Historique ! Le président syrien va rencontrer Donald Trump ce lundi à la Maison-Blanche. Il s'agit de la première visite bilatérale d'un chef d'État syrien aux États-Unis depuis 1946. Hala Kodmani, journaliste franco-syrienne à Libération, spécialiste de la Syrie, est notre invitée. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-lundi-10-novembre-2025-1109451
00:00Il est 6h21, c'est un voyage historique. Le président syrien va rencontrer Donald Trump aujourd'hui à la Maison Blanche.
00:07Il s'agit de la première visite bilatérale d'un chef d'état syrien aux Etats-Unis depuis 1946.
00:13Un déplacement qui illustre le réchauffement des relations entre les deux pays et que vous allez nous expliquer à la Côte de Manille.
00:18Bonjour.
00:19Bonjour.
00:20Vous êtes journaliste à Libération, spécialiste de la Syrie et vous êtes franco-syrienne.
00:24Cet événement diplomatique vous intéresse bien évidemment comme journaliste, mais est-ce qu'il vous touche aussi en tant que franco-syrienne ?
00:29Oui, c'est certainement, enfin, me touche. Il m'épate, tout simplement.
00:36En tant que syrienne et en tant que journaliste et en tant que quelqu'un qui suit la région, c'est vrai que pour le premier président syrien qui aille aux Etats-Unis, qui aille à la Maison Blanche, soit celui-là.
00:52Oui, qui a dirigé la branche syrienne d'Al-Qaïda quand même.
00:55Oui, qui a passé plusieurs années dans des geôles américaines en Irak, qui dirigeait un mouvement terroriste recherché partout.
01:06C'est vrai que c'est bluffant pour parler.
01:09Et alors comment vous l'expliquez ? Qui était l'initiative de ce voyage par exemple ?
01:13Ah mais je crois que bon, évidemment que le président syrien est partant pour aller à Washington, comme il est partant pour aller partout, parce qu'on l'a vu au Brésil il y a trois jours, il était à Moscou il y a une dizaine de jours.
01:29Non, il est très dynamique, il n'a pas de problème pour voyager.
01:35Et là, non, ce qui est plus surprenant, c'est que Donald Trump le reçoive à la Maison Blanche.
01:39C'est le côté, l'ouverture américaine, le soutien américain à ce président en particulier.
01:47D'abord, ce n'est jamais vu pour la Syrie, mais pose beaucoup de questions, d'interrogations notamment aux Syriens, qui sont vraiment, qui s'interrogent, je vois tout le monde.
02:01Ils se disent, il y a un loup, si Donald Trump fait ça, c'est qu'il a forcément une intention derrière.
02:06On parle de cette base militaire que les américains veulent installer à Damas par exemple.
02:09Il y a plusieurs choses, mais les Syriens, si vous voulez, depuis un moment, depuis l'arrivée tellement facile, la conquête du pouvoir, ça va faire un an,
02:21le Syrien moyen est convaincu que, de toute façon, c'est les américains qui l'ont encouragé, appuyé, et depuis longtemps.
02:33Et c'est vrai qu'il y a des relations secrètes, même quand il était encore chef de son mouvement d'HTS dans le nord syrien.
02:45Bon, il a certainement collaboré avec les américains, notamment pour éliminer quelques djihadistes beaucoup plus méchants.
02:52Et donc, il y a cette base militaire que veulent les américains.
02:55Il y a quoi d'autre aussi comme enjeu ?
02:57Est-ce qu'il y a un enjeu aussi économique avec la reconstruction du pays ?
03:00J'ai vu que la Banque mondiale dit qu'il y avait, grosso modo, ça va coûter 200 milliards d'euros.
03:05Ça, c'est une opportunité économique. Il ne veut pas rater Donald Trump ?
03:08Je crois que là, les priorités ne sont pas les mêmes du côté de Trump et du côté de Jolani, de Ahmed Shara.
03:18Il est certain que là, les Syriens veulent la clé économique, veulent vraiment...
03:24Ce président et tous les Syriens, il espère lever des sanctions américaines parce qu'elles sont encore là,
03:34qui ne dépendent pas uniquement du président Trump.
03:37C'est le Congrès qui doit décider là-dessus.
03:41Et alors que bon, côté américain, qu'est-ce qu'ils veulent de la Syrie ?
03:45Ce qui est intéressant, c'est de savoir qu'il y a un intérêt et surtout, il table sur la Syrie dans la région pour être un facteur de stabilisation.
03:56J'allais y venir parce que c'est un sacré bouleversement géopolitique quand même.
03:59La Syrie, jusqu'à présent, c'était un pays qui était aligné sur la Russie, sur l'Iran.
04:04La Syrie et Israël sont, en théorie, toujours en état de guerre depuis 1948,
04:09alors que les Etats-Unis sont les alliés les plus fidèles d'Israël.
04:12Ce n'est pas super lisible, ce rapprochement entre les Etats-Unis et la Syrie.
04:16C'est pour ça que je dis que c'est spectaculaire, c'est étonnant, c'est bien sûr.
04:21Mais bon, c'est vrai qu'avec le renversement du régime Assad,
04:26que l'alliance avec l'Iran tombe, ça c'était tout à fait attendu.
04:31que la Russie, alors ça c'était plus inattendu, qu'ils se remettent en relation avec la Russie.
04:39Cela dit, il faut savoir qu'historiquement, la Syrie a des relations privilégiées avec la Russie.
04:46Depuis l'indépendance, et même à l'ère après Assad.
04:53C'est pour ça, par exemple, que l'armée syrienne a toujours été entraînée par les Russes,
04:58qu'elle a du matériel russe et tout ça.
04:59Donc ça pourrait changer les équilibres géopolitiques du Moyen-Orient, vous pensez ?
05:04Ça a déjà changé.
05:06Là, la présence américaine est beaucoup plus forte,
05:10parce qu'elle peut s'appuyer sur la Syrie, entre autres,
05:15qui n'est plus aux mains de l'Iran et complètement sous la coupe des Russes.
05:21Mais du côté américain, c'est vrai que la place centrale de la Syrie,
05:26quand on regarde la carte, c'est le pays frontalier d'Israël, de la Jordanie, de l'Irak, du Liban, de la Turquie.
05:33Donc il pourrait y avoir un apaisement peut-être avec Israël ? C'est envisageable ?
05:37Alors, il y a maintenant un accord.
05:39Les Américains auraient souhaité carrément faire rentrer les Syriens dans les accords d'Abraham,
05:45parce que c'est le gadget de la Maison-Blanche, ou de Trump, personnellement, dans la région.
05:51Non, mais avec la Syrie, ce n'est pas possible.
05:54Je veux dire, la Kazakhstan, il a fait adhérer le Kazakhstan pour dire que ses accords sont toujours vivants.
06:00Mais bon, la Syrie a quand même, non seulement une frontière, une histoire de guerre,
06:07et surtout un territoire occupé.
06:08Le Gaul en Syrie est occupé par Israël, internationalement reconnu comme territoire occupé,
06:14même s'il a été annexé et même s'il a la trempe à reconnu l'annexion.
06:18On va suivre tout ça très attentivement.
06:20Il y a encore beaucoup de choses à dire.
06:21Merci beaucoup à la Codemani, journaliste à Libération.
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