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00:00Tout autre chose à présent, ce sera la toute première visite d'un président syrien à la Maison Blanche.
00:05Ahmed Al-Shara est reçu aujourd'hui par Donald Trump à Washington.
00:09Visite en terrain pour le moins inconquis pour celui qui a chassé Bachar el-Assad du pouvoir, c'était fin 2024.
00:15Depuis, il n'a cessé d'éloigner son pays de l'Iran et de la Russie pour le rapprocher de la Turquie, des pays du Golfe, mais également des Etats-Unis.
00:23Pour en parler, notre spécialiste Wassim Nasr est en plateau à mes côtés.
00:26Bonjour Wassim, nous sommes également en ligne avec Mathieu Mabin, notre correspondant à Washington.
00:31Bonjour Mathieu, Wassim tout d'abord avec vous, il convient d'évoquer cette vidéo diffusée à quelques heures seulement de l'arrivée du président syrien à Washington.
00:40C'est un indicateur du contexte favorable dans lequel il arrive ?
00:44En tout cas oui, c'est un indicateur très parlant de la situation, en tout cas de la coopération entre les Etats-Unis et Ahmed Al-Shara.
00:51On va peut-être voir la vidéo, ça ne peut pas être anodin, on peut penser que c'est de la com.
00:55Donc Ahmed Al-Shara, président syrien, qui joue au basketball avec son ministre Zafar étrangère, avec deux officiers américains.
01:03Sauf que les deux officiers américains qu'on voit ne sont autres que l'amiral Cooper, à la tête du SYNCOM, du commandement central des armées américaines pour toute la région.
01:11Et le deuxième, ce n'est autre que le général Kevin Lambert, qui est le commandant de la coalition, donc l'opération Inherit Resolve, contre l'Etat islamique.
01:18Ça se passe à Damas ?
01:20Ça se passe à Damas, au palais présidentiel.
01:22Donc ça a été fait, et donc avec l'accord des Américains.
01:26Autre chose d'intéressant, après l'arrivée du président syrien à Washington, on va le voir en photo.
01:31Et je vais vous dire pourquoi c'est intéressant.
01:33On va voir le président syrien ici même, avec un citoyen américano-syrien, son épouse.
01:41Et entre eux, on voit, la personne qu'on voit, c'est Brian Mast.
01:45Donc c'est un représentant, un élu américain, à la tête de la commission des affaires étrangères au Congrès.
01:51Un virulent opposant à la levée des sanctions américaines, sans condition contre la Syrie.
01:56Mais un vétéran doux, un vétéran d'Afghanistan.
01:58Il a fait dix ans dans les armées américaines.
02:00Il a perdu ses deux pieds, une partie de son bras gauche, avec un IED à Kandahar, en Afghanistan.
02:05Un virulent opposant à la levée des sanctions, très proche des Israéliens.
02:09Il a rencontré Shara, et ils ont discuté de quoi ? De la levée des sanctions.
02:14Donc en image, on voit quand même qu'on arrive dans quelque chose de très favorable à la levée des sanctions,
02:19et à l'acceptation de la Syrie comme alliée, comme vous l'avez très bien dit, des Etats-Unis.
02:23Voilà pour le contexte.
02:25Mathieu, que cherche à obtenir Donald Trump en recevant le président syrien à la Maison-Blanche,
02:30avec cette visite qui, quoi, s'apparente à une réhabilitation ?
02:36Oui, effectivement.
02:37En tout cas, la question se pose, puisque Al-Qaïda à la Maison-Blanche,
02:41c'est quand même l'un des retournements les plus spectaculaires du mandat Trump, vous me l'accorderez.
02:46Mais c'est vrai qu'en accueillant Ahmed Al-Shara aujourd'hui à Washington,
02:49le président américain officialise la fin de 20 ans d'isolement syrien,
02:53et réussit à imposer une nouvelle architecture de sécurité au Proche-Orient.
02:57Ce qu'aucune administration n'était parvenue à faire jusqu'à présent.
03:00C'est inutile de le rappeler.
03:02Maintenant, il y a les conditions évidemment fixées par les Etats-Unis,
03:06qui sont sans ambiguïté, elles non plus.
03:08Pour normaliser la relation, Damas doit s'engager à rejoindre la coalition internationale anti-Daesh,
03:14par exemple, démanteler les dernières structures affiliées également à l'ex-HTS,
03:19ce qui sera un petit peu plus dur à faire, au moins en surface,
03:23et autoriser l'implantation d'une base américaine à une trentaine de kilomètres de Damas,
03:27ce qui ne va pas, là non plus, faire l'unanimité parmi les anciens amis du président syrien.
03:32Une base qui aura pour mission de surveiller la ligne de cessez-le-feu siro-israélienne,
03:37entre autres, et de contrôler les trafics d'armes transitant vers le Liban,
03:42comprenez par là, couper les lignes d'approvisionnement logistique militaire du Hezbollah.
03:47Mais parce qu'on parle de Donald Trump, quand même, ce ne sont pas les seules conditions, évidemment.
03:52Il y a, bien entendu, un volet économique qui va consister à ouvrir les grands chantiers de reconstruction
03:58aux entreprises américaines et européennes, surtout américaines,
04:02en échange d'une levée progressive des sanctions financières et bancaires.
04:07Dans l'imaginaire trumpien, il s'agit à terme d'une prise de contrôle partielle de l'économie syrienne,
04:13en quelque sorte, ou au moins des flux par Washington.
04:16Sur le plan politique, maintenant, Donald Trump veut évidemment capitaliser sur cette séquence
04:21et apparaître comme le seul dirigeant occidental capable de transformer
04:24un ancien chef djihadiste en partenaire stratégique.
04:28C'est un petit peu ce qu'on voit avec ces images,
04:31qui ont été d'ailleurs très sévèrement jugées par beaucoup d'officiers du Pentagone,
04:37ce match de basket avec des officiers américains.
04:40Là aussi, c'est typiquement trumpien, mais pour être parfaitement honnête,
04:43cela découle aussi d'une tradition ancrée de réelle politique à l'américaine, tout simplement.
04:49Après tout, on se souvient que Oussama Ben Laden, avant de devenir l'incarnation du mal dans l'imaginaire américain,
04:55a été un interlocuteur des principales agences de renseignement américaines.
04:59Idem pour les Moudjahidines d'Afghanistan, devenus plus tard les ennemis de l'Amérique sur le sol afghan.
05:05Militairement, maintenant, c'est une manière de reprendre pied dans une région dominée depuis dix ans par la Russie et l'Iran.
05:12Effectivement, et ça aussi, c'est important.
05:15Donald Trump, qui avance ses pions partout où la Russie a imaginé s'implanter ces dix ou douze dernières années.
05:21Et puis, soyons clairs, la Syrie, c'est un marché colossal, ça c'est clair,
05:25qui s'ouvre avec plus de 400 milliards de dollars à investir dans la reconstruction syrienne.
05:30Damas vaut donc bien une poignée de main, fut-elle avec le diable.
05:34Et donc, pour faire passer la pilule des plus récalcitrants, et il y en a, on a compris,
05:39et on va parler de ça dans un instant, dans l'entourage de Donald Trump,
05:43on murmure que l'Amérique ne réhabilite pas Al-Shara.
05:47Elle l'enferme finalement plutôt dans un cadre strict sous tutelle américaine
05:52pour reprendre le contrôle du jeu régional.
05:55Al-Shara a été retiré de la liste noire des terroristes.
05:58Plus personne ne l'appelle Al-Joulani.
06:00Et bientôt, le désormais fréquentable leader syrien entendra parler des accords d'Abraham.
06:05En fait, ça a déjà commencé.
06:07Et vous l'avez donc brièvement évoqué, cette visite,
06:09elle ne fait pas que des heureux au sein de la société américaine,
06:11mais également de la classe politique.
06:13Quelles ont été les réactions jusqu'à présent, Mathieu ?
06:18Alors, elles sont intéressantes à observer, ces réactions.
06:21Parce que Wassim le rappelait à l'instant,
06:23les plus récalcitrants se font cordialement tordre le bras.
06:27On est dans l'ère Trump.
06:28Il n'y a pas beaucoup de place pour les humeurs des uns et des autres,
06:31même parmi les alliés du président.
06:33Malgré tout ce qu'on vient de dire,
06:35l'accueil d'Al-Shara à la Maison-Blanche
06:37provoque quand même une onde de choc à Washington.
06:40Au Congrès, plusieurs élus dénoncent ce qu'ils considèrent
06:43comme une faute morale et même stratégique.
06:45Le républicain Brian Mast, dont on parlait à l'instant en président,
06:48effectivement de la commission des affaires étrangères de la Chambre,
06:51accuse quand même la Maison-Blanche
06:53de laver l'image d'un ancien terroriste pour des raisons électorales.
06:56Une paix de plus au tableau de chasse de Donald Trump,
07:01c'est vrai et on sait à quel point il y est attaché,
07:04mais à quel prix.
07:05Le sénateur démocrate Chris Murphy maintenant,
07:08spécialiste du Moyen-Orient,
07:09parle d'une erreur de jugement
07:10qui compromet la crédibilité américaine dans la région.
07:14Ce qui se défend au regard du CV de l'intéressé quand même.
07:17Et puis, Jeanne Chahine, sénatrice du New Hampshire,
07:21juge inacceptable qu'un dirigeant lié à Al-Qaïda,
07:24même si c'est du passé, soit reçu avec les honneurs officiels.
07:29On pardonnera aux Américains d'avoir gardé un souvenir mitigé
07:32de la dernière manifestation concrète d'Al-Qaïda sur le sol américain.
07:36D'autres élus, comme le républicain Lindsey Graham,
07:39pourtant proche du président, comme vous le savez,
07:41a exprimé son malaise.
07:43Lui aussi, Lindsey Graham, est également un vétéran d'Afghanistan
07:46où sa mission était de traquer Al-Qaïda.
07:48On comprend donc que ça puisse lui faire tout drôle quand même.
07:51Mais finalement, c'est encore dans l'opinion
07:53que l'incompréhension est la plus marquée.
07:55Et finalement, ce n'est pas étonnant.
07:57Entre 2001 et 2011, toutes les administrations successives
08:00ont expliqué aux Américains que l'organisation terroriste
08:03responsable du 11 septembre était le mal incarné.
08:06Près de 6 Américains sur 10 se disent opposés à cette visite.
08:13Et 75% des Républicains.
08:15Vous voyez que pour Trump, c'est quand même un sujet.
08:17Ne parlons même pas des associations de vétérans
08:20qui rappellent que nombre de leurs camarades sont morts
08:22même récemment face aux milices dirigées par Al-Chara.
08:25Et ce qui est certain, c'est que le président syrien
08:28ne sera pas invité à s'incliner devant le mémorial
08:31du 11 septembre au Pentagone non plus.
08:32En clair, la poignée de main d'aujourd'hui
08:35n'a rien d'un consensus national.
08:37Pour beaucoup, Donald Trump ne scelle pas une hypothétique paix
08:41pour une majorité d'Américains
08:44dont les Américains se fichent pas mal d'ailleurs.
08:47Mais en revanche, il efface tout simplement la mémoire d'une guerre.
08:50La war on terror, une guerre dont le souvenir est encore très présent ici, évidemment.
08:55Voilà donc pour le contexte de cette visite.
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