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00:00Depuis sa sortie mercredi dernier, il fait beaucoup parler dans le monde du hip-hop, mais pas que.
00:06Les journalistes Paul Deutschman, Johan Tilwin et Simon Piel viennent de sortir ce livre
00:11« L'Empire, enquête au cœur du rap français, enquête aux éditions Flammarion ».
00:17Et ce matin, j'ai la chance de recevoir l'un de ses co-auteurs, Simon Piel, journaliste au journal Le Monde.
00:22Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation pour nous parler de ce livre
00:27qui décrit un monde du rap qui a beaucoup changé en 10-15 ans.
00:32Il est de plus en plus éloigné des questions sociales, il est de plus en plus proche des milieux d'argent, du pouvoir,
00:37mais aussi et surtout du grand banditisme qui a su en gros flairer les dizaines de millions d'euros que brasse chaque année le rap en France.
00:44Ce livre, c'est deux ans d'enquête, en France mais aussi à Dubaï, Casablanca, Kinshasa.
00:48C'est quoi le point de départ ? L'idée, elle vous vient de quoi ?
00:52La mort du proche du rappeur marseillais SCH, c'est lui qui a été visé par la DZ Mafia
00:57et c'est son proche qui a été tué dans un convoi ?
01:00L'idée, elle est plus large au départ, elle vient du constat que le rap est la musique la plus populaire de France
01:06et pour autant qu'à ce jour, il n'y avait pas vraiment d'enquête poussée sur cet écosystème, sur cette économie.
01:12Et donc, c'est une idée, l'idée au départ, c'est de raconter un pouvoir.
01:17Et quand on s'est lancé dans cette enquête avec Johan Tillouin et Paul Dutchman,
01:20c'est vrai qu'on a été surpris du niveau d'emprise criminelle que nous racontaient nos interlocuteurs au sein de l'industrie du disque
01:27parce que la plupart du temps, c'est eux qui nous en parlaient spontanément
01:30en nous disant depuis deux, trois ans, l'ambiance a changé, il y a beaucoup, beaucoup d'argent dans le rap
01:36et ça suscite des convoitises, notamment du banditisme.
01:40Oui, parce que le rap a changé parce que les artistes ont davantage la main sur leur revenu,
01:46ils ne négocient plus les contrats comme ils les faisaient avant,
01:48ce n'est plus les contrats d'artistes où ils touchaient quelques pourcentages.
01:51Aujourd'hui, ils ont des intermédiaires, ils passent par des boîtes de prod
01:54et au final, il y a des liens qui se créent avec le crime organisé, avec le trafic de drogue.
02:02Dans quel sens ça marche ?
02:03Est-ce que ce sont des rappeurs issus du banditisme ou le banditisme et le narcotrafic
02:09qui va venir se greffer au monde du rap ?
02:11Alors, il y a un point qui est crucial et que vous avez mentionné,
02:15c'est l'arrivée du contrat de distribution où effectivement les artistes ont repris la main
02:21dans les négociations avec les majors et ont pu négocier des contrats
02:25qui leur étaient beaucoup plus favorables qu'auparavant,
02:27ce qui a amené beaucoup d'argent, ce qui a suscité des convoitises.
02:30Il y a toujours eu une porosité entre le milieu du rap et le milieu du banditisme,
02:37plus ou moins répandue, mais là, cette quantité d'argent a réveillé les convoitises
02:43d'organisations criminelles issues du milieu comme la DZ Mafia ou d'autres.
02:49Et en gros, ce sont des groupes criminels qui vont venir se greffer,
02:53qui vont repérer un rappeur qui génère beaucoup d'argent,
02:56qui vont dire « Coco, on va intervenir dans ton business ».
03:00On te propose une protection et si tu ne la veux pas, gare à toi.
03:04L'exemple de SCH est assez emblématique.
03:08Lui-même, quand il s'est confié aux enquêteurs de la gendarmerie
03:11après l'attaque mortelle dont son équipe a été victime…
03:14Alors que c'est lui qui était ciblé.
03:15Alors que c'est lui qui était ciblé.
03:17Il a raconté son succès comme une malédiction.
03:21Et finalement, je pense que ça fait écho à ce que peuvent ressentir
03:24beaucoup de rappeurs dès lors qu'ils rencontrent du succès,
03:27c'est que lui a dû faire face à des offres de protection,
03:32entre guillemets, des offres de protection qui sont en fait des offres de protection mafieuse,
03:38qu'on n'a pas loisir de refuser, sauf à s'exposer à des représailles.
03:43Et l'attaque de la grande motte en est la preuve tragique.
03:47Et SCH, ce n'est pas le seul.
03:48Ça va poser beaucoup de problèmes à certains artistes.
03:49On apprend que Joule, par exemple, dans le premier producteur,
03:52est assassiné.
03:54La famille de ce producteur va prendre le relais.
03:57Et là, en fait, il se rend compte qu'il s'est fait avoir pendant plusieurs années.
04:00Il craint pour sa vie.
04:02Il va se cacher.
04:02Et il préfère même céder les droits de ses premiers albums
04:06et de ses premières mixtapes à ces familles-là,
04:11quitte à s'asseoir sur des revenus d'un million d'euros par an
04:13pour, en gros, sauver sa vie et passer à autre chose.
04:16Et pour prendre son indépendance.
04:19Mais sauf que, en fait, tout ça est assez nuancé.
04:22Parce que, par ailleurs, il entretenait des liens vraiment proches et intimes
04:26avec son premier producteur, qui était quelqu'un de passionné par la musique
04:31et qui voyait dans la musique l'occasion de se sortir de son milieu
04:36des guerres de la drogue à Marseille,
04:38qui a malheureusement pour lui été rattrapé par ces guerres-là.
04:41Mais Joule, au bout d'un moment, effectivement, réalise que l'argent
04:46que génère son succès ne lui est pas équitablement réparti
04:51comme ça lui a été fait.
04:52– Il y a des versements liquides.
04:53– Il y a des versements liquides.
04:56Bon, voilà.
04:56Et au bout d'un moment, Joule se dit, il faut que je prenne mon indépendance,
05:01que je crée mon propre label et que je m'affranchisse de cette tutelle
05:05qui se sert un peu trop sur la bête, selon lui.
05:09– Parce qu'il y a des sortes de parasites qui viennent là-dedans,
05:12vous les appelez dans le livre des narcoproducteurs,
05:15qui vont venir se greffer dans les petites lignes des contrats
05:17signés avec les maisons de disques.
05:19On entend parler de certaines entreprises.
05:22Et finalement, les majors, elles ferment un peu les yeux,
05:26elles voient des noms de compagnies dans les contrats,
05:28elles ne vont pas aller gratter pour savoir si derrière,
05:30il y a la DZ Mafia, par exemple.
05:32– Elles ne vont pas aller gratter parce qu'elles n'ont pas envie d'aller gratter,
05:35parce qu'elles ne veulent pas de conflit,
05:37parce qu'elles veulent garder la main sur cette révolution rap du streaming
05:44qui génère énormément d'argent, elles ne veulent pas passer à côté de ça,
05:48quitte parfois à s'engager sur des terrains un peu glissants
05:52ou à fermer les yeux sur un coproducteur dont on sait
05:56qu'il a une réputation un peu sulfureuse.
05:58– Et ça va même plus loin, parce qu'il y a des groupes comme la DZ Mafia
06:01qui ont presque des divisions, comme une multinationale,
06:04il y a une partie qui va s'occuper du trafic de drogue,
06:07l'autre qui va s'occuper du racket, une autre qui va s'occuper exclusivement de la musique.
06:11C'est vraiment investi par ces groupes criminels.
06:14– Alors c'est comme ça que c'est présenté dans certains rapports de police
06:18qu'on a pu consulter.
06:21Effectivement, il y a une organisation, il y a une volonté aussi
06:24de se diversifier dans ces activités criminelles,
06:29notamment parce que depuis 2-3 ans, la réponse du pouvoir politique
06:34au trafic de drogue s'est musclée, qu'il y a donc quand même
06:37de plus en plus de risques à se livrer à cette activité
06:41et qu'il est parfois considéré que le racket d'un rappeur
06:45peut être très rentable pour un peu moins de risques pris
06:48par rapport à d'autres activités délictueuses.
06:50– Et ça fait des victimes, le rappeur Maès, lui, il est en prison au Maroc.
06:54Il avait quitté la France où il était menacé, il a trouvé refuge à Dubaï,
06:57où il pourrait avoir essayé de préparer des représailles
07:02contre ceux qui voulaient s'en prendre à lui.
07:03Par peur d'une extradition, il quitte Dubaï pour aller au Maroc
07:08où il est donc emprisonné aujourd'hui.
07:10Ça, c'est la révélation de ces liens entre gang et rappeurs
07:12d'une guerre qui va trop loin et qui est en train de sortir son milieu petit à petit.
07:16– Oui, c'est une histoire assez tragique, celle de Maès,
07:19parce qu'en fait, à compter du moment où il a rencontré du succès,
07:22il a été rappelé un peu à ses origines du quartier.
07:28On lui a demandé d'aider des jeunes à monter,
07:33de faire des chansons, des featuring avec certains plus jeunes.
07:38Ce qu'il a refusé, la tension est montée et à bout d'un moment,
07:42il a compris que sa sécurité était en jeu et qu'il fallait qu'il quitte la France.
07:46Ce qu'il a fait pour Dubaï, tout en nourrissant depuis son exil
07:51un sentiment de vengeance, une envie de vengeance
07:55par rapport à ceux qui l'avaient poussé à fuir.
07:59Et aujourd'hui, effectivement, la justice le soupçonne de faits relativement graves.
08:04Alors, il est incarcéré au Maroc, il reste présumé innocent.
08:08Mais c'est l'incarnation d'une trajectoire d'un rappeur à succès
08:13qui s'est perdu au milieu des pressions qu'il pouvait rencontrer lui-même
08:20et des représailles que lui voulait mettre en place.
08:23Alors, ce livre, il ne faut pas le résumer qu'au crime organisé
08:25et au trafic de drogue.
08:27Parce qu'il n'y a pas que la violence, les gangs qui sont dans votre livre.
08:30Il y a aussi des rappeurs qui, parfois, sont au manque de reconnaissance en France
08:34et qui se tournent vers ce qu'on appelle le sud global.
08:36Beaucoup de pays d'Afrique francophones où ils sont mieux considérés,
08:39mieux payés, mieux reçus, proches des puissants.
08:42C'est le cas de Gims et d'autres, Maroc, Sénégal, Côte d'Ivoire, Bénin, Guinée
08:45et bien sûr RDC pour le cas de Gims.
08:48Qu'est-ce qu'ils ont trouvé là-bas qu'ils n'ont pas ici ?
08:52Vous dites dans le livre qu'ils fuient une sorte de racisme systémique ici en France.
08:56– Oui, je pense qu'une partie d'entre eux considère que la France
08:59n'a pas tenu ses promesses vis-à-vis de la jeunesse des quartiers populaires.
09:05Je pense que la génération des rappeurs d'avant a été déçue de promesses non tenues,
09:13notamment du Parti socialiste.
09:15Il y avait des rappeurs qui s'étaient engagés, qui faisaient des textes militants, des textes conscients.
09:19Et la génération qui est arrivée après, finalement, elle prend acte du fait que,
09:24pour eux, la France ne fera pas grand-chose et qu'il vaut mieux se tourner vers le sud global
09:31que vers une France jugée déclinante, parfois avec un esprit encore un peu post-colonial.
09:39Donc, ils sont à la fois dans une quête identitaire de retour aux sources en Afrique.
09:45Vous parliez de Gims en RDC.
09:48Et c'est aussi une quête de développement de réseaux, de développement commercial.
09:53– Oui, de développement économique.
09:54– Et d'une forme de diplomatie culturelle qui peuvent exercer du fait de leur grande renommée.
10:03Donc, c'est un ensemble.
10:04C'est à la fois une déception vis-à-vis de la manière dont la France les a aidés ou pas aidés
10:11et la nécessité de se tourner vers ce qu'ils considèrent être l'avenir,
10:16c'est-à-dire le sud, l'Afrique, le Congo pour Gims,
10:20le Maroc où il est établi, par exemple.
10:22– C'est tout un système qui est décortiqué dans ce livre.
10:26En fait, c'est les rouages de tout cet empire.
10:27Il n'y a pas que le trafic de drogue.
10:29C'est passionnant.
10:30Ça s'appelle donc l'Empire, enquête au cœur du rap français.
10:34C'est sorti aux éditions Flammarion.
10:36Et vous le signez donc Simon Piel aux côtés de Paul Deutschman et de Johan Tilwin.
10:41– Sous-titrage Société Radio-Canada
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