Comment Arras a survécu à la Première Guerre mondiale ?

Effix62000

Comment Arras a survécu à la Première Guerre mondiale ? L’une des villes les plus meurtries pendant ce conflit est Arras dans le Pas-de-Calais. Théâtre de combats incessants, la cité a été libérée en 1917 par les Anglais avec l’aide des soldats néo-zélandais.  Maeva Defroyenne nous plonge dans l’histoire fascinante de la renaissance d’Arras.

Transcript

00:001 400 000 morts, des familles décimées, des millions de blessés et de mutilés.

00:08La première guerre mondiale est le conflit le plus meurtrier de l'histoire de France.

00:13A Arras, dans le Pas-de-Calais, le souvenir de cette page difficile de notre histoire est intact.

00:19On ne se rend peut-être pas assez compte de ce que ça a marqué les esprits,

00:23puisque Arras, ça fait partie de ces fameuses villes martyrs.

00:25On a aussi parfois tendance à l'appeler la ville phénix, puisqu'elle va renaître de ses cendres.

00:32Ces monuments sont vraiment la preuve que la résilience, ce n'est pas un vain mot.

00:37Et vous allez voir, la météo a joué un rôle décisif dans le conflit,

00:41qui s'est tenu jusque dans le ventre de la terre,

00:44où des mineurs néo-zélandais ont travaillé très dur pour creuser des carrières sous la ville.

00:49Les tuneliers sont des volontaires. Effectivement, ils ne savent pas dans quel enfer ils vont se trouver ici, dans le Dampas-de-Calais.

00:55Arras peut se targuer d'avoir deux places historiques, qui comptent parmi les plus belles de France.

01:09En total, on a 155 façades qui entourent les deux places Arras.

01:13Et en effet, elles sont dans un style qu'on appelle le baroque flamand.

01:17Pascal nous a donné rendez-vous sur la place des Héros.

01:20Il est guide pour la ville depuis 15 ans.

01:22A l'origine, ce sont des façades du XVIIe siècle.

01:25Et malheureusement, toutes ces belles façades vont être détruites pendant la Première Guerre mondiale.

01:29Parce que justement, on est juste à côté de ce beffroi, qui est une tour d'observation.

01:34Et donc, il va être détruit par l'armée allemande, par l'artillerie, dès le 21 octobre 1914.

01:39Donc là, imaginez, il y a plus de 100 ans, tout est en ruine.

01:42Ici, on est à 3 km seulement des premières tranchées allemandes.

01:45Donc, 80% de la ville Arras va être détruite entre 1914 et 1918.

01:52Arras, terrain de guerre décisif.

01:55Entre le 9 avril et le 16 mai 1917,

01:58les troupes britanniques et l'armée française veulent percer le front allemand.

02:02Ils préparent l'offensive majeure du chemin des dames.

02:06Les Britanniques doivent alors faire diversion.

02:08Ils attaquent à Arras sous une pluie glaciale et dans la boue,

02:11ce qui a permis aux alliés de surprendre l'ennemi.

02:14On a réussi à faire reculer les Allemands de plusieurs kilomètres,

02:17ce qui est quasiment du jamais vu jusqu'en 1917.

02:20Malheureusement, on n'atteint pas non plus les objectifs

02:22qui étaient par exemple les villes de Douai, les villes de Cambrai.

02:25Et n'oublions pas que c'était pour aider les Français sur le chemin des dames.

02:29Et on connaît le résultat.

02:30Malheureusement, ça n'a pas porté ses fruits.

02:36Mais le succès de l'opération Arras,

02:39on le doit aussi aux hommes qui ont œuvré dans les entrailles de la terre.

02:42Sous nos pieds, il faut imaginer des soldats néo-zélandais et maoris

02:47qui travaillent sans relâche.

02:50Le ressenti quand on descend ici, c'est le côté un petit peu unique.

02:53On est en direct avec les objets, avec les milliers de graffitis.

02:58Et c'est un lieu qui n'a pas bougé depuis la Première Guerre.

03:01Alain est archéologue.

03:02Il y a une trentaine d'années, il redécouvre ces anciennes carrières de craie

03:06exploitées au Moyen-Âge, appelées des beauves.

03:09Elles avaient été oubliées.

03:10Aujourd'hui, c'est un lieu de mémoire ouvert au public pour se rappeler.

03:16Nous sommes ici dans la carrière Wellington, ville éponyme de Nouvelle-Zélande.

03:21L'idée intéressante des Britanniques, c'est d'utiliser en fait ces carrières,

03:28de les raccorder entre elles et de faire un véritable cheval de Troie

03:33qui va permettre de sortir au pied des tranchées allemandes.

03:37Alors, on fait appel aux Néo-Zélandais qui travaillaient dans les mines d'or,

03:42de charbon de Nouvelle-Zélande.

03:44Ces soldats vont travailler pratiquement dix mois pour transformer ces carrières médiévales

03:49en un vaste cantonnement britannique qui sera capable d'accueillir à peu près 24 000 hommes,

03:56c'est-à-dire l'équivalent de la population d'Arras avant le premier conflit mondial.

04:01Donc, c'est véritablement une ville sous la ville.

04:06Sous terre, il fait entre 12 et 15 degrés.

04:09Les 600 ouvriers sortent très peu.

04:11Alors, tout a été pensé pour assurer un minimum de confort.

04:16C'est un endroit qui est un peu difficile,

04:19mais il est bien plus facile de vivre ici que d'être en première ligne,

04:22dans les tranchées et dans la boue.

04:24Ici, ils ont un abri qui les protège, il y a 20 mètres de craie.

04:28Le travail est dur, mais ils sont nourris correctement.

04:30Il y a des cuisines qui sont directement installées ici.

04:34Il y a des douches, il y a des lits, il y a l'eau courante.

04:37C'est vraiment un casernement.

04:38Mais Alain veut nous montrer des vestiges peut-être encore plus précieux que les objets et le mobilier.

04:44Pour les voir, nous devons sortir de la zone ouverte au public et errer dans le noir total.

04:50Je veux montrer l'un des 3000 graffitis qui ont été inventoriés ici dans les carrières d'Arras.

04:55Et autour de ce graffiti, il y a cette petite anecdote

04:58où quand les joueurs de Nouvelle-Zélande sont passés par ici,

05:04un des collègues leur a montré les graffitis.

05:07Tamiti Williams, un all black,

05:09qui s'est aperçu qu'il y avait un ancêtre qui était passé par Arras il y a plus d'un siècle.

05:14Pendant que certains creusaient la terre, en surface, la ville s'est vidée de ses habitants.

05:21Seuls quelques commerçants et des fonctionnaires restent à Arras durant le conflit.

05:26François-Xavier est un élu de la commune.

05:29Laurent, lui, est historien.

05:31Nous les rencontrons à la médiathèque d'Arras.

05:33En outre que de maisons éventrées, que de ruines encore,

05:37les églises Saint-Jean-Baptiste, la cathédrale, l'église Ronville, Saint-Sauveur

05:41ont beaucoup souffert aussi de ces journées néfastes.

05:45Les 6, 7 et 8 octobre, à jamais historiques.

05:50Nous avons donc des lettres de M. Cressonnier.

05:53Il envoyait à son patron des nouvelles d'Arras.

05:56Donc c'est un document extrêmement précieux.

05:58On a cette vie de tous les jours, cette petite vie quotidienne

06:01et on sent parfois les moments de grande déprime

06:04parce que la maison a été touchée par un obus,

06:07parce qu'il y a un copain qui a été tué.

06:09Il y a besoin de raconter cette histoire

06:11qu'on ne retrouve pas dans les dépêches officielles,

06:14dans les articles de presse, dans les photos.

06:16C'est la vie de tous les jours.

06:18Laurent comme François-Xavier ont eux-mêmes des aïeux

06:21qui ont péri durant la Grande Guerre.

06:24Ils ont tous vécu des moments terribles.

06:26Même des fois, on se demande comment ils ont fait

06:29pour surmonter toute cette période dramatique.

06:32Ces histoires, on nous les confie pour qu'elles ne tombent pas dans l'oubli.

06:34Et donc c'est ce rôle-là qu'on a aujourd'hui

06:36de passer, de passeur de mémoire,

06:39parce que ces gens, on leur doit au moins

06:41de ne pas oublier ce qui s'est passé ici.

06:45Au sortir de la guerre, la décision est prise.

06:48La ville renaîtra de ses cendres

06:49comme si rien ne s'était passé, ou presque.

06:52En 15 ans, Arras Martyr devient Arras Phénix.

06:57Notre chance, c'est que la personne qui va gérer

07:00la reconstruction d'Arras, c'est Pierre Paquet,

07:02donc l'architecte en chef des monuments historiques.

07:04Et s'appuyant sur les archives,

07:06les photos qui ont été préservées,

07:08on reconstruit à l'identique.

07:09La pierre d'origine, c'est une pierre qui vient d'Arras

07:11ou de la région de Cambrai.

07:13Jolie, mais malheureusement, justement, assez fragile,

07:15assez friable par rapport à la météo,

07:17le vent, la pluie.

07:18Et c'est pour ça qu'on va chercher de la pierre

07:19un peu plus loin, au nord de Paris.

07:21Donc l'atteinte est différente,

07:23mais au moins, on sait que celle-là,

07:24elle va durer plus le temps que celle qui l'a précédée.

07:27Mais les stigmates de la Grande Guerre sont encore là.

07:31Nous sommes à l'abbaye Saint-Vas.

07:33L'abbaye Saint-Vas est un monument fondateur

07:36de la ville d'Arras.

07:37On a ici une façade complètement 18e siècle,

07:40avec les impacts de balles de la Première Guerre mondiale

07:43qu'on voit.

07:45Et puis, on a trois autres ailes

07:46qui ont été complètement reconstruites

07:48parce qu'elles étaient en trop mauvais état.

07:51Émilie est élue à la ville d'Arras,

07:54en charge de ce monument.

07:56Lui aussi a été refait sous la houlette de Pierre Paquet,

07:59architecte des monuments historiques.

08:01L'abbaye Saint-Vas est de nouveau en travaux.

08:04100 ans après sa reconstruction,

08:07on refait complètement le clou couvert.

08:09Débuté il y a deux ans,

08:11le chantier devrait s'achever dans un an et demi

08:13et empêcher la pluie de s'infiltrer

08:15dans les toitures et les cloisons.

08:16Mais pas question d'effacer les traces

08:18de la Grande Guerre.

08:20On doit pouvoir aussi raconter cette histoire-là,

08:23même si elle est douloureuse,

08:25parce qu'on est aussi fiers, je pense,

08:28dans la région, de s'être relevé

08:30de ce premier conflit mondial

08:32et puis du suivant.

08:34Parce qu'un monument historique,

08:35ce n'est pas juste des pierres.

08:37Il va raconter l'histoire de la ville

08:38et il va parler de l'histoire tout court

08:40avec un grand H.

08:41Renaitre de ses cendres n'est pas chose aisée.

08:44Arras peut compter sur ses habitants

08:46et ses milliers de visiteurs

08:48qui viennent chaque année

08:49des quatre coins du monde

08:51pour que son histoire et ses cicatrices

08:53ne tombent jamais dans l'oubli.

08:55Sous-titrage Société Radio-Canada

09:01Sous-titrage Société Radio-Canada

Catégorie

Transcription

Écris le tout premier commentaire

Recommandations