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  • il y a 2 jours
Entre progrès fulgurants et relation médicale fragilisée, le Dr Bonnaud raconte comment l’hyper-technologie peut isoler les patients : parcours absurdes, robots vocaux, Dossier Médical Partagé chronophage… Une analyse qui interroge le sens même du soin.

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Transcription
00:00Et c'est l'heure bien sûr de l'analyse du docteur Bono et pour ce faire, Hervé nous a rejoint.
00:09Salut Hervé.
00:10Salut Alix.
00:12Hervé, quel est ton regard sur l'impact réel de la médecine personnalisée aujourd'hui ?
00:17Alors la médecine personnalisée, j'adore, mais je ressens comme un petit paradoxe.
00:21Parce qu'on me parle d'algorithmes, d'IA, de médecine de pointe et d'efficience incroyable
00:26et on va sauver des vies et ça j'adore.
00:28Mais je vois en même temps arriver le développement d'une médecine dépersonnalisée, peut-être liée au numérique.
00:35Et pour illustrer mon propos qui ne se veut pas polémique, évidemment, je vous propose de suivre le parcours d'un patient
00:42qui sort d'un hôpital et qui a été très bien traité pour un cancer et il rentre chez lui et il a besoin de se rassurer.
00:48Ce qui est légitime parce que l'équipe était sympa, mais il avait beaucoup de choses à digérer.
00:53Donc il téléphone à son médecin généraliste.
00:54À votre avis, qu'est-ce qui se passe ? Impossible de l'avoir au téléphone. Impossible.
00:58Il faut savoir que dans les campagnes, les syndicats disent que certains MG font 80 actes par jour.
01:04C'est beaucoup. Et en ville, c'est 30 à 40 et plus en période d'épidémie.
01:08MG pour médecin généraliste.
01:09Médecin généraliste. Pardon, pardon, pardon.
01:13Heureusement, son médecin généraliste est très moderne.
01:15Il est donc équipé d'un assistant vocal dont le nom est très sympa et le patient.
01:21Et son assistant répond au téléphone avec une voix chaude et il envoie même des SMS.
01:28Le problème, c'est que est-ce que parler à un robot conversationnel qu'on appelle un chatbot,
01:33est-ce que c'est mieux que de ne parler à personne ?
01:36Et donc cette hyper technologisation ne risque-t-elle pas de casser le lien de confiance entre le médecin et son patient ?
01:43Historiquement, on parlait d'une relation singulière entre le patient et le médecin,
01:47donc une relation à deux, de confiance, de secret, etc.
01:50Là, on se retrouve dans une forme de couple à trois et on sait par expérience que ça ne marche pas.
01:55Donc, je continue le parcours patient de ce monsieur qui, pour trouver un peu de chaleur humaine,
02:04décide d'aller voir son médecin généraliste.
02:06Il prend rendez-vous avec l'assistant et il se retrouve face à un médecin
02:09qui doit remplir le dossier médical partagé,
02:12ce qui lui prend en moyenne huit minutes.
02:14Je vous rappelle le nombre de consultations qu'il fait par jour, le médecin.
02:17Donc, il passe huit minutes à remplir, à cliquer, à lire.
02:21Bon, il fait son boulot, remarquez.
02:23Il lui reste bien deux, trois minutes pour examiner, prescrire, rassurer,
02:28faire l'ordonnance de sortie et donner une petite brochure avec un QR code
02:32en disant, comme ça, vous en saurez plus quand vous serez rentré chez vous.
02:36Évidemment, ce n'est pas forcément très chaleureux, tout ça.
02:39Et c'est là où je trouve que ça se dépersonnalise un peu.
02:42Et il peut même lui donner une ordonnance de prise en charge psychologique
02:46parce que, de façon légitime, ce patient se sent anxio-dépressif
02:48et son médecin généraliste n'a pas le temps de s'en occuper.
02:52Alors, notre patient va essayer de trouver un rendez-vous
02:55chez un psychologue ou un psychiatre.
02:57Impossible.
02:58Impossible, ça n'existe pas.
02:59Il y a des mois d'attente.
03:00Donc, au mieux, toujours pour retrouver ce lien humain,
03:03il va avoir droit à une téléconsultation
03:05avec une personne qu'il ne connaît pas,
03:08qu'il n'a jamais vu de sa vie, qu'il ne verra sans doute jamais
03:10et à qui il va devoir raconter toute sa vie.
03:12Évidemment, ce n'est pas formidable, formidable.
03:15Alors, il retourne voir son médecin généraliste
03:17pour lui dire, écoutez, moi, la téléconsultation,
03:20ce n'est pas trop mon truc.
03:21Il dira, j'aime mieux.
03:22Je peux vous prescrire une thérapie numérique.
03:24Donc, vous allez dans votre iPhone,
03:26tout ce que je vous dis est vrai,
03:27vous téléchargez dans l'Apple Store une appli
03:29et vous pouvez faire, par exemple,
03:31votre thérapie comportementale et cognitive en ligne,
03:34tout seul chez vous,
03:35à l'heure que vous voulez, face à votre écran.
03:37Autrement dit, parler à tchat GPT, quoi.
03:39Autrement dit, exactement.
03:41Donc, effectivement, ça isole un peu, quoi.
03:46Oui, attendons, on se demande si le numérique soigne
03:49ou est-ce qu'il n'isole pas plus ?
03:51Alors, les deux, évidemment, ça soigne,
03:53c'est efficace, c'est démontré, ça isole.
03:55Et puis, troisième chose, ça segmente.
03:56On n'est pas tous égaux face à l'accès au numérique.
03:59Il y a des gens qui ne vont pas savoir
04:00télécharger une appli sur l'Apple Store
04:02et faire une ITCC tout seul.
04:04C'est écrit d'avance.
04:06Donc, surtout, quelqu'un qui, psychologiquement,
04:07ne se sent pas bien.
04:09Pas évident qu'il fasse l'effort.
04:10Mais bon, pour finir,
04:11j'ai une petite note d'optimisme, de poésie.
04:14Comme à chaque fois.
04:16Animalière, je dirais.
04:18Donc, j'ai un copain psychiatre
04:19qui vante les vertus de la rongon-thérapie.
04:22Dans son service, à l'hôpital, à Paris,
04:24il met des photos de chats et il explique aux patients
04:27qu'acheter un chat, le caresser,
04:30ressentir son rongonnement,
04:31c'est merveilleux quand on ne se sent pas bien.
04:33On a tous vécu ces expériences,
04:34c'est vrai que c'est bien.
04:35Et donc, aujourd'hui, on a des nouveaux chats
04:37dont je vous ai parlé.
04:38Ils s'appellent chat-botte et chat-GPT.
04:40Le problème, c'est qu'ils ne rongonnent plus.
04:42Et donc, je ne voudrais pas
04:43que ces nouveaux petits chats, en minuscules,
04:46deviennent nos seuls animaux de compagnie.
04:47Merci beaucoup, Hervé,
04:49pour cette histoire doublée d'un peu de poésie.
04:52Jean-Pierre, vous partagez une réaction
04:54sur le point de vue d'Hervé,
04:56sur les avancées, les limites de la médecine personnalisée ?
05:00Vous êtes mal tombé.
05:01Sur le numérique, je suis à peu près sur la même ligne.
05:04Donc, il n'y a aucun problème.
05:05Si ce n'est que j'ai regardé le développement
05:09de, par exemple, la télémédecine
05:11à partir des années 93.
05:13Donc, il n'y a aucune innovation dans la télémédecine,
05:15c'est qu'il faut bien comprendre.
05:16C'est-à-dire ?
05:17Ça fait 30 ans qu'on en fait.
05:20Et ça fait 30 ans qu'elle ne s'est pas développée
05:22comme certains attendaient qu'elle se développe.
05:26Parce que, d'abord, les rapports humains
05:28restent indispensables.
05:29Et que, si ce n'est pas totalement intégré
05:31à une prise en charge organisée,
05:34on arrive vite aux limites.
05:37Et ça, c'est pour toujours ?
05:40Non, parce que ce qu'on ressent,
05:42c'est que le risque,
05:43c'est que des solutions technologiques
05:45soient proposées très rapidement
05:46pour pallier des manques.
05:48Donc, ça veut dire,
05:48ça s'appelle des pisalés ou des plambés.
05:50Donc, il y a un monde
05:51où l'humain n'interviendra plus ?
05:54Oui, c'est une tentation de dire
05:56je vais remplir un segment du jeu
05:58qui est mal organisé
05:59ou j'ai mal planifié, etc.
06:01Et je viens avec mon business plan,
06:02mon pitch, et je dis
06:03la technologie, elle va remplacer l'humain, etc.
06:06Donc, il y a une tentation
06:07d'essayer d'apporter des réponses rapides
06:10dans le secteur de la santé
06:12à des problèmes qui sont,
06:13en fin de compte, complexes,
06:14à des problèmes organisationnels complexes.
06:16Au passage, il y aura des questions
06:18de validation de la sécurité et de l'efficacité.
06:21Pas au niveau du médicament,
06:23malheureusement, dans plein de secteurs,
06:24les industriels qui sont derrière ces solutions
06:26n'arriveront jamais à financer
06:27des études cliniques.
06:29Mais on a besoin, là encore,
06:30d'un niveau de preuve suffisant
06:31pour dire que si on prend cette technologie,
06:34on sait que ça va faire aussi bien.
06:37On aura des avantages à la prendre,
06:39on aura peut-être un besoin
06:40d'un peu moins de personnel,
06:42et comme on en a plus, ça tombe bien,
06:43ou on a un avantage,
06:45c'est-à-dire qu'il y aura une amélioration
06:46de l'efficacité des soins.
06:48Donc, vous voyez,
06:49si vous cochez l'ensemble des besoins
06:51pour ne pas faire n'importe quoi,
06:53ceux qui font des spiches,
06:55les startups, disent que ça ne va pas assez vite.
06:57Le problème, c'est que ça ne peut pas aller assez vite
06:59dans un système de santé,
07:01parce que, et le docteur Bonneau,
07:02il a exactement, immédiatement,
07:05comme j'aurais pu le faire,
07:06dire, attention, voilà les barrières à l'entrée
07:08qu'on ne doit pas oublier.
07:10Donc, on est...
07:11Par contre, juste pour terminer,
07:14à l'intérieur du monde professionnel,
07:17si c'est bien géré,
07:18que ce soit l'IA ou les modèles
07:20comme Chatbot, etc.,
07:22on en attend beaucoup,
07:23mais ce sera dans un environnement régulé,
07:25si vous voulez.
07:26Le problème aussi, pour les patients,
07:27ce qu'on a vu,
07:28c'est que ces Chatbots,
07:30ils hallucinent,
07:31ils peuvent raconter n'importe quoi.
07:32Oui, ça on le sait maintenant.
07:33Oui, par contre,
07:34en tant que professionnel,
07:35si vous savez l'utiliser, etc.,
07:37vous voyez le potentiel
07:38qu'il peut représenter.
07:40Merci beaucoup.
07:41Merci Jean-Pierre Thierry,
07:42conseiller médical
07:43chez France Asso Santé,
07:45ancien membre de la commission
07:46de la transparence
07:47de la Haute Autorité de Santé.
07:49On passe tout de suite
07:50à la pépite santé.
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