Ingrid Betancourt revient sur ses 6 ans de captivité, un témoignage rare et profondément bouleversant. Entre survie, espoir et résistance, son récit résonne en France, aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. Une histoire humaine d’une intensité exceptionnelle.
#IngridBetancourt #HistoireVraie #DocumentaireFrance #HumanStory #ShowtimeVaultFX
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00:00Nous avons l'honneur ce soir de recevoir dans Face à Nounay une dame qui a marqué la vie des Français.
00:06Vraiment, j'ai suivi toute son histoire, j'ai suivi toutes ses interviews.
00:10J'étais passionné par son histoire, je le suis toujours, et aussi par sa personnalité.
00:16C'est quelqu'un vraiment que j'admire énormément, je suis très heureux qu'elle soit là ce soir.
00:19C'est Ingrid Bettencourt.
00:20Merci d'être avec vous, merci, merci, merci, merci.
00:25Ingrid Bettencourt, tout le monde connaît Ingrid Bettencourt.
00:29Maintenant, il y a une histoire incroyable enlevée par les FARC, Force Armée Révolutionnaire de Colombie en 2002.
00:34Elle a été retenue en captivité pendant plus de 6 ans et demi dans la jungle colombienne.
00:38Alors moi, bien sûr, on s'est tous intéressés à l'histoire d'Ingrid Bettencourt,
00:43mais moi je me suis aussi intéressé à sa personnalité, et c'est vrai que c'est une personnalité incroyable.
00:49Donc merci d'être avec nous ce soir, on va revenir sur toute votre vie, sur tout ce qui s'est passé.
00:54Et c'est vrai que déjà c'est un bonheur de vous voir, et en tout cas vous avez l'air très en forme.
00:59Non, vraiment, franchement, vous êtes magnifique en tout cas.
01:03Non mais c'est vrai que quand je vous ai vu arriver, elle disait tout à l'heure que quand Dany Brion est arrivé,
01:10il s'est passé quelque chose, et bien quand vous êtes arrivé sur le plateau, il s'est passé quelque chose également.
01:14Vous avez été enlevé le 23 février 2002 par les Farc, alors que vous meniez campagne pour l'élection présidentielle colombienne.
01:22Est-ce qu'on va revenir là-dessus ? Bien entendu, comment s'est déroulé cet enlèvement ?
01:26Pour revenir pour ceux qui nous regardent, même pour les plus jeunes qui nous regardent,
01:29et qui ne connaissent pas votre histoire.
01:31Bon, rapidement, disons que la Colombie vivait des moments très difficiles.
01:37Il y avait une guerre, une guerre entre une guérilla, les Farc, et le gouvernement.
01:44Les Farc étaient devenus, c'était au départ une guérilla de paysans qui défendaient un petit peu leurs droits à la propriété.
01:53Et avec le temps, c'était devenu un cartel de la drogue très violent, terroriste.
01:58Et ils avaient eu pour idée de kidnapper les gens, pour d'une part demander des rançons et faire de l'argent,
02:06mais aussi faire de la pression sur le gouvernement.
02:09Quand j'étais en campagne présidentielle, je devais aller d'un point A à un point B.
02:18Je suis arrivée à l'aéroport dans lequel on pouvait atterrir,
02:22et je devais prendre la voiture pour aller à Saint-Bicenté.
02:26Et là, sur le chemin, j'ai été kidnappée par les Farc.
02:30Ils ont monté un barrage, ils savaient que j'arrivais, ils avaient été prévenus.
02:34Le gouvernement, lui, m'avait enlevé ma sécurité.
02:39Et donc, j'étais démunie et j'ai été une proie très facile pour eux.
02:46Vous avez tout de suite su que vous alliez être enlevée ?
02:53Vous avez tout de suite su la gravité de ce qui se passait ou pas ?
02:56Pas vraiment, parce qu'il y avait eu déjà des enlèvements qui avaient été rapidement négociés,
03:04et c'était des personnalités.
03:07Et je me disais, bon, je vais être là deux semaines, trois semaines, pas plus.
03:13Ils vous ont directement emmenée dans la jungle.
03:15Vous avez été enlevée seule, c'est ça ?
03:16Alors non, on était dans la voiture, nous étions cinq.
03:20Il y avait notamment un photographe, un journaliste français.
03:23Il y avait un caméraman avec qui je suis toujours en contact, un type divin.
03:30Finalement, ils nous ont gardé deux, les deux femmes qui étions dans la voiture.
03:34Et les autres ont été relâchées.
03:36Nous, on nous a kidnappés un samedi, ils ont été relâchés un dimanche soir.
03:41Qu'est-ce que vous vous dites à ce moment-là ?
03:42Vous dites quoi ?
03:43J'ai eu plusieurs choses.
03:45J'ai eu un moment, on est dans cette voiture, on nous sépare.
03:50Et là, j'ai des images de photos.
03:55Il y avait un sénateur qui venait d'être assassiné par les Farc quelques mois auparavant.
04:01Et j'avais la photo de la voiture avec le corps du gars.
04:05Je me suis dit, c'est stupide de mourir comme ça.
04:09Ça a été mon premier truc.
04:11Alors, face à ça, c'est vrai que l'enlèvement, c'était un moindre mal.
04:15Et donc, quand ils m'ont emmenée dans une autre voiture,
04:18là, j'ai eu une conversation avec le commandant qui a pris charge de ma vie,
04:25qui m'a dit que j'étais kidnappée, qu'ils allaient me garder.
04:31Et là, je me suis dit, bon, il faut que je fasse tout pour m'évader.
04:37Parce que je n'ai pas du tout envie de rester là.
04:40J'ai papa qui m'attend.
04:42Le papa était très malade.
04:43Je savais qu'il n'allait pas tenir longtemps.
04:44Il venait de sortir d'une attaque cardiaque.
04:50Enfin, je savais.
04:52Et j'avais mes enfants qui m'attendaient.
04:53Bref, j'avais...
04:54Et voilà.
04:55J'ai passé six ans et demi à chercher comment revenir.
05:03Tous les jours.
05:04Pardon, je peux poser une question.
05:08Ils vous traitaient comment au début, quand ils vous parlaient, parce que vous étiez une personnalité importante ?
05:12Oui.
05:12Eux, c'était les guérilleros.
05:14Ils étaient respectueux ?
05:15Ils gardaient une forme de respect ?
05:16Ou ils étaient très insultants ?
05:18Très durs ?
05:18Alors, j'ai un souvenir qui me revient avec cette question.
05:23J'ai le gars, donc, ce jour-là, qui me prend dans sa voiture, le commandant, et qui me dit,
05:28Ah, Ingrid, on vous a enlevé.
05:32Et il me regarde, il me dit, vous êtes quand même mieux en personne qu'à la télé.
05:39Et là, je lui ai dit, je ne peux pas dire la même chose de vous, parce que je pense vraiment qu'en réalité, vous êtes...
05:47Enfin, évidemment, on voyait leur visage.
05:50Bon, bref.
05:52Moi, j'ai une question.
05:53Est-ce que vous étiez au courant de ce qui se passait à l'extérieur ?
05:56Est-ce que vous avez eu des espoirs, à un moment donné, de sortir, qui ont été déçus ?
06:00Ah oui, tout le temps.
06:01C'est très étrange, mais j'étais en contact avec la réalité à travers une radio.
06:07J'avais une radio.
06:09Et je pense que c'était aussi une façon pour les FARC qu'on tienne le coup, quoi.
06:15Parce que l'isolement dans la jungle, c'est très, très, très dur à vivre.
06:19Et au moins, le fait d'écouter des nouvelles, de voir un petit peu à travers la radio ce qui se passait au dehors,
06:26donc j'étais au courant, toujours avec un délai, un décalage.
06:31Mais j'étais au courant, je savais que la France se mobilisait pour moi.
06:37Je sais que je n'aurais pas tenu sans cela.
06:40Les radios avaient créé des programmes des espaces à 5 heures du matin ou à minuit
06:45pour que les familles des otages puissent envoyer des messages.
06:50Donc maman envoyait des messages.
06:52Alors, comme il n'y avait tellement de monde, il n'y avait que 15 secondes, il fallait dire bonjour, au revoir.
06:58Et donc maman préparait son truc.
07:00Et tous les jours, elle condensait ce qu'elle voulait me dire.
07:04Et il y avait toujours un mot d'amour.
07:07J'en avais besoin.
07:08Et il y avait une nouvelle, quelque chose sur mes enfants, sur le pays, sur ce qu'elle allait faire, sur ce qu'elle avait fait.
07:16Et ensuite, il y a eu, j'ai suivi, je n'avais pas les images.
07:20Je n'ai compris qu'en revenant l'ampleur du soutien.
07:24Mais merci la France.
07:26– Les comités de soutien, vous saviez qu'il y avait des comités de soutien qui étaient un peu partout en France ?
07:30– Vous saviez ce qui se passait ?
07:31Est-ce que, moi, la question que j'avais envie de vous poser, c'est que votre maman, vous allait dire, vous laissez des messages tous les jours, de 15 secondes.
07:37Comment pouvait-elle savoir que vous étiez encore en vie ?
07:39– Non, elle ne savait pas.
07:40– Elle ne savait pas, donc elle…
07:41– Elle ne savait pas, mes enfants aussi me laissaient des messages, moins souvent.
07:45C'était plus difficile pour eux, ils n'étaient pas en Colombie.
07:48De fait, toute la famille est partie de Colombie, la seule qui est restée, c'est maman.
07:53Et ça a été un calvaire pour tout le monde, pour mes enfants, qui n'ont plus eu de vie,
07:57parce qu'ils faisaient leurs études, mais en même temps, il fallait qu'ils se battent pour moi.
08:04Et que, voilà, les gens étaient… il fallait qu'ils se mobilisent dans les comités.
08:09C'était vraiment une vie très, très difficile pour des adolescents.
08:12– Vous avez dit tout à l'heure que vous vous raccrochiez à cette radio que vous aviez,
08:16au message de 15 secondes aussi qu'on pouvait vous laisser.
08:19Vous êtes aussi rapprochée de la religion pendant cette période, non ?
08:21– Oui, oui, oui.
08:26Disons que j'ai eu… j'étais très sale et en même temps très entourée,
08:35puisque j'avais des gardes constamment.
08:37Et j'ai eu cette sensation… c'est une expérience vécue de présence,
08:45de protection, d'espoir, très difficile à partager,
08:55parce que ce sont des choses un petit peu mystiques
08:57et qu'on a du mal à expliquer ça si ça n'a pas été, disons, partagé dans le vécu.
09:04Mais ce que je peux dire, c'est qu'après ça, j'ai fait de la théologie
09:11pour essayer de comprendre et que maintenant je comprends beaucoup mieux
09:17ce en quoi je crois et c'est vrai que j'ai une foi que j'aimerais partager,
09:22mais je ne peux pas la partager parce que c'est impartageable,
09:25mais j'espère que les gens vont faire cette rencontre qui est extraordinaire aussi, chacun.
09:30– Oui, Gilles.
09:30– Vous avez parlé de l'obsession de l'évasion.
09:33Est-ce que vous avez fait des tentatives
09:34ou est-ce que vous étiez trop sévèrement gardée pour le vécu ?
09:37– Non, j'ai fait beaucoup de tentatives, j'ai été très punie
09:40parce que j'ai été aussi recapturée.
09:45Mais ces tentatives ont été un chemin d'apprentissage
09:47que j'ai partagé avec un de mes compagnons
09:50et lui a réussi à s'échapper.
09:53Et grâce à sa réussite, l'armée colombienne a pu nous encercler,
10:02savoir où nous étions et a pu mettre en place
10:05l'opération de sauvetage qui nous a libérés un an après.
10:08– Alors justement, Nicolas Sarkozy a fait de son élection en 2007,
10:15il a fait de votre libération une priorité.
10:18Il a souvent pris la parole pour appeler à la libération d'Ingrid Bettencourt.
10:22Vous connaissiez Nicolas Sarkozy avant ou pas du tout ?
10:23– Non, je ne le connaissais pas.
10:24– Pas du tout ?
10:25– Mais maintenant je le connais.
10:26J'aime beaucoup, beaucoup.
10:27– Et c'est incroyable parce que c'est vrai qu'il s'est battu
10:31pour votre libération vraiment quotidiennement.
10:35Ça a été une priorité pour lui.
10:37Il a vraiment mouillé le maillot parce que c'est lui-même
10:40qui a vraiment fait toutes les démarches pour vous libérer.
10:45– Oui, mais je crois que ça fait partie de son caractère.
10:47Je crois qu'il s'est battu pour moi, comme il s'est battu pour d'autres otages.
10:50Il a sorti aussi, rappelez-vous, les sœurs qui étaient au Liban.
10:54Non, pas au Liban.
10:55– Olivier, exactement.
10:56– Les femmes religieuses.
10:58– Oui, oui.
10:59Il a, je pense que, alors, je veux le dire parce que je pense qu'il faut le dire,
11:05être un chef d'État, c'est très très dur et il y a beaucoup de responsabilités.
11:12Et ce que j'admire chez lui, c'est qu'il a compris qu'être chef d'État,
11:18c'était avant tout servir l'être humain.
11:20Et ce n'était pas faire de la raison d'État une excuse pour ne rien faire.
11:27– Exactement.
11:28– Parce que c'est trop facile de ne rien faire.
11:30– On sent que vous avez beaucoup d'émotions quand vous parlez de Nicolas Sarkozy.
11:35– Oui, parce que je… Vraiment, merci, quoi.
11:40– Alors, on a parlé de votre captivité, mais vous étiez quand ?
11:43Vous étiez enchaînée ?
11:44– J'étais enchaînée.
11:45– Enchaînée, c'est-à-dire tous les jours ?
11:46– Enchaînée, oui.
11:47Alors, au départ, je n'ai pas été enchaînée.
11:51Je me suis évadée.
11:52Ensuite, j'ai été enchaînée tout le temps.
11:55Et je m'organisais pour…
12:00Là, la chaîne, elle est sur le pied.
12:04C'est-à-dire, j'avais la chaîne soit au cou, soit au pied.
12:07Ça, c'est une image que beaucoup ont vue.
12:11– Oui, c'est le temps du monde.
12:12– Qui est dure pour moi parce que j'étais très malade.
12:16– Une hépatite ?
12:18– Je ne sais pas ce que j'avais.
12:20J'avais eu… Bon, j'ai eu une hépatite chronique,
12:23j'avais eu le paludisme, mais je m'étais récupérée du paludisme.
12:28Ça, c'était après.
12:29Je ne sais pas ce que j'ai eu à ce moment-là.
12:31Mais j'avais de la fièvre, j'étais très malade.
12:33Et je n'avais aucun… Rien.
12:35Les FARC avaient décidé, le commandant…
12:37– Aucun soin ?
12:38– Aucun soin ?
12:39– Rien. Sauf jusqu'au moment où le secrétariat général des FARC
12:43a demandé une preuve de survie.
12:45Et là, le commandant a décidé de me mettre des perfusions.
12:51Et ça, c'est une semaine après qu'ils aient pris soin de moi.
12:56Je n'étais pas très bien.
12:57– Vous aviez la notion du temps ?
12:58– Oui, avec la radio et les messages.
13:02– J'avais la radio, j'avais une montre aussi.
13:04– Bien sûr.
13:05Les autres otages, vous avez vu des choses très dures certainement
13:09qui se sont passées avec les autres détenus, les autres otages, non ?
13:14– Écoutez, Cyril, je crois que déjà la captivité
13:19de ce que l'on sent est terrible, mais la souffrance des autres.
13:22– Oui, c'est ça.
13:24– Et pas seulement la souffrance des otages.
13:27– Oui, ah oui.
13:29– La souffrance, alors les gardes qui étaient autour de nous,
13:33c'était des enfants.
13:35Ils avaient 14, 15, 16 ans, l'âge de mes enfants.
13:39Et c'était des gamins qui étaient aussi, qui n'appellent que moi.
13:45Et de temps en temps, j'avais des moments avec eux, de partage.
13:52Et on en discutait et je leur disais, mais vous foutez le camp, quoi.
13:56Partez, vous pouvez partir, vous connaissez l'âge.
13:57Et moi, je me disais, non, on part, ils vont tuer nos parents.
14:01Ils savent où ils sont.
14:03J'ai eu des choses de filles qui se faisaient…
14:07Enfin, les filles dans la jungle se faisaient violer.
14:12Elles étaient enceintes, on les forçait à avorter.
14:15Au sixième et septième mois.
14:18J'ai vu des trucs avec des douleurs dans l'humain.
14:21On a pleuré ensemble.
14:29Et la souffrance de mes compagnons, de les voir malades avec la lesmaniasse.
14:34La lesmaniasse, ça s'appelle la lèpre de la jungle.
14:36C'est une maladie dans laquelle vous vous faites piquer et il y a…
14:42C'est une lèpre.
14:43Donc, la bactérie commence à bouffer votre peau et votre chair.
14:47Et vous pouvez mettre votre doigt là où c'est.
14:50Et vous ne sentez rien, mais vous voyez.
14:53Enfin, c'est impressionnant.
14:55Vous avez eu peur vous-même pour votre intégrité physique ?
15:00Vous avez eu peur d'être harcelé, d'être molesté, tué peut-être ?
15:05Ah oui.
15:06Ça, c'était le pain quotidien.
15:10De la violence, les insultes, la cruauté.
15:21Votre papa est parti pendant votre captivité ?
15:24Comment vous l'avez appris ?
15:26Votre maman qui vous a laissé un message ?
15:27Ouh, ça va être dur.
15:29Attendez, j'essaie de…
15:32Bon.
15:33Et après, on passe à autre chose.
15:34Je vais pleurer là.
15:42Petite bouteille d'eau.
15:49Bon.
15:50Alors, c'était, je pense, un mois après ma capture.
15:58J'avais déjà essayé de m'évader.
16:03Donc, j'étais attachée par des chaînes.
16:09Et j'essayais de me récupérer, d'abord moralement.
16:19Et donc, les heures passent et on s'ennuie.
16:22Donc, j'ai vu que dans le campement, il y avait des provisions qui arrivaient.
16:29Et donc, excusez-moi, je chante un peu.
16:31Et j'ai vu que ces provisions étaient emballées dans du papier journal.
16:37J'ai demandé au commandant s'il pouvait me passer le papier journal, les feuilles, pour pouvoir lire quelque chose.
16:42Et il accepte.
16:43Donc, on m'apporte toutes les feuilles et je les organise par date, par truc.
16:49Et je commence à regarder.
16:52Et il y a une image qui attire mon attention.
16:54C'est la moitié d'une page de journal.
16:57Et il y a un cercueil.
17:00Et il y a des journalistes qui prennent des photos partout autour.
17:06Et je regarde l'explication de la photo.
17:10Et il y a marqué les journalistes s'attroupent autour du cercueil de Gabriel Bétangou.
17:15– Incroyable.
17:19– Incroyable.
17:22– Donc, vous l'avez appris comme ça.
17:24– Comme ça, oui.
17:24– Comme ça.
17:25– Elle l'a appris comme ça.
17:25– Oui.
17:26– Incroyable.
17:28Ingrid Bétangou, au moment où vous êtes libérée…
17:32– Je suis libérée.
17:33– Non.
17:33– Ça fait beaucoup trop de temps.
17:34Je pense toujours que je suis…
17:37Que ça y est.
17:38– Ensuite, au moment de votre libération, qu'est-ce que vous vous dites ?
17:45Premier instant.
17:47– Au moment de ma libération, est-ce que vous réalisez…
17:50– Non, je vais pleurer du genre, maintenant.
17:53– Comment vous l'apprenez ?
17:54Est-ce que vous réalisez que vous allez être libérée ?
17:56– Quand vous êtes libérée, c'est quoi le premier truc auquel vous pensez ?
17:59Vous vous y croyez ?
18:00Vous ne réalisez pas ?
18:01– Au départ…
18:03Alors, l'instant de la libération, nous sommes dans un hélicoptère.
18:08On nous a fait rentrer à la force.
18:10Personne de mes compagnons ni de moi ne voulons rentrer dans cet hélicoptère
18:13parce qu'on se dit qu'ils vont nous emmener encore plus profondément dans la jungle.
18:20Et que, bon, voilà.
18:21Et puis là, on est menottés, on est tous assis, c'est un hélicoptère militaire,
18:33donc il n'y a pas de banc, c'est en cercle.
18:37Et au milieu de l'espace où nous sommes tous autour, il commence à se battre
18:44entre les deux chefs des FARC qui étaient montés avec nous dans l'hélico
18:50et le groupe qui était venu dans cet hélico
18:54et que nous pensions étaient des amis des FARC
18:57puisqu'ils avaient l'air de se connaître, de se dire bonjour, etc.
19:01Et là, tout d'un coup, le commandant qui avait été avec moi pendant plus de 4 ans,
19:09presque 5 ans, qui était un type abominable,
19:11c'était un type très cruel et très... Vraiment.
19:15Tout d'un coup, il est là, devant moi, tout nu, ligoté.
19:19Et je crois, et je suis certaine, qu'on avait été tellement...
19:25Enfin, ça faisait 6 ans et demi qu'on était là-dedans
19:27que le cerveau, il ne fonctionne plus du tout, du tout rapidement
19:30et on n'est plus...
19:32Donc, je n'arrivais pas du tout à comprendre ce qui se passait.
19:35Et mes compagnons qui étaient assis à côté de moi
19:38commencent à lui donner des coups de pied, comme ça,
19:41et moi, je suis là, mais non, on ne va pas se comporter comme eux.
19:44Et puis, tout d'un coup, le type qui est sur le commandant des FARC,
19:50en train de le neutraliser, le neutralise finalement,
19:54écrit, mais à plein poumon,
19:57nous sommes l'armée colombienne, vous êtes libres.
19:59Et là, je n'ai pas compris les mots qu'il avait dit.
20:07Je me suis mise à hurler et je me disais, en me parlant à moi-même,
20:15Ingrid, contrôle-toi parce que tu es folle là, il faut que tu te contrôles.
20:19Et j'ai hurlé, hurlé, hurlé, hurlé jusqu'à ne plus avoir de souffle
20:23et quand j'ai respiré, là, j'ai compris les mots.
20:33Et là, j'ai compris l'attitude de tous autour de moi
20:36parce que c'était la folie dans ces hélicos.
20:39Et là, on s'est tous mis à pleurer et c'était faux.
20:42– Aujourd'hui, Ingrid Bétoncourt, comment vous êtes reconstruite ?
20:46Est-ce qu'aujourd'hui, vous arrivez à revivre ?
20:51Est-ce qu'aujourd'hui, vous pouvez vivre une vie normale
20:53où c'est fini, votre vie a complètement changé,
20:56vous ne pouvez plus vivre comme avant ?
20:57– Moi, après le test d'aujourd'hui,
20:59moi qui pensais que j'avais réellement…
21:03Non, je pense que je suis très, très bien dans ma vie,
21:06je suis très heureuse, j'ai appris à être heureuse,
21:08réappris à être heureuse.
21:10J'ai eu beaucoup, beaucoup de chance
21:11parce que j'ai une famille qui m'entoure,
21:17qui m'a beaucoup cajelée,
21:19beaucoup caressée, beaucoup supportée.
21:31Ça, c'est mes enfants.
21:32– On se rappelle tous des images sur le tarmac de l'aéroport.
21:35C'est ma fille, mon fils, et le petit, c'est Stanislas,
21:40qui ne veut que j'adore.
21:43Voilà, ça, c'est mes enfants.
21:47Ça, c'est la première fois que je les vois dans l'avion.
21:53Et à partir de là, ça a été…
21:57C'est faux ce que l'amour nous construit et nous…
22:05J'ai eu beaucoup de chance de les avoir.
22:11– On a eu beaucoup de chance de vous avoir ce soir,
22:13Ingrid Bettencourt, merci d'avoir été avec nous.
22:16Et vous revenez ici nous voir quand vous voulez.
22:18– Merci, merci d'avoir trop pleuré.
22:20– Non, non, au contraire.
22:21– Ce n'est pas du tout, du tout, au programme.
22:23– Alors franchement, c'était un témoignage très, très fort.
22:26On était très heureux de vous avoir.
22:27– Merci d'avoir regardé cette vidéo !
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