- il y a 6 jours
Chères lectrices, chers lecteurs,
Ce jeudi 6 novembre, nous avons eu le plaisir de recevoir Tony Molho pour une rencontre autour de son autobiographie La gentillesse des autres, un enfant juif dans la Grèce occupée (éditions EHESS).
Discussion animée par Annette Wieviorka.
Vous souhaitant de belles lectures,
L'écume 🌊
-
La Quatrième : « Sans m’attribuer le mérite de ma survie, le fait est que j’ai miraculeusement survécu. C’est à l’altruisme et à la bonté de certaines personnes, ainsi qu’à la chance que je le dois. »
Tony Molho retrace, dans un récit à la fois sensible et historique, son enfance en Grèce durant les années 1940, alors que la menace de la déportation par les nazis pèse sur sa famille. Caché chez un couple sans enfant, dans un train, au cœur d’un couvent, il échappe à la mort grâce à la détermination de ses parents et à la gentillesse des autres, des gens ordinaires – voisins, amis, inconnus – souvent modestes qui lui portent secours. Des années plus tard, Tony Molho, passé d’un pays à un autre, d’une langue à une autre, revient sur cette période fondatrice. Il y déploie une réflexion sur l’histoire, la mémoire, l’effacement – celui de la communauté juive de Salonique – et interroge la manière dont la conscience du traumatisme de la Shoah l’a aidé à comprendre le cours de sa propre vie.
Ce jeudi 6 novembre, nous avons eu le plaisir de recevoir Tony Molho pour une rencontre autour de son autobiographie La gentillesse des autres, un enfant juif dans la Grèce occupée (éditions EHESS).
Discussion animée par Annette Wieviorka.
Vous souhaitant de belles lectures,
L'écume 🌊
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La Quatrième : « Sans m’attribuer le mérite de ma survie, le fait est que j’ai miraculeusement survécu. C’est à l’altruisme et à la bonté de certaines personnes, ainsi qu’à la chance que je le dois. »
Tony Molho retrace, dans un récit à la fois sensible et historique, son enfance en Grèce durant les années 1940, alors que la menace de la déportation par les nazis pèse sur sa famille. Caché chez un couple sans enfant, dans un train, au cœur d’un couvent, il échappe à la mort grâce à la détermination de ses parents et à la gentillesse des autres, des gens ordinaires – voisins, amis, inconnus – souvent modestes qui lui portent secours. Des années plus tard, Tony Molho, passé d’un pays à un autre, d’une langue à une autre, revient sur cette période fondatrice. Il y déploie une réflexion sur l’histoire, la mémoire, l’effacement – celui de la communauté juive de Salonique – et interroge la manière dont la conscience du traumatisme de la Shoah l’a aidé à comprendre le cours de sa propre vie.
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Art et designTranscription
00:00pour réaliser que le sort de la Thessalonique juive était identique au sort de la Varsovie juive
00:10et que les deux populations juives de ces deux villes avaient disparu
00:1896% je crois pour Thessalonique, ça doit être la même chose pour Varsovie
00:24mais que ce n'était pas simplement un chiffre, c'était aussi dans un cas comme dans l'autre
00:31une langue et une civilisation du côté des juifs de Varsovie et de l'Est, le Jiddiche
00:40et du côté des juifs de Salonique, le judéo-espagnol
00:45donc on a finalement des histoires qui sont éloignées mais qui se ressemblent
00:54alors pour présenter ce livre et avant qu'on dialogue
00:57je voudrais lire une petite citation de votre livre
01:01ça se fait, paraît-il
01:03« En dehors à la fois du monde et du temps, l'enfant et le vieillard se regardent d'un être gêné
01:12chacun s'efforçant de trouver à sa façon le lien le plus durable qui l'unit à l'autre
01:18l'épreuve de la persécution vécue lors de la Shoah par le petit garçon
01:23et depuis plus de 80 ans, quasi sans interruption, par le vieil homme
01:29qui, même aujourd'hui, ne peut échapper à son ombre sombre et toujours menaçante
01:34et il me semble que cette réflexion sur ce petit garçon
01:39que vous avez été fuyant, se cachant pour échapper aux nazis et l'homme que vous êtes
01:47c'est une des interrogations les plus puissantes de votre livre
01:54donc c'est un livre qui est consacré à votre enfance, à un âge
01:58où on a toute mémoire, c'est ce qu'on appelle quand ça va l'amnésie infantile
02:04qui fait qu'avant six ans, il est très difficile d'avoir des souvenirs
02:10et pourtant c'est ces souvenirs-là que vous racontez dans ce livre
02:17si c'est un film, on dirait que c'est un biopic
02:21c'est-à-dire une tranche de la vie d'une personne
02:25qui éclaire l'ensemble d'une vie
02:28alors on va parler de ce petit garçon
02:33de ce qui vous est arrivé
02:35et on discutera aussi du titre que vous avez donné à votre livre
02:39alors ce petit garçon, qui est-il ?
02:43bien, ce petit garçon était le fils de Shaul Molko
02:50et de Lily Alcalaï
02:53et il était né, j'ai été né
02:57et on était du 1939
03:01mes parents, particulièrement de la part de la famille de ma mère
03:10qui était assez aisée
03:13on vivait une vie assez aisée, assez confortable
03:20mais il y avait aussi des moments particuliers
03:26même avant le commencement des déplacements des Juifs
03:33le mars 1943 à Auschwitz
03:38peut-être peut-on dire pour ceux qui ne le savent pas
03:43que les choses ont été très rapides
03:46relativement tardives
03:49par rapport à la conférence de Van Zee
03:53par rapport à la déportation
03:55et que mars 1943
03:57le ghetto
03:58le ghetto c'est bien mars 1943
04:00je ne dis pas de sottises
04:01oui
04:02et puis ensuite
04:03une oriade de convois
04:06qui vont amener
04:08la quasi totalité de la population de Salonique
04:11à Auschwitz
04:13la population des Juifs
04:14Juifs
04:15Juifs de Salonique pardon
04:16voilà
04:17donc vous dites
04:18et d'ailleurs vous le racontez dans votre livre
04:20qu'il y a eu d'autres
04:21il y a eu des signes déjà avant-coureurs
04:23oui
04:24la question que
04:28on pourrait se poser
04:30vu l'expérience de mes parents
04:34c'est pourquoi eux
04:37le 20 mars 1943
04:41ont décidé de laisser tout
04:44et d'abandonner si vous voulez
04:48les parents de ma mère
04:51et la mère de mon père
04:54et de me laisser
04:57dans une famille chrétienne
05:00qui avait voulu me prendre
05:03sous sa tutelle
05:05et pourquoi cette décision
05:07vu qu'on ne connaissait pas
05:10des gens de
05:12de Haas, de Haas, de Birkenau
05:14et
05:16il s'était passé
05:19qu'un an avant
05:22le 12 juillet 1942
05:25les autorités nazies
05:28allemandes
05:29avaient ordonné
05:30toute la population
05:32des
05:34des hommes
05:35Juifs
05:36entre
05:38l'âge de
05:3918 et
05:4048
05:41je crois
05:42mais je ne suis pas sûr
05:43de
05:44de ces détails
05:47et de se concentrer
05:49dans
05:50dans une des grandes places
05:53de Salonique
05:54devant
05:55le port
05:56le grand port
05:57de Salonique
05:58une place
05:59que
06:01prend son nom
06:02avec une
06:03grande dose d'ironie
06:05et
06:07la place
06:08de
06:09la liberté
06:10et vous notez d'ailleurs au passage
06:12que c'est là
06:14qu'a été érigé
06:15le monument
06:16souvenir
06:17des victimes
06:18juives
06:19et au passage
06:20vous dites aussi
06:21qu'il est
06:22régulièrement
06:23vandalisé
06:24oui absolument
06:25juste
06:26un jour
06:27et
06:28mon père
06:29était
06:31philo allemand
06:34il
06:36connaissait
06:37la langue
06:38très bien
06:39il avait
06:41servi
06:42comme volontaire
06:43assistant
06:44à la chaire
06:45de littérature
06:46allemande
06:47à la
06:48université
06:49de Salonique
06:52il se vantait toujours
06:53avec moi
06:55que quand il avait
06:56presque 30 ans
06:58il avait pris
06:59le premier vol
07:00international
07:01qui était parti
07:02de Salonique
07:03pour aller à Vienne
07:05pour entendre
07:06l'opéra lyrique
07:08c'était une chose
07:10qui
07:11lui plaisait beaucoup
07:14alors
07:15dans cette
07:16immense place
07:17le 12 juillet
07:201943
07:2243
07:2342
07:2442
07:2542
07:26oui absolument
07:2742
07:28quand j'avais 3 ans
07:29exactement
07:30et
07:31mon père
07:32avait décidé
07:33de
07:34d'obéir
07:35aux ordres
07:36des allemands
07:37ses deux frères
07:39non
07:40ils se sont cachés
07:41ils ne sont pas présentés
07:43alors
07:45dans
07:46cette place
07:47très grande
07:48sous
07:50un soleil
07:51brûlant
07:52les allemands
07:54ont commencé
07:55à
07:56ordonner
07:57les
07:58les juifs
07:59qui se trouvaient là
08:00à faire des exercices
08:01de gymnastique
08:03et
08:05qui n'obéissait pas
08:06ou qui ne les faisait pas
08:08en façon
08:09satisfaisante
08:10ils étaient punis
08:12et ils étaient punis
08:14mon père
08:15croyant
08:16que sa
08:17connaissance
08:18de l'allemand
08:19et de la
08:20connaissance
08:21de son
08:22de la culture
08:23allemande
08:24pourrait
08:25l'aider
08:26en quelque façon
08:27a demandé
08:29à un
08:30officier
08:31allemand
08:32ce qui s'est passé
08:33pourquoi tout cela
08:34les allemands
08:36l'ont battu
08:38et
08:39et
08:40violemment
08:42il est
08:44fini
08:45dans un
08:46hôpital
08:47où
08:48il a dû rester
08:49pendant plusieurs jours
08:50et
08:52dès ce jour-là
08:53mon père
08:55vivait sous
08:56la conviction
08:57qu'il ne fallait
08:59qu'il ne fallait pas
09:00absolument
09:01se fier
09:02des allemands
09:03et
09:04ce qu'ils disaient
09:06les allemands
09:07et
09:08était
09:09comment dire
09:11en italien
09:12on dirait
09:13forviante
09:14comment est-ce qu'on dirait
09:16trompeur
09:17trompeur
09:18trompeur
09:19trompeur
09:20alors
09:21quand
09:22les allemands
09:23ont commencé
09:24à
09:25et
09:26appliquer leur plan
09:28pour les
09:29les juifs
09:30saloniques
09:31en créant pour la première fois
09:32dans l'histoire de salonique
09:34un ghetto
09:35pour les juifs
09:36alors
09:38mon père
09:39avec ses deux
09:40frères
09:41ma mère
09:43et
09:44deux amis
09:45à eux
09:46ont décidé d'échapper
09:48et
09:49d'échapper
09:50pour aller à Athènes
09:51qui était
09:53sous un contrôle
09:55plus laxe
09:56plus
09:57plus flexible
09:58des italiens
10:00à fois
10:02avec les allemands
10:03pour appliquer ce plan
10:06ils ont dû
10:09et
10:10placer
10:11ma
10:12grande mère
10:13paternelle
10:14avec
10:15une personne
10:16qui
10:17une
10:18vieille dame
10:19très pauvre
10:20modeste
10:21qui habitait dans la bagnole de salonique
10:23et
10:25et
10:26madame
10:28katina
10:30et
10:31en lui
10:34en lui
10:35laissant
10:36cette vieille femme
10:37et
10:38qui ne parlait que judéo espagnol
10:40elle parlait un peu de grec
10:42oui
10:43mais avec un accent
10:45très fort
10:46judéo espagnol
10:47c'est à dire
10:49que
10:50et
10:51c'était très facile
10:52pouvoir l'identifier
10:53comme
10:54comme juive
10:59mes autres deux
11:00grands parents
11:02du côté de ma mère
11:06ont resté chez eux
11:07avec
11:09le frère
11:11et la sœur
11:12de ma mère
11:15et moi
11:17j'ai été confié
11:18en première instance
11:20à une famille
11:22christiane
11:24et grecque
11:26qui quand même
11:27après une semaine
11:28a eu peur
11:29de me tenir
11:31et on m'a restitué
11:33chez mes parents
11:35et puis
11:36grâce aux connaissances
11:38et
11:39liens
11:40que mon
11:41oncle
11:42du côté de ma mère
11:43avait dans la ville
11:44ils ont trouvé
11:45une autre famille
11:47qui a
11:49qui m'a tenu
11:50pour
11:544-5 mois
11:55presque
11:57mes parents
11:58sont échappés
11:59l'idée était
12:00de
12:01traverser
12:02le long de la Grèce
12:03de Salonique
12:04de Salonique
12:05à Athènes
12:06à pied
12:07si nécessaire
12:09ou de
12:11essayer de trouver
12:12assistance
12:14à droite et à gauche
12:16et ils ont eu
12:18une aventure
12:19vraiment extraordinaire
12:21j'essaye de
12:22de
12:23oui c'est que c'est vraiment
12:24un
12:25un livre
12:26d'aventure
12:27c'est inouï
12:28le nombre
12:29de fois
12:30où
12:31vous avez échappé
12:32à
12:33à l'arrestation
12:34mes parents
12:35vos parents
12:36et vous
12:37moi plus tard
12:38ouais
12:39moi ils m'avaient laissé
12:40à Salonique
12:41et
12:44le moment plus dramatique
12:45dirais-je
12:48est arrivé
12:50quand
12:51finalement
12:53après plusieurs semaines
12:55ils sont arrivés
12:56à Larissa
12:58qui est au centre
12:59de la Grèce
13:00au sud du
13:01Mont Olympe
13:03et
13:04ils ont pu obtenir
13:06des papiers faux
13:07ils sont
13:10et des billets
13:12pour le train
13:14dans le train
13:15le contrôleur
13:17a pu constater
13:19presque immédiatement
13:21que le papier de ma mère
13:23était faux
13:25et
13:27ma mère a été arrêtée
13:30et
13:33elle a demandé
13:34de pouvoir parler
13:35avec le
13:37le chef du train
13:39et
13:40curieusement
13:41c'est
13:42un petit détail
13:43qui
13:44toujours m'a étonné
13:46et
13:47le contrôleur
13:48le contrôleur a accepté
13:50mais vous racontez que
13:51votre mère
13:52a dit au
13:53contrôle
13:54a demandé au contrôleur
13:55s'il avait des enfants
13:56oui
13:57et
13:58a dit au chef
13:59voilà le train
14:00oui
14:01s'il avait des enfants
14:03et lui il a dit oui
14:04qu'il avait deux
14:05alors ma mère a dit
14:08et
14:10si vous me
14:12donnez aux allemands
14:15mon fils
14:17va rester orphelin
14:19et dans ce cas
14:21vous et vos fils
14:24sois
14:25maudits
14:26c'est une scène
14:29c'est une scène
14:30presque d'une
14:31tragédie
14:33grecque ancienne
14:34n'est-ce pas
14:35mais la suite est encore plus
14:36étonnante
14:38le chef
14:40du train
14:41a accepté
14:43parce que
14:44soutenait ma mère
14:45il avait eu peur
14:47d'être maudit
14:48de la malédiction
14:49de la malédiction
14:51alors
14:52il a porté
14:54ma mère
14:55dans la place
14:57dans la place
14:59où il avait son
15:02son contrôle
15:05il a commencé à ralentir
15:08la vitesse du train
15:10il a ouvert la porte
15:13de ce compartement
15:16et il a instruit
15:18ma mère
15:19de
15:21de
15:22se tenir
15:24avec ses mains
15:26dehors
15:28il a fermé la porte
15:29et puis le train
15:30est reparti
15:31à toute vitesse
15:36et puis il a ralenti le train
15:38il a ralenti le train
15:39et il a fait rentrer votre mère
15:41après le contrôle des allemands
15:44qu'ils ne se sont pas aperçus
15:46que ma mère était hors de la fenêtre
15:49alors c'est
15:51c'est un moment tellement dramatique
15:53tellement
15:55irréel presque
15:56oui on voit un film
16:00oui mais c'était pas un film
16:02c'était la vie
16:07et après ça
16:09et après ça
16:12ma mère toujours
16:14donnait ses félicitations
16:16aux deux frères
16:18de mon père
16:20mon père était assis
16:21dans un autre wagon
16:24pour ne pas
16:26prendre le risque
16:27d'être arrêtés
16:28tous les deux
16:30ces deux frères
16:32étaient assis
16:34dans un autre point
16:35du wagon de ma mère
16:37ils n'ont pas réagi
16:39et c'était une réaction
16:41absolument juste
16:43parce que
16:47seulement le
16:49le contrôleur
16:51et l'ingénieur du train
16:53s'étaient aperçus
16:54qu'ils se traitaient
16:55d'une femme juive
16:58après ça
17:00ils sont arrivés à Athènes
17:01après trois, quatre heures
17:03et a commencé une vie
17:05assez compliquée
17:07et
17:09assez
17:10dangereuse
17:12et qui
17:14avait
17:16qui a
17:18porté mon père
17:20à joindre le maquis
17:22en Grèce
17:24ma mère
17:25à devenir
17:26l'assistante
17:28cuisinière
17:30d'une famille
17:32très aisée
17:33les fix
17:35ceux ici
17:36qui travaillent
17:37ont visité la Grèce
17:38savent bien
17:39que
17:40fix
17:41est la marque
17:42d'une bière
17:43le fix
17:44c'était des bavarois
17:46qui s'étaient installés
17:48en Grèce
17:50au 19ème siècle
17:52et comme des bons bavarois
17:53ils avaient emporté
17:55la connaissance
17:56de faire la bière
17:58et
17:59pendant presque
18:00100 ans
18:01la seule bière
18:03maintenant je crois que c'est Mitos
18:05je crois que c'est la bière
18:06qui s'appelle Mitos
18:07qui est plus
18:08courante
18:10oui mais je dis que c'est maintenant Mitos
18:12qui a pris le pas
18:14oui
18:16c'est pour vous montrer que je connais la bière grecque
18:20j'en suis sûr
18:21et
18:28puis ils ont commencé
18:29particulièrement
18:30ma mère
18:32a commencé à chercher
18:34des moyens
18:35pour me faire porter
18:37de Saloni
18:38j'étais resté
18:39avec ma famille
18:41et
18:42chrétienne
18:43qui me cachait
18:45je me portais
18:46à Athènes
18:48et là aussi il y a eu
18:49un petit moment d'aventure
18:51et
18:53j'ai été caché
18:55dans le
18:56comment est-ce qu'on dit
19:00c'est pas le temps d'air je crois
19:02c'est-à-dire à côté de la locomotive
19:06et
19:08quand même
19:09et
19:10on a réussi de me porter à Athènes
19:11et ma mère a commencé à chercher
19:14des possibles solutions
19:16quelqu'un lui avait conseillé
19:18de
19:19de parler avec des
19:22des couvents
19:24ou peut-être
19:25il y aurait une
19:26majeure sensibilité
19:29et
19:30au contraire
19:31tous les couvents
19:32ont répondu
19:33négativement
19:35sauf
19:36un
19:37qui a été le couvent clé
19:40pour mon soldage
19:41c'était un couvent
19:43des noms
19:44catholique
19:46grégophone
19:47mais catholique
19:49et
19:51et
19:52dès les années de
19:53de
19:54domination
19:55vénitienne
19:56et genevoise
19:58dans les
19:59dans les îles
20:00de la mare léger
20:01et
20:02il y avait
20:03encore
20:04il y a
20:05jusqu'à aujourd'hui
20:06une
20:07relativement
20:08petite population
20:09de
20:10catholiques
20:12et
20:13qui
20:16maintenait
20:18sa langue
20:19grecque
20:20mais
20:22et
20:25embrassait
20:26le
20:27le
20:28le rythme
20:29catholique
20:30et
20:31italien
20:32du pape
20:33et
20:34la mère supérieure
20:35de ce couvent
20:37était une femme belge
20:39et
20:40son père
20:41était un
20:42un
20:43bien connu
20:44archéologue
20:45belge
20:46il avait vécu
20:47en Grèce
20:48pendant les années 30
20:49et
20:51et
20:52sœur
20:53Hélène
20:54Capard
20:56et
20:58et
20:59immédiatement
21:00elle a accepté
21:01de me porter
21:02et
21:03de me cacher
21:04dans le
21:05dans le couvent
21:07et
21:08où je suis resté
21:09de
21:10juin
21:11fin
21:12juin
21:131943
21:14jusqu'au
21:17début
21:18décembre
21:191943
21:20quand
21:21il y a eu
21:22une
21:23grande crise
21:24et
21:27et
21:28qu'on vous a
21:29exfiltré
21:30du couvent
21:31et
21:32on m'a porté
21:33dans le
21:34milieu
21:35de la nuit
21:36tout couvert
21:37dans une couverture
21:38dans la maison
21:40d'une
21:41très pauvre
21:42veuve
21:43avec
21:44cinq enfants
21:45et
21:46madame
21:47calcou
21:48qui avait
21:49accepté
21:50sans aucune
21:51hésitation
21:53que
21:55elle
21:56serait
21:57été
21:58disponible
21:59à me cacher
22:00et
22:02alors
22:03on est arrivé
22:04du mars
22:0543
22:06à
22:07décembre
22:0843
22:09je
22:10voudrais
22:11ajouter un petit détail qui n'est pas dans le livre
22:15le mars
22:18de 8
22:192023
22:20il y a eu la présentation du livre grec
22:25une édition grecque
22:27dans le palais de la musique
22:29à
22:30Athènes
22:31avec beaucoup de monde
22:33c'était
22:34et
22:35c'était très bien
22:36sauf qu'un monsieur important
22:39et
22:40une personnalité lettré de la Grèce actuelle
22:46a voulu
22:50et
22:51et
22:52demander
22:53mettre sous doute
22:55tout le
22:56le récit
22:57de mon livre
22:58c'est pas possible que quelqu'un comme
23:00comme vous
23:01puissiez raconter
23:03des choses pareilles
23:04vous étiez très jeune
23:06et
23:07quand même il y a des détails
23:08qui ne
23:09qui ne
23:10sont
23:11qui ne sont pas vrais
23:12par exemple il a dit
23:14vous dites
23:15que
23:16un dimanche
23:17de
23:18Pâques
23:19de
23:201944
23:21il y avait
23:22le soleil
23:23comment savez-vous ça
23:25et
23:26c'est un prétexte pour
23:28pour
23:29mettre en doute la totalité du
23:31la totalité du
23:32la totalité du récit
23:33à la fin
23:34un
23:35monsieur
23:36très âgé
23:38j'ai appris après qu'il avait
23:4091 ans
23:41a
23:43posé la main
23:44et a demandé de pouvoir parler
23:45il s'est identifié
23:47comme
23:48le fils
23:49aîné
23:50de madame
23:51et
23:53vous racontez que les enfants étaient plus âgés que vous
23:56que vous étiez le plus petit
23:57avec
23:58voilà et que c'est le seul moment
24:00de
24:01de
24:02de tout cet épisode
24:03vous avez été avec des enfants et vous n'avez pas été tout seul
24:06oui absolument
24:07absolument
24:09Panagiotis Calcu
24:13en mars
24:14de
24:152023
24:17il s'est présenté
24:18en disant qu'il était un poète
24:20et qu'il avait écrit plusieurs poésies
24:23publiant
24:24dans des revues assez importantes
24:27il a dit que
24:28un de ses poèmes
24:30est
24:33publié
24:34mi
24:35année
24:3660
24:37avait le titre
24:38décembre
24:391943
24:41et
24:43il racontait dans ce poème
24:46la faim
24:47le froid
24:49et la souffrance
24:51qui était partagée par tous les grecs
24:53il y a eu un nombre de morts de faim
24:57il y avait des gens
24:58inouïes quoi
25:00plusieurs dizaines de milliers de morts de
25:02de la grande famine de cet hiver là
25:04oui
25:06et
25:08à la présentation du livre
25:10a dit que dans ce poème
25:12il écrit
25:14de l'arrivée
25:15d'un petit juif
25:16à la maison
25:20que c'était moi
25:22il y a eu
25:24une certaine
25:26réponse
25:27pour cet autre monsieur
25:28pas satisfaisante
25:29je suis sûr
25:31mais quand même
25:32il y avait
25:33il y a eu
25:34un moment où
25:35quelqu'un qui était présent
25:36a pu
25:38et
25:39a secondé
25:40quelques détails
25:41que j'avais présenté dans le livre
25:43alors ensuite
25:45votre mère a
25:47alors d'abord
25:48en creux
25:50il y a un portrait
25:51extraordinaire
25:52de votre mère
25:53qui était une femme
25:55hors norme
25:57très cultivée
25:58musicienne
26:00même si elle n'a plus joué
26:02de piano après
26:04le retour à
26:05à Salonique
26:07ou d'après ce que vous racontez
26:08une seule fois
26:10et
26:11c'est une femme exigeante
26:13assez sévère
26:14si j'ai bien compris
26:16voilà
26:17mais qui a fait preuve
26:19d'une initiative
26:20et d'un courage
26:22tout à fait hors norme
26:24c'est en fait
26:25un livre que vous avez
26:26aussi écrit
26:28pour votre mère
26:30vous avez aussi écrit
26:31il y a une très longue citation
26:32que je n'ai pas donné
26:34mais c'est un peu
26:36pour répondre
26:37aux reproches
26:38que vous faisait votre mère
26:40de vous occuper de la renaissance italienne
26:42au lieu de vous occuper des juifs de Salonique
26:45oui
26:47alors ensuite votre mère veut vous récupérer
26:50et
26:51elle a eu un succès n'est-ce pas ?
26:53bah oui
26:57oui ma mère était une personnalité
27:00une personne remarquable
27:02de tous points de vue
27:04et
27:06pas seulement
27:08pour ce qu'elle avait pu faire
27:10pendant l'occupation allemande
27:12mais aussi après
27:16et parce que
27:18la mémoire de ce qui s'était passé
27:21ses parents, son frère, sa soeur
27:23étaient tous morts à Auschwitz
27:25et
27:27ils ne pouvaient pas se pardonner
27:30d'avoir pu survivre
27:33quand ses parents
27:34étaient morts à Auschwitz
27:37et de quelque façon
27:38elle voulait trouver un moyen de se punir
27:44pour cette survivance
27:47et c'est après la guerre
27:49que dans un colloque qu'elle avait eu
28:00quand elle était déjà assez âgée
28:05un colloque avec une jeune anthropologue anglaise
28:11élève de
28:14que ma mère
28:17a expliqué sa décision
28:19de vouloir laisser Salonique
28:22de vouloir que toute la famille laisse Salonique
28:26après la guerre
28:28pour aller
28:30s'installer aux Etats-Unis
28:32en 56
28:34en 56 vous partez tous
28:36et vous citez le titre
28:37d'un ouvrage
28:40de Marc Mazover
28:42Salonique
28:44vous vous traduisez
28:45ville fantôme
28:47c'est peut-être aussi
28:49plutôt ville de fantôme
28:51parce qu'il met fantôme au pluriel
28:53et elle a
28:55d'abord elle a sombré
28:57dans une dépression assez profonde
29:00dont l'a tirée
29:02si je vous ai bien lu
29:04la naissance de votre soeur
29:05et puis des mariages
29:08enfin la vie a repris
29:10a repris
29:11y compris le mariage d'un de vos oncles
29:14deux oncles
29:16mais un avec une femme qui avait survécu à Auschwitz
29:19et vous citez d'ailleurs
29:21vous êtes d'une famille de musiciens
29:24vous citez que la musique était une musique de Strauss
29:27que les gens ont valsé, on était deux ans, 47
29:30et vous dites que peut-être qu'il aurait été préférable
29:35qu'il valse au son d'une des chansons de Léonard Cohen
29:40qui avait une maison à Hydra
29:43vous le précisez
29:45Léonard Cohen a écrit une chanson, je me rappelle pas exactement la date
29:52mais était une chanson en mémoire d'une jeune femme salonicienne
30:00qui était enceinte portée à Auschwitz et morte là
30:05et ça m'a toujours frappé comme quelque chose d'énormément curieux
30:13que ma tante par mariage
30:18qui était à Auschwitz était rentrée
30:21pour son mariage
30:23mon père avait organisé une grande fête
30:28avec deux musiciens
30:31un violon et un accordéon
30:34qui sonnait
30:36et Johann Strauss
30:40et j'ai toujours
30:42cru que c'était une situation
30:46vraiment très, très étrange
30:48très amère même
30:52et puis j'ai découvert
30:55quelque chose qui m'a frappé encore de plus
30:59les mémoires
31:01du mari
31:03de cette femme salonicienne
31:06morte à Auschwitz
31:08Jacques Strunza
31:09moi je l'ai connu
31:11il avait été violoniste
31:13il avait été à Bordeaux
31:14à Bordeaux
31:16et je crois qu'il a écrit
31:18ses mémoires sous le titre
31:20sous l'intitulé
31:22le violon d'Auschwitz
31:24et qui sont parus en français
31:26il a vécu en France
31:28ou du moins il était souvent en France
31:30il s'était installé en Israël
31:32en Israël après
31:34mais ce que dit Strunza
31:37c'est un point qui m'a vraiment frappé énormément
31:40pourquoi ma femme a été condamnée à mort
31:46si tu étais dans une queue
31:49et le soldat ou le médecin
31:52qui était en charge
31:54te disait va à droite
31:56tu mors
31:58s'il te disait va à gauche
32:00tu avais une chance de vivre
32:02voilà
32:04et cette dimension de la chance
32:07m'a toujours frappé
32:12sur l'essor de ma famille
32:14je voulais vous poser encore une question
32:17puis après on laissera peut-être
32:19le public poser des questions
32:21il y a un autre épisode
32:23aussi extraordinaire en fait
32:25que l'épisode du train
32:27l'épisode du train il est invraisemblable
32:29et pourtant la réalité dépasse la fiction
32:32dans ce cas là
32:34mais il y a un autre épisode qui est incroyable
32:35c'est le moment où vous devez accompagner votre mère
32:40qui travaille me semble-t-il à la Croix-Rouge Internationale
32:44après Madame Fix et puis encore un autre emploi
32:47donc elle trouve un emploi à la Croix-Rouge Internationale
32:50elle arrive à vous faire inscrire comme employée
32:53voilà ce qui permet enfin à 5 ans c'est précoce
32:56mais ça vous permet d'avoir des tickets
32:59de pouvoir manger un peu
33:01et il y a un épisode vous prenez le tramway
33:02vous prenez le tramway pour aller à la Croix-Rouge
33:06et là qu'est-ce qui se passe ?
33:08parce que c'est un épisode extraordinaire aussi
33:10on va au matin avec ma mère
33:12elle me tient par la main
33:14on va à la station
33:15le tram arrive
33:17on monte
33:19et on va vers l'arrière du wagon
33:22tout normal
33:25tout normal
33:27à un certain moment
33:28tout le monde commence à
33:30à
33:32démontrer une excitation
33:34d'être très excité
33:36c'était parce que deux
33:38flics de la sécurité
33:41gréco-allemand
33:43étaient montés dans le tram
33:45un en arrière et un en avant
33:49et il essayait de faire le contrôle de tous les passagers
33:53il y a eu beaucoup de protestations
33:56et beaucoup de gens qui cherchaient de résister en quelque façon
34:03et à un certain moment le chauffeur s'est arrêté
34:08et il a pris les portes du wagon
34:15et en ce moment-là
34:20ma mère m'a pris par la main
34:23et elle a posé ma main dans la main de notre monsieur
34:28complètement inconnu
34:30complètement inconnu
34:32et
34:35elle m'a laissé avec lui
34:36elle est descendue
34:40à grande vitesse
34:42du tram
34:44et le tram après quelques instants
34:46a repris son voyage
34:50le monsieur
34:53qui me tenait par la main
34:55m'a gentiment conduit
34:58vers la porte
35:00postérieure
35:02du wagon
35:03il a attendu
35:06qu'on arrive dans l'arrêt prochaine
35:09l'arrêt suivante
35:11et
35:13on est descendu ensemble
35:17et on a commencé à marcher
35:22dans la direction opposée du tram
35:25d'où le tram était venu
35:27à un certain moment
35:28on a vu ma mère
35:30qui courait vers nous
35:34le monsieur n'a rien dit
35:36j'ai interrogé ma mère plusieurs fois sur ce point
35:40et le monsieur n'a rien dit
35:42il m'a tapé à la tête
35:44et la souris
35:46et il est allé, il est parti
35:49et
35:51et j'essaye donc
35:53dans un moment du livre
35:56de comprendre
35:58ce qui était vraiment passé
36:00pourquoi quelqu'un
36:02outre la folie de ma mère
36:06de me confier
36:08à quelqu'un complètement inconnu
36:09lui
36:12pourquoi est-ce qu'il a
36:14réagi dans cette façon
36:17quel était son
36:19son
36:21son
36:23et
36:25sa motivation
36:28sa motivation
36:30voilà
36:32et je présente
36:34une ou deux explications différentes
36:35dans le livre
36:36sans pouvoir répondre
36:37à la question
36:39dans aucun
36:41moyen
36:42définitif
36:44moi j'ai beaucoup pensé
36:45quand vous
36:47racontez
36:48le titre c'est
36:49la gentillesse des autres
36:51j'ai beaucoup pensé à
36:53à ce que disait
36:54Vassili Grossman
36:56quand il essaye de réhabiliter
36:58ce qu'il appelle la petite bonté
37:00et finalement vous avez rencontré
37:02beaucoup de petites bontés
37:03qui fait que vous êtes là aujourd'hui
37:06alors la dernière chose moi qui m'a frappé
37:08dans votre livre
37:10parce que aussi c'est une grande différence
37:12avec la France
37:14c'est que quand la guerre s'arrête
37:17enfin quand les allemands capitulent
37:20ben ça continue en Grèce
37:22et on a du mal à l'imaginer
37:25parce que c'est la
37:27c'est la guerre civile et vous avez deux scènes
37:30qui se passent encore à Athènes
37:31avant que vous regagnez
37:34Salonique
37:35la première c'est
37:37quelqu'un qui est tué dans la rue
37:39mais il y a une autre scène
37:41où vous fuguez
37:43si je ne me trompe
37:45et où vous assistez à
37:48vous avez la vision de
37:50quatre hommes qui sont pendus dans la rue
37:51et le policier qui
37:55avec qui
37:57voilà
37:59voilà
38:01voilà
38:03et il vous dit quelque chose
38:04on vous dit que vous n'avez jamais oublié
38:06il me dit
38:08tu vois ce qui se passe
38:11aux petits garçons qui échappent de leur maison
38:13bon
38:16alors je crois qu'on va arrêter là notre dialogue
38:20et vous laisser poser des questions à
38:24à Todi
38:25à Todi
38:29et pourtant vous vous êtes beaucoup échappé dans votre vie
38:32comment comment ?
38:33pourtant vous vous êtes beaucoup échappé dans votre vie
38:36parce que vous êtes aux états de vie
38:39à Florence
38:41vous avez été un
38:42si je puis me permettre cette expression un peu à Julie Ferrand
38:47vous avez
38:49mais dans des circonstances beaucoup moins dramatiques
38:54mais au fond cette histoire vous l'avez toujours portée
38:57c'est la citation que j'ai faite au début
39:02à laquelle vous répondez
39:04et à laquelle Tony va répondre
39:06je le dis même dans le livre
39:08que pendant toute ma vie
39:10j'essayais d'échapper
39:12je ne sais pas exactement pourquoi
39:15ou au moins
39:17je ne sais pas toujours pourquoi
39:19et
39:21le
39:23quand j'étais en train d'écrire ce livre
39:27j'étais plus ou moins enfermé dans ma maison à Athènes
39:31parce que j'avais passé une période
39:34de Covid assez lourde
39:37et le médecin m'avait conseillé de sortir le moins possible
39:40alors je lisais beaucoup de choses qui
39:45qui n'avaient rien à faire avec la Renaissance ou avec Salonique juive
39:50et quelque chose qui m'a frappé beaucoup
39:55quand je lisais une collection, une sélection
39:59de lettre de T.S. Eliot
40:03lequel dit à un certain moment
40:07la grande majorité du monde aime rester chez soi
40:11moi j'aime bouger toujours
40:14et ça
40:17ça m'a paru comme une observation équivalente aussi pour moi
40:22et
40:23et
40:30d'autres questions ou commentaires ou remarques
40:34d'ailleurs on sent que vous avez été inspiré par T.S. Eliot aussi dans votre livre
40:39quand vous vous en parlez quand vous parlez du retour à Salonique et des lycées
40:44oui
40:46oui
40:48et
40:50j'avais
40:51six ans
40:52presque
40:53six ans
40:55c'est quelque chose que je me rappelle très vivement
41:00parce que
41:03mon père était rentré à Salonique en novembre de 44
41:07avant le début de la guerre civile
41:11ma mère et moi étaient restés à Athènes
41:16vu le
41:18et
41:19le commencement de la guerre civile
41:22c'était très très dangereux de voyager
41:24et enfin le 15 avril
41:2845
41:30nous sommes rentrés
41:32ma mère et moi
41:33en bateau
41:35à Salonique
41:37et ma mère toujours me racontait à Athènes
41:39quand on était ensemble
41:43comme Salonique était belle
41:45comme c'était
41:46une grande chance pour moi
41:47d'être née à Salonique
41:49que nous vivions
41:51tout près
41:52du bord de la mer
41:54et
41:55j'avais ces idées
41:57particulièrement
41:59romantiques si vous voulez
42:01de ceux qui m'attendaient à Salonique
42:05la première chose
42:07que je me rappelle
42:08ça aussi très bien
42:10et
42:11c'était mon père qui nous attendait
42:13au bord de
42:15de la mer
42:16à côté du port
42:18et
42:20quand mon père, j'étais ici
42:22était rentré
42:24de la montagne
42:26l'octobre
42:28de 1944
42:29je ne l'avais pas reconnu
42:32et
42:34et
42:36et
42:38et
42:40et
42:42mais en
42:4415 avril
42:46avril 45
42:48je l'ai reconnu immédiatement
42:49je m'appelle aussi
42:51je m'appelle aussi
42:53ce que
42:54je ne sais pas pour faire un détail
42:56euh
42:57il portait une chemise
42:59à
43:00à
43:01à
43:03et
43:04et puis
43:05on est allé
43:06à pied
43:07du port
43:08à notre maison
43:10ça a été
43:13une
43:14un moment très dramatique
43:15ma grand-mère était là
43:17à nous attendre
43:18et
43:19et
43:20moi j'ai
43:22j'ai laissé les grands
43:24explorer la maison
43:26voir ceux qui étaient restés
43:28et
43:29la condition
43:30de l'immeuble
43:32mais moi je suis allé
43:33je ne sais pas pourquoi
43:34c'était une chose
43:35inconsciente
43:37dans le
43:39un petit salon
43:40en arrière de la maison
43:42et
43:43il y avait des portes
43:44grandes
43:45qui s'ouvraient sur
43:46une terrasse
43:47qui de son côté
43:49voyait notre jardin
43:51mon grand-père avait
43:52un jardinier
43:53et c'était
43:54un grand jardin
43:56et
43:58ce que je me rappelle
44:00avoir vu
44:02et ça m'a marqué
44:03pendant
44:05beaucoup d'années
44:06c'était
44:08la vue de ce glycine
44:10énorme
44:12et florissant
44:14qui séparait
44:15notre propriété
44:17de la propriété
44:18des voisins
44:20qui était
44:21d'un médecin
44:22arménien
44:23qui vivait là
44:24avec sa femme
44:25et ses deux filles
44:27et cette
44:28cette image du glycine
44:30est restée avec moi
44:31comme
44:32symbole
44:34de la rentrée
44:35chez nous
44:36après la guerre
44:37après la guerre
44:38qui est
44:40en plus
44:43en plus
44:44dans le monde
44:46tony
44:47je t'ai connu pendant de nombreuses années
44:49mais
44:50tu n'as jamais évoqué ce passé
44:52et tout à coup
44:54tu l'écris
44:55qu'est-ce qui a été l'élément
44:59déclencheur en quelque sorte
45:00déclencheur en quelque sorte
45:02parce que
45:02jamais tu n'as évoqué
45:07ce passé
45:08pas à vous deux
45:10pourquoi si longtemps
45:16la première réponse
45:19pourrait être
45:20que j'écris très lentement
45:22et
45:24mais la vraie réponse
45:27je crois
45:28soit
45:29mes rapports avec ma mère
45:32et ma famille
45:33mon désir
45:36de m'éloigner d'elle
45:38mais en même temps
45:40de m'éloigner d'elle
45:42comme tout enfant
45:43cherche de faire
45:45et
45:47quand il grandit
45:50mais en même temps
45:53pouvoir
45:54comment est-ce qu'on dit
45:58me concilier
46:00con une série d'images
46:03de mémoire
46:06qui je trouvais vraiment
46:09très difficile
46:10à comprendre
46:12c'était pas facile
46:14je dis dans le livre
46:18qu'après la guerre
46:20mes parents m'avaient inscrit
46:23dans une école primaire
46:25après dans un lycée
46:27et
46:30le lycée qui avait été fréquenté
46:34par ma mère
46:35pendant les années 30
46:37et par sa soeur
46:38alors ce qui m'a frappé
46:41à certains moments
46:42ça a été le fait que
46:45vu l'extraordinaire situation
46:49que tu as évoqué
46:50au début
46:50la disparition
46:52d'une très grande majorité
46:53de vous
46:54aucun
46:56à l'école
46:58ni
46:59les copains
47:01ni les professeurs
47:03ni les administratifs
47:05ont voulu me poser
47:08une question très simple
47:10comme est-ce que
47:11quand 85
47:1495% des juifs
47:16de Salomique
47:17ont péri
47:18pendant la guerre
47:19toi et tes parents
47:21ont pu survivre
47:23et
47:24cette
47:24cette
47:26cette idée
47:29m'a
47:29m'a fixé
47:31pendant
47:32pendant des années
47:33puis j'ai commencé
47:35à parler
47:35pendant l'initiative
47:37moi-même
47:37mais pendant
47:38les derniers 10 ans
47:3915 ans
47:40avec des vieux
47:41vieux compagnons
47:43du lycée
47:44avec lesquels
47:45nous sommes
47:46nous sommes restés
47:47très bons amis
47:48et ils ont été
47:51absolument
47:52honnêtes
47:53dans nos maisons
47:55on ne parlait pas
47:57de ces choses là
47:58on ne posait
48:00des questions
48:00on ne
48:03voulait pas
48:04discuter
48:06de ça
48:07et nous
48:08nous n'étions pas
48:10dans une condition
48:11de pouvoir
48:11soulever des questions
48:12après la guerre
48:14des dizaines
48:17d'années
48:17sont passées
48:18avant que
48:19tout cela
48:20devienne
48:21un sujet
48:23de discussion
48:24publique
48:25et grâce
48:27je dois dire
48:28au travail
48:30une très bonne historienne
48:32moi je suis
48:35allé pour la
48:36c'est une amie
48:37très proche
48:38j'ai préfacé
48:39son livre
48:40sur Luna
48:41et je suis allé
48:43pour la première fois
48:44à Salonique
48:45dans les années 90
48:47je pense à la fin
48:48des années 90
48:48où une petite association
48:51avait été créée
48:52avec notamment
48:53Rina Molro
48:55qui a été la première
48:57qui a fait une thèse
48:58sur la Salonique
49:00juive
49:01et c'était vraiment
49:02le tout début
49:03elles étaient
49:03avec des femmes
49:05une toute petite poignée
49:07à commencer
49:09à faire
49:09à faire ressurgir
49:12ce qu'avait été
49:13la Salonique
49:16juive
49:17et avec une histoire
49:20de Rika
49:21qui ressemble
49:22beaucoup à la vôtre
49:23puisque son père
49:25a rejoint
49:26la résistance
49:27le maquis
49:27alors que sa mère
49:29a été
49:30sa mère et sa tante
49:33ont été déportées
49:35mais elles ont eu
49:36la chance
49:36c'est encore une autre histoire
49:38dont on ne parlera pas
49:39d'être déportées
49:40à Bergen-Belsen
49:41et pas
49:42qui n'était pas
49:43un centre de mise à mort
49:46au Redilberg
49:47mais c'est vrai
49:49que c'est une histoire
49:50qui ressemble
49:51beaucoup à la vôtre
49:52sauf que
49:53la famille
49:55est revenue
49:56et est restée
49:57à Salonique
49:57ils sont restés
49:58ils sont restés
50:00partiellement
50:01parce que Rika
50:02est parti pour l'Israël
50:04alors Rika
50:04est parti
50:05faire des études
50:06à l'université hébraïque
50:07de Jérusalem
50:08son père
50:09un peu comme le vôtre
50:11est mort
50:12très tôt
50:13elle était encore
50:14elle était à
50:15elle était
50:16à Jérusalem
50:17quand il est mort
50:18elle avait je pas 16
50:19ou 17 ans
50:20mais sa mère
50:21est décédée
50:22à Salonique
50:24où elle est rentrée
50:25sa mère
50:25s'attend
50:25voilà
50:26et on s'était rencontré
50:29dans la maison
50:31de
50:31de campagne
50:33de bord de mer
50:34qui est un lieu divin
50:35à Possidie
50:36donc c'est là
50:37que vous étiez vus
50:38et j'ai essayé
50:39de réfléchir
50:40j'étais avec ma petite fille
50:42qui avait une dizaine d'années
50:43elle en a presque
50:44c'était il y a une quinzaine d'années
50:46parce que ma petite fille
50:46frôle les 25 ans
50:48maintenant
50:48voilà
50:50bon s'il n'y a plus de questions
50:56on va vous laisser
50:57on va te laisser signer
50:59voilà
51:01signer ton livre
51:03et peut-être
51:03parler avec tes vieux amis
51:05qui sont venus
51:06et qui ignoraient toute cette histoire
51:09donc pour eux
51:10c'est géant
51:12merci
51:14je te remercie moi
51:15Applaudissements
Recommandations
49:41
|
À suivre
1:01:10
54:38
1:17:37
3:41
27:29
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1:39
0:41
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5:00
2:29:10
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