00:00Oui bonjour Grégory Viguier. Bonjour, bonjour à tous. Et merci beaucoup d'être avec nous.
00:03Donc 107 ans jour pour jour après la fin de la première guerre mondiale.
00:07Et vous publiez aujourd'hui votre douzième livre, un nouvel ouvrage sur celle qu'on a appelée la Dère des Dères.
00:14Il est consacré, comme son titre l'indique, à la Grand Combe de 1914 à 1918 et à la mémoire de ses poilus.
00:20C'est aux éditions de La Fénestrelle. Pourquoi vous vous êtes intéressé à ces poilus-là en particulier ?
00:28Alors déjà, j'ai du sang sévénol qui coule dans mes veines, même si je suis né à Nîmes.
00:32Et c'est au hasard d'une rencontre avec M. Malavieille, qui connaissait mes travaux de recherche sur les nombreux livres que j'avais déjà sortis dans le garde.
00:39Un missionnaire de La Grand Combe.
00:41Et voilà, et donc ça l'a intéressé pour que je fasse ce travail sur sa commune.
00:44Bon, et dites-moi, alors vous vous êtes arrivé à quel constat ?
00:47À La Grand Combe, en 1914, il y a combien d'hommes qui sont mobilisés pour partir au combat, pour aller faire cette première guerre mondiale ?
00:55Alors, le nombre d'hommes qui sont mobilisés sur une commune, c'est toujours difficile de les recenser, sans faire de jeu de mots, avec les sources historiques.
01:03Parce que tout dépend de ceux qui habitent, ceux qui dépendent et tout.
01:06En gros, tous les hommes qui étaient en âge de se battre pouvaient être mobilisés.
01:10Après, qu'ils aillent à la guerre, qu'ils aillent au front, c'était autre chose.
01:13Mais il y a eu énormément de monde, et la particularité donc de cette commune, c'est qu'une très très grande majorité, presque au trois quarts des soldats mobilisés,
01:23travaillaient de près ou de loin à la compagnie des mines de La Grand Combe.
01:26Combien vous dites, en termes de proportion ?
01:29Alors, c'était à peu près 75% des gens mobilisés qui sont partis à la guerre, et c'est 65% des morts pour la France qui travaillaient de près ou de loin à la compagnie.
01:37Donc 75% ne sont pas revenus, si je comprends bien.
01:41Et 65 ? Alors non, les 75, ce sont ceux qui ont été mobilisés, c'est-à-dire ceux qui étaient susceptibles de partir à la guerre,
01:46donc énormément sont revenus également.
01:48Mais par contre, parmi les morts, c'est-à-dire 500 décès au total, parmi ceux-là, c'est 65% qui travaillaient à la compagnie des mines.
01:57Et donc tous ceux qui sont revenus après, tous ces hommes, quand ils sont revenus à la fin de la première guerre mondiale,
02:02ils ont retrouvé la commune de La Grand Combe dans quel état ?
02:06Alors, ils ont retrouvé une commune où les femmes avaient pris le pouvoir, si on peut dire,
02:11où c'est grâce à elles, après, que toute l'économie locale, tout le travail, toute la vie, tout simplement, pouvaient jouer.
02:18Et après, ils ont retrouvé surtout cette commune dans un état un petit peu difficile,
02:21parce qu'on parle de l'armistice du 11 novembre, comme ce jour,
02:24mais on oublie très souvent les séquelles qu'il y a eu psychologiques et physiques sur ces soldats, car ils sont revenus.
02:30Et ça a été un traumatisme pour eux, mais aussi pour leur famille qui les retrouvait.
02:33Et alors justement, comment leur prise en charge s'est passée ?
02:37Enfin, prise en charge, on ne l'appelait pas comme ça d'ailleurs à l'époque.
02:40Oui, à l'époque, pas de psychologie sociale, pas de soins psychologiques.
02:45Donc c'était au sein des familles, il y avait des médecins, bien évidemment, qui s'en occupaient.
02:49Mais c'était vraiment un petit peu une inconnue pour les familles, aussi bien pour les médecins,
02:52car c'était une des premières guerres aussi meurtrières,
02:57et avec autant de retours, avec la gueule cassée, avec ses soucis psychologiques.
03:00Et on était un petit peu dans l'inconnu pour pouvoir traiter ces pathologies.
03:03Bon, et dites-moi, j'imagine qu'en vous penchant sur la vie de ces poilus,
03:08il y a des destins qui vous ont peut-être un petit peu plus touché que d'autres ?
03:11Est-ce que vous pourriez nous raconter celui qui vous a le plus touché ?
03:16Alors, plus que le destin d'une personne, c'est le destin d'une famille,
03:20où il y avait le père qui a été mobilisé, qui est parti à la guerre,
03:24et lui qui est revenu, qui a eu la chance de revenir.
03:26Mais par contre, il y avait ces trois enfants qui étaient mobilisés, qui sont morts à la guerre.
03:30Et donc, plus que le destin, parce que la Grande Combe, c'était...
03:34Il n'y avait qu'un seul officier, il y avait à peu près, de mémoire, une dizaine de sous-officiers.
03:39Donc, c'était des soldats de troupes.
03:41Donc, leur parcours était tous quasiment le même, si on peut dire.
03:46Mais c'est vraiment cette famille qui m'a touché,
03:48où en faisant des recherches petit à petit,
03:50on se rend compte que le père a eu la chance de revenir.
03:52Et malheureusement, ces trois enfants, ces trois garçons sont morts à la guerre.
03:55Et donc, vous parliez aussi de ces hommes qui travaillaient dans les mines,
04:01évidemment, gros pourvoyeurs d'emploi.
04:03Comment elles en sont remises, ces mines, au lendemain de la Première Guerre mondiale ?
04:08Où est-ce qu'on est allé chercher la main d'oeuvre, en fait ?
04:11Après, c'était une entreprise florissante qui marchait très très bien.
04:15Donc, il y a toujours eu de la main d'oeuvre, il y a toujours eu un minimum, on va dire,
04:19de personnes qui travaillaient, même si la production, bien évidemment, a baissé.
04:23Quand on enlève autant d'ouvriers dans une structure ou d'une entreprise,
04:27l'entreprise, je ne dis pas ne s'en sort pas indenne,
04:31mais c'est toujours délicat après pour reprendre la production.
04:33Mais tout simplement, la production avait baissé,
04:35puis après, au lendemain de la guerre, ils ont retrouvé des ouvriers,
04:38et puis c'est reparti.
04:39Mais c'est sûr que pour les mines, ou pour toutes les entreprises du bassin de la Grande Combe,
04:44c'était très compliqué à gérer.
04:46Bon, mettons de côté un petit peu les enjeux économiques,
04:49disons, de la Première Guerre mondiale,
04:51mettons de côté aussi les mines.
04:53Une question un peu plus simple,
04:55quoique, à mon avis, assez difficile à répondre.
04:58Est-ce qu'on s'en est remis ?
05:007 ans plus tard.
05:01Est-ce que la Grande Combe s'en est remis ?
05:02Est-ce que le Gard s'en est remis ?
05:04Est-ce que la France aussi s'est remis de ce conflit ?
05:07S'en remettre, on s'en remet toujours.
05:09L'important, c'est de ne pas oublier.
05:10Et c'est vrai que dans tous les conflits, 14 et 18 en particulier,
05:16à partir du moment où il n'y a plus de survivants du conflit,
05:20on a l'impression que ce conflit est très lointain dans l'histoire.
05:23On ne veut pas dire qu'on l'oublie,
05:24mais il suffit d'aller au Monument aux Morts les 11 novembre,
05:27et il y a moins en moins de monde.
05:28Donc, sans remettre, avec le temps,
05:29on se remet de toutes les blessures, de toutes les cicatrices.
05:32Mais une cicatrice, ça reste sur notre peau.
05:34Et j'allais dire tant mieux,
05:36parce que ça nous permet de ne pas oublier ces conflits
05:38et ces millions de morts qu'il y a eu pendant la Grande Guerre.
05:40Qu'est-ce qu'ils disent de nous encore aujourd'hui,
05:43ces soldats morts pour la France et ces civils ?
05:45Tu es 20 millions de morts,
05:46entre 17 et 20 millions,
05:48pendant la Première Guerre mondiale.
05:49Et s'ils nous regardent de là-haut,
05:51j'espère qu'ils sont ravis de voir que, par exemple,
05:53un livre a été fait sur la Grande Combe.
05:55Mais heureusement, je ne suis pas le seul historien
05:56à faire des livres comme ceci.
05:59Il y a beaucoup d'historiens, de personnes
06:00qui travaillent sur ce devoir de mémoire très important,
06:03sur la transmission aux nouvelles générations.
06:05Et je pense que c'est la moindre des choses
06:07que l'on doit à ces soldats qui se sont sacrifiés.
06:09Qu'est-ce que vous dites aux auditeurs qui nous écoutent
06:11alors qu'il y a les cérémonies qui doivent avoir lieu ce matin,
06:14à partir de 9h30,
06:15je le signale pour la Première à Saint-Césaire,
06:18devant le monument aux morts à Nîmes.
06:20Qu'est-ce que vous leur dites à ces familles qui nous écoutent ?
06:21Tout à fait, à 11h pour la Grande Combe,
06:24je leur dis que c'est un jour férié.
06:26Ce n'est pas seulement un jour où on est de repos,
06:28où on ne travaille pas.
06:30Il fait beau en plus aujourd'hui,
06:32il fait un beau temps sur le Gard.
06:34Donc, ça ne prend pas beaucoup de temps,
06:36juste avant l'apéro,
06:37juste avant le repas avec la famille,
06:39d'aller faire un petit tour au monument du village,
06:42même si on n'est pas concerné.
06:43Et voilà, d'avoir une petite pensée pour ces soldats.
06:46Ça ne prend pas beaucoup de temps,
06:47une fois par an, pendant une heure,
06:49de voir les cérémonies.
06:50C'est intéressant.
06:50Très souvent, les enfants y participent,
06:52chantent des chansons.
06:53Et donc, allez-y.
06:54Même si, une fois par an, c'est rien.
06:57Et je suis sûr que de là-haut,
06:59les soldats en seront ravis.
07:00Grégory Viguier-Jour,
07:01merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin
07:03sur l'antenne de ICI Garloselle.
07:05Je rappelle que vous êtes généalogiste et historien.
07:07Et vous publiez donc ce nouveau livre aujourd'hui,
07:11La Grande Combe de 1914 à 1918,
07:13et à la mémoire de ces poilus.
07:16Vous allez publier aussi, je le signale,
07:17quatre autres livres, c'est ça,
07:18en début d'année prochaine ?
07:20Voilà.
07:20Toujours sur le même thème ?
07:21Oui, alors il y aura Les combattants de Lédenon,
07:24il y aura aussi Les combattants de Zélébin
07:26qui sortira au mois de mai.
07:28Et deux livres, là, sur l'histoire complète d'un village.
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