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Mercredi 5 novembre 2025, retrouvez Jean-Luc Champy (Associé, White & Case), Valérie Vesque-Jeancard (Présidente, VINCI Railways et directrice déléguée France, Chili et République dominicaine de VINCI Airports) et Dominique Bussereau (Ancien ministre, ancien Président de département et député, et ancien Président d'Ambition France Transports) dans PARIS INFRAWEEK, une émission présentée par Antoine Morlighem et Alban Castres.
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00:00Bonjour, bienvenue à tous, bienvenue dans cette édition spéciale depuis la Paris Infra Week 2025.
00:13Le grand rendez-vous du financement des infrastructures ici au ministère de l'économie.
00:19Alors vous le savez peut-être, mais plus le temps passe, plus nos infrastructures de transport, routes, rails, ponts, voies, fluviales,
00:24accusent le poids du temps et d'un sous-investissement chronique.
00:28Résultat, un réseau qui se fragilise alors même que l'urgence climatique nous oblige à réinventer nos mobilités.
00:34Aujourd'hui, on fait face à un double objectif, réparer l'existant d'un côté, mais aussi préparer la transition dans un contexte budgétaire, bien sûr, extrêmement contraint.
00:42Alors où trouver les ressources pour financer les 20 prochaines années ?
00:46Faut-il réinventer, réintroduire les partenariats publics privés, mobiliser davantage le capital privé,
00:51repenser en profondeur le modèle économique du transport public ?
00:55Autant de questions, autant de débats avec qui on va discuter avec nos experts.
01:01On est ravis d'accueillir sur le plateau Dominique Bussereau.
01:03Dominique, bonjour.
01:04Ancien ministre, président de département et président d'Ambition France Transport,
01:08qui vient de piloter une grande concertation nationale sur l'avenir du financement des mobilités.
01:13Bienvenue à vous.
01:13Merci à vous. Nous allons en parler.
01:15On est également en compagnie de Valérie Vesque-Jeancard. Bonjour Valérie.
01:19Bonjour Fabrice.
01:20Vous êtes présidente de Vinci Railways, directrice déléguée de Vinci Airports et donc figure du secteur privé engagé dans la transformation du rail.
01:29Bienvenue également. A vos côtés, Jean-Luc Champil. Jean-Luc, bonjour.
01:32Bonjour.
01:32Vous êtes avocat associé chez White & Case Paris, spécialiste justement des montages publics privés, la structuration des grands projets d'infrastructures.
01:40Je vous propose de tenter de répondre à cette question, comment aligner justement les capitaux avec les objectifs climatiques territoriaux
01:47pour que cette transition des mobilités ne reste pas un vœu pieux, mais devienne véritablement un moteur de croissance durable.
01:54Alors Dominique Bussereau, on va commencer avec vous.
01:56Vous venez, je l'ai dit, de conduire la grande conférence Ambition France Transport destinée à penser l'avenir des mobilités
02:02et en particulier leur financement objectif, identifier un nouveau système de financement pérenne pour les 20 prochaines années.
02:09Quelles sont les grandes orientations qui se dégagent de cette conférence ?
02:12Les orientations seront très nombreuses et le gouvernement doit les traduire dans une loi cadre que le ministre des Transports,
02:19Philippe Tabarro, doit présenter devant le Parlement avant la fin de l'année,
02:24si le calendrier parlementaire actuel naturellement le permet.
02:29Il y a à la fois des besoins fondamentaux en matière ferroviaire, un réseau ferroviaire dont une partie a vieilli,
02:36des lignes nouvelles à construire pour aller vers de grandes métropoles comme Toulouse ou vers l'Espagne proche.
02:44Il y a des besoins sur le réseau routier.
02:47Le réseau autoroutier est parfaitement entretenu, il va bien, mais le réseau routier classique qui reste à l'État est en état de dégradation.
02:56Celui des départements, des communes va souffrir des restrictions budgétaires actuelles, donc également va se trouver en mauvaise position.
03:03Il y a du fluvial, on construit en France le canal Seine-Nord, il y a des tunnels, on construit entre la France et l'Italie le fameux tunnel Lyon-Turin.
03:14Il y a des besoins d'accès aux aéroports, des besoins d'accès à nos grands ports, maritimes ou locaux, donc les besoins de financement sont énormes.
03:23La puissance publique seule, l'État et les collectivités ou l'État ou les collectivités ne suffira pas, donc naturellement besoin de nouveaux modes de financement.
03:32Quand on vous entend, on voit qu'il y a énormément de chantiers, on a l'impression qu'ils sont tous prioritaires. Est-ce qu'il y en a quand même quelques-uns qui se dégagent ? Qu'est-ce qu'il faut faire ?
03:40Tout est prioritaire en matière d'infrastructure. Les Allemands qui n'ont pas entretenu leurs infrastructures depuis 20 ans doivent actuellement investir 500 milliards d'euros
03:50pour remettre à niveau leur réseau autoroutier qui est devenu obsolète et leur réseau ferroviaire sur lequel la moyenne des retards fait qu'un train, seul un train sur 6, arrive à l'heure en Allemagne fédérale.
04:02Donc il faut entretenir d'abord l'existant. L'existant, c'est du ferroviaire, c'est parfois des investissements qui ont été réalisés avant même la Seconde Guerre mondiale.
04:12Il y a eu même des électrifications de lignes ferroviaires pendant la Seconde Guerre mondiale.
04:18Donc ça, ce sont les priorités. Mais il y a également, comment dire, des priorités d'aménagement du territoire.
04:23Considérer que Toulouse, qui a dépassé Lyon en termes de population de ville-centre, ne soit pas dans la grande vitesse européenne, alors qu'elle est la capitale de l'aéronautique européenne,
04:34ce n'est même pas envisageable. Donc il faut à la fois trouver de l'argent pour les nouveaux projets, entretenir, améliorer l'existant et faire en sorte que la compétitivité française,
04:44qui est très liée à un système de transport très performant, ne soit pas abîmée par un manque d'investissement.
04:49Oui, alors tiens, on va continuer le tour de table avec vous, Valérie Vesque-Jeancard.
04:53Vous êtes bien sûr sensible à ce qui vient d'être dit, notamment sur le rail. Je rappelle que vous êtes présidente de Vinci Railways.
04:59Également présidente de l'AGIFI, c'est l'association qui regroupe tous les gestionnaires privés d'infrastructures ferroviaires en France.
05:05Que pensez-vous justement de l'appel au financement privé dans le ferroviaire évoqué par Dominique Bussereau ?
05:11On le sait, l'État ne pourra pas tout.
05:13Je pense que c'est un appel non seulement au capitaux privés, mais aussi à la capacité de fer des grands groupes industriels français,
05:21dans une logique de partenariat global, où le partenaire conçoit, construit, finance et ensuite exploite et maintient sur une très longue durée des infrastructures de mobilité ferroviaire.
05:33Ce sont des partenariats qui ont, je dirais, des vertus naturelles.
05:35La première vertu, c'est celle d'une maîtrise des coûts et des délais de construction.
05:41On sait que le partenaire n'est payé que lorsque l'infrastructure est mise en service.
05:45Et donc, c'est une incitation forte à ne pas prendre de retard dans les chantiers.
05:49On sait aussi que tout dépassement de coûts pèsera sur sa rémunération.
05:52Donc là aussi, incitation forte.
05:54Les autres vertus sont la sanctuarisation des budgets de maintenance,
05:57puisqu'en fait, sur plusieurs décennies, on va, dans le cadre de ce contrat, fixer un niveau de maintenance.
06:02Et c'est justement ce qui a fait défaut jusqu'à présent et ce qui peut faire défaut en cas de financement public.
06:07Dominique Bussereau a évoqué l'obsolescence du réseau.
06:10C'est vrai que lorsqu'on est soumis au cycle budgétaire, une année, on maintient parce qu'on a les budgets.
06:15L'année suivante, il y a moins de budgets disponibles.
06:17Et donc, on ne fait pas la maintenance au niveau requis.
06:19Rassurez-nous, on n'est pas au niveau des Allemands quand même avec un train sur 6 et 500 milliards de déficit d'investissement.
06:27Non, mais il est vrai que le réseau a aujourd'hui un niveau d'obsolescence que l'on essaye de contrer.
06:32Et c'est l'une des propositions d'Ambition France Transport que de faire des investissements significatifs pour le régénérer et le moderniser.
06:38On dit souvent en fait que les investissements se concentrent sur les lignes justement à grande vitesse.
06:42Celles qui sont les plus TGV Atlantique, TGV vers Lyon et Marseille.
06:47Et puis, il y a ça et le reste de la France.
06:51Est-ce que c'est vrai ou est-ce que justement, il faut accélérer pour unifier tout le réseau ?
06:56Écoutez, moi, il ne m'appartient pas de me prononcer sur ce qui a été fait jusqu'à présent par SNCF Réseau.
07:01Ce que je peux dire et pour poursuivre le propos de tout à l'heure, c'est qu'aujourd'hui, on a effectivement des montages qui fonctionnent,
07:08qui ont un certain nombre de vertus, je l'ai dit, notamment celui de peser peu sur les finances publiques
07:12et puis de permettre d'avoir des infrastructures entretenues sur le long terme et de faire surgir aussi de l'innovation.
07:19On a maintenant de ces infrastructures et qu'on a finalement quatre projets qui en sont la preuve.
07:24Trois projets de lignes nouvelles qui ont été lancées en 2011 et 2012.
07:30La ligne à grande vitesse Sud-Europe-Atlantique vers Bordeaux, que l'on a évoqué.
07:34La ligne à grande vitesse Bretagne-Pays-la-Loire et le contournement de Nîmes-Montpellier.
07:38Et qu'est-ce qu'on constate ?
07:39Eh bien, il y a eu 13 milliards d'investissements sur ces lignes, dont la moitié par des capitaux privés.
07:44Et ça a permis en cinq ans de construire un quart du réseau à grande vitesse national,
07:49alors qu'il avait fallu 35 ans pour construire les 75 premiers pourcents.
07:54Donc, c'est un outil extrêmement puissant.
07:57On a aujourd'hui des lignes qui ont des taux de disponibilité très élevés.
08:00Et donc, effectivement, mobiliser les financements privés pour des développements, c'est tout à fait pertinent.
08:06Je veux souligner qu'il est aussi pertinent, à mon sens, de mobiliser des financements privés pour la modernisation.
08:11Et là aussi, je vais vous donner un autre exemple qui date de 2010.
08:14C'est celui du GSM Rail, le système de télécommunication dédié aux ferroviaires,
08:19qui permet la communication entre les trains et les centres opérationnels,
08:22qui est donc un élément essentiel de la sécurité ferroviaire.
08:25Eh bien, il a été construit dans le cadre d'un partenariat avec le privé de 15 ans,
08:29qui s'est achevé en mars 2025, à la satisfaction de tous.
08:32Et donc, ce réseau de télécommunication a été remis à SNCF Réseau,
08:35après avoir formé les équipes de SNCF Réseau,
08:38à l'issue d'un partenariat qui a été gagnant-gagnant pour les deux parties.
08:41Donc, oui, je pense que l'appel au financement privé et à la capacité de faire du privé fait sens
08:46et qu'elle peut s'appliquer à un certain nombre d'objets dans le ferroviaire.
08:50Allez, on termine notre premier tour de table avec Jean-Luc Champy.
08:54Pour vous, l'état des lieux, je l'écrivais au début, évidemment, des infrastructures de transport vieillissante.
08:59C'est le constat, mais heureusement, on a quand même de l'argent en France,
09:04des sources de financement qui sont mobilisables.
09:07Exactement. Le constat, effectivement, il est aujourd'hui assez bien connu.
09:11Il y a de nombreux rapports qui ont été publiés, que ce soit par les services de l'État,
09:15que ce soit par la Cour des comptes, qui font état d'un vieillissement du réseau,
09:20qui commencent à chiffrer également ce qu'on appelle la dette grise,
09:23c'est-à-dire le montant cumulé des investissements qu'il aurait fallu réaliser,
09:27qui ne l'ont pas été, et qui, du coup, vont nécessiter des investissements bien plus importants
09:33de réparation, de remise à niveau que si on avait fait la maintenance en temps utile.
09:38Donc, ces chiffres-là commencent aujourd'hui à être connus, ils sont assez vertigineux.
09:43Mais en réalité, je pense que le monde des infrastructures souffre d'un problème endémique
09:50qui est l'absence ou l'insuffisance de ressources fiables, stables et dédiées.
09:57Je dirais qu'on a perdu beaucoup de temps depuis l'abandon de l'écotaxe en 2014,
10:01et au fond, on n'a jamais remplacé cette ressource qui devait être mise en place
10:06du fait de l'écotaxe. On l'a remplacée soit par des ressources qui ne sont pas forcément pérennes,
10:11notamment des taxes sur le carburant, etc. À mesure que les véhicules vont s'électrifier,
10:15c'est autant de revenus en moins pour le secteur des transports.
10:19Eux, il y a des bricolages divers et variés, mais on n'a jamais réussi à recréer une ressource pérenne,
10:26dédiée et sanctuarisée pour les besoins des infrastructures.
10:30Or, le problème, c'est que les infrastructures sont des outils de temps long
10:34qui nécessitent des investissements permanents, continus.
10:38Et je dirais que plus on investit au quotidien, moins on se retrouve face à un mur d'investissement
10:42qui est celui auquel on est confronté aujourd'hui.
10:45Et c'est toute la difficulté.
10:47C'est comme la médecine, il vaut mieux s'entretenir et faire son truc régulièrement
10:52qu'à attendre que ça soit...
10:53Voilà, le problème, c'est qu'on préfère la réparation lourde juste avant l'accident
10:57plutôt que l'entretien quotidien.
11:00Heureusement, l'état des infrastructures en France n'est pas celui qu'on connaît
11:04dans certains de nos pays voisins.
11:06Et on n'a pas d'accident grave comme celui qu'on a pu constater
11:11sur le pont de Gênes, par exemple.
11:14Heureusement, les dispositifs de prévention existent et fonctionnent.
11:18Néanmoins, aujourd'hui, on préfère fermer des infrastructures par précaution
11:22parce qu'on considère qu'elles ne sont plus en capacité d'assurer le service
11:25pour lequel elles ont été conçues.
11:27Et c'est quand même un problème de voir des ponts qui sont fermés
11:31par des départements parce qu'ils n'ont plus les moyens de financer
11:33les grosses réparations, d'avoir des petites lignes ferroviaires qui ferment
11:37parce qu'on n'a plus assez d'argent pour assurer le gros entretien
11:40des ouvrages d'art et qu'après avoir ralenti les circulations de train,
11:44on finit carrément par les fermer parce que la sécurité de la circulation
11:47n'est plus assurée.
11:48Donc, quelque part, les effets, on les mesure quand même.
11:51Donc, voilà, le sous-financement, c'est une réalité.
11:54La question qui se pose après, c'est comment on trouve de l'argent.
11:57Effectivement, le paradoxe du monde dans lequel on vit aujourd'hui,
12:00c'est que cet argent, il existe.
12:02Il est même assez largement disponible.
12:04Il suffit de trouver les outils pour le catalyser et le faire revenir
12:09dans le domaine des infrastructures.
12:11Il y a un certain nombre de montages contractuels qui permettent de le faire.
12:13Alors, ce n'est pas la panacée.
12:14Ça ne permet pas de résoudre toutes les difficultés.
12:16Mais en tout cas, je pense que les pouvoirs publics font preuve de beaucoup de frilosité sur ces sujets,
12:25alors même que les exemples, notamment, que Valérie Vesjancaire citait,
12:29montrent que sur un certain nombre d'infrastructures,
12:32l'appel au secteur privé peut avoir des effets qui sont tout à fait positifs.
12:36Donc, la concession, les partenariats publics privés.
12:38Dominique Bussereau, réaction à ce qui vient d'être dit ?
12:40La réaction, la réalité.
12:42C'est-à-dire que sur une période extrêmement courte, entre 2007 et 2012,
12:46on a lancé les lignes que Mme citait tout à l'heure, sont fondamentales.
12:51Tour Bordeaux, Nîmes-Montpellier, Le Mans-Rennes vers la Bretagne.
12:56On a fait le GSMR pour la communication ferroviaire.
13:00Tout ça, sans aucun retard dans la livraison.
13:04Je me souviens même, étant élu dans la région où passe la ligne Tour Bordeaux,
13:08que le chantier a été livré par Vinci, en l'occurrence,
13:11avec quelques semaines d'avance qu'on ne voit jamais en matière de travaux publics.
13:14Ça veut dire que quand on veut mobiliser le privé, on peut le faire,
13:18ou alors trouver des lignes prétives innovantes.
13:20Ce que les Français n'ont pas vu, c'est que ces dernières années,
13:23le plus grand nombre de tunneliers au monde était en France,
13:26parce qu'on a construit en achève 200 km de métro automatique
13:30autour de Paris.
13:3260 gares nouvelles, avec chacune un Paris architectural tout à fait remarquable.
13:38Tout ça, c'est fait dans la différence générale.
13:40C'est le plus grand projet, pratiquement, mondial.
13:42Toutes les capitales européennes et mondiales sont en train de venir voir ce qui s'est fait.
13:47Alors, les Français ne le voient pas, et les Parisiens non plus.
13:50Parce qu'à l'exception du prolongement...
13:52Alors si, ceux qui habitent à Paris, on voit les travaux,
13:55ceux qui ont vu la ligne 14, c'est pas mal aussi.
13:57La fonction de la ligne 14 qui va vers Orly,
13:59et que donc les utilisateurs, enfin certains utilisateurs de l'aéroport d'Orly utilisent,
14:04tout le reste, pour l'instant, ne fonctionne pas.
14:06La première ligne sera mise en service en 2027.
14:09C'est un réseau extraordinaire.
14:11Donc ça veut dire qu'on est capable en France de trouver des moyens de financement innovants.
14:15Alors ça peut être le modèle de la société du Grand Paris, qui est un peu particulier.
14:20Ça peut être ce que disait Jean-Luc tout à l'heure,
14:22c'est-à-dire associer l'argent privé qui existe à un domaine où ça marche.
14:29Il n'y a jamais eu autant de monde en France dans les TGV.
14:32Jamais eu autant de monde en France dans les trains intercités.
14:35Jamais eu autant de passagers en France dans les TER.
14:37Ça veut dire que le système ferroviaire aujourd'hui est au top des besoins de nos concitoyens.
14:43On construit d'ailleurs des lignes ferroviaires dans le monde entier, sur tous les continents.
14:47Et donc l'investissement dans le système ferroviaire est un bon investissement.
14:52Il faut que l'État, et j'espère qu'il le trouvera par la loi cadre que prépare Philippe Tabarro,
14:57soit capable de mettre en œuvre ces nouveaux modes d'investissement.
15:00Mode d'investissement, ça passe par exemple par des concessions ?
15:03Si vous voulez, Albin Chalandon, qui était un grand ministre du Général de Gaulle,
15:08vous êtes trop jeune pour l'avoir connu, était surnommé M. Tronçon.
15:11Parce qu'à l'époque où il n'y avait pas de concessions autoroutières,
15:15l'État faisait deux fois 15 km par an d'autoroutes dans la France des années 60,
15:20qui en attendait beaucoup plus.
15:21Où on a changé de dimension, c'est quand on a lancé le système des concessions
15:25et qu'on a pu construire un réseau autoroutier,
15:27qui est aujourd'hui certainement le plus développé, le plus moderne et le mieux entretenu d'Europe.
15:32Donc naturellement concessions, naturellement partenariats publics-privés,
15:36toutes les formes de cofinancement entre le public et le privé sont possibles,
15:40mais autant il faut que l'argent public se spécialise sur les rénovations,
15:47même si certaines d'ailleurs peuvent être prises en compte par l'argent privé,
15:50parce qu'il y a de l'argent à gagner dans les restructurations et les rénovations,
15:54autant toutes les lignes nouvelles qui restent à construire dans notre pays,
15:57il est certainement important qu'on trouve un système de financement venu du privé.
16:02Oui, et puis il faut que ça reste économiquement viable aussi pour les usagers.
16:05On sait que par exemple sur les autoroutes, certains se plaignent des prix
16:08qui augmentent chaque année, un peu la double peine,
16:11puisque c'est quelque chose qui a déjà été financé par un impôt.
16:14Non, non, les autoroutes n'ont pas été financées par l'impôt.
16:16Le système autoroutier français, il est financé par les utilisateurs.
16:23Quelques autoroutes gratuites type au sud de Clermont-Ferrand jusqu'au pont dans l'Aveyron sont gratuites,
16:35mais le système autoroutier français, il est financé par les utilisateurs et par les clients.
16:40Très bien.
16:41On continue justement avec vous, Valérie, sur ce qui vient d'être dit.
16:45Effectivement, ce financement, c'est vrai que Vinci a trouvé une sorte de solution.
16:51Est-ce que c'est ce type de partenariat public-privé, à votre sens, qu'il faut développer ?
16:56Je pense qu'effectivement, les trois projets de ligne nouvelle que j'ai cités tout à l'heure
17:00et le projet GSMR, GSMR, montrent que ce type de partenariat fonctionne.
17:06Alors après, il y a évidemment des conditions pour que ce type de partenariat fonctionne bien.
17:09D'abord, qu'il s'applique à des objets qui soient bien circonscrits, bien définis
17:13et pas trop en interaction avec des réseaux existants et sous exploitation pour ne pas compliquer les interfaces.
17:19Que ce soit des objets qui aient une taille critique suffisante aussi,
17:22si on veut avoir des économies d'échelle sur la maintenance
17:24et si on veut aussi pouvoir faire porter les coûts fixes de montage de ces projets sur un objet de taille suffisante.
17:31Il faut aussi qu'il y ait une durée suffisante,
17:33qui soit en lien avec la durée de vie de l'ouvrage.
17:35C'est combien de temps, je dirais ? Plusieurs ?
17:37Pour la ligne à grande vitesse, les lignes à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire
17:42et contournement de Nîmes-Pelliers, ça a été 25 ans.
17:44Et pour la ligne vers Bordeaux, 50 ans de concession.
17:46Donc ce sont de durée longue.
17:48Et ça, c'est indispensable pour pouvoir amortir les investissements.
17:52Autre facteur de succès, avoir évidemment un concédant qui soit sachant, qui soit robuste,
17:57qui soit dans une relation de confiance avec ses partenaires privés.
18:00C'est le cas de SNCF Réseau qui a maintenant une vraie expérience en la matière
18:04et qui a fait le choix d'y voir un enrichissement mutuel en réalité des expériences et des compétences.
18:11Et puis, il y a d'autres points que Jean-Luc évoquera peut-être qui ont trait à la structure contractuelle.
18:16C'est important que dans le contrat, le partenaire public, le partenaire privé
18:20prennent chacun le risque qu'il est le mieux à même de maîtriser.
18:24Qu'on donne aussi, compte tenu de la longue durée de ces contrats,
18:28une visibilité sur le cadre légal, sur le cadre fiscal, sur le cadre tarifaire.
18:33C'est évidemment essentiel pour que des investisseurs ou des prêteurs s'engagent.
18:37Jean-Luc Champy, justement, il y a une appétence aujourd'hui forte des investisseurs.
18:42Il y a des gens qui sont prêts à faire ce pari sur plusieurs dizaines d'années,
18:46voire un demi-siècle comme les grands réseaux, les grandes lignes à grande vitesse.
18:51Il y a même des investisseurs qui sont capables de faire des paris encore plus osés
18:53en allant sur des infrastructures avec des concessions qui sont encore plus longues
18:56puisque les concessions les plus longues en France,
18:58elles dépassent 80 ans pour certaines infrastructures exceptionnelles.
19:03Donc, dans certaines hypothèses...
19:04Lesquelles en particulier ?
19:05Vous avez le tunnel sous la Manche.
19:07Vous avez aussi la concession du duplex A86,
19:10qui est un tunnel à péage dans l'ouest de l'île de France,
19:14qui est un objet complètement hors norme
19:16et qui fait l'objet d'une concession qui est très très longue
19:18et qui montre qu'effectivement, on sait mobiliser des capitaux sur le très long terme
19:23qui ne sont pas uniquement des capitaux publics,
19:25mais ça reste quand même des ouvrages un peu exceptionnels
19:27et ce n'est sans doute pas la règle.
19:29Je pense que pour mobiliser des investisseurs sur ce type de projet,
19:33il y a un certain nombre de conditions qui doivent être remplies
19:35pour que le projet fonctionne bien.
19:37La première condition, c'est effectivement d'avoir un projet
19:40qui est bien défini en amont.
19:41C'est-à-dire que pour que...
19:43C'est quand même des contrats compliqués qui sont conclus pour ces projets.
19:47Donc, il faut que l'autorité publique et l'autorité concédante
19:52aient fait, je dirais, toutes les études de définition du projet
19:57avec un degré de précision suffisante
19:59et une connaissance suffisante des enjeux du projet
20:02pour être capable de rédiger un contrat qui fonctionne bien.
20:05Ça, je dirais, c'est le prérequis.
20:07Le deuxième élément qui est important,
20:08c'est d'avoir une allocation des risques du contrat
20:10qui est relativement équilibrée,
20:12c'est-à-dire qui met un certain nombre de risques techniques
20:16sur la tête de l'opérateur privé
20:19puisque c'est lui qui a vraiment les compétences,
20:22les ressources pour les maîtriser au mieux,
20:24mais qui, sur certains aléas politiques et réglementaires,
20:29accepte que la puissance publique conserve une partie du risque.
20:33La difficulté qu'on rencontre aujourd'hui,
20:34on le voit sur les concessions d'autoroutes,
20:36mais pas uniquement.
20:37On le voit aussi, par exemple,
20:39sur le régime de régulation des aéroports
20:41qui posent un certain nombre de questions
20:42et qui ne s'articulent pas toujours très bien avec la concession.
20:46On constate que les opérateurs savent prendre des risques,
20:50mais il y a un certain nombre d'aléas
20:51qui ont plus de difficultés à gérer
20:52et ayant plus de difficultés à les gérer,
20:55ça va déoptimiser les projets
20:58au détriment, j'allais dire, de l'intérêt général.
21:00Quel type d'aléas en particulier ?
21:02Les aléas, notamment fiscaux.
21:04C'est un sujet dont on parle beaucoup en ce moment
21:07avec la préparation du budget,
21:09peut-être encore plus cette année que les années précédentes.
21:11Mais ce qu'on constate, c'est que les grandes concessions d'infrastructures
21:15ont besoin de stabilité et de prévisibilité.
21:18C'est comme ça que les investisseurs arrivent à accepter
21:20des niveaux de rémunération qui sont relativement agressifs
21:24et qui sont quelque part favorables à l'intérêt public.
21:27À partir du moment où, sur les dernières années de la concession,
21:30il y a des velléités de taxation qui vont crescendo
21:36à mesure que les contrats arrivent près de leur terme,
21:40ça déstabilise un petit peu le paysage,
21:42ça crée des incertitudes qui sont, je pense,
21:45préjudiciables pour toutes les parties
21:48et surtout qui peuvent justifier des taux de retour
21:52sur investissement plus élevés.
21:53Comme il y a une incertitude, comme il y a un risque,
21:55ça se traduit par une demande de rémunération accrue
21:58qui est une sorte de prime de risque.
22:00Le bon moyen d'éviter la prime de risque,
22:02c'est de donner des engagements clairs en matière de stabilité,
22:05notamment sur le plan réglementaire et fiscal.
22:08Quand vous vous engagez pour 50 ans,
22:10évidemment, il y a des aléas,
22:12mais il y a des aléas que l'État, par exemple,
22:14ou une collectivité locale peut maîtriser.
22:17Ce qu'elle peut maîtriser,
22:18elle doit pouvoir s'engager à en limiter certains effets.
22:22Ça aura un effet direct sur le taux de rémunération du contrat
22:26et donc ça coûtera moins cher à l'usager, au final.
22:29Je pense que ça, c'est quelque chose d'important.
22:31On ne le dit pas assez.
22:33Et je dirais qu'il y a une tentation un peu court-termiste
22:36qu'on observe assez régulièrement,
22:39qui consiste à avoir des cagnottes,
22:42des mannes cachées, etc.
22:44Je pense qu'avec des contrats qui sont mieux rédigés,
22:47qui sont mieux régulés dans le temps
22:48et une plus grande prévisibilité des risques,
22:51notamment réglementaires et fiscaux.
22:55On peut arriver à une équation économique
22:56qui est favorable aux personnes publiques
22:59sans pour autant tomber dans ce genre de travers.
23:04Lisibilité réglementaire, fiscale,
23:05c'est ce que souvent les investisseurs appellent de leur vœu.
23:08Alors quand on compare les temps,
23:10effectivement, de ces infrastructures,
23:1110, 20, 30, 50, 80 ans avec le temps politique,
23:14Dominique Bussereau,
23:15et vous connaissez bien ces murs,
23:17c'est vrai que ça paraît un petit peu compliqué comme équation.
23:20Il faut que l'État soit stable dans ses règles.
23:25Quand les concessions autoroutières actuelles vont se terminer
23:27entre 2031 et 2036,
23:30l'État devra les revoir.
23:32On a déjà donné dans la conférence que j'ai présidée
23:35un certain nombre de pistes,
23:37des concessions longues mais pas trop,
23:40des moyens de revoyure réguliers
23:42et pas à l'imagination des ministres ou de leurs collaborateurs,
23:45des systèmes également de retour de financement vers le transport clair.
23:53Nous pensons qu'on peut dégager 2,5 milliards, 3 milliards par an
23:56qui retournent au système de transport
23:58dans un nouveau système de concession.
24:01Peut-être, ma voisine sera peut-être triste,
24:05mais peut-être de nouveaux concessionnaires.
24:06C'est-à-dire la carte des sociétés d'autoroute
24:09à date d'une autre France.
24:11Donc on a depuis des nouveaux acteurs français et européens
24:13qui sont entrés.
24:14Mais il faut que les choses soient claires et sur le long terme.
24:17Vous voyez, ce qui s'est passé sur Tour Bordeaux,
24:20c'est qu'au départ, la SNCF était contente d'avoir une nouvelle ligne
24:23pour faire Paris-Bordeaux en grosso modo 2 heures et 6 minutes.
24:28Sauf que comme ce n'était pas elle qui se payait des péages à elle-même,
24:33elle a été extrêmement prudente et même sur le reculoir,
24:36elle n'a pas mis en place assez de trains.
24:39Ce qui fait qu'aujourd'hui, si vous voulez un billet de train
24:41pour aller de Paris-Angoulême ou Poitiers au Bordeaux,
24:44il ne faut pas rentrer dans le mathusianisme à partir de ce moment-là.
24:50Il faut que tout le monde joue le jeu.
24:51Et aujourd'hui, j'ai le plaisir de constater que la relation entre SNCF Réseau
24:55et Vinci sur l'axe Paris-Bordeaux sont parfaitement claires.
24:59Que Vinci construit un nouveau centre de maintenance au sud de Bordeaux
25:03qui va permettre l'arrivée de nouveaux prestataires
25:07et donc plus d'offres aux services des clients.
25:10Donc on est entré dans un système maintenant qui est stabilisé,
25:14où ce n'est plus la droite pour les concessions, la gauche contre, etc.
25:17Un système dans lequel on doit pouvoir faire à la fois l'entretien de l'existant
25:22et les investissements nouveaux absolument indispensables.
25:26L'investissement vers Toulouse, vers la côte espagnole,
25:29le Pays basque espagnol est important.
25:31Il y a également des accès à la Normandie et dans la région de Marseille et de Nice très important.
25:37On a le tunnel, le Lyon-Turin, dont il faut échequer le financement.
25:41Tout ça, ce sont des choses qui seront rentables dans l'usage,
25:45aussi bien pour les exploitants que pour les investisseurs.
25:49Donc il faut trouver les bonnes règles du jeu.
25:51Trouver le bon modèle et vous appelez même un nouveau modèle de financement
25:54avec la création d'une nouvelle agence de financement des infrastructures de transport en France.
25:58Elle existe déjà.
26:00Simplement, il ne faut pas la supprimer parce qu'il y a des agences qui ne servent à rien.
26:04Or, celle-ci sert à quelque chose.
26:06Et pour revenir sur ce que disait Madame tout à l'heure,
26:08si Madame Royal n'avait pas eu la somptueuse idée de stopper l'éco-tax,
26:13on aurait 8 milliards par an sur le modèle allemand de la LKV Maoth venant des poids lourds pour financer le système des transports.
26:22Et pardon, on ne serait pas aujourd'hui autour de votre micro pour chercher de l'argent.
26:25Le mot de la fin, on va vous le laisser Valérie.
26:27Merci, justement, sur ce que disait à l'instant Dominique Bussereau.
26:32Donc ces lignes, cet entretien finalement qu'il faut faire, on l'a compris.
26:37Et puis prévoir ce temps long également, c'est ce qui vous attend chez Vinci Rallways.
26:41Oui, tout à fait.
26:42Et puis je voudrais rebondir sur ce qu'a dit Dominique Bussereau.
26:45L'offre ferroviaire et développer la part modale du ferroviaire,
26:47ça passe par une infrastructure en bon état, qui soit résiliente et qui ait de la capacité.
26:52Et ça passe par de l'offre.
26:53Et effectivement, c'est important aussi d'instaurer une dynamique de l'offre
26:56pour qu'il y ait de nouveaux entrants sur les lignes à grande vitesse.
27:00Et c'est vrai que l'ISEA, le concessionnaire de la ligne Bordeaux,
27:03a pris l'initiative de financer un centre de maintenance.
27:06Puisqu'on sait que pour un nouvel entrant ferroviaire, il y a deux barrières à l'entrée principale.
27:10Acquérir du matériel roulant et avoir des capacités de maintenance.
27:13Et donc, on s'est employé à lever une de ces barrières à l'entrée
27:16pour qu'il y ait davantage d'offres sur cet axe, pour répondre à une demande croissante.
27:20Et bien voilà, en tout cas, restaurer nos infrastructures.
27:22Il y a urgence, mais c'est possible, on l'a bien compris.
27:24Merci à vous tous, Dominique Rousseau.
27:27Merci à vous, Valérie Vesque-Jean-Cart, président de Vinci et Railways,
27:30et Jean-Luc Champy de White & Case.
27:33On se retrouve très prochainement sur Vsmart pour une nouvelle émission sur les infrastructures.
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