Lou Achard auteure du livre "On déserte" aux éditions Yves Michel

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00:00L'invité d'ici matin, Jeanne-Marie Marco, c'est une déserteuse.

00:03C'est en tout cas le titre de son livre, On Déserte, aux éditions Yves-Michel.

00:08Bonjour Lou Achard.

00:09Bonjour.

00:10On va faire votre CV rapide.

00:11Vous avez 34 ans, vous habitez à Rabastens,

00:14vous avez fait de grandes études, une école d'ingénieurs agronomes,

00:17l'ISARA à Lyon, et une fois diplômée, vous avez dit ciao.

00:21Pourquoi ?

00:22Pourquoi ? Parce que, quelque part, je me suis retrouvée dans une impossibilité

00:27d'aller travailler pour ce modèle-là de société.

00:30Travailler, oui, ça me tenait à cœur,

00:33mais pas pour un modèle qui me semblait vraiment biaisé

00:35sur des questions à la fois sociales, écologiques, climatiques.

00:39Et on était beaucoup déjà à sentir tout ça.

00:42Parce que vous deviez travailler dans un grand groupe alimentaire, c'est ça ?

00:45Je pouvais, mais dans tout un tas de métiers,

00:48que ce soit travailler en lien avec l'agroalimentaire,

00:52mais aussi l'agrobusiness, tout plein de choses,

00:55mais aussi les espaces où j'aurais pu travailler avec mon éthique

00:57étaient complètement marginalisés et manquaient de moyens

01:00pour recruter, pour tout le travail qu'il y avait à faire.

01:03Ce sont vos parents qui ont financé vos études ?

01:06En partie.

01:07Oui, plusieurs milliers d'euros, dizaines de milliers d'euros.

01:10J'imagine, ils vous ont dit quoi quand vous avez dit

01:11en fait, je ne veux pas faire ce métier ?

01:13Ce n'était pas facile.

01:15Oui, ce n'était pas facile.

01:17Le but de votre vie, de votre combat, c'est quoi en fait ?

01:22Vous voulez dire quoi aux gens ?

01:23Au-delà de mon parcours, moi, individuel,

01:26l'important pour moi, c'était de dire qu'en fait,

01:29aujourd'hui, le travail ne correspond plus aux besoins,

01:33ne travaille plus à répondre aux besoins humains au sens large.

01:36Aujourd'hui, il y a une décorrelation très forte

01:38entre ce pour quoi on travaille en tant que société

01:41et le fait de répondre à nos besoins humains au sens large.

01:45Le travail était dévoyé dans un certain sens

01:47et beaucoup d'activités, aujourd'hui, vont justement à l'encontre

01:51et ne permettent plus de répondre à ce qui nous est nécessaire,

01:56nous, en tant que société, aujourd'hui.

01:58Ce terme de déserteur, cet appel à déserter,

02:01on l'a découvert il y a trois ans,

02:02avec des étudiants de la prestigieuse école agro-paritech

02:06qui ont détourné leur cérémonie de remise de diplôme

02:09pour dénoncer les formations et postes d'ingénieurs

02:12qu'ils jugeaient destructeurs pour l'environnement.

02:14On écoute d'ailleurs un extrait de cette cérémonie particulière.

02:17Quelle vie voulons-nous ?

02:18Un patron cynique ?

02:19Un salaire qui permet de prendre l'avion ?

02:21Un emprunt sur 30 ans pour un pavillon ?

02:23Même pas cinq semaines pour souffler par an dans un gîte insolite ?

02:26Un SUV électrique ?

02:28Un Fairphone et une carte de fidélité à la Biocop ?

02:30Et puis, un burn-out à 40 ans ?

02:32Ne perdons pas notre temps.

02:34Et surtout, ne laissons pas filer cette énergie

02:36qui bout quelque part en nous.

02:38Désertons avant d'être coincés par des obligations financières.

02:40Ces déserteurs ont d'ailleurs signé la préface de votre livre.

02:45Ils vous ont ouvert la voie ?

02:46C'est eux qui vous ont ouvert la voie ?

02:47J'ai déserté donc huit ans avant eux quelque part.

02:51Et c'est plutôt que ce discours-là a fait rentrer vraiment en écho

02:54avec ce que j'avais ressenti

02:56et ce que j'avais déjà commencé à écrire sur un premier livre.

03:00Et donc, deux déserteurs, Victor et Théophile du Château,

03:05ont préfacé ce livre-là.

03:06Qu'on a entendu ce matin sur ICI Occitanie

03:08qui ont ouvert une ferme dans le Tarn entre Castres et Albi.

03:13Mais ça veut dire quoi ?

03:13Vous avez dit « j'ai déserté il y a huit ans ».

03:15Ça veut dire que quoi ?

03:15Vous avez arrêté de consommer ?

03:17Je n'ai pas voulu rentrer dans les droites lignes

03:21de ce pourquoi j'avais fait des études.

03:24J'ai refusé d'aller vers un job,

03:26comme les déserteurs appellent, un job destructeur.

03:30Et j'ai essayé, à travers ce livre-là par exemple,

03:35d'appeler à être objecteur de conscience,

03:37d'une certaine manière,

03:39de l'époque dans laquelle on est aujourd'hui.

03:41C'est quoi un job déserteur ?

03:43Parce qu'il y a beaucoup de gens qui nous écoutent,

03:44qui disent « bon moi, elle est bien gentille cette dame,

03:46mais il faut quand même que je gagne ma vie,

03:48que je puisse manger à la fin du mois,

03:50payer mon loyer. »

03:51C'est quoi un job qui ne détruit pas alors ?

03:53Il reste quoi ?

03:55C'est toutes les questions que j'aborde vraiment dans le livre,

03:58à travers la question d'un scénario

04:00et de questions de leviers concrets

04:04qui pourraient justement nous faire nous rejoindre,

04:08que ce soit des personnes qui soient agriculteurs,

04:11ouvriers, des personnes qui sont étudiants,

04:14sortis d'études.

04:16Il y a des choses, des leviers structurels

04:18qui pourraient nous permettre justement

04:20de venir agir sur la société.

04:23Et parce que l'important,

04:25ce n'est pas le parcours de tel travailleur ou tel autre,

04:28mais de qu'est-ce qu'on fait en tant que société

04:30et à quoi on travaille surtout aujourd'hui.

04:32La agriculteur par exemple,

04:33il y en a beaucoup qui nous écoutent,

04:34vous lui dites quoi ?

04:36Qu'on doit tous s'unir quelque part,

04:39même s'il y a des colères très différentes

04:41et qui se cristallisent aujourd'hui

04:42de manière très forte à plein d'endroits.

04:45On peut se retrouver sur des éléments

04:47et on est victime d'un même système socio-économique quelque part.

04:51Mais vous-même, vous vivez désormais dans une certaine précarité

04:54en écrivant ces livres.

04:55Vous n'avez pas un travail qui vous permet une rémunération.

04:58Vous êtes au RSA, je crois.

04:59Je suis à des minimums sociaux effectivement parce que...

05:02Votre combat idéologique,

05:04vous le menez un peu aux frais de la société ?

05:08Non, ce n'est pas ça.

05:09C'est plus que le travail d'auteur aujourd'hui

05:12est mis dans une certaine précarité.

05:14Il y a un problème de statut au niveau de ce travail-là

05:18où on travaille énormément.

05:21En réalité, on travaille comme beaucoup de personnes

05:2335-40 heures par semaine.

05:26Vous dites quoi aux gens qui nous écoutent ?

05:27Il faut un métier qui rend heureux

05:28ou un métier qui laisse du temps libre ?

05:30L'important, ce n'est pas tant nos parcours individuels

05:34mais nos parcours collectifs

05:35et de comment est-ce qu'on peut faire nombre.

05:37Parce qu'aujourd'hui, on est très nombreux,

05:38on est des millions en France

05:39à être complètement en désaccord

05:41avec le système dans lequel on est mis

05:44et qui nous oblige structurellement à aller travailler

05:46pour un système qui ne nous parle plus.

05:48Et donc votre plaidoyer, on peut le lire

05:50de façon plus détaillée dans

05:52On déserte, scénario pour dépasser l'urgence sociale et écologique.

05:56Et c'est aux éditions Yves-Michel.

05:58C'est ça, c'est un livre qui est facile à lire

06:00et qui vient vraiment aborder toutes ces questions

06:02et relier la question de la crise sociale

06:04avec toutes les crises climatiques, écologiques également.

06:07Merci Loa Char, bonne journée.

06:09Merci.

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