« Quoi ? Que voulez-vous dire ? »
17:59« Un rubis de cette taille, monsieur,
18:02ça ne disparaît pas comme ça,
18:04à moins que quelqu'un
18:05ne l'ait fait disparaître. »
18:09« Mais ce type n'a pas quitté l'appartement. »
18:11« Non, je ne parle pas de lui, monsieur, lui,
18:13mais de l'un de vous deux,
18:17car l'un de vous deux
18:18a quitté cette pièce,
18:19ne serait-ce que pour aller me chercher. »
18:24Le silence est pesant.
18:26Enfin, l'un des deux hommes
18:27dit d'une voix empreinte de colère,
18:29« Espèce de...
18:30Vous m'accusez, c'est ça ?
18:32Vous m'accusez de l'avoir volé ? »
18:33« Non, non, monsieur, »
18:35poursuit le vieil homme.
18:35« Non, j'ai seulement dit que
18:37l'un de vous deux
18:38doit l'avoir pris. »
18:42C'est au tour de l'autre homme de parler.
18:45« C'est toi qui l'as fouillé, Dutch. »
18:48lâche-t-il d'un temps glacial.
18:50« Oui, mais toi,
18:51t'étais tout seul avec le cadavre
18:52quand je suis allé chercher ce poivreau.
18:54Je l'ai pas, ce rubis.
18:55Et toi, hein ?
18:56Est-ce que tu l'as ? »
18:58Léonard perçoit un mouvement brusque
19:01et comprend ce qui va lui arriver.
19:03« Ligote-le, Dutch,
19:05et surtout ne tente rien.
19:06J'ai déjà utilisé mon revolver
19:07et je n'hésiterai pas
19:08à m'en servir une seconde fois.
19:10Je n'aime pas les fauchetons. »
19:12Dutch lâche une bordée de jurons.
19:14« Ferme-la et attache-le ! »
19:17Léonard sent qu'on lui tord les bras
19:19et qu'on les lui ligote
19:20sans ménagement.
19:22« Désolé, docteur, »
19:24dit l'homme d'une voix
19:25à nouveau calme,
19:27« mais je suis sûr
19:27que vous n'aurez pas de mal
19:28à vous libérer
19:29quand nous serons partis.
19:31Je vais emmener mon ex-associé
19:33faire un petit tour,
19:34si vous voyez ce que je veux dire.
19:37Il sera bien obligé
19:38de parler
19:38et de me dire
19:39ce qu'il a fait du rubis
19:40sans quoi
19:41il finira exactement
19:43comme l'autre. »
19:47Léonard reste immobile
19:48un long moment
19:49après leur départ.
19:52Il se demande
19:53s'ils ont emporté
19:54la bouteille de scotch.
19:58Une fois certain
19:59que les hommes
20:00ne vont pas revenir,
20:01Léonard fait
20:02une première tentative
20:03pour se libérer.
20:05Dix minutes plus tard,
20:07il est en âge,
20:09mais il a défait
20:09les liens
20:10qui lui attachaient
20:11les poignets.
20:13Il ôte son bandeau.
20:17La bouteille de scotch
20:18est sur la table,
20:20à moitié pleine.
20:22Il avale
20:22plusieurs gorgées,
20:24puis jette
20:25un coup d'œil
20:25dans le vestibule.
20:28Un immeuble inhabité
20:29et probablement condamné
20:31à la démolition.
20:33De la fenêtre,
20:36il aperçoit
20:36Alice Trevor.
20:39Léonard attrape
20:40sa trousse
20:40et se dirige rapidement
20:41vers la pièce
20:42où se trouve le cadavre.
20:43Il sort de la trousse
20:45une paire de pinces
20:46et,
20:47tout en souriant,
20:48il soulève
20:49avec précaution
20:50la paupière droite
20:52du mort.
20:55Le rubis,
20:57l'œil du lion,
20:58le regarde
21:00fixement.
21:03À l'aide
21:03des pinces,
21:05il prélève
21:06en expert
21:07la pierre précieuse
21:08tout comme
21:09une heure avant
21:10il avait extrait
21:11l'œil du mort.
21:15Léonard
21:15fourre le rubis
21:16dans sa poche,
21:17descend les deux étages
21:18de l'immeuble
21:19et débouche
21:20dans la rue.
21:21Une heure plus tard,
21:23le docteur Léonard
21:24est de retour
21:25chez lui.
21:26Ce soir,
21:31c'est la fête.
21:33Harry,
21:34son vieux copain Harry,
21:35n'a pas la moindre idée
21:36de l'événement,
21:37mais il s'en moque.
21:38L'essentiel est
21:39que l'alcool
21:40coule à flot
21:40et qu'il puisse boire
21:42tout son sou
21:42en compagnie
21:43de son vieux copain Léonard.
21:45Pourtant,
21:46il finit quand même
21:47par l'interroger.
21:49Léonard,
21:49qu'est-ce qu'on fait ?
21:50T'as gagné aux courses
21:51ou quoi ?
21:52Ne t'occupe pas,
21:53mon vieux.
21:54Bois autant qu'il te plaira.
21:56Quand on n'aura plus
21:57de munitions,
21:58j'irai chercher
21:59d'autres bouteilles.
22:02Léonard,
22:03ce soir,
22:03est bavard
22:04comme il l'a rarement été.
22:06Il parle,
22:08il parle de sa jeunesse,
22:09de ses rêves,
22:11de ses ambitions perdues,
22:13de ses regrets inutiles.
22:14« Mais tu sais,
22:17mon vieux Harry,
22:18il n'est pas trop tard
22:20pour rattraper
22:20le temps perdu.
22:22La chance a tourné
22:24pour nous,
22:25tu vas voir. »
22:27Il se penche un peu
22:28vers son vieil ami
22:29et poursuit
22:30à voix basse.
22:32« Est-ce que je t'ai raconté
22:34comment j'ai fauché
22:36le fameux rubis,
22:38l'œil du lion,
22:39au nez d'un gang
22:40international
22:42de voleurs de bijoux ? »
22:44« Hein ? »
22:45« Arrête, Léonard,
22:46l'alcool te monte
22:47à la tête.
22:48Non !
22:49Comment,
22:49je ne t'ai pas raconté
22:50cette histoire ?
22:52Un joli coup,
22:53tu peux me croire,
22:54mon ami. »
22:56Et Léonard
22:57commence à raconter
22:58à son ami
22:59ce qui lui est arrivé
23:00la veille,
23:00sauf qu'il situe
23:01l'histoire
23:02beaucoup,
23:04beaucoup plus loin
23:05dans le temps,
23:06une aventure
23:07de jeunesse.
23:09Léonard raconte
23:09avec détail
23:10et délectation.
23:13Harry ne cache
23:14pas son scepticisme.
23:16« Je te jure
23:17que c'est la vérité ! »
23:19insiste le vieux docteur.
23:20« J'ai extrait
23:21la pierre du ventre
23:22de ce pauvre type
23:23et après,
23:24il fallait bien
23:24que je trouve
23:25une cachette
23:25où les truands
23:26n'auraient jamais
23:27l'idée de regarder.
23:28Ce jour-là,
23:30mon cher Harry,
23:31j'ai fait
23:32la plus belle
23:33énucléation
23:34de toute ma carrière. »
23:36« La plus belle quoi ? »
23:38« Énucléation,
23:40c'est-à-dire
23:40ablation
23:41du globe oculaire,
23:43mon ami,
23:44et à sa place,
23:45j'ai mis
23:46le rubis,
23:47puis j'ai rabattu
23:48la paupière
23:49sur le rubis.
23:50Et voilà,
23:50les truands
23:51en ont été
23:52pour leur frais.
23:54Ils ont commencé
23:54à s'accuser
23:55mutuellement
23:56de l'avoir volé,
23:56puis ils sont partis
23:58s'expliquer dehors.
24:01J'ai récupéré
24:02le rubis
24:03et le tour
24:04était joué.
24:05« Bien sûr,
24:07bien sûr ! »
24:08dit Harry.
24:09« Ton histoire
24:10est bien imaginée,
24:11mais t'as oublié
24:11un petit détail. »
24:13« Ah oui ?
24:15Un détail ?
24:16Lequel ? »
24:17« Eh bien,
24:17le globe oculaire
24:18du gars.
24:19Qu'est-ce que
24:19t'en as fait ? »
24:22Léonard se redresse
24:23et regarde
24:24son ami
24:24malicieusement.
24:29Exactement
24:29comme il avait fait
24:30avec le rubis.
24:33Léonard avale
24:34une longue gorgée
24:35de scotch
24:35et achève
24:37« Je l'ai
24:39avalée ».
24:41Vous venez
24:47d'écouter
24:47Au cœur du crime,
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24:52Julien Tarot
24:53Production
24:54Estelle Laffont
24:56Patrimoine sonore
24:57Sylvaine Denis
24:58Laetitia Casanova
24:59et Antoine Reclus.
25:03Au cœur du crime
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