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  • il y a 23 heures
Le fondateur de l'association Conscience, qui lutte contre le narcotrafic, et auteur de "Marseille, essuie tes larmes" est notre invité, quelques jours après l'assassinat de son frère. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-jeudi-20-novembre-2025-9817143

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00:00A 7h49 sur France Inter, Benjamin Duhamel, votre invité est un militant qui lutte contre le narcotrafic.
00:07Bonjour Amine Kessessi.
00:08Bonjour.
00:09Merci d'être avec nous ce matin sur France Inter et d'avoir le courage de témoigner.
00:13Mardi, vous avez enterré votre petit frère Mehdi, 20 ans, abattu en plein jour il y a une semaine à Marseille.
00:19Il n'avait jamais été impliqué dans une quelconque affaire de stupéfiant parce que c'est bien vous qui étiez visé à travers lui.
00:25Vous écrivez « Je parle parce que je ne peux que lutter si je ne veux pas mourir ».
00:31C'est pour votre petit frère, pour briser l'omerta que vous prenez la parole Amine Kessessi ?
00:36Tout d'abord, merci de me donner la parole.
00:39Si je prends la parole, c'est avant tout pour ma maman.
00:41Ma maman qui a déjà enterré un enfant, qui mardi dernier a enterré un second enfant.
00:46Et pour toutes ces mères qui ont perdu des enfants et qui tiennent debout et qui tiennent bon.
00:51Mon petit frère, vous l'avez dit, il n'était connu dans aucune affaire, dans aucun dossier.
00:56Et aujourd'hui, si je dois parler, c'est pour lui.
00:58C'est pour lui rendre hommage.
01:00Parce que mon petit frère était fier du combat que j'avais mené pour notre frère Enébraïm.
01:05Et parce que mon petit frère n'avait rien à voir et n'avait rien fait.
01:10Et ce message, je ne me tairai pas.
01:14Quand il vous arrive, ce qui vous arrive, vous ne vous dites jamais « C'est trop difficile, je baisse les bras, j'arrête ».
01:18Comment ça peut être difficile ?
01:20J'ai perdu mon premier frère aîné, qui a été brûlé dans le coffre d'une voiture.
01:24Aujourd'hui, je perds mon second frère, que j'ai enterré mardi dernier, mon petit frère.
01:29Qui avait deux ans de moins que moi.
01:31Donc moi, je ne peux pas me taire aujourd'hui.
01:32Je ne peux pas me taire pour plusieurs raisons.
01:34Parce que mon petit frère est mort pour rien.
01:37Et ça, je n'arrêterai pas de le dire.
01:38Mehdi est mort pour rien.
01:40Pour rien.
01:40Peu importe ce que j'ai fait, peu importe si j'ai écrit des livres ou pas.
01:43On ne devrait pas tuer mon petit frère comme ça.
01:46Et on ne devrait tuer aucun petit frère pour rien.
01:48Et surtout aujourd'hui, si on veut garantir la sécurité de celles et ceux qui prennent la parole.
01:53Si on veut, toutes les personnes qui ont été émues, toutes les personnalités politiques qui se sentent touchées par cette histoire.
02:00S'ils veulent aujourd'hui que des gens comme moi puissent vivre.
02:02Que des gens comme moi puissent continuer leur combat.
02:04Ils doivent parler.
02:05Si on est des milliers à se saisir de cette question.
02:07Si on est des milliers de nouveaux visages à apparaître sur ces sujets.
02:11Ils ne pourront pas tuer tout un peuple.
02:13Vous parlez beaucoup de votre mère qui vous donne du courage.
02:17Qu'est-ce qu'elle vous a dit, votre mère, quand elle vous a vu hier soir à la télévision.
02:20Quand elle vous entend prendre la parole.
02:24Elle est inquiète.
02:25Inquiète pour moi dans un premier temps et pour mes autres frères et soeurs.
02:30Mais surtout ce qu'elle me dit, c'est qu'on se doit de le faire.
02:33On se doit de le faire pour Mehdi.
02:34On se doit de le faire pour Brahim.
02:36Et encore une fois, elle me répète ce que je n'arrête pas de dire.
02:39C'est que Mehdi est mort pour rien.
02:40Mon petit frère est mort pour rien.
02:42Sans n'avoir rien fait à qui que ce soit.
02:44Mon petit frère, il préparait le concours de gardien de la paix.
02:47Il voulait devenir policier.
02:48Et pour moi, Mehdi, aujourd'hui, c'est un vrai gardien de la paix.
02:51Justement, votre petit frère, parce que c'est important de parler de lui.
02:54Vous le disiez, il s'apprêtait à devenir policier.
02:57Il n'avait absolument rien à voir avec le narcotrafic.
03:00Quel type de petit frère c'était ?
03:01Mehdi, c'était un petit frère génial.
03:03Parce qu'il était à la fois mon petit frère, il était à la fois celui avec qui je riais.
03:10Il était à la fois celui qui me vannait.
03:12Celui qui, lorsque je préparais des interviews, que ce soit pour le livre ou lorsque je me suis engagé politiquement,
03:18qui me donnait des conseils vestimentaires.
03:20Celui qui partageait, qui likait en premier mes postes.
03:23Un vrai petit frère.
03:24Il était mon premier soutien.
03:25Et aujourd'hui, c'est ça qu'on m'a arraché.
03:27Mon premier soutien.
03:28Vous avez assisté aux obsèques de votre petit frère sous escorte.
03:33Il y a juste en dehors de ce studio, des gens armés qui sont là 24h sur 24 pour vous surveiller.
03:40C'est un changement de vie qu'on ne peut même pas imaginer quand ça ne nous arrive pas.
03:43Comment est-ce que vous le vivez ? Vous avez peur ?
03:46Peur non.
03:47Peur non.
03:48Quand on a encore une fois perdu un frère, brûlé dans le coffre d'une voiture.
03:51Quand son petit frère est mort pour rien dans un rond-point à quelques mètres de chez ma maman.
03:55On ne peut plus avoir peur de ce qui peut se passer.
03:59Le seul sentiment aujourd'hui qui m'habite, c'est ce sentiment de culpabilité.
04:02De ne pas avoir protégé mon petit frère.
04:04De ne pas avoir été là pour prendre ce qui devait m'arriver à moi et pas à lui.
04:09Et surtout, ce changement de vie, il va finalement...
04:15Aujourd'hui, moi je suis très reconnaissant de ces personnes qui sont là pour assurer cette protection, etc.
04:19Mais c'est fini, on ne me rendra plus mon petit frère.
04:23Mais Dieu ne reviendra pas.
04:25Et on entend bien sûr votre émotion et on partage votre courage.
04:29Vous parliez de peur.
04:31Vous organisez ce samedi une marche blanche samedi à Marseille en hommage à votre petit frère.
04:36Qu'est-ce que vous dites à ceux qui nous écoutent, qui évidemment partagent votre combat,
04:40qui ont envie d'y aller, qui ont envie de se mobiliser partout en France,
04:43mais qui peut-être sont inquiets du climat de psychose qui s'installe et qui ont peur ?
04:47Vous leur dites quoi ?
04:47Alors, premièrement, si on appelle à se mobiliser, c'est que toutes les conditions de sécurité sont réunies.
04:53Sinon, moi je ne prendrai pas le risque de faire marcher des gens et leur demander de se mobiliser.
04:57Un certain nombre de personnalités, de personnalités nationales seront présentes à Marseille,
05:02ce qui va forcément renforcer le dispositif de sécurité.
05:05Aujourd'hui, il y a deux ministres qui sont à Marseille et je sais qu'ils vont prendre leurs responsabilités
05:09et qu'ils vont faire en sorte que cette marche se passe en sécurité.
05:12Ce que je veux dire aux gens qui sont loin de Marseille, c'est que partout vous pouvez vous mobiliser,
05:17partout devant vos mairies, vous pouvez tenir une minute de silence,
05:21partout vous pouvez partager, partout vous pouvez vous mobiliser en parlant de Mehdi,
05:26en racontant son histoire, en racontant qui il l'était.
05:29Et puis surtout, celles et ceux qui seraient inquiets, je leur dis, je suis debout.
05:33Et donc si vous êtes debout, on doit tous avoir ce courage à cette image ?
05:39Je l'ai écrit dans Le Monde, on ne peut pas tuer tout un peuple, on ne peut pas tuer toute une nation.
05:43Et plus on sera nombreux, plus notre sécurité sera garantie à toutes et tous.
05:48Parce que c'est ce qui était inscrit sur cette gerbe, aux obsèques de votre petit frère, c'est notre affaire à tous.
05:52Tout à fait, tout à fait.
05:54À travers Mehdi, c'est tout le monde qu'on a voulu tuer.
05:56À travers Mehdi, on parle beaucoup, on est le pays qui parle le plus de la liberté d'expression,
06:00c'est la liberté d'expression qu'on a voulu tuer.
06:02Mais à travers Mehdi, c'est la République qu'on a voulu tester.
06:05À travers Mehdi, c'est la France qu'on a voulu abattre.
06:07Et donc aujourd'hui, on se doit pour Mehdi, pour les autres victimes, et surtout pour Mehdi, on se doit de se lever.
06:13Amine Kessassi, depuis une semaine, les responsables politiques redoublent de propositions pour lutter contre le narcotrafic.
06:18Pour certains, c'est une question d'effectifs, pour d'autres, de sévérité de la justice.
06:22Vous le disiez, il y a deux ministres qui seront aujourd'hui à Marseille.
06:25Je sais que vous ne voulez pas porter de paroles politiques militantes, puisque ce n'est pas le moment, puisque vous êtes en deuil.
06:30Mais simplement, quand vous écoutez, quand vous entendez certains propos, vous vous dites quoi ?
06:35Est-ce que vous vous dites que les politiques sont à la hauteur ? On peut encore croire en leurs paroles ?
06:40Parce que moi, ça a résonné avec des écrits que j'avais lus de vous.
06:43Vous disiez, je me sentais seul quand j'alertais contre le narcotrafic.
06:45Si je n'étais pas seul, on ne m'aurait pas identifié comme la figure de lutte contre le narcotrafic.
06:50On n'aurait pas abattu mon petit frère pour rien.
06:52Donc moi, aujourd'hui, effectivement, je ne veux pas porter de message politique.
06:56Non pas parce que je ne fais pas de politique.
06:57Non pas parce que cette mort n'est pas politique.
06:59Et vous en faites au sens noble du terme.
07:01Tout à fait.
07:01Et cette cause, elle l'est.
07:02C'est une cause politique.
07:04Néanmoins, moi, aujourd'hui, si je suis là, c'est pour jeter la pierre sur personne.
07:07Aujourd'hui, plus personne ne pourra dire je ne savais pas.
07:10Plus personne ne pourra dire je ne savais pas ce qui se passait.
07:12Plus personne ne pourra dire je l'ignorais.
07:14Et donc, ce sont les discours, place à l'action, faites des choses, mobilisez-vous.
07:19Et juste, Mehdi est mort pour rien.
07:21Et ça, il faut le rappeler, Mehdi est mort pour rien.
07:23Et moi, mon frère, que j'ai enterré mardi, je ne le reverrai plus.
07:26Vous dites dans les colonnes de Libération, je vous cite, Libération d'aujourd'hui,
07:29je ne supporte plus les gens de la haute sphère, les bourgeois,
07:32qui passent leur temps à prendre de la coke en soirée et qui font la morale aux petits des cités.
07:36Qu'est-ce que vous voulez dire par là qu'il faut arrêter de faire des catégories dans la responsabilisation ?
07:43Cet échec, cette mort, c'est une mort collective.
07:46C'est un échec collectif.
07:48Et donc, aujourd'hui, il faut qu'on arrête de venir jeter la pierre à des petits jeunes de cité.
07:52Il faut qu'on arrête de porter la responsabilité sur les mamans.
07:55J'ai écrit un livre qui est sorti en octobre.
07:57Et dans ce livre, il y a une lettre que j'adresse à mon frère aîné Brahim
08:01qui s'appelle punir nos mères pour tenir nos fils.
08:05Et donc, ça, c'est juste impossible, improbable de venir jeter encore la responsabilité sur des familles,
08:11de venir encore jeter la responsabilité sur des gens qui se lèvent le matin,
08:15qui essaient de s'en sortir comme ils le peuvent.
08:18Et donc, pour ça, les discours, les propositions, les solutions, le constat,
08:22ça fait plus de 20 ans qu'on le fait.
08:24Et aujourd'hui, Mehdi est mort.
08:25Oui, parce que vous dites encore dans les colonnes de Libé,
08:27de toute façon, la société, elle est camée.
08:29La drogue est partout.
08:31Donc, c'est quoi ?
08:31Ça ne suffit pas quand vous entendez le président de l'air public dire
08:33c'est de la faute des petits bourgeois de centre-ville.
08:37Quand on consomme de la cocaïne, du cannabis, on est complice.
08:42Il a raison ou est-ce que c'est des solutions simplistes ?
08:44Encore une fois, moi, vraiment, je ne suis absolument pas venu pour jeter la pierre sur qui que ce soit.
08:49Je veux juste dire, mobilisez-vous, rendez hommage à Mehdi.
08:52Et Mehdi, mon petit frère, 20 ans, est mort pour rien.
08:56Une toute dernière question, Amine Kessassi.
08:58Dans votre livre que vous citiez, Marseille et Suite et l'Arme,
09:00vous faites cette promesse à votre grand frère tué, Brahim.
09:04Puisque, je le rappelle, vous êtes doublement endeuillé.
09:06Brahim, il y a quelques années, et Mehdi, la semaine dernière.
09:10Vous lui faites cette promesse à votre grand frère,
09:11la promesse de vous battre, de faire payer les responsables.
09:15Quelle promesse, ce matin, vous faites à Mehdi ?
09:17La promesse que je fais à Mehdi, c'est déjà que je serai debout ce samedi,
09:22que ce samedi, des milliers de personnes vont marcher partout dans le pays,
09:26des milliers de personnes vont se mobiliser,
09:28des milliers de personnes vont lui rendre hommage.
09:30Et la promesse que je fais à Mehdi, c'est que les personnes qui lui ont fait ça
09:34seront arrêtées et elles seront jugées.
09:36Merci beaucoup, Amine Kessassi, d'être venu au micro de France Inter.
09:40Et donc, je rappelle samedi, cette marche blanche à Marseille.
09:43À 15h.
09:43À 15h.
09:44Et des rassemblements organisés dans toute la France.
09:46Merci.
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