Skip to playerSkip to main content
  • 7 minutes ago

Category

🗞
News
Transcript
00:00On va s'arrêter maintenant un instant sur une enquête que vous signez pour Le Monde, Faustine Vincent.
00:06Bonjour à vous, bienvenue sur le plateau de France 20K, vous êtes journaliste au Monde.
00:09Vous rentrez tout juste de Kiev, vous étiez en Ukraine, Faustine.
00:13Vous avez réalisé une enquête sur le conditionnement, l'endoctrinement que font les Russes à des enfants ukrainiens
00:22transférés de force vers des territoires russes.
00:26Voilà sur les écrans cet article du Monde qu'on peut retrouver, c'est comme si ces enfants sortaient d'une secte.
00:33C'est ce que vous racontez dans cet article.
00:36Qu'est-ce que ce projet russe et comment est-ce que cet endoctrinement est appliqué ? Quelle méthodologie ?
00:42L'objectif de la Russie, c'est d'intégrer les territoires qu'elle occupe, qui représentent 20% de l'Ukraine, à la Russie.
00:49Donc ça se fait via une russification, une rééducation, une militarisation forcée, qui est à l'œuvre pour tous les habitants,
00:58et en particulier pour la jeunesse ukraine, qui est vraiment l'une des cibles privilégiées du Kremlin.
01:04Et qui a... Donc depuis 2022, l'Ukraine a identifié un peu moins de 20 000 enfants qui ont été transférés de force en Russie
01:13ou à l'intérieur des territoires occupés. À ce jour, vous en avez 1 762 qui ont été rapatriés.
01:19Elle s'efforce depuis 3 ans d'en rapatrier le plus possible.
01:23Mais ce qu'elle explique aujourd'hui, c'est que la menace a vraiment changé d'échelle.
01:27C'est-à-dire qu'entre 2022 et 2025, ce que me disait l'un des responsables, c'est que même si on rapatriait ces 20 000 enfants,
01:35ça ne changerait pas le cœur du problème qui est l'objectif de la Russie, c'est-à-dire changer l'identité de ces enfants,
01:41éradiquer leur identité ukrainienne et en faire de bons petits soldats russes.
01:45C'est vraiment l'objectif, c'est de transformer ces enfants en chair à canon pour les déployer ensuite sur le champ de bataille.
01:52C'est ça, c'est ce que vous racontez dans cet article. Il y a cet objectif, donc premier, d'en faire de la chair à canon,
02:00de les déployer au front. Ce qui pose une question réelle et concrète, c'est que parfois la situation est telle
02:06que des Ukrainiens vont combattre d'autres Ukrainiens. En réalité, c'est ça qui se passe aussi ?
02:11C'est le cas actuellement, effectivement. Alors pour ceux qui ont plus de 18 ans, vous avez aujourd'hui déjà des Ukrainiens
02:16qui ont été russifiés de force et enrôlés de force dans l'armée russe, qui sont déployés sur le champ de bataille
02:23et qui combattent contre leur propre pays. Et ils représentent aujourd'hui un quart des prisonniers de guerre russes
02:28aux mains de Kiev. C'est-à-dire qu'ils sont considérés officiellement comme des prisonniers de guerre russes.
02:32Alors beaucoup ne souhaitent pas être échangés. Mais en tout cas, voilà, c'est vraiment une menace
02:36qui est en pleine expansion, qui est souvent sous-estimée. Et c'est la raison pour laquelle aussi les Ukrainiens
02:41sont engagés dans une course contre la montre pour essayer de récupérer non seulement leurs enfants,
02:45mais aussi ces territoires. Parce que sinon, ça veut dire que vous avez l'ensemble de la population ukrainienne
02:51qui est piégée dans ces territoires, qui va être amenée à se retourner non seulement contre l'Ukraine,
02:54mais aussi contre les Européens. Parce que ce qu'on leur martèle toute la journée à travers la propagande,
03:01c'est que l'Ukraine est l'ennemi, mais aussi les pays européens, l'OTAN. Et ça figure même
03:06dans les manuels scolaires, où c'est désigné comme une menace existentielle, où la Russie
03:10et l'armée russe sont vraiment glorifiées. Et donc la seule perspective qui est offerte
03:15à ces enfants, c'est effectivement de devenir un soldat russe. Ça, c'est fait donc à travers
03:21la propagande, qui est vraiment extrêmement puissante, au point où...
03:26Vous en donnez un exemple, Faustine Vincent, de cette propagande et de ce conditionnement
03:29très concrètement, on leur fait voir des images, on crée tout un environnement
03:33autour de ces enfants pour les pousser à se retourner contre leur propre pays.
03:38Vous voulez bien nous donner un exemple ?
03:39Absolument. Ils baignent vraiment dans un monde russe. Et l'un des exemples les plus frappants,
03:43parce que ça ressemblait vraiment à une expérience de laboratoire, c'est dans ce qu'on appelle
03:46les camps de filtration, qui sont en fait des espèces de checkpoints géants qui sont installés
03:49par la Russie dans les territoires occupés en Russie, pour filtrer les habitants qui souhaitent
03:54en sortir. Et dans ces camps de filtration, il y a une fille qui avait raconté, qui a réussi
03:58à être rapatriée en Ukraine, qui racontait que quand on leur diffusait des vidéos de
04:02l'Ukraine, ils avaient faim, il faisait froid et ça sentait mauvais. Et quand ils leur
04:06diffusaient des vidéos de la Russie, ils faisaient bon, l'atmosphère était réconfortante
04:09et on leur distribuait des gâteaux. Donc vous avez vraiment un conditionnement qui est
04:14total. Vous avez aussi des propos répétés en permanence sur le fait que l'Ukraine est
04:20un État failli, qu'elle est partagée en deux, qu'elle a perdue, que la Russie a gagné.
04:26Et donc tout ça fait que quand les enfants sont rapatriés, ils sont complètement
04:31perdus, ils ne font plus confiance à personne. Ils sont dans un niveau de traumatisme qui
04:36est très différent de celui dans lequel sont les enfants qui ont été traumatisés
04:39en Ukraine à proprement parler, en tout cas Ukraine libre, où ce que racontent les
04:44organisations, c'est que ces enfants ne jouent pas, ne parlent pas, ne regardent même
04:49pas les gens dans les yeux et surtout ils sont extrêmement dociles, ils se comportent
04:52comme des petits soldats. Qui ne posent pas de questions et qui ne posent pas de
04:57problèmes et je mets des guillemets. Il y a un programme qui est mis en place pour
05:02pouvoir accompagner ces enfants sur au moins deux ans je crois et l'objectif c'est
05:07littéralement de les déprogrammer.
05:09Oui en fait c'est vraiment l'enjeu aujourd'hui pour ces enfants qui ont pu
05:12revenir, c'est de les désendoctriner, de leur délaver le cerveau, c'est le terme
05:16qui est aussi employé par certains parce que...
05:18Il y a un accompagnement psychologique qui est mis en place pour pouvoir vraiment...
05:21Il y a un accompagnement, alors il y a vraiment un protocole qui est mis en place, tous les
05:24enfants déjà quand ils reviennent de ces territoires ou de Russie sont interrogés
05:29à la frontière par une psychologue et derrière une vitre sans teint vous avez des représentants
05:35des services de sécurité, de la police, de la protection de l'enfance, le procureur
05:38général qui leur pose des questions et qui permet de mieux comprendre un peu comment
05:41fonctionnent les Russes. Mais après effectivement ces enfants sont pris en charge et tout l'enjeu
05:46consiste à les réhabiliter, les réintégrer dans la société en misant sur l'environnement.
05:51C'est-à-dire que...
05:52Familial aussi, l'environnement familial et proche.
05:53Alors familial, pour ceux qui peuvent être réintégrés dans des familles à leurs proches
05:57ou lointaines parce que l'immense majorité de ces enfants qui ont été kidnappés, contrairement
06:02à ce que dit la Russie, ont une famille. Mais c'est surtout l'environnement à leur scolaire
06:07par exemple, les professeurs, la communauté, etc. parce qu'ils ne sont pas toujours très
06:12bien accueillis. Certains sont accusés, on leur demande pourquoi vous n'êtes pas parti
06:16plus tôt des territoires occupés alors que c'est extrêmement compliqué aujourd'hui
06:19d'en sortir, que les Russes en laissent partir au courant de gouttes, qu'il faut partir
06:22de façon clandestine, qu'il faut passer par les camps de filtration, vous pouvez être
06:26kidnappés, vous pouvez être interrogés, vous pouvez être menacés. Donc tout ça est
06:31extrêmement complexe. Mais donc préparer un maximum l'environnement une fois qu'ils sont
06:35de retour en Ukraine pour qu'ils se sentent attendus, pour qu'on regagne la confiance
06:39de ces enfants et qu'on puisse peu à peu, voilà, leur expliquer que c'était ce qu'ils
06:44ont entendu, ce qui leur a été martelé était faux. Même il y a des cours d'histoire
06:47qui leur sont redonnés pour leur expliquer que, bah non, en fait, c'est pas exactement
06:51comme on voulait expliquer, parce qu'il n'y a plus d'école ukrainienne dans les
06:53territoires occupés, c'est une école russe, ils doivent chanter l'hymne russe, etc.
06:57Donc vous avez vraiment un accompagnement qui est fait et l'Ukraine se targue d'avoir
07:01réussi à réintégrer tous ces enfants ou dans leur famille et vraiment jamais à l'orphelinat.
07:06Et ce que vous soulignez dans cet article aussi, Faustine
07:09Vincent, c'est que plus ce conflit va durer, plus les chances de sauver ces enfants
07:13s'amenuisent. C'est ce qu'on peut dire aujourd'hui ?
07:16Absolument. Là, les Ukrainiens sont très conscients que le temps joue contre eux et
07:20que plus le conflit dure, en effet, et plus c'est déjà presque impossible aujourd'hui
07:23de retrouver la trace des plus jeunes qui ont été en partie confiés dans des familles
07:28d'accueil, qui le font pour l'argent d'ailleurs.
07:30Certains bébés, même en tout cas très très jeunes, en échange d'une certaine somme
07:34d'argent qui est proposée aux familles russes pour pouvoir les accueillir.
07:36Voilà, c'est l'équivalent de 100 dollars, ce qui est énorme pour des familles sans
07:41ressources. Du coup, il y a aussi des parents qui sont, enfin, il y a énormément de parents
07:47adoptifs qui ont menacé les enfants, qui leur ont dit « si t'obéis pas, je veux dire
07:51à tout le monde que t'es ukrainien, tu vas voir ce qui va se passer » parce qu'ils
07:53sont harcelés et persécutés en Russie. Et à leur retour, l'objectif, c'est qu'ils
07:57ne le soient pas aussi, ce qui n'est pas toujours le cas parce qu'on leur reproche
08:00parfois de ne pas être partis plus tôt ou de parler ukrainien. Et donc, favoriser vraiment
08:04un environnement qui soit le plus accueillant possible, sachant que les gens sont très
08:10conscients que ça va prendre des années et qu'encore une fois, même si on arrive
08:13à sauver ces 1 700 ou 20 000 enfants, ce ne sera pas suffisant parce qu'en fait,
08:18c'est les 1,6 millions d'enfants qui sont aujourd'hui dans les territoires occupés
08:21qui sont soumis au même niveau d'endoctrinement et qui représentent une menace sécuritaire
08:25à la fois pour l'Ukraine, pour les Européens et les pays de l'OTAN.
08:28Merci beaucoup Faustine Vincent. Merci d'être passée par le plateau de France 24 pour cette
08:32enquête que vous signez dans le monde sur l'endoctrinement de ces enfants ukrainiens.
08:36Ils sont plus de 1 700 à avoir été rapatriés dernièrement en Ukraine. Merci beaucoup.
Be the first to comment
Add your comment

Recommended