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Xavier Driencourt était l’invité de #LaGrandeInterview de Sonia Mabrouk dans #LaMatinale sur CNEWS, en partenariat avec Europe 1.

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00:00La grande interview sur CNews et Européens, mon invité ce matin est un diplomate aguerri.
00:05Il a été par deux fois ambassadeur de France en Algérie.
00:08Il est l'auteur du livre France-Algérie, le double aveuglement aux éditions de l'Observatoire.
00:12Bonjour et bienvenue Xavier Dreyancourt.
00:15Merci de votre présence.
00:16Et avant d'évoquer les conséquences notamment du vote à l'Assemblée de la dénonciation des accords franco-algériens de 68,
00:22une question sur Emmanuel Macron.
00:24Vous avez été ambassadeur en Algérie, j'ai dit par deux fois, sous Nicolas Sarkozy,
00:28sous le premier mandat de l'actuel chef de l'État qui accuse une impopularité record, un isolement conséquent.
00:35Selon vous Xavier Dreyancourt, que pèse que vaut encore la voix de la France sous Emmanuel Macron ?
00:42La voix de la France à l'international en fait beaucoup d'agitation, beaucoup de présence, beaucoup de paroles.
00:51Mais en tout cas je vois qu'au Maghreb et notamment en Algérie, nous ne sommes pas beaucoup respectés.
00:58C'est une question de respect aujourd'hui, c'est-à-dire que ce n'est même plus une question d'être écoutés, nous ne sommes plus respectés.
01:02Nous ne sommes pas beaucoup respectés, en tout cas en Algérie, c'est flagrant.
01:06Et puis en Europe, on a du mal à faire avancer nos idées, on va signer probablement ou accepter l'accord avec le Mercosur.
01:15Et toutes les conséquences évidemment, on a une pensée pour nos agriculteurs, nos paysans plus largement.
01:20Justement, faites référence à notre relation évidemment avec l'Algérie, vous êtes un fin connaisseur de cette relation, Xavier Dreyancourt.
01:26Quelques jours après l'adoption à l'Assemblée nationale, à une voix près de cette résolution du RN visant à dénoncer ces accords franco-algériens de 68,
01:34le ministre de l'Intérieur, Laurent Nunez, a déploré ce vote.
01:38Tout d'abord, pour vous, qu'a-t-il représenté ce vote ?
01:41Ce vote, il y a deux aspects dans ce vote.
01:45Il y a l'aspect politique intérieur, si je puis dire.
01:49On voit que l'idée de dénoncer l'accord de 1968 avec l'Algérie a énormément progressé,
01:56puisque la résolution a été adoptée à une voix de majorité, certes, mais elle a été adoptée.
02:02Donc cette idée qui était initialement une idée de la droite ou du RN est aujourd'hui acceptée par une bonne partie de la classe politique.
02:10Et que ça, c'est l'aspect intérieur.
02:12Sauf la gauche, oui.
02:13Sauf la gauche.
02:15Et l'aspect international, moi, je ne suis pas persuadé que ça va changer beaucoup de choses vis-à-vis de l'Algérie.
02:22Parce qu'aujourd'hui, l'Algérie est quand même très isolée, très isolée politiquement, diplomatiquement.
02:30Et M. Nunez lui-même a dit qu'il allait se rendre à Alger, invité par son collègue algérien.
02:36Ça veut dire que l'Algérie a senti, si l'on peut dire, le vent du boulet avec le vote de cette résolution, avec aussi ce qui s'est passé à l'ONU.
02:46Donc l'Algérie s'est dit qu'on ne peut pas se payer le luxe d'être éternellement isolée.
02:50Il faut peut-être qu'on fasse un geste vis-à-vis de la France.
02:53Alors, et du point de vue de la France, étrangement, du côté de l'exécutif, le ministre de l'Intérieur a mis en garde contre la méthode du bras de fer.
03:00D'abord, Xavier Drencourt, est-ce qu'on a déjà utilisé cette méthode-là ? Et que comprenez-vous de cette position ?
03:06J'ai bien entendu, je crois, la semaine dernière, sur votre plateau, le ministre de l'Intérieur qui dit que le bras de fer n'a pas marché.
03:13Le bras de fer n'a pas marché, c'est exact.
03:15Mais pour une raison, de mon point de vue, c'est qu'on ne l'a pas utilisé, ce bras de fer.
03:20Le ministre de l'Intérieur de l'époque, le ministre d'État, Bruno Retailleau, a été empêché de mettre en œuvre le bras de fer.
03:26Aujourd'hui, nous délivrons autant de visas qu'auparavant, 250 000 visas aux Algériens.
03:35Les visas étudiants, ils sont en hausse, en progression.
03:391 000 visas de plus, oui, pour 2024.
03:41L'ambassade s'est vanté d'en délivrer 1 000 de plus.
03:45Et puis, la nomenclature algérienne, elle est tranquillement à Paris, avec des titres de séjour.
03:53Le fils du chef d'état-major de l'armée habite à Paris, avec sans doute un emploi fictif à l'ambassade d'Algérie.
04:01L'homologue du ministre de l'Intérieur, M. Nunez, le ministre algérien, ses enfants sont à Paris tranquillement.
04:10Aucun levier de pression n'a été utilisé.
04:12Nous n'avons jamais utilisé les leviers.
04:13La question qui revient très souvent à Xavier Doriancourt, c'est pourquoi ?
04:16Pourquoi cette crainte ? Pourquoi cette retenue ?
04:19Pourquoi cette retenue ? Parce que, comme je l'ai expliqué dans ce livre, il y a une espèce d'inhibition vis-à-vis de l'Algérie.
04:28Il y a une bienveillance spontanée vis-à-vis de l'Algérie, qui est faite à la fois de remords, d'histoires,
04:36et puis d'une certaine peur du camp d'Iraton ou des banlieues.
04:40Donc voilà, il y a une part de psychologie dans notre relation avec l'Algérie qui n'est pas une relation rationnelle en réalité.
04:48Et le pouvoir algérien a-t-il identifié ce point faible ?
04:51Le pouvoir algérien utilise évidemment ce levier vis-à-vis de la France, parce qu'il nous connaît bien mieux que nous ne connaissons l'Algérie.
04:58Mais expliquez-nous si Laurent Nunez pourrait donc aller voir son homologue algérien à son invitation.
05:04Quelle garantie a-t-il sur la libération de Boalem Sansal ?
05:11Évidemment, notre confrère Christophe Glez, sur également les OQTF, est-ce qu'il y a des garanties en dur ?
05:17Alors, M. Nunez va, j'imagine, se rendre à Alger.
05:23Je ne pense pas, sauf miracle, qu'il revienne d'Alger avec Boalem Sansal et Christophe Glez,
05:29parce qu'ils ont été condamnés.
05:31Et hier, 1er novembre, il n'y a pas eu de grâce présidentielle comme on s'y attendait.
05:37Donc qu'est-ce qui va se passer ?
05:39On ne va pas régler non plus instantanément la question des OQTF,
05:43mais à l'algérienne, il va y avoir un communiqué
05:47selon lequel la France et l'Algérie ont créé un groupe de travail
05:51pour avancer sur la question, non pas des OQTF, parce que c'est un terme tabou,
05:57mais sur la question de l'immigration algérienne, tabou en Algérie,
06:01dans le respect de la souveraineté de chacun des États.
06:05Pardon, mais ce serait une tartufferie.
06:07C'est-à-dire que Laurent Nunez irait à Algérie comme on va à Canossa ?
06:11Il est invité par les Algériens à lui d'utiliser les leviers dont nous disposons
06:19et qu'encore une fois, Bruno Retailleau n'a pas pu utiliser
06:22parce que M. Barraud et le président de la République s'y sont opposés.
06:26M. Barraud qui était allé en Algérie, qu'a-t-il obtenu d'ailleurs de cette visite-là ?
06:29Rien du tout.
06:30Rien ?
06:30Rien du tout. Des bonnes paroles.
06:32Et huit jours après la visite de M. Barraud, l'Algérie expulsait les 15 représentants français du ministère de l'Intérieur
06:41et les 15 agents du consulat.
06:44Xavier Driancourt, cela fait plus de 350 jours de détention pour Boralem Sansal dans les geôles algériennes.
06:51Est-ce que vous pensez que le pouvoir algérien va monnayer ou peut encore monnayer la libération de Boralem Sansal ?
06:56Et va-t-il le faire au prix fort ?
06:59Non, je pense que le régime algérien se moque des conséquences de tout cela.
07:06L'impopularité de l'Algérie, je pense que ça ne les concerne pas.
07:13Et dans le fond, ils vivent avec, ils savent que ce n'est pas un État très respecté, lui aussi, l'Algérie,
07:21qu'il perd des points à l'international, que le président Tebboune n'est pas élu démocratiquement.
07:27Donc le sort de Boralem Sansal et de votre confrère Christophe Gleize, je ne crois pas que ça les émeuve particulièrement.
07:34Et puis le pouvoir algérien voit que la France ne réagit pas depuis un an,
07:38n'a jamais utilisé justement la manière forte et le rapport de force.
07:43Donc ils se disent pourquoi on ne va pas continuer dans le fond.
07:46Mais alors que répondez-vous, vous avez aidé en cours ce matin sur Europe 1 et CNews,
07:49à l'argument développé ici même par le ministre de l'Intérieur Laurent Nunez,
07:53qui affirme qu'il faut reprendre des relations avec ce pays, d'abord pour un aspect sécuritaire,
07:59c'est-à-dire pour la lutte contre le terrorisme.
08:02Évidemment, il faut qu'il y ait des partenariats entre nos services.
08:05Oui, il faut avoir des relations avec l'Algérie dans le domaine sécuritaire.
08:09Il y a deux aspects.
08:10Il y a à la fois ce qui se passe au Sahel, et ça, ça concerne essentiellement la DGSE,
08:15à ma connaissance, les services de la DGSE n'ont pas été concernés
08:19par les mesures d'expulsion prises par l'Algérie.
08:22Et puis, ce qui se passe sur le territoire français,
08:25et c'est là où M. Nunez est effectivement ennuyé,
08:28parce que ce sont ces agents de la DGSE qui étaient en poste à Alger
08:33et qui pouvaient voir un peu ce qui se passait au consulat,
08:37les demandes de visa, etc., qui ne sont plus présents en Algérie.
08:41Donc lui, il plaide effectivement pour une reprise de cette coopération.
08:44Mais en échange de quoi ?
08:46Mais en échange de quoi ? Voilà.
08:48Donc, de rien du tout, pour l'instant.
08:50Encore une fois, nous n'avons pas voulu utiliser les leviers dont nous disposons.
08:54Et rappelez-vous...
08:55Donc, par peur, par... comment dire...
08:58Parce qu'on a cette histoire-là, donc la rente mémorielle,
09:01par crainte, avez-vous dit, des banlieues,
09:03c'est cela qui retient aujourd'hui la position française.
09:04Oui, on sur-estime, je pense, la crainte des banlieues.
09:07Encore une fois, c'est dans nos gènes, finalement.
09:09Non, regardez ce que c'est les réactions de la gauche
09:12et d'un certain nombre d'hommes ou de femmes politiques,
09:15jeudi dernier, à l'Assemblée nationale.
09:15Comment l'expliquez-vous ?
09:16Certains parlaient du parti de l'étranger.
09:18Il y a eu, tout d'un coup, une montée d'adrénaline,
09:22jeudi, à l'Assemblée nationale.
09:24Les députés de gauche et de la France insoumise,
09:27on avait l'impression que Mme Pannot lui arrachait le cœur,
09:30tellement le vote de cette résolution la contrariait.
09:35Donc, il y a une espèce d'hypersensibilité dès qu'il s'agit de l'Algérie.
09:39Et puis, la politique de LFI consiste quand même à ramasser,
09:44regrouper le vote des banlieues, le vote musulman.
09:47Donc, c'est clair.
09:48On fait toujours la différence, Xavier Drianco,
09:50entre le pouvoir algérien et le peuple algérien.
09:53Mais l'opinion publique algérienne,
09:54vous connaissez beaucoup de monde sur place,
09:56vous avez travaillé longtemps dans ce pays,
09:59est très sensible à une forme de nationalisme exacerbé
10:03sur le dos de la France qui marche encore et toujours aussi fort aujourd'hui, selon vous ?
10:06Oui, le discours anti-français,
10:10c'est quand même le carburant du régime algérien
10:12et c'est la seule source de légitimité de l'Algérie,
10:15de ce pouvoir qui n'est pas élu démocratiquement.
10:18Donc, c'est la rente mémorielle
10:21et surtout le discours anti-français
10:23sont le carburant quotidien du pouvoir algérien.
10:29Ça veut dire qu'espérer un jour une relation d'égal à égal,
10:32comme on dit, entre ces deux pays reste un vœu pieux, selon vous ?
10:35C'est difficile.
10:37J'y croyais au début.
10:38J'y croyais lorsque j'étais ambassadeur à Alger.
10:42J'étais payé pour cela, pour développer les relations.
10:45J'y croyais et je pensais,
10:47notamment au cours de mon second mandat,
10:50qu'on pouvait avancer avec aussi bien quelqu'un
10:53comme le président Macron,
10:55comme à Alger,
10:56il y avait quand même des personnalités
10:58qui recherchaient une relation apaisée,
11:01normalisée avec la France.
11:03Mais aujourd'hui, je n'y crois plus.
11:05L'historien Benjamin Stora,
11:07parti prenant d'une commission mixte franco-algérienne
11:09dont les travaux sont aujourd'hui gelés,
11:10compte tenu de la crise entre nos deux pays,
11:13il met en garde contre les instrumentalisations
11:14par la droite et l'extrême droite
11:16de cette crise diplomatique.
11:17Vous-même, Xavier Derncourt,
11:19vous êtes ciblé par le pouvoir algérien,
11:21vous êtes caricaturé,
11:23vous êtes extrême-droitisé.
11:25Que répondez-vous à ceux qui vous cantonnent
11:28dans ce camp-là ?
11:30Quelle était la formule du président Chirac ?
11:32Je ne sais plus très bien.
11:35On a compris.
11:37Non, mais il faut laisser passer.
11:41Il faut laisser passer, mais...
11:42Il faut laisser passer,
11:43mais il faut aussi qu'il y ait des gens
11:44qui disent un peu les choses carrément.
11:47Je les écrivais, je le disais
11:49lorsque j'étais ambassadeur à Alger,
11:51mais je ne le disais qu'au Quai d'Orsay
11:53et à l'Élysée.
11:55Aujourd'hui, j'ai une parole plus libre.
11:57M. Barraud m'a traité d'incompétent, mais...
12:00Quand vous expliquez quand même
12:01qu'au Quai d'Orsay,
12:02un ministre des Affaires étrangères
12:04se permet de cela sur un ambassadeur à Algerie.
12:07Il faut quand même expliquer les choses.
12:09Il ne faut pas avoir recours uniquement
12:12au discours unique ou à la pensée unique,
12:14comme on disait à l'époque de M. Balladur.
12:17Quelles sont les chances pour que Boalem sans cesse
12:19soit libérée ? Est-ce que vous y croyez ?
12:21Je suis très modérément optimiste,
12:25pour ne pas dire pessimiste.
12:27Parce que pourquoi le pouvoir algérien
12:30ou en échange de quoi le pouvoir algérien
12:33libérerait-il Boalem sans salle ?
12:35Sommes-nous prêts à payer le prix fort ?
12:38Donc, il va falloir payer le prix fort.
12:41Et sommes-nous prêts à le faire ?
12:42Je pense qu'à Paris,
12:43nous sommes prêts à payer le prix fort.
12:45Ce serait un échange, donc, avec...
12:47Ce serait un échange.
12:47Parce que Boalem sans salle et Christophe Gleize
12:49sont des otages, en réalité.
12:52Et comme dans toute affaire d'otages,
12:53il y a toujours le paiement d'une rançon.
12:55Donc, il faudra savoir quel est le prix de la rançon
12:58que les Algériens vont fixer.
13:00C'est comme ça que ça se présente.
13:03Mais le pouvoir algérien,
13:04il ne faut pas oublier qu'il a été formé,
13:05formaté par l'URSS de Brezhnev et de Khrouchev.
13:10Nous croyons que c'est un pouvoir démocratique,
13:12un pouvoir calqué sur les institutions françaises,
13:16mais c'est un pouvoir, un régime,
13:18qui a été formé par l'URSS soviétique brezhnevienne.
13:23Et qui connaît parfaitement les rouages
13:25de la politique française.
13:26Et qui connaît parfaitement les rouages
13:26de la politique française,
13:28avec tous ses réseaux en France,
13:29c'est normal ?
13:30Ça veut dire que même si l'état de santé,
13:32ce qui est le cas de Boalem Sansal,
13:33se dégrade et se dégrade fortement,
13:35rien ne pourrait changer.
13:37Il pourrait le renvoyer, le libérer,
13:39justement parce que son état se dégrade.
13:41En se disant, il ne vaut mieux pas
13:42qu'il lui arrive quelque chose en Algérie,
13:45renvoyons-le en France ou en Italie.
13:49Merci, Xavier Dreyancourt.
13:51On espère évidemment des nouvelles
13:52à la fois de Boalem Sansal,
13:53notre confrère Christophe Gleiz,
13:55on ne les oublie pas.
13:56C'était votre grande interview
13:57sur CNews Europe 1.
13:58Bonne journée à vous.
13:58Merci à vous.
13:59Sous-titrage Société Radio-Canada
14:01Sous-titrage Société Radio-Canada
14:02Sous-titrage Société Radio-Canada
14:03Sous-titrage Société Radio-Canada
14:04Sous-titrage Société Radio-Canada
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