- il y a 18 heures
Avec Étienne Campion, journaliste chez Marianne, auteur de "Le Président toxique" éd. Robert Laffont
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NewsTranscription
00:00Sud Radio, la France dans tous ses états.
00:03Nous sommes en direct du salon du Made in France en partenariat avec la CMA Porte de Versailles.
00:09Venez nous faire un petit coucou à côté du village de l'Artisanat.
00:12On vous y attend. L'occasion de se poser une question aussi, Emmanuel Macron, est-il un président Made in France ?
00:17On en parle avec notre invité Etienne Campion, journaliste chez Marianne et auteur de le Président Toxic aux éditions Robert Laffont. Bonjour.
00:24Bonjour Etienne Campion. Alors je rappelle que Marianne est un des premiers soutiens du salon du Made in France,
00:30avec sa une de cette semaine classement exclusif, ceux qui produisent en France les multinationales françaises.
00:35Et bien, une des valeurs fondatrices de Marianne, je le dis avec beaucoup de cœur parce que j'y ai été, j'ai contrairement à le fonder, voilà, et on s'est battus.
00:42Et je suis ravi de voir que le combat continue à Marianne pour défendre les valeurs du Made in France.
00:47Alors, cher Etienne Campion, vous avez écrit Le Président Toxic chez Robert Laffont, voilà, soulignant les particularités de ce Président de la République,
00:55son tempérament, son idéologie, ses méthodes, ses pratiques. Bon, c'est un ouvrage très vérélateur que les amis d'Emmanuel Macron ont beaucoup apprécié
01:05parce que soit ils ont pu vérifier ce qu'ils savaient déjà, soit ils ont découvert ce qu'ils craignaient.
01:10Et aujourd'hui, il y a un énorme paradoxe. On sait que le Président de la République organise à l'Elysée les salons de la qualité française.
01:18En fait, il refait un petit Made in France et il vante même les, il vante même, on va l'écouter, il vante même les vertus du salon du Made in France.
01:26On écoute.
01:27Nouvelle exposition du Fabriqué en France à l'Elysée, c'est la quatrième édition.
01:33Alors, il y a depuis plusieurs années le salon Made in France qui a un formidable succès et qui a été à l'avant-poste.
01:38Mais il est formidable ce garçon. Il est formidable parce que là, il est au Brésil. Il est allé négocier avec les Brésiliens.
01:48Il nous a dit pique-pendre pendant des mois du Mercosur en disant que jamais que la France ne s'inclinera, qu'elle ne signera pas ce traité
01:53qui est une infamie, qui est une menace pour nos agriculteurs, qui est une menace pour le conneceste ailleurs.
01:58Et il a dit, ben finalement, j'ai pu obtenir des concessions qui fait que le Mercosur, c'est pas si mal.
02:03Là, on a dû en même temps de merde. On est d'accord, c'est quand même catastrophique d'en arriver là.
02:07Écoutez, Perico, il y a tout du président là-dedans. Il y a ce que j'essaie de raconter dans le livre, qui est à l'image de sa vie,
02:15d'utiliser tous les costumes à la fois pour à la fin défendre une ligne qu'on peine à comprendre.
02:21Moi, j'aimerais, pour essayer de saisir ça, revenir en fait à ce qu'est le vrai Macron. Les premières intuitions, les premières avancées du ministre avant d'être président.
02:34Donc ces mots, on les connaît. Pour certains, Alstom, Technic, Alcatel, Latécoère, Photonis.
02:39Tout ça, ce sont des groupes que le ministre puis président a accepté que la France vende.
02:47Donc, bon, on se rappelle, le plus emblématique, c'était Alstom Énergie, évidemment.
02:51Mais ce, en même temps, in fine, nous a conduit dans une espèce de flou conceptuel total qui fait qu'on ne comprend même pas quelle est la ligne du président.
03:02Alors évidemment, le traité de libre-échange, c'est dans l'ADN de l'Union européenne.
03:05Et on se rappelle que l'intuition première du président était quand même l'européisme et la France, en gros, dans l'Europe, faire l'Europe en grande.
03:15Emmanuel Macron a toujours été un soutien de la globalisation.
03:18Globalement.
03:18Nous expliquons que ça allait dégouliner, que c'était une opération collective.
03:22Le Made in France, finalement, pour lui, alors il ne peut pas en dire du mal.
03:26Évidemment.
03:26Mais on a l'impression que ce n'est pas sa culture, ce n'est pas son ADN, ce n'est pas ses valeurs.
03:29Après, ce qu'il faut comprendre chez lui, c'est qu'il n'est pas resté empêtré dans une ligne européiste.
03:34Est-ce qu'il sait bien que de toute façon...
03:36Il est lucide.
03:37Il est lucide et il est malin.
03:39C'est-à-dire que dans ce que je raconte dans le bouquin, cette façon, en fait, de, par opportunisme, tantôt cynisme,
03:47de changer de costume idéologique en séduisant différentes catégories de l'opinion
03:52et en séduisant des personnalités dans la classe politique, évidemment, ça lui a permis de changer de pied.
03:57Il a eu un tournant parfois républicain, il a eu un tournant laïque, il a eu un tournant souverainiste.
04:04Rappelez-vous, 2022, moi, j'étais choqué, la nomination des ministres après une majorité relative,
04:12il y a quatre fois le mot souveraineté dans quatre nouveaux ministères,
04:15alors que ce n'est absolument pas le président de la souveraineté nationale.
04:18C'est le président qui parlait de souveraineté européenne.
04:20Donc, il y a chez Macron un usage du langage, des affects, des mots, des concepts pour, parfois, changer de posture quand il est mis en difficulté.
04:29Donc, évidemment qu'il ne va pas dire que le salon du Made in France, ce n'est pas terrible,
04:33que son ADN, c'est plutôt la globalisation, le libre-échange, l'entente, en gros, avec des pays qui ont des modèles commerciaux qui ne nous vont pas.
04:43D'autant, d'autant être une campion, qu'on se souvient des campagnes de 2017, de 2022,
04:50la population qui est ici, les artisans, les chefs d'entreprise, les petits patrons qui croyaient, qui savaient,
04:55qui étaient écrasés par les charges, qui étaient écrasés par les normes,
04:58il leur avait dit, on va changer tout ça, on va moderniser, on va permettre de l'énergie,
05:03on va libéraliser ce système justement pour que vous ne soyez pas soumis à un taux de contrainte.
05:07On n'a jamais eu autant d'entraves, on n'a jamais eu autant de contraintes.
05:10Et je peux vous dire que ces gens-là qui ont cru de bonne foi et qui ont voté Macron comme un seul homme en 2017
05:16ou comme une seule femme en 2022, aujourd'hui, ils sont très, très, très aigris, très, très en colère
05:21contre ce qui est en train de se passer en France.
05:22Oui, mais en fait, moi, j'ai envie de vous dire, le Made in France n'a pas vraiment besoin de Macron.
05:26Le Made in France a besoin de lui-même, a besoin de son talent, a besoin de son envie,
05:30a besoin en fait d'un tissu industriel qui montre qu'il fonctionne sans un président globalement qui le suit
05:37et une administration, un État qui le fait également.
05:40En fait, j'ai envie de vous dire également que le bilan du Made in France au président,
05:46on n'en est même plus là.
05:47En fait, le bilan du président...
05:49Tout ce qui se passe bien, ce n'est pas grâce à lui.
05:50Mais regardez l'état de la situation politique, que ce soit les finances, bien sûr la balance commerciale,
05:57la situation parlementaire, la situation politique dans le pays, le pouvoir d'achat, le taux de pauvreté.
06:03Mais en fait, si c'était que le Made in France qui n'allait pas, à la limite,
06:08mais là, la crise est telle que, bon, je pense que le Made in France pour Macron s'est devenu accessoire en fait.
06:14Alors, ce n'est pas une rumeur, ce sont des informations qui sont sorties de l'Élysée,
06:19de milieux autorisés comme on le dit couramment.
06:23Il semblerait que le président de la République jette un peu l'éponge sur les affaires intérieures de la France,
06:27sur la cuisine nationale et voudrait se consacrer en tant que chef d'État à l'international,
06:32à la représentation de la France à l'extérieur.
06:34Est-ce que c'est une rumeur qui vous semble solide ?
06:37Alors, je crois qu'il l'avait déjà évoqué, puis finalement, ça ne s'était pas passé comme ça.
06:41Est-ce que là, pour autant, on a pu lui demander autour de lui, au gouvernement,
06:44« Soyez gentil ou sois gentil, va te promener, mais surtout, arrête de te mêler des affaires de la France,
06:50parce qu'au point où on en est, c'est catastrophique ? »
06:52En fait, rappelez-vous, dissolution au jour 2024, le président est tellement fier de sa bravate
06:59qu'il dit lui-même qu'il va faire des conférences de presse chaque jour.
07:02En fait, dans son entourage et parmi les candidats aux législatives,
07:06on retire son visage des affiches de campagne
07:10et on lui demande globalement d'être assez pudique et de ne pas trop entrer dans l'arène.
07:14Mais ce truc chez le président de dire « Je vais me mettre en retrait de la scène politique »,
07:19ça fait plusieurs fois qu'il le fait.
07:21Rappelez-vous, il avait laissé quelques mois à Michel Barnier, à François Bayrou pareil,
07:25et il a été systématiquement tenté par une tentation irrépressive chez lui
07:28qui est de revenir peser sur la scène politique.
07:31On le comprend, son besoin de contrôle et son besoin de pouvoir depuis 2017
07:38a toujours fait que c'est impossible chez lui de ne pas s'en mêler.
07:41Si ce n'est, cher Etienne Campion, que nos institutions,
07:44et je fais allusion à l'article 20 de la Constitution
07:46qui dit que c'est le gouvernement qui détermine et conduit la politique de la nation,
07:49si le Premier ministre et si le gouvernement lui disent
07:52« Écoutez, vous restez à l'Élysée, vous vous occupez de ce qu'on voudra bien vous confier,
07:57mais vous ne vous mêlez plus, j'allais dire, de la négociation,
08:00de la gestion de la vie politique intérieure »,
08:01on peut lui couper les ponts.
08:03– Mais moi, il y a un truc qui me frappe énormément,
08:04c'est qu'il n'a jamais eu autant de pouvoir symbolique,
08:07d'autoritas, de potestas, ce que vous voulez,
08:09et paradoxalement, le Premier ministre n'a jamais été aussi proche de lui.
08:12Sébastien Lecornu, c'est un des premiers fidèles, un des premiers élecs.
08:15– Deuxième paradoxe, les grands ministères d'État restent sujets à des ministres
08:22qui sont proches de Macron, le ministère des Affaires étrangers,
08:25le ministère de l'Intérieur, etc.
08:26– Jean-Louis Marot, Jean-Louis.
08:27– Voilà, exactement.
08:28Donc moi, il y a un truc que je trouve assez dingue,
08:31c'est qu'on a d'un côté un président qui semble tenté par le fait
08:34d'être un espèce de super diplomate, de super président de la 5e,
08:38mais dans le style chef d'État à l'étranger,
08:41et en même temps, il garde des ministres proches de lui,
08:45et deuxièmement, la situation du politique du pays,
08:49pour qu'il puisse passer à autre chose, il faudrait que…
08:51– Je disais de vous interrompre, quand il est en Lettonie,
08:54et qu'il interpelle, il se mêle du départ parlementaire sur la retraite,
08:56et il dit non, non, ça sera juste une petite pause,
08:59et que Sébastien Lecornu, au sein même de l'Assemblée nationale,
09:02est obligé de recadrer, en disant non,
09:04c'est bien l'engagement qu'on a pris avec le Parti Socialiste,
09:06mais quelle humiliation pour tout le monde,
09:07comment a-t-il pu sortir cette aberration ?
09:09– C'est une tentation, pour le comprendre, il faut lire le bouquin,
09:12puisque c'est exactement ce que j'explique.
09:13En fait, la première force de nuisance qu'il a,
09:16elle est pour son entourage.
09:18Les premiers qui ont quitté l'aventure,
09:20qui ont subi le macronisme au sens de ses actes quotidiens
09:24qu'on crée avec ses collègues,
09:26ce sont eux.
09:26Sébastien Lecornu, depuis le début, a accepté un régime
09:29dans lequel, en gros, il accepte les règles du président,
09:33c'est-à-dire ministre des Affaires étrangères,
09:35ministre des Armées, sans globalement mettre son grain de sel
09:39et en faisant à peu près ce que le président demande.
09:42Et là, on a un Premier ministre nommé, démissionnaire,
09:46renommé, donc une pantalonnade totale,
09:49mais qui, alors que la seule façon de pouvoir continuer
09:53et qu'il n'y ait pas de dissolution,
09:54c'est de suspendre des retraites,
09:55le président lui dit, attends, non, non, mais ça ne va pas se passer.
09:58Donc vous voyez bien que chez le président,
10:00c'est une donne intangible et que c'est irrépressible.
10:04Et oui, pour, en vérité, passer à autre chose
10:08et qu'il ne se mêle plus des affaires d'interne,
10:11il faudrait ou une dissolution,
10:13ce qui ne devrait pas arriver, ou une démission.
10:16Et la tentative, la tentation de la dissolution,
10:19moi, je pense qu'il est là, vraiment,
10:21pour aller au bout de sa démarche dont on parle
10:23de super président à l'étranger,
10:24mais en acceptant la cohabitation avec le RN.
10:27De façon Mitterrand-Chirac, vous voyez,
10:30pour se redorer son image.
10:32Non, mais sur des perspectives un peu lointaines.
10:34Plus concrètement, sans faire de politique fiction,
10:37est-ce que l'équilibre parlementaire actuel,
10:39c'est-à-dire Sébastien Lecornu,
10:40avec une bienveillance du Parti Socialiste,
10:42peut tenir deux mois, trois mois, six mois,
10:44peut-être jusqu'à 2027 ?
10:46Tout dépend du PS aujourd'hui ou non,
10:48vraiment, sur la longévité de ce gouvernement.
10:50Là encore, c'est difficile.
10:51Moi, je ne crois pas.
10:52En fait, on peut mettre des carrés dans des ronds
10:54pour essayer que ça tienne une semaine, une semaine.
10:56On en est là.
10:57On est avec des observateurs et commentateurs.
10:58On le peut.
10:59On est avec du Lego et puis des mécanos.
11:01On met des petites vis et puis des petites boules.
11:02Oui, exactement.
11:04Et vous voyez bien que ça rend tout absurde.
11:06Ça rend le jeu parlementaire absurde,
11:08le commentariat journalistique absurde.
11:10On passe notre temps à deviser, à analyser,
11:14à faire de la politique fiction sur des choses
11:15qui, en fait, au budget, peuvent finir par ne même pas passer
11:19si le budget n'est pas voté.
11:20Et ça rend, par la force de la personnalité du président,
11:23dont j'explique qu'elle a débordé sur la scène politique,
11:26tout commentariat et l'action politique absurde.
11:29Alors, en tout cas, un conseil aux journalistes politiques,
11:31aux observateurs, si vous avez besoin de substances,
11:34le mar de café ou, je ne sais pas, du fromage fondu
11:37pour lire l'avenir de la République et l'avenir d'Emmanuel Macron,
11:40venez au salon du Médit de France.
11:42Il y a des tas d'artisans qui sont là,
11:43qui vont vous donner des produits sublimes à déguster,
11:45dans lesquels on pourra lire,
11:46parce que j'ai l'impression quand même...
11:47Alors, je dis bien, ça laisse libre cours à vos imaginations,
11:51mais on est quand même dans un flou...
11:52Je n'aime même pas artistique.
11:54On est dans un flou chaotique total.
11:56Oui, mais à tel point que ça accentue la crise démocratique
11:59et j'ai l'impression qu'on est passé dans l'opinion
12:02de la colère à la lassitude
12:03et tout le monde s'est déjà projeté sur la prochaine présidentielle.
12:06À la vérité, on gagnerait du temps
12:09à ne pas parler, de viser, analyser cette situation
12:12et se projeter sur, effectivement, les prochains enjeux,
12:16la lance des droites possibles, la recomposition pète.
12:19Et c'est vrai que c'est plus intéressant.
12:20Bon, la suite au prochain épisode.
12:21Étienne Campion, vous êtes un observateur privilégié.
12:23Vous avez quand même un petit peu de flair
12:26parce que votre bouquin raconte des choses
12:28auxquelles on ne le croyait pas
12:29et qui se sentaient vérées exactes.
12:30Merci d'être venu, Étienne Campion.
12:31Merci à vous.
12:32Et je vous dis à très bientôt.
12:33Et surtout, Lisez-Mariane,
12:34classement exclusif de ceux qui produisent en France.
12:36Lisez-Mariane et écoutez Sud Radio.
12:38Restez bien.
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