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Anne Fulda reçoit Sabrina Philippe pour son livre «Nos folies invisibles» dans #HDLivres

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Transcription
00:00Bienvenue à l'heure des livres, Sabrina Philippe.
00:03Alors vous êtes romancière, vous êtes psychologue, vous êtes enseignante en psychologie,
00:08vous avez donc déjà écrit plusieurs livres depuis votre premier
00:11« Tu verras, les âmes se retrouvent toujours quelque part ».
00:13Là, vous venez de publier un livre qui s'appelle « Nos folies invisibles »,
00:16un livre qui est paru aux éditions Mazarine,
00:19un joli livre qui permet de s'interroger sur la folie, sur l'âme, sur la normalité,
00:27quand bien même elle existe, cette normalité, parce que finalement,
00:31c'est une question qui traverse tout le livre.
00:34Comment peut-on définir la normalité et existe-t-elle ?
00:38Voilà, justement, toute la question du roman se pose là,
00:43puisque ce sont des personnes qu'on qualifie d'anormaux, de fous, de pathologiques.
00:48Et finalement, c'est eux qui nous interrogent sur la normalité du monde,
00:52sur la folie du monde.
00:53Et c'était ce fil-là que je voulais suivre,
00:58pour que l'on puisse s'interroger nous-mêmes aussi, sur nos propres folies.
01:02Bien sûr.
01:03Eh oui ?
01:03Car on pourrait dire qu'on est tous le fou de quelqu'un, d'une certaine façon.
01:07Exactement.
01:08Alors, dans votre livre, il y a deux héros principaux.
01:11Il y a Yvan, qui est un jeune homme, qui est brillant,
01:15mais qui justement a du mal à survivre dans un monde
01:19dont il ne comprend pas tous les mécanismes.
01:23Il est schizophrène.
01:24Il a, à 17 ans, il a été hospitalisé une première fois, en HP, comme on dit, hôpital psychiatrique.
01:31Et puis, de l'autre côté, il y a Joséphine,
01:33qui, elle, se débat un peu dans des histoires d'amour un peu compliquées,
01:38notamment l'une avec un homme marié,
01:41qui ne semble pas vouloir d'elle.
01:43Et en fait, ces deux-là se rencontrent,
01:47alors qu'a priori, rien ne prédestinait, justement, cette rencontre.
01:52Qu'est-ce qui les lit, tous les deux ?
01:54Alors, ils se rencontrent au bord d'un gouffre.
01:56C'est important de le dire,
01:57puisqu'ils n'en peuvent plus de leur vie, et l'un et l'autre.
02:01Et parce qu'ils n'en peuvent plus de leur vie, justement,
02:05ils vont être au bord de ce précipice.
02:08Et c'est ce qui va les unir profondément.
02:10Et au travers de ces personnages,
02:14j'avais aussi envie de parler de ce désir de vivre,
02:17qui n'est pas le même pour chacun.
02:19Et on a tous, sans doute, eu un moment où on s'est demandé
02:22est-ce que j'ai envie de poursuivre cette existence ?
02:25J'avais envie de parler de ça aussi, parler du suicide.
02:28C'est un mot tabou aujourd'hui.
02:30Et j'avais envie de pouvoir en parler en tant que psychologue
02:34et en tant que romancière, pour lever ce tabou.
02:37Parce qu'on est dans une société où il faudrait toujours aller bien,
02:40être dans la norme, être dans le bien-être, le mieux-être.
02:44Et moi, mes personnages, ils sont cabossés.
02:45Mais en réalité, nous sommes tous cabossés.
02:47Tout le monde.
02:47Voilà.
02:48Ils se retrouvent, et ce n'est probablement pas un hasard,
02:51au bord de la mer.
02:53Et on sent que, pour eux,
02:56c'est un élément qui a une vertu réparatrice,
03:01apaisante.
03:02Le décor n'est pas choisi au hasard, imagine.
03:05Non, alors c'est aussi un décor dans lequel je vis.
03:08C'est mon lieu de vie,
03:09mais c'est aussi une réparation par les éléments.
03:13Et d'ailleurs, à un moment, il va le dire,
03:15j'ai jeté mes médicaments,
03:16j'ai préféré le mélange courgette-écume.
03:19Alors, il ne s'agit pas de s'insurger
03:21contre des médicaments qu'ils peuvent soigner.
03:23Mais juste de dire que la psychiatrie, aujourd'hui,
03:27en effet, ce qui lui est proposé à un jeune homme,
03:29ce n'est pas grand-chose.
03:30Et c'est vrai qu'il y a beaucoup de lieux
03:32où il n'y a plus grand-chose à proposer en psychiatrie.
03:35Oui, parce que, bon, c'est pas...
03:36Votre livre est un roman.
03:38Néanmoins, en filigrane, il y a cette question-là,
03:40effectivement, des soins psychiatriques en France.
03:45J'ai vu quelque part,
03:47vous utilisez des termes assez durs
03:48en parlant presque de système barbare.
03:51Oui.
03:51En quoi ?
03:54Aujourd'hui, on a un manque de moyens en psychiatrie,
03:57en psychologie aussi.
03:58On a un manque de moyens
03:59qui fait que les patients n'ont plus d'espace
04:02pour être entendus.
04:03La seule proposition, ça devient donc des médicaments,
04:06puisque c'est la solution la moins coûteuse, entre guillemets.
04:08Et les médicaments ne sont pas curatifs.
04:12Les médicaments ne sont pas toujours thérapeutiques,
04:15surtout s'ils sont seuls à agir.
04:18Il faut des espaces de parole.
04:21Alors, vous avez dédié ce livre à tous ceux qui se sentent différents,
04:25à ceux qui perçoivent insidieusement ou puissamment une autre réalité,
04:28mais aussi à ceux qui se croient fous et qui, sans doute, ne le sont pas,
04:32à ceux qui se veulent normaux et flirtent avec une certaine folie.
04:36En fait, c'est bien là le problème.
04:37Les frontières sont parfois, parce que de temps en temps, elles sont nettes,
04:42mais elles sont parfois floues entre les deux.
04:44Et il est finalement des domaines dans lesquels une forme de folie est consubstantielle.
04:48Je pense à certains artistes.
04:49Je pensais quand Yvan voit dans le bureau, quand il arrive, une affiche de Picasso,
04:57un autoportrait qui le trouble terriblement.
05:00Oui.
05:01Alors oui, avant et de moins en moins aujourd'hui.
05:04Je ne sais pas si vous avez remarqué, comme les artistes aujourd'hui,
05:07rentrent aussi beaucoup dans des cases en disant,
05:08« Ma vie dans la norme, c'est une famille, c'est mes deux enfants,
05:12c'est de faire du sport, c'est de boire du jus de carotte. »
05:14Donc, on est loin aussi des folies qu'on a pu avoir en termes de créativité.
05:19Et encore une fois, si j'ai dédié ce roman-là à toutes nos différences,
05:24c'est parce que moi aussi, je me suis sentie différente.
05:27Longtemps.
05:28Très longtemps.
05:28Parce que j'avais cet esprit fantasme qui ne colle pas forcément à une psychologue.
05:33Et la façon dont j'écris mes romans est aussi folle,
05:35puisque ce sont les personnages qui viennent me parler.
05:37Donc, vous voyez bien que moi aussi, j'ai ma forme de folie qui m'amène à l'écriture.
05:42D'ailleurs, c'est amusant puisque vous l'évoquez.
05:44En fait, votre parcours est intéressant parce que vous avez fait de la télévision
05:47à un moment où vous avez abandonné pour justement écrire.
05:51Pour écrire un roman dont personne n'a voulu.
05:53Oui, mais qui finalement a rencontré le succès, un succès énorme,
05:58tout en restant psychologue.
06:00Donc, on a envie de se dire, de vous demander comment toutes ces facettes
06:05arrivent à communiquer entre elles.
06:08Est-ce qu'elles communiquent d'ailleurs ou est-ce qu'il y a une étanchéité ?
06:11Non, elles communiquent et elles ont toutes le même propos, transmettre.
06:15J'ai souvent dit que j'écrivais pour soigner.
06:18Et le roman, pour ça, c'est ça qui m'intéresse parce qu'il va créer une émotion.
06:21En tout cas, je le souhaite chez le lecteur.
06:23L'émotion s'inscrit en vous, elle est toujours peut-être initiatrice d'une petite transformation.
06:30C'est pour ça que j'écris.
06:31Et quand j'enseigne, c'est la même chose, transmettre.
06:34Quand je faisais de la télévision, c'était la même chose, transmettre.
06:36Parce que j'étais chroniqueuse psy.
06:38Donc, je transmettais aussi sur ces maladies mentales parfois, nos comportements.
06:43Donc, l'idée, c'est toujours de transmettre.
06:45Vous disiez que l'écriture soigne.
06:47Elle soigne celui qui écrit et celui qui lit également.
06:49Je ne suis pas très certaine qu'elle me soigne.
06:53Moi, je pense qu'elle m'amène plus vers une certaine folie quand je suis vraiment en pleine écriture.
06:59Mais je sais que j'ai eu beaucoup de lecteurs qui m'ont écrit, même avec mes précédents ouvrages,
07:04en disant, je vous ai lu et ça a changé quelque chose.
07:06Il y a une phrase, il y a quelque chose, il y a une accroche.
07:08J'ai eu envie de creuser qui j'étais vraiment.
07:10J'ai eu envie de mieux comprendre.
07:12Là, l'idée, c'est mieux se comprendre aussi au travers de ce roman.
07:15Mieux comprendre nos folies et les accepter.
07:16Parce que l'acceptation, à partir du moment où on s'accepte, on est serein.
07:19Moi, quand j'ai commencé à m'accepter, j'ai trouvé une forme de sérénité.
07:23Il y a quand même, on progresse dans le domaine parce qu'il y a eu récemment des livres qui ont rencontré le succès.
07:29D'ailleurs, il y a eu le livre de Nicolas de Moran, dans lequel il évoquait sa bipolarité.
07:35Il y a eu le livre d'Adélion qui a rencontré un grand succès,
07:40qui parlait de la maladie mentale de sa grand-mère et de la manière dont elle avait été soignée.
07:45On est quand même un peu plus libérés sur ces sujets aujourd'hui ?
07:49Ça commence à être plus libérés.
07:52Maintenant, moi, mes personnages, c'est monsieur et madame tout le monde.
07:57C'est des jeunes comme on en a dans son quartier, son voisin, sa voisine.
08:01Ce ne sont pas des personnes qui ont un destin ou une représentation publique.
08:06Vous comprenez ?
08:07C'est aussi ça qui m'intéresse, c'est d'aller aussi au cœur de la vie réelle.
08:12Parce que la vie réelle, moi, je vis dans la vie réelle et c'est cette folie-là qu'on rencontre.
08:18Et en fait, peut-être que votre métier vous permet-t-elle d'être plus perméable,
08:23en tout cas de mieux percevoir la souffrance des uns et des autres ?
08:27C'est ça aussi qui donne une sensibilité qui se retrouve dans le livre.
08:30Merci.
08:31Oui, la percevoir et surtout essayer de jamais la trahir.
08:34C'est pour ça que j'aime les mots, peut-être que vous l'avez senti, j'aime les phrases.
08:38Je souhaite que dans ces phrases, il y ait cette sensibilité.
08:42Et on n'est pas dans du feel good.
08:45On est dans quelque chose qui, je l'espère, va amener le lecteur à réfléchir,
08:50à descendre un peu en lui.
08:52Toujours pour remonter, mais remonter un peu différemment.
08:57En tout cas, je vous conseille vraiment de lire ce livre.
09:00Ça s'appelle donc Nos folies invisibles.
09:01C'est paru aux éditions Mazarin.
09:03Merci beaucoup Sabrina Philippe.
09:05Merci à vous.
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