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  • il y a 1 jour
Bienveillance, talents, leadership... parlez-vous la novlangue du monde de l’entreprise ?

Dans “Les vertus dangereuses”, Julia de Funès joue les traductrices !

Episode 2 : les "talents".

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Transcription
00:00Vous le savez, l'enfer est pavé de bonnes intentions,
00:02comme par exemple considérer que nous sommes tous des talents.
00:10Depuis quelques années, les directeurs de ressources humaines
00:13se sont parfois baptisés directeurs de richesses humaines,
00:16comme si le simple changement lexical suffisait à leur conférer un supplément d'âme.
00:21Et puisque les salariés sont devenus des richesses,
00:24pourquoi s'arrêter en si bon chemin ?
00:26Les voilà désormais promus talent.
00:28Plus personne n'est un employé, encore moins un subordonné,
00:32nous sommes tous devenus des talents.
00:34C'est valorisant, c'est flatteur, c'est presque poétique, et surtout ça fait bien.
00:38Les entreprises ne parlent plus de recrutement, mais de détection des talents.
00:42On ne parle plus de gestion, mais de fidélisation des talents.
00:46Le mot brille tellement il devient intouchable.
00:49Personne n'ose le questionner, et pourtant c'est une vertu dangereuse,
00:53c'est-à-dire une bonne intention qui se retourne en son contraire, un terrible écueil.
00:58Pourquoi ? Parce que premièrement, il est outrageusement démagogique.
01:02Car enfin, tout le monde ne peut pas être un talent.
01:04Il y a des travailleurs moyens, des maladroits, des fainéants, des incompétents,
01:08bref, une variété de comportements humains.
01:10Mais dans la course à la positivité, il faut gommer les différences.
01:14C'est un terme qui se veut et se pense reconnaissant, talent,
01:18alors qu'il empêche la véritable reconnaissance.
01:20Si tout le monde est un talent, plus personne ne peut l'être.
01:24Le piédestal devient un parterre, et l'on finit par abaisser ce qu'on prétendait élever.
01:29Et puis rappelons-le, un talent, ça se reçoit à la naissance.
01:32On est avec une prédisposition.
01:34On a un talent pour la peinture, on a un talent pour le sport, on a un talent pour la musique.
01:38C'est le fruit du hasard ou des gènes, mais ni du courage, ni du mérite, et ni de l'effort.
01:43Alors quelle ironie de voir les entreprises, temple du travail et de l'effort, glorifier le talent qui justement n'en relève pas.
01:51Pire, qui valorise les dons de naissance ? Ce sont les aristocrates.
01:54Pour les républicains, la valeur n'est pas dans le don donné à la naissance, mais dans ce qu'on en fait.
01:59Là se trouve toute la différence entre l'aristocratie des dons, qui valorise les dons, et la république qui valorise le mérite.
02:06L'usage de ce terme se veut donc progressiste et moderne,
02:10alors qu'il n'y a pas plus aristocratique et réactionnaire que l'usage de ce terme.
02:15Il flatte les individus, tout en abolissant la justice de l'effort.
02:19Alors plutôt que de distribuer des appellations flatteuses, redonnons du sens à la vraie reconnaissance.
02:25La vraie reconnaissance ne consiste pas à dire à chacun qu'il est un talent,
02:29mais à lui permettre plutôt de devenir un sujet.
02:32Un sujet libre, responsable, autonome.
02:35La véritable reconnaissance ne se joue pas dans la flatterie d'une appellation,
02:39mais dans la confiance de la responsabilisation.
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