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  • il y a 2 jours
Le niveau scolaire s'effondre, le rapport entre le maître et l'élève a été déconstruit, mais avec le déclin de l'école, toute la société en paie le prix. Dans "Désisntruire de A à Z", Jean-Noël Gaudy, agrégé de lettres modernes, nous offre une réflexion sur l'effondrement scolaire, émaillée de témoignages personnels. L'auteur invite à une prise de conscience urgente : l’instruction publique, dans sa forme actuelle, est condamnée et nécessite une reconstruction totale.

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Transcription
00:00– Chers téléspectateurs, bonjour. Dans notre Zoom du jour, nous allons à l'école,
00:10et plus précisément, nous évoquons la déconstruction de l'école.
00:13Pour en parler, nous recevons Jean-Noël Gaudy. Jean-Noël Gaudy, bonjour.
00:16– Bonjour, merci de me recevoir.
00:19– Alors Jean-Noël Gaudy, vous êtes professeur de français dans le second degré.
00:22Vous nous présentez « Désinstruire de A à Z », c'est publié aux éditions du Lys Bleu.
00:28– Alors, vous nous partagez votre expérience à travers plusieurs mots, de A à Z,
00:34absurde, bureaucratie, échec scolaire, déshumanisation,
00:38tous ces mots qui résument ce que vous appelez la désinstruction,
00:41puisque effectivement, en France, dans la culture de la déconstruction,
00:45dans cette matière de la déconstruction, il y a une discipline fondamentale,
00:48c'est évidemment déconstruire l'école.
00:50– Oui, tout à fait. Ce qui m'a frappé, au vu de mon expérience, c'est un processus,
00:56c'est-à-dire une évolution, une logique qui, bien loin d'instruire,
01:03travaille à retarder l'instruction, l'empêcher, la rendre plus difficile, l'étaler.
01:10Et les résultats, on les voit sous nos yeux.
01:15La dégringolade dans les classements PISA, l'expérience quotidienne,
01:21le contact avec de jeunes diplômés, de jeunes bacheliers,
01:25nous montre jusqu'où peut aller l'effondrement.
01:28La langue, la langue parlée, la langue d'usage, se détériore.
01:34J'y suis sensible, puisque j'ai été professeur de français.
01:38Et ce que j'ai voulu, c'est faire gagner du temps, en quelque sorte, aux lecteurs,
01:44fournir des réflexions synthétiques,
01:46et en même temps, apporter des témoignages personnels
01:51qui montrent à quel point il a été difficile de supporter ça.
01:55J'ai essayé de lutter contre ce processus de désinstruction,
01:59mais ce que j'ai vécu douloureusement,
02:02c'est vécu par beaucoup de maîtres du premier degré,
02:06j'emploie à dessein cette tournure,
02:08et beaucoup de professeurs du second degré, également,
02:12qui ont du mal à enseigner.
02:15C'est un métier qui devient de plus en plus difficile,
02:17qui est contesté dans son principe.
02:19C'est ça qui est très, très grave.
02:22Et c'est cette combinaison d'observations, d'expériences et de réflexions
02:29que j'ai voulu offrir aux lecteurs dans un format court.
02:32À travers quelques exemples assez concrets,
02:34vous nous montrez à la fois cette abolition du rapport
02:38entre le maître et l'élève,
02:39qui est un rapport sur une autorité,
02:41sur un savoir qui est transmis par le maître et qui est reçu par l'élève,
02:44et par un abaissement du niveau scolaire.
02:47Et sur ce point, vous relatez votre rencontre
02:50avec un ancien ministre de l'Éducation nationale,
02:52Jean-Pierre Chevènement,
02:53et vous l'interrogez directement.
02:55– Oui. Alors, je ne vais pas, comme on dit maintenant,
02:57divulgacher, en quelque sorte, ce passage
03:00que les lecteurs et les lectrices découvriront.
03:02Toujours est-il que, là, votre question touche
03:07à un problème absolument essentiel.
03:10Je crois que, si on est arrivé à ce processus de désinstruction,
03:16c'est en partie, l'économie n'explique pas tout,
03:21mais c'est en grande partie pour des raisons économiques.
03:26À partir du moment, et c'était principalement sous les mandats de François Mitterrand,
03:33à partir du moment où la France a été jetée dans la mondialisation
03:37par l'intermédiaire, à travers l'Union Européenne,
03:42ceux qui nous gouvernent, ceux qui nous ont gouvernés,
03:45savaient très bien quelles en seraient les conséquences.
03:49C'est-à-dire un chômage massif,
03:52une désindustrialisation,
03:54une perte d'emploi productif considérable
03:57dans l'agriculture et dans l'industrie,
03:58donc, se poser la question du flux,
04:02du flux démographique de la jeunesse.
04:05Que va-t-on faire de tous ces jeunes
04:07qui ne vont pas avoir d'emploi ?
04:09Et les lecteurs découvriront ce que,
04:13de manière indirecte, mais finalement assez nette,
04:17le ministre m'a dit, m'a avoué.
04:20C'est-à-dire que, inévitablement,
04:24il faut une école garderie.
04:27Et une école qui, si possible,
04:30enfin, un second degré, on va dire,
04:32plutôt, précisons,
04:33un second degré qui va conduire
04:36à des études supérieures
04:37qui seront une sorte de sas d'attente.
04:41C'est-à-dire qu'on a déclenché
04:43une crise du second degré général
04:45et une crise du supérieur.
04:48Et le rôle d'un ministre,
04:50c'est de gérer ces flux,
04:52de gérer cette crise,
04:53d'attendre, de remettre à plus tard
04:56des décisions
04:59qu'il ne pourrait prendre
05:01que dans un autre contexte politique.
05:04– Oui, c'est-à-dire que c'est
05:05en fait que les études durent le plus longtemps possible
05:08pour ne freiner l'entrée dans la vie active
05:10et freiner l'allongement du rang des chômeurs.
05:13– Voilà, c'est exactement ça.
05:16Ça n'explique pas tout.
05:17Je ne veux pas faire une sorte de réduction
05:20à l'économie,
05:22mais c'est, comment dire,
05:24le processus de désinstruction,
05:27c'est d'ailleurs le processus de réforme,
05:29à partir des années 90,
05:32est largement causé par la nécessité
05:36de gérer les conséquences de la mondialisation.
05:40– Alors après, il y a un autre sujet
05:42que vous évoquez,
05:44on s'en éloigne un petit peu de ces questions,
05:47mais c'est cette vision idéologique,
05:51c'est adapter l'école
05:54à chaque particularité de chaque élève,
05:56ce qui relève tout simplement de l'utopie
05:58et ce qui provoque de graves problèmes
06:00d'adaptation finalement.
06:01– Oui, alors la désinstruction repose sur une,
06:05ce n'est pas la seule,
06:05mais sur une contradiction tout à fait étonnante
06:08et insupportable pour ceux qui enseignent,
06:11c'est-à-dire qu'il faut accueillir tout le monde,
06:14c'est l'école inclusive,
06:16c'est l'école pour tous,
06:17c'est le collège unique
06:18et pratiquement le lycée unique
06:20et en même temps,
06:22comme on accueille tout le monde
06:23et que les capacités sont divergentes,
06:27sont très diverses,
06:28il faut en même temps différencier la pédagogie,
06:32c'est-à-dire à la limite,
06:33il faudrait faire un enseignement pour chaque élève,
06:36mais dans le collège unique,
06:39dans la méga machine pédagogique
06:43qui, elle, encadre tout le monde
06:45et veut avoir le monopole de l'éducation,
06:49on va dire de la scolarisation.
06:50– Oui, exactement.
06:51– Mais ce qui entraîne énormément de complications,
06:54d'ailleurs, pour les enseignants comme vous,
06:56c'est-à-dire que vous devez en se mettre un savoir,
07:00mais en fait, adapter à chaque élève
07:02et en fait, c'est vous qui vous mettez au service de l'élève
07:05et comment se mettre au service de 30 élèves par classe,
07:08de façon individuelle pour chaque élève ?
07:09– Oui, absolument.
07:10Il est impossible de satisfaire tous ces, comment dire,
07:14tous ces usagers, puisque c'est un service public,
07:17il est impossible de satisfaire tous les consommateurs
07:20que sont certains parents,
07:22qui sont tatillons et soupçonneux,
07:24si bien que c'est une tâche qui devient absolument impossible
07:30et il est très difficile de trouver un, comment dire,
07:35un niveau qui convienne à tous,
07:36puisqu'on rassemble dans la même classe
07:40des élèves qui ont des capacités extrêmement différentes.
07:46On aurait tout à gagner à faire en sorte
07:49que chacun se sente à l'aise.
07:51Il ne s'agit pas de segmenter à outrance, bien sûr,
07:55sur une base ultra-sélective et prématurée,
07:58mais il faut quand même reconnaître,
08:00je vais donner un chiffre qui n'est pas de la statistique officielle,
08:05mais dans mes dernières années, en seconde,
08:08là je vais peut-être surprendre des téléspectateurs
08:11et en choquer d'autres,
08:13sur 35 élèves, j'évalue, j'évaluais à 7 ou 8
08:18ceux qui étaient véritablement à leur place
08:22dans un second degré général.
08:24Les autres auraient eu tout à gagner
08:25à se tourner vers des formations plus concrètes,
08:28ils auraient repris courage,
08:30on aurait évité cette apathie que j'évoque dans mon ouvrage,
08:34c'est-à-dire des classes où on attend que le temps passe,
08:38quand ce n'est pas l'agitation, parce qu'on s'ennuie,
08:43parce que tout ce monde verbal, finalement,
08:46tout ce monde théorique qu'est l'école,
08:49il n'est pas, je dirais, le terme serait discutable,
08:53mais il n'est pas naturel pour l'ensemble des élèves.
08:57Avec la maturité, avec la puberté, vient l'envie d'agir,
09:02l'envie de s'insérer,
09:04l'envie de, comment dire,
09:07de s'investir dans quelque chose de concret,
09:12de palpable, de gratifiant socialement.
09:14Et là, on retire toute cette jeunesse
09:17et on l'enferme, en quelque sorte,
09:19on la garde à l'abri,
09:22parce qu'on craint qu'elle soit dans la rue,
09:24on craint qu'elle demande un emploi,
09:28il faut donc la maintenir dans un espace clos.
09:30Il ne faut surtout pas l'exclure,
09:33il faut la garder.
09:35– Et voilà, le tout sous ou non d'une bienveillance,
09:39d'une psychologie positive,
09:41qui en fait ne profite absolument pas aux élèves,
09:44pas plus qu'aux enseignants d'ailleurs.
09:44– Oui, parce que la psychologie telle qu'elle est utilisée
09:50dans les instituts de formation des maîtres,
09:52c'est un instrument qui vise à mettre en cause
09:56la nécessaire autorité.
09:59Je ne suis pas, comment dire,
10:01je ne défends pas la discipline pour la discipline.
10:05Je défends la discipline pour les disciplines.
10:10Je défends, non pas la discipline pour marcher en rang,
10:13mais la discipline qui est nécessaire pour instruire,
10:17dont chacun a besoin.
10:19Le premier besoin d'un élève, c'est le silence.
10:24Le silence pour écouter le maître,
10:26le silence pour réfléchir,
10:28le silence pour prendre la parole
10:30et être écouté par les autres.
10:32Et s'il n'y a pas un maître respecté,
10:36qui n'est pas un tyran,
10:38en latin on a deux mots,
10:40on a magistère et dominus.
10:42Dominus, c'est le patron.
10:44Magistère, c'est le maître d'école.
10:46Eh bien, il faut que les maîtres,
10:48il faut que les professeurs du second degré
10:50soient reconnus dans leur magistère
10:53pour reprendre cette référence latine.
10:56– Alors, vous parlez,
10:58donc là vous parlez du point de vue des maîtres et des professeurs,
11:00mais il y a le mot bureaucratie
11:02qui est dans votre dictionnaire, si je puis dire.
11:05D'autres y renvoient cynisme, insignifiance.
11:07Alors, vous nous racontez vraiment les coulisses du métier,
11:10à travers notamment aussi le chapitre conseil de classe.
11:14On a l'impression que dans une école,
11:17et même de façon plus large,
11:18le rectorat, le ministère,
11:20il y a toute une profession,
11:23tout un tas de métiers
11:24qui oublient cette mission de l'école.
11:26– Oui, exactement.
11:27Et c'est là qu'on mesure l'intensité de la crise.
11:31C'est-à-dire, vous avez la méga-machine
11:33a perdu la notion de sa fin.
11:38Elle ne sait plus,
11:39elle ne sait plus pourquoi elle tourne.
11:41Sinon, pour la garderie,
11:43elle a perdu de vue l'instruction.
11:46La transmission des connaissances
11:47n'est pas radicalement niée,
11:52mais en fait, c'est une fonction seconde.
11:55C'est-à-dire qu'il faut un adulte devant les élèves,
11:59il faut des élèves, des jeunes,
12:01d'ailleurs, certains chefs d'établissement
12:03vont prendre le mot jeunes,
12:04il faut des jeunes dans un lycée,
12:06dans un établissement,
12:08mais la machine tourne sur elle-même
12:11en oubliant qu'il y a,
12:15à travers l'instruction,
12:17je dirais une transcendance.
12:19Il y a quelque chose qui dépasse
12:21la simple transmission.
12:24L'école, c'est quand même, en France,
12:27le creuset de la République.
12:30On est censé éduquer la nation aussi.
12:34Et en mettant l'accent sur la garderie,
12:38on oublie cette fonction-là,
12:40et le niveau baisse,
12:42l'essentiel est perdu de vue,
12:44on met en place des emplois du temps,
12:48on ne vérifie pas véritablement
12:50le niveau obtenu,
12:53on donne des notes qui font plaisir,
12:55on donne un baccalauréat
12:57qui est un assignat,
13:00c'est-à-dire qu'on donne
13:01de la morphine sociale,
13:03en quelque sorte.
13:04Mais, comment dire,
13:06cela se paye.
13:08C'est-à-dire que nous dégringolons
13:10dans les classements pizards.
13:12En revanche, nous sommes très bien placés,
13:14je crois que nous avons la troisième position
13:15en termes d'agitation
13:17et d'indiscipline scolaire.
13:19– On est bon à quelque chose,
13:19au moins.
13:20– Donc, ce détournement
13:23de la mission de l'école,
13:25vous l'évoquez à travers
13:25des exemples concrets,
13:26notamment le détournement
13:27des missions de l'enseignant,
13:29beaucoup d'activités extrascolaires,
13:31vous évoquez la question des voyages,
13:33la distraction des élèves,
13:34vous prenez l'exemple
13:35des travaux personnels encadrés,
13:38les TPE qui n'existent plus,
13:40pour les élèves qui ont connu les TPE,
13:41on appelait ça
13:42le temps perdu ensemble.
13:44– Oui.
13:44– Le TPE ne voulait plus dire
13:45travaux personnels encadrés,
13:46il voulait dire temps perdu ensemble.
13:47– Oui, c'est une bonne définition,
13:49une bonne manière de définir l'acronyme.
13:51– Oui, effectivement, je confirme,
13:54en tant qu'ancien élève,
13:57pour vous, c'est du divertissement,
14:00c'est du détournement,
14:02pas les TPE seulement,
14:03mais les voyages,
14:05les nombreuses activités extrascolaires.
14:06– C'est-à-dire qu'on peut apprendre
14:09en voyage,
14:10un voyage finalement
14:11est peut-être instructif,
14:13mais le fait de promouvoir
14:15tout ce qui est non proprement scolaire,
14:19le fait d'en faire l'événement,
14:22d'en faire ce qui compte,
14:25ce qui distingue un établissement,
14:27c'est un signe,
14:28c'est un signe de décentrement
14:30de l'institution,
14:32qui privilégie ce qui n'est pas scolaire.
14:36Le scolaire, on peut l'interrompre,
14:38on peut interrompre un cours,
14:40on peut changer un emploi du temps,
14:42s'il y a une association
14:45qui doit intervenir,
14:46s'il y a une réunion
14:47qui doit se faire.
14:48C'est-à-dire que l'enseignement,
14:50c'est sur quoi on empiète,
14:51vous voyez,
14:52l'emploi du temps,
14:53c'est ce qui peut être modifié,
14:55alors que ce sont des garanties
14:57pour l'élève,
14:58pour ses parents,
14:59pour la nation en fait aussi,
15:01d'une certaine manière,
15:02et c'est une manière
15:04d'éviter le divertissement,
15:06dont certains ministres,
15:09d'ailleurs, sont soucieux.
15:10Ils disent qu'il ne faut pas
15:11que l'élève s'ennuie,
15:13ils ne parlent jamais d'efforts,
15:15je n'ai pas cherché naturellement
15:18à ennuyer mes élèves, évidemment,
15:20mais vous voyez,
15:21l'accent mis sur le plaisir immédiat,
15:23le voyage,
15:27tout ce qui est non proprement scolaire,
15:30ne peut conduire
15:31qu'à un affaiblissement de l'instruction.
15:33– Oui, ce que vous dites en fait,
15:34c'est qu'il y a une logique
15:35de faire, faire,
15:36les professeurs qui proposent,
15:39par exemple,
15:39un nouveau voyage étranger
15:40vont être valorisés.
15:41– Oui, oui, oui,
15:41ah oui, leur carrière
15:42va s'en ressentir positivement.
15:45Quelqu'un qui ne ferait que cours,
15:47oulala,
15:48justement,
15:50il n'est pas bien en cours.
15:52– Alors que,
15:53justement,
15:53tous ces voyages,
15:55ou peut-être la visite d'un musée aussi,
15:57visite d'un site historique,
15:57peuvent être un bonus
15:59par rapport au cours,
16:00mais l'essentiel doit être centré
16:02sur le cours.
16:03– C'est ça,
16:03surtout que les moyens modernes
16:06permettraient
16:06d'économiser sur les sorties.
16:09Songez que
16:10nous avons des moyens vidéo,
16:13des moyens de…
16:14Il y aurait un pôle
16:16de création
16:16de vidéos
16:17pédagogiques
16:18nationales
16:18qui permettraient
16:21de montrer aux élèves
16:22un certain nombre
16:22de choses,
16:23mais on économiserait.
16:25Bon, ça ne remplace pas
16:25l'expérience directe
16:26qui peut être faite
16:27avec les parents,
16:28mais au moins,
16:29on n'aurait pas
16:29à se déplacer
16:30et les élèves,
16:32dès l'école élémentaire,
16:34en géographie,
16:35verraient
16:36les falaises d'Etreutat,
16:37la côte méditerranéenne
16:39et leur environnement immédiat,
16:42comment dire,
16:43avec des vidéos.
16:45– Même un peu plus de concret
16:46quand on voit
16:47l'épisode
16:47de ses propres yeux,
16:48n'est-ce pas ?
16:48– Ah, bien sûr.
16:50Mais, comment dire,
16:51le temps est compté.
16:53L'instruction,
16:54ça consiste
16:54à concentrer le temps,
16:56à faire un temps qualitatif,
16:57à faire un temps,
16:58comment dire,
16:59enfin,
17:00où on dit
17:01beaucoup de choses
17:01en peu de mots,
17:02enfin,
17:02on n'étourdit pas
17:03les élèves de mots,
17:04mais où on cherche,
17:05justement,
17:06à faire un temps complet,
17:08alors que la vie,
17:09elle,
17:10c'est le temps dilué,
17:11c'est le temps non ordonné.
17:13Que fait le maître ?
17:14Que fait le professeur ?
17:15Il rationalise
17:16l'emploi du temps,
17:18l'emploi de son temps.
17:20Il sait
17:21quand il faut ralentir,
17:23il sait
17:23quand on peut aller
17:24directement à l'essentiel,
17:26mais il ne fait pas
17:27perdre son temps
17:28aux élèves.
17:30L'heure de cours
17:31doit être pleine.
17:34Ça ne veut pas dire
17:35qu'elle saoule,
17:36l'élève,
17:37mais l'heure de cours,
17:39c'est une manière
17:40d'utiliser au mieux
17:42son temps
17:42pour apprendre.
17:44Alors,
17:45cette question
17:45de la désinstruction,
17:47en tant que professeur
17:47de français,
17:48vous évoquez
17:48dans plusieurs chapitres
17:50votre discipline.
17:51Vous parlez
17:52à un moment
17:52de l'orthographe,
17:53alors,
17:54c'est un des vrais
17:55symptômes,
17:55la désinstruction.
17:56Oui,
17:57oui,
17:57absolument.
17:59Et là,
18:00ce qui est très douloureux,
18:01c'est que l'orthographe,
18:03c'est en quelque sorte
18:04une sorte
18:05d'acquis
18:07de la République.
18:09Enfin,
18:09elle symbolise
18:10la discipline,
18:12la rigueur
18:13et le souci
18:14de l'autre.
18:15On ne sait pas
18:16ce qu'on a perdu
18:17en laissant couler
18:18l'orthographe,
18:19en la laissant aller.
18:21rendre un texte...
18:23Alors,
18:24les lecteurs
18:25tâtillons verront
18:26que j'ai laissé
18:26moi-même
18:27deux fautes
18:28d'orthographe.
18:29Ils pourront
18:30s'exercer
18:31à les rechercher.
18:32Mais le souci
18:33de l'orthographe,
18:34c'est le souci
18:35du travail bien fait,
18:37c'est le souci
18:37du respect
18:38du code commun,
18:40du bien commun,
18:41donc de la
18:42res publica,
18:43qui se cristallise
18:45en France
18:45par la langue.
18:46Et on est frappé
18:49lorsqu'on regarde
18:50les instructions
18:51par exemple
18:53des années 1920
18:54sur le fait
18:56que la langue
18:57de l'école,
18:58elle est indexée
18:59sur la langue littéraire.
19:01C'est-à-dire
19:01on cherche,
19:04on essaye
19:04d'égaler,
19:05on essaye
19:06d'approcher,
19:07en tout cas,
19:07on prend pour référence
19:08la langue littéraire.
19:10Alors que dans
19:10les années 70,
19:11une rupture
19:12est apparue,
19:13on a brisé
19:15cette référence
19:16donc l'orthographe
19:18a cessé,
19:20a perdu
19:21de son importance
19:22et par l'orthographe,
19:25il y a eu
19:26une déperdition
19:26grammaticale,
19:27il y a eu
19:27une déperdition
19:28des capacités
19:29d'expression
19:30et je cite,
19:33enfin,
19:33j'ai corrigé
19:34des copies de BTS,
19:35c'est-à-dire
19:35des étudiants
19:37qui ont derrière eux
19:3915 années
19:39de scolarité
19:41et sur
19:4248 copies,
19:44je n'en ai trouvé
19:44que 2
19:45qui n'avaient pas
19:46de faute
19:46d'orthographe
19:47dans les 2
19:48premières lignes.
19:49Non,
19:49c'est dire
19:50à quel point,
19:51et le baccalauréat
19:52est concerné,
19:52enfin,
19:53non seulement
19:54l'orthographe
19:54est atteinte,
19:55mais la langue
19:56elle-même
19:56et beaucoup
19:58de copies
19:58relèvent
19:59du charabia.
20:00Voilà où on en est.
20:02Il faut absolument
20:02arrêter ça.
20:04ça reflète
20:05une absence
20:06de structure
20:06de la pensée.
20:08Également,
20:09voilà,
20:10non seulement,
20:11enfin,
20:12la perte
20:12de l'orthographe
20:13c'est une perte
20:13de la capacité
20:14d'attention,
20:15la capacité
20:16de concentration,
20:17mais lorsque
20:18la syntaxe
20:19est atteinte,
20:20lorsque l'expression
20:20est atteinte,
20:21c'est,
20:22comme vous dites,
20:23c'est vraiment
20:23la capacité
20:24de s'exprimer
20:25soi-même,
20:26d'exprimer
20:26une pensée
20:27qui est compromise.
20:27– Alors,
20:30vous évoquez
20:31plusieurs ministres
20:32qui ont accompagné
20:34ce phénomène
20:35de désinstruction.
20:38Y a-t-il,
20:39selon vous,
20:39des réformes
20:39qui ont été
20:40particulièrement
20:41dommageables ?
20:42– Alors,
20:44là,
20:46vous me prenez
20:46un peu au dépourvu.
20:48Je dirais,
20:50premièrement,
20:51la réforme à bille,
20:52si on parle
20:53en termes de réforme.
20:55La réforme à bille
20:56et le collège unique
20:56et la deuxième
20:59qui me vient
21:00à l'esprit,
21:01la loi du 10 juillet 89,
21:03la loi Jospin.
21:05Le collège unique
21:06est ce qu'on pourrait
21:07appeler
21:08l'école idéologique
21:13avec la loi Jospin.
21:15Le redoublement
21:16de première en terminale
21:19qui est simplement
21:21sur demande.
21:22Le fait que
21:23les conseils de classe
21:23sont dépossédés
21:24de leurs prérogatives
21:26l'organisation
21:27de la pression
21:28des parents d'élèves
21:29sur les chefs
21:31d'établissement
21:31et les professeurs,
21:33l'organisation
21:35des élèves
21:36comme une sorte
21:37de société politique
21:38qui élit
21:38des délégués
21:39et des délégués
21:40académiques,
21:42tout ça
21:42a contribué
21:44à fortement
21:45dégrader
21:45l'enseignement.
21:48c'est un processus
21:52il y a de malheureux
21:54temps forts
21:55mais c'est tout
21:56un processus
21:57qui a été à l'oeuvre.
21:58Aucun des ministres
21:59n'a remis en cause
22:00la réforme
22:01destructrice
22:02précédente.
22:03Ils ont tous
22:04repeint gris sur gris
22:05la même réforme.
22:06Et alors
22:07pour conclure
22:09peut-être sur
22:09quelques notes optimistes
22:11y a-t-il
22:11quelques perspectives
22:14à étudier
22:14sans tenir compte
22:16de notre gouvernement
22:18actuel
22:18dont on ne sait pas
22:19de quelle couleur
22:20il sera
22:20le demain
22:21ou après-demain
22:22quelles pistes
22:23les prochains
22:24ministres
22:25de l'éducation nationale
22:25pourraient étudier
22:26selon vous ?
22:28Alors
22:28je reviens
22:29sur ce que j'ai dit
22:29je pense
22:30qu'une véritable
22:31politique
22:34de retour
22:35à l'instruction
22:36ne peut se faire
22:36que dans un autre
22:38contexte politique.
22:40Il faut que la pression
22:41de la nécessité
22:42de transformer
22:43l'école en garderie
22:45disparaisse.
22:47C'est la condition politique.
22:49Après
22:49je me demande
22:51au point
22:51où nous en sommes arrivés
22:53s'il ne faut pas
22:54je ne parlerai
22:55que de l'école élémentaire
22:56s'il ne faut pas
22:57donner le choix
22:58que l'État
23:00organise
23:01une concurrence
23:03entre une école
23:03qui reste
23:04ce qu'elle est
23:0524 heures par semaine
23:07l'école des bisounours
23:08actuellement
23:09et une école
23:11où on reviendrait
23:12à 27 heures
23:13où les parents
23:14sont les parents
23:15et les maîtres
23:16sont les maîtres.
23:18Les maîtres
23:19ont de l'autorité
23:21ils ont
23:23on rétablit
23:25dans les programmes
23:25en s'inspirant
23:26du passé
23:27et de ce qui se passe
23:28autour de nous
23:29on rétablit
23:30des programmes
23:31exigeants
23:32on fait en sorte
23:34que l'école
23:35s'adresse à tous
23:35on en finit
23:36avec la méthode globale
23:39on retrouve
23:40les principes
23:40de l'instruction publique
23:41voilà
23:42une possibilité
23:44qui pourrait
23:46sauver
23:47l'instruction publique
23:47mais
23:47je crois que
23:49elle est ancrée
23:50dans l'esprit français
23:53encore
23:53et
23:54nous pouvons
23:55faire fond
23:56sur un passé
23:57nous avons
23:58des penseurs
24:00de l'instruction publique
24:01et il s'agit
24:02simplement
24:03d'aller
24:03de revenir
24:04à la source
24:05pour rebâtir
24:06l'instruction publique
24:07quand on voit
24:08à quel point
24:09l'école
24:10donne une place
24:11importante en France
24:11vous l'avez dit
24:13à quel point
24:14les lycées français
24:15ont été enviés
24:16enfin ils le sont
24:17toujours d'ailleurs
24:17oui oui oui
24:18tout à fait
24:18merci beaucoup
24:20Jean-Noël Gaudy
24:21alors
24:21chers téléspectateurs
24:22c'était
24:23désinstruire
24:26désinstruire
24:26de A à Z
24:27c'est aux éditions
24:28le Lisbleu
24:28et c'est sur la boutique
24:29TVL
24:30au revoir Jean-Noël Gaudy
24:31et chers téléspectateurs
24:33bonne journée à vous
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