«La mort ne me fait pas peur», «mais elle m'emmerde», confie Pierre Arditi

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00:00Au fond, quand on dort, on ne rêve plus, j'ai décidé de ne plus dormir.

00:04Alors à 7 ans, évidemment, je n'ai pas pu tenir ma promesse,

00:07parce qu'à cet âge-là, on a besoin de force pour aller à l'école tôt le lendemain,

00:11et puis l'heure n'est pas venue, mais après, après,

00:14après, à partir d'une vingtaine d'années, oui, après le cours de la dramatique,

00:18j'ai commencé à ne pas dormir, et c'était très bien d'ailleurs, ça m'a beaucoup plu.

00:22Là, j'avais la force de résister à la nuit,

00:25et donc je pouvais continuer de rêver, en tout cas d'être actif,

00:28pendant que la ville bruissait autour de moi, des bruits de la nuit,

00:33comme ça je m'apercevais que j'étais encore vivant,

00:35et donc que je pouvais rêver et imaginer ce qui se passait.

00:39Et d'ailleurs, ce livre, vous l'avez écrit la nuit ?

00:42Je l'ai écrit en grande partie la nuit, oui.

00:44En grande partie, oui.

00:45Et alors, vous écrivez que vous n'avez pas de temps à perdre avec la mort,

00:48que vous êtes tourné vers l'avenir.

00:51D'ailleurs, vous avez fait le compte du nombre de pièces que vous pourrez encore jouer,

00:54Pierre Arditi, vous l'estimez à une dizaine à peu près ?

00:56C'est un petit peu exagéré, mais il y a quelque chose de vrai là-dedans.

01:00C'est-à-dire que, si vous voulez,

01:02maintenant quand je joue une pièce toute modestie mise à la poubelle,

01:06enfin, c'est pas grave, je ne suis pas modeste.

01:08Je laissons tomber cette histoire.

01:10Alors, si je joue une pièce par an,

01:13et bien, allez, raisonnablement, avant que je sucre les fraises,

01:16il me reste dix pièces.

01:17Alors, imaginons que j'en joue deux par an,

01:21une dans la première partie de saison,

01:23et une autre dans la deuxième.

01:24Ça fait vingt pièces.

01:25Ça fait vingt pièces.

01:26Comme j'en ai joué plus de cent,

01:28vous voyez, il ne me reste pas grand-chose.

01:29Ça reste petit, ça ne reste pas assez, c'est ce que vous vous dites.

01:32Non, mais qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?

01:34Je n'ai pas le choix.

01:36La mort ne me fait pas peur.

01:37Je vais y passer comme tout le monde, mais elle m'emmerde.

01:39Ce qui m'emmerde de plus, d'ailleurs,

01:41c'est de savoir que vous allez continuer sans moi.

01:44Ça, c'est vraiment très ennuyeux.

01:45On a envisage d'arrêter.

01:46Enfin, il y a des choses plus gaies que ça dans le bouquin.

01:48Non, mais il y a quand même cette bête formule.

01:50Ce qui me fait souffrir,

01:51ce ne sont pas les souvenirs de ce que j'ai vécu,

01:54mais de ne plus avoir le temps d'en fabriquer d'autres.

01:57Elle est belle, cette phrase.

01:58Et au final...

01:58Oui, elle est pas mal, cette phrase.

01:59Je suis d'accord avec vous, elle est pas mal.

02:01Elle est pas mal.

02:03Et vous expliquez que le seul remède à cet adieu qui approche

02:06se trouve justement au théâtre.

02:07« Même si j'ai l'air de mourir, je me relèverai.

02:10Le public applaudira.

02:11Là et seulement, je ne quitterai et ne serai quitté par personne. »

02:15Et alors, vous parlez d'amour tout au long de ce livre,

02:18Pierre Arditi,

02:19mais j'ai l'impression qu'il n'y a rien qui est au-dessus

02:21de votre amour du théâtre et de la scène.

02:24Est-ce que je me trompe ?

02:25Non, vous ne vous trompez pas, c'est vrai.

02:27Profondément.

02:29Enfin, il y a des choses...

02:31Il y a eu des amours importants.

02:32Il y a des êtres qui me sont très chers.

02:34Voilà, mais c'est vrai que c'est le seul endroit

02:38où je peux me ressourcer, quoi.

02:39Parce qu'au théâtre, la mort n'existe pas.

02:42Ça n'existe pas.

02:43Voilà, quand l'acteur tombe,

02:45il se relève et le public applaudit.

02:47Donc, c'est la différence.

02:49Et puis enfin,

02:50vous savez, je ne peux pas,

02:51ce serait honteux que je me plaigne,

02:54quand même,

02:54parce que j'ai fait une carrière tout à fait honorable.

02:58Et puis,

03:00j'ai fait ce que j'ai voulu.

03:02Je rêvais d'être ça et de faire ça.

03:06Je le fais.

03:08Je continue de le faire.

03:09Le public continue de venir.

03:12Il m'aime bien.

03:12Je fais partie de la famille.

03:14C'est magique.

03:15Alors, qu'est-ce que je peux demander de plus ?

03:18Il y a beaucoup de gens qui adoreraient

03:19avoir rêvé quelque chose

03:21et touché le rêve en fin de parcours.

03:24Bon, c'est fait.

03:25Voilà.

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