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00:00Bienvenue au Cœur du crime, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Savez-vous que plus d'un tiers des crimes et délits commis en France sont traités par la Gendarmerie nationale ?
00:19Je m'appelle Yann Kermadek, je suis commandant de gendarmerie.
00:25Je dirige une section de recherche dont la mission essentielle est une mission de police judiciaire.
00:41L'histoire que je vais vous raconter est une histoire vraie.
00:46Tous les faits sont réels et se sont déroulés en France.
00:50Seuls les noms des personnes et des lieux ont été changés.
00:55« Formidable ! » s'exclame Robert presque à haute voix.
01:04« Un oriolus galbulus ! »
01:08Pressant les jumelles contre ses yeux, il observe avec émerveillement le petit oiseau jaune et noir
01:14qui, perché sur la branche d'un arbre tombé, pique l'écorce de son long bec.
01:20Sans cesser de regarder dans ses jumelles, Robert fouille maladroitement la poche de sa veste en quête d'un carnet et d'un crayon.
01:30« Il est rare de trouver un oriolus galbulus à cette époque de l'année, songe-t-il,
01:35si seulement il avait pensé à emporter sa caméra. »
01:40Il sort le carnet et le crayon de sa poche et, l'œil toujours fixé sur l'oiseau,
01:45commence à en établir la description exacte.
01:48Robert est un petit homme d'âge moyen qui commence à prendre de l'embonpoint.
01:55Avec son agréable visage rond, où pointe un nez fin, assez semblable d'ailleurs à un bec,
02:01il a lui-même tout à fait l'air d'un oiseau, comparaison qui ne saurait lui déplaire.
02:07« Oh, chut ! » s'exclame-t-il soudain, en voyant l'oriolus galbulus s'arrêter de becter pour s'envoler au plus profond des bois.
02:18Robert vient à Memorial Park chaque week-end.
02:23Il sait combien le sous-bois de cette partie de la vaste forêt est épais.
02:28Laissant retomber ses jumelles sur sa poitrine, il décide cependant de suivre l'oiseau.
02:34Ses chevilles se prennent à chaque pas dans la broussaille roussie par l'automne,
02:37et bien qu'il s'efforce de marcher délicatement, le tapis de feuilles mortes bruit et craque sous ses pieds.
02:46Craignant d'effrayer le bel oriolus galbulus, il avance lentement, scrutant le feuillage de ses yeux bleus et miops.
02:55Et c'est alors qu'il entend l'appel, une sorte de croassement, pareil à celui d'un corbeau,
03:06et pourtant, paradoxalement, étrangement différent.
03:11Attentif et curieux, il reste immobile un instant, puis avance sans bruit dans la direction d'où vient le cri.
03:23Il progresse lentement et précautionneusement pendant un moment,
03:28quand il surprend un mouvement dans le feuillage.
03:31Rampant presque et obliquant vers la gauche afin de mieux voir, il porte les jumelles à ses yeux.
03:37Il s'entend haleter pendant qu'il observe.
03:42Dans une petite clairière, à quelques distances de lui, il y a un homme et une belle fille blonde.
03:51Tous deux sont à genoux, et les doigts de l'homme serrent le cou mince de la fille.
03:59Tandis que Robert regarde, l'homme serre de plus en plus fort et secoue furieusement la fille.
04:04Robert entend une nouvelle fois l'étrange croassement, puis la jeune fille cesse de se débattre.
04:10Ses bras retombent mollement le long de son corps.
04:14Robert voudrait crier, courir, aider la fille, mais la frayeur l'immobilise.
04:20La sueur inonde son front.
04:22Sa gorge se noue.
04:24Enfin, l'homme lâche la fille et se remet debout.
04:27À travers ses jumelles, Robert peut voir l'horrible expression de son visage blême devant le corps effondré parmi les feuilles.
04:36L'homme fait remuer ses doigts comme pour les assouplir, puis essuie ses mains sur son chandail brun et regarde tout autour de lui.
04:45Le cœur de Robert bat à se rompre quand le meurtrier se tourne vers lui.
04:51Il en lâche ses jumelles pour ne les reprendre que lorsqu'il est certain de ne pas avoir été repérées.
04:57Maintenant, l'homme traîne le corps de la blonde dans un fourré.
05:04« Ah ! une tombe ! » murmure Robert en voyant le bleu de la robe de la fille disparaître dans le sol.
05:11De fait, l'homme se baisse et sort une bêche d'un épais buisson.
05:20Robert ne s'est donc pas trompé.
05:22L'assassin avait déjà creusé un trou pour ensevelir la pauvre fille, avant même d'avoir accompli son forfait.
05:30Il entreprend à présent de le combler, puis il recouvre la tombe de feuilles mortes pour qu'on ne la repère pas.
05:37Robert sait qu'il doit faire quelque chose, mais quoi ? N'importe quoi ! Quelque chose !
05:45C'est alors qu'il réalise que la voiture de l'homme doit se trouver sur le chemin de terre qui conduit à la vieille tour abandonnée.
05:54Toujours en rampant, Robert rebrousse chemin avec lenteur et maladresse,
05:58les yeux fixés sur le mouvement de la pelle dans le fourré, jusqu'à ce que le feuillage n'empêche de le voir.
06:05Se redressant, il fait alors demi-tour et court en direction du chemin de terre.
06:11Il repère la voiture presque immédiatement, à quelques centaines de mètres de là.
06:16C'est une Ford noire à quatre portes, garée devant un banc.
06:21Robert traverse la route un peu plus loin en s'assurant que l'inconnu ne peut le voir,
06:25tout en s'arrangeant pour braquer ses jumelles sur la plaque minéralogique de la voiture.
06:29Au moment où il finit de noter le numéro dans son carnet, l'homme apparaît sortant des bois.
06:38Il regarde encore autour de lui, mais cette fois, Robert, s'armant de courage, n'interrompt pas son observation.
06:47Il connaît quand même un instant désagréable quand le regard du meurtrier l'effleure, mais ne bronche pas.
06:54Il voit alors l'homme jeter la pelle dans le coffre de la voiture, puis monter et démarrer,
07:03laissant un épais nuage de poussière suspendu au-dessus de la route brûlante.
07:09En quittant Memorial Park pour rentrer chez lui, Robert a la ferme intention d'appeler la police pour lui communiquer immédiatement le numéro du meurtrier.
07:21Et voici qu'il hésite.
07:24Une idée fantastique lui traverse l'esprit, une idée si différente de celle qu'il a d'ordinaire qu'elle le fascine.
07:35C'est peut-être le destin, car il n'est sûrement pas né pour être caissier de banque toute sa vie,
07:43un caissier qui n'a pas eu le moindre avancement depuis six ans.
07:47Peut-être est-ce l'occasion qui arrive une fois dans une vie,
07:51l'occasion que les forts savent saisir et que les faibles laissent passer.
07:57Mais ne fait-il pas partie des forts ?
07:59N'a-t-il pas eu le courage de rester impassible quand l'assassin l'a regardé en face pour la seconde fois ?
08:07Quand il arrive chez lui, une ferme détermination fait battre son cœur.
08:15Il rentre la voiture dans le garage et referme la porte derrière lui.
08:19Puis il va vers le coffre à outils qu'il ouvre bien rarement et en sort un énorme marteau de plusieurs kilos.
08:27En s'efforçant de rester calme, sachant qu'ainsi il s'engage à accomplir le plan qui vient de naître dans son esprit,
08:35il élève le marteau au niveau du pare-choc et délibérément porte un grand coup à la carrosserie de la portière,
08:42puis un autre sur l'aile arrière.
08:46Satisfait, il rentre alors chez lui par la porte intérieure et laisse le reste de l'après-midi s'écouler paisiblement.
08:54À dix heures du soir précise, il téléphone enfin à la police pour expliquer que sa voiture a été heurtée par un chauffard en début de soirée.
09:07On lui délègue un agent pour faire un constat.
09:09Robert lui raconte comment, une heure plus tôt, alors qu'il se trouvait dans l'avenue des Saules,
09:15un coupé rouge l'a heurté avec son pare-choc, puis a filé sans s'arrêter.
09:19Une heure plus tard, un sergent téléphone pour lui dire que le numéro minéralogique qu'il a communiqué
09:28est celui d'une Ford noire et non d'un coupé rouge.
09:32« Ah bon ? Vous êtes sûr ? » demande Robert d'un air faussement étonné.
09:39« Ah oui, monsieur ! » répond le sergent.
09:41« Peut pas y avoir d'erreur ! Le numéro a été enregistré tout récemment.
09:46Cette voiture était auparavant immatriculée dans l'Ohio. »
09:51Ainsi, le meurtrier vient de s'installer récemment en ville.
09:55« Mais comment connaître son nom ? » Il faut insister.
09:59« J'étais tellement sûr du numéro ! » dit encore Robert.
10:04« Je me suis peut-être trompé sur la couleur. »
10:07« Non, non ! » réplique le sergent.
10:09« J'ai vu la voiture en question et j'ai parlé au propriétaire.
10:13Lui et sa femme étaient au cinéma à l'heure où vous avez été heurtés.
10:16D'ailleurs, la carrosserie de leur voiture ne porte aucune trace. »
10:22Robert exhale un long soupir.
10:24« Ah ! Ben, si vous le dites, sergent, je suis bien obligé de vous croire.
10:30Peut-être quand même que, si je pouvais moi-même jeter un petit coup d'œil à cette voiture. »
10:37« Le couple habite dans le Chambers Road, à l'autre bout de la ville, » répond le sergent d'un ton peu amène.
10:44A l'évidence, il ne tient pas à conduire Robert là-bas.
10:48Robert pense un instant lui demander l'adresse exacte, mais il n'ose s'aventurer plus loin.
10:54« Après tout, peut-être que j'ai mal lu le numéro ? » déclare-t-il finalement.
11:01« Oui, oui ! » dit le sergent. « Ça arrive souvent ! »
11:04« Et puis, il faisait nuit. »
11:06« Appelez dans votre assurance, mon vieux, et laissez-les se débrouiller. C'est le mieux que vous puissiez faire. »
11:11« Merci du conseil, sergent. C'est très certainement ce que je vais faire. »
11:18Robert sourit en raccrochant.
11:21Son cœur bat très vite.
11:22Il cherche Chambers Road sur un plan des rues et s'aperçoit que l'endroit n'est formé que de six pâtés de maison.
11:30C'est une des banlieues chics où les loyers sont hors de prix.
11:34Il sort sa voiture du garage et démarre à toute vitesse.
11:38En quelques minutes, il est à pied d'œuvre.
11:41Devant chaque immeuble de Chambers Road est aménagé un espace bétonné qui sert de parking au résident.
11:47Robert remonte lentement l'avenue, mais la voiture noire du meurtrier n'est visible nulle part.
11:56Amèrement désappointé, mais non découragé, il rentre chez lui.
12:01Il n'a plus de chance le lendemain puisqu'il repère aussitôt l'auto garée devant un immeuble d'angle.
12:10Il est toujours assis dans sa voiture en train de se demander ce qu'il va faire quand il voit l'assassin sortir de l'immeuble.
12:17Il reconnaît aussitôt la chevelure grisonnante et distinguée, le visage bronzé aux yeux perçants.
12:25À côté de l'homme marche une femme qui porte des chaussures à talons très hauts.
12:31Le meurtrier lui ouvre galamment la porte, puis, après avoir contourné la voiture, va s'asseoir à la place du conducteur.
12:40Il fait ensuite reculer la voiture dans la rue.
12:42Dès que la Ford Noire a disparu, Robert quitte la sienne et traverse la rue en direction de l'immeuble.
12:56Robert semble avoir l'intention d'aborder l'inconnu.
13:01Mais comment va-t-il s'y prendre ?
13:04Vous le saurez dans quelques instants.
13:12Petit caissier de banque, passionné d'ornithologie, Robert a fait une étrange découverte au cours d'une promenade dans Memorial Park.
13:24Il a vu un inconnu étrangler une jeune femme blonde et l'enterrer dans les bois.
13:30Il a pu relever le numéro de la plaque minéralogique de l'assassin, mais, alors qu'il pensait au départ raconter ce qu'il avait vu à la police,
13:40il décide brusquement de n'en rien faire.
13:44Ayant réussi à se procurer l'adresse de l'inconnu, il s'apprête à présent à l'aborder.
13:52À l'évidence, Robert a une idée derrière la tête.
13:57Notre ornithologue distingué est en train d'examiner les noms sur les boîtes à lettres
14:07quand la porte de l'étage au-dessus de lui s'ouvre.
14:11Une femme âgée, à la chevelure teinte en roue, se penche par-dessus la rampe pour le regarder.
14:17« Est-ce que je peux vous être utile ? » demande-t-elle.
14:20Pris de panique, Robert choisit au hasard un nom sur une boîte.
14:24« Je cherche M. Denton. Je pense que c'est un de mes anciens camarades d'école.
14:31M. Denton travaille à cette heure-ci, mais je suis la gardienne de l'immeuble. Est-ce que je peux vous aider ? »
14:37Robert, après une hésitation, répond « Le Denton que je cherche mesure environ un mètre quatre-vingts.
14:45Il a le teint très sombre et les cheveux grisonnants. »
14:49La femme paraît perplexe, puis son regard s'éclaire et elle dit
14:53« Ah ! Vous voulez parler de M. Emeric ? Lui et sa femme viennent d'emménager voici deux jours. Ils viennent de l'Ohio. »
15:01« Ah ben, c'est bien ça, oui, Emeric. Je voulais dire Emeric. »
15:05« Ben, vous avez dit Denton ! » réplique la dame.
15:10Robert reste muet tandis qu'elle le dévisage.
15:13Il finit par répéter « Oui, non, non, je voulais dire Emeric. »
15:19« Eh ben, pourquoi ne pas monter et lui parler ? » demande-t-elle en pressant sur le bouton de sonnette marqué « Emeric. »
15:26« Ben oui, hein, pourquoi pas ? » répond Robert avec d'autant plus d'entrain qu'il sait que le couple est sorti.
15:34Après avoir franchi les marches qui les séparent, il appuie à son tour sur la sonnette.
15:40Sans résultat, bien entendu.
15:44Rossant les épaules, il sourit.
15:46Les soupçons de la femme ont à l'évidence disparu.
15:52« Quand il rentrera, ne lui dites pas que je suis venue, madame. Je veux lui faire une surprise. »
15:59Sur ses bonnes paroles, Robert rentre une nouvelle fois chez lui où il se jette sur la nuire qu'il feuillette fiévreusement.
16:07Naturellement, les Emeric n'y figurent pas encore. Ils viennent juste d'emménager.
16:12Robert appelle aussitôt les renseignements, mais l'opératrice lui répond aimablement qu'elle ne peut lui communiquer le numéro de téléphone de M. Emeric.
16:21Il est sur la liste rouge.
16:24Robert raccroche violemment en pestant contre le sort.
16:28Comment va-t-il s'y prendre pour contacter Emeric à présent ?
16:33Non, il doit bien y avoir un moyen.
16:37Le soir même, il monte le guet dans sa voiture garé non loin de l'immeuble.
16:44Il a d'abord imaginé qu'il pourrait sonner à la porte d'entrée.
16:47Il y a une chance sur deux pour que ce soit Emeric lui-même qui vienne lui ouvrir,
16:51mais une sur deux également que ce soit sa femme.
16:55Sa démarche, dans ce cas, non seulement n'aura aucun résultat, mais risque surtout d'être quelque peu embarrassante.
17:05Soudain, il se redresse.
17:07Voici le couple qui sort.
17:10Mme Emeric est très élégamment vêtue,
17:13perchée sur de fins talons encore plus hauts que ceux qu'elle portait hier.
17:17Son mari semble encore plus mince dans son costume sombre.
17:20Robert les regarde monter en voiture, Emeric toujours galant avec sa femme.
17:27Quand il démarre, il démarre aussi et les suit, fous d'excitation.
17:34Emeric se dirige vers le centre-ville et finit par se garer devant le théâtre municipal.
17:40Robert se range à son tour et fait la queue au guichet, comme eux, pour avoir un billet.
17:45Il réussit même à se faire placer juste derrière eux.
17:49Dès lors, il ne les quitte plus des yeux.
17:54Le spectacle commence dans un flot de musique.
17:57Assis dans l'obscurité de la salle, Robert n'y prête guère attention.
18:02Il a l'esprit trop occupé à reconstituer l'enchaînement d'événements
18:06qui a pu conduire Emeric à devenir un meurtrier.
18:10Son histoire est probablement des plus banales.
18:12Une jeune et jolie maîtresse connue lors d'un voyage d'affaires,
18:17le désir de possession de la fille, sa jalousie et, finalement,
18:21sa menace de tout dire à la femme d'Emeric.
18:25Pour un peu, Robert se sentirait jaloux d'Emeric.
18:30Enfin, jusqu'à un certain point seulement.
18:34Le fameux spectacle est une idiotie sans queue ni tête
18:39où un homme et une femme échangent de brutales remarques
18:42dans un langage vraiment ignoble.
18:45Heureusement, à l'entracte,
18:48Emeric se lève enfin et se dirige par le bas-côté vers le couloir.
18:51Robert compte jusqu'à dix et,
18:55après avoir essuyé ses mains moites sur son pantalon,
18:59lui emboîte le pas.
19:01Quand il arrive dans le couloir,
19:04Emeric, seul, fume une cigarette appuyée contre la balustrade,
19:09le regardant le vague.
19:12Robert, le cœur battant,
19:15s'approche de lui d'un air faussement paisible.
19:18« Sauf erreur,
19:22je ne pense pas vous avoir revu depuis Memorial Park, »
19:27dit-il d'un ton doucereux,
19:30phrase qu'il a maintes et maintes fois répétée dans sa tête.
19:35« Memorial Park ? »
19:38répond Emeric sans paraître autrement surpris.
19:42Robert est un peu démonté devant tant de présences d'esprit.
19:45« Vous savez bien ! »
19:48réplique-t-il d'un ton presque suppliant.
19:51« Le jour où vous étiez avec la dame blonde ! »
19:56« La dame blonde ? »
19:58Emeric feint de ne pas comprendre,
20:00mais il y a de l'électricité dans sa voix
20:03et son teint a pâli.
20:07« Oui, la dame blonde ! »
20:10répète Robert.
20:11« Je ne pense pas que vous souhaitiez que votre femme soit mise au courant, hein, monsieur ? »
20:20La cigarette d'Emeric tombe sur le tapis du couloir
20:22et il se met à trembler si fort qu'il doit s'appuyer une seconde sur la balustrade.
20:28Robert en profite pour pousser son avantage.
20:31« Même quand on croit qu'il n'y a personne,
20:33il y a toujours quelqu'un pour voir. »
20:37Emeric se reprend admirablement.
20:40Il écrase du talon sa cigarette
20:42et en allume une autre.
20:45« Combien ? »
20:46demande-t-il en regardant Robert
20:48par-dessus la flamme de son briquet.
20:52Robert rougit et se maudit intérieurement.
20:55Dire qu'il a dressé si soigneusement son plan
20:57sans envisager une seconde
21:00la somme à demander.
21:03« Cinq mille dollars ! »
21:05dit-il finalement.
21:06« Oui, »
21:07Emeric reste totalement impassible.
21:11Une telle somme ne signifie donc rien pour lui.
21:16« Quand et où ? »
21:19demande-t-il simplement.
21:20« Hein ? »
21:21« Samedi après-midi,
21:24à 13h,
21:24sur le parking du restaurant Kittle,
21:27sur la route 21.
21:28Et puis, disons plutôt,
21:30dix mille dollars. »
21:32Cette fois, la bouche d'Emeric s'ouvre toute grande,
21:35mais il ne proteste pas.
21:38Sa grimace se mue en un large sourire.
21:43Robert se retourne.
21:45Madame Emeric s'avance vers eux,
21:47une expression de curiosité amicale sur son visage.
21:50« Chéri ! »
21:52dit bravement Emeric,
21:53comme s'il voulait les présenter.
21:54« Mais Robert a déjà tourné les talons
21:58et file vers la sortie. »
22:02Le samedi suivant,
22:04le restaurant Kittle est fort animé.
22:06C'est précisément pour cette raison
22:08que Robert l'a choisi comme lieu de rendez-vous.
22:11Le pied posé sur le pare-choc de sa voiture,
22:13observé par des dizaines de pères d'yeux,
22:16il se sent en sécurité,
22:19seulement inquiet de savoir si Emeric viendra.
22:22Mais ce dernier arrive bientôt dans sa grosse voiture noire.
22:28Il se gare et sort en tenant à la main
22:31une grande serviette de cuir.
22:34Puis, ayant repéré Robert,
22:37lui fait signe de la main de venir le rejoindre.
22:41Se sachant, en vue des clients du restaurant,
22:44Robert n'hésite qu'une seconde.
22:46« Vous avez l'argent ? »
22:48demande-t-il à Emeric lorsqu'il arrive près de lui.
22:50« Non, » répond Emeric d'une voix douce.
22:55« J'ai deux choses dans cette serviette,
22:58mais aucune des deux n'est de l'argent. »
23:02« Je ne comprends pas, » répond Robert,
23:05qui voit Emeric glisser la main dans la serviette.
23:09À l'intérieur, il y a un petit coussin.
23:13Et derrière les petits coussins,
23:15un revolver braqué sur vous.
23:18Maintenant, mon cher ami,
23:19monté dans la voiture.
23:22« Vous n'oseriez pas devant tous ces gens ? »
23:25proteste Robert sur le point de s'évanouir.
23:27« Oh, mais si, mon petit monsieur ! »
23:31« Mais si ! »
23:33répond Emeric.
23:34Le coussin atténuera la détonation.
23:37Personne ne l'entendra avec le bruit
23:39qu'il y a à l'intérieur.
23:41Je vous ramasserai quand vous serez tombés
23:43et les gens penseront que vous avez eu un malaise
23:46si on nous remarque.
23:49Robert a deux solutions.
23:52Soit s'enfuir en espérant qu'Emeric n'osera pas tirer,
23:56soit monter en voiture et tenter sa chance.
23:59Optant pour la seconde solution,
24:03l'autre étant trop risquée,
24:05il ouvre la portière de la voiture
24:07et découvre Mme Emmerich installée au volant.
24:12Le cœur battant à tout rompre,
24:15il monte malgré tout,
24:16suivi par Emmerich,
24:18qui lui enfonce à présent son revolver dans les côtes.
24:20« À Memorial Park, chérie ! »
24:25dit Emmerich.
24:27Robert, effrayé, désarçonné,
24:31a un peu la nausée.
24:32« Non mais je ne comprends pas ! »
24:36bégait-il tandis que la grosse voiture sort de l'autoroute.
24:39« La dame blonde, la dame dans les bois ! »
24:45Emmerich crie longuement de bon cœur,
24:47enfonçant encore plus rudement le canon de son revolver
24:52dans les côtes de Robert,
24:54tandis que les lèvres de la conductrice
24:56se retroussent en un vilain sourire.
24:59« Ha ha ! Je sais bien que vous m'avez vu tuer une femme ! »
25:04dit alors Emmerich.
25:05« Seulement, ça n'était pas une femme,
25:09mais ma femme ! »
25:11Vous venez d'écouter Au cœur du crime,
25:19un podcast issu des archives d'Europe 1.
25:22Réalisation, Julien Tarot.
25:24Production, Estelle Laffont.
25:26Patrimoine sonore, Sylvaine Denis,
25:28Laetitia Casanova et Antoine Reclus.
25:33Au cœur du crime est disponible sur le site
25:36et l'appli Europe 1.
25:37Écoutez aussi l'épisode suivant
25:39en vous abonnant gratuitement
25:41sur votre plateforme d'écoute.
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