00:00Un autre dossier sur la table en ce moment, c'est ce bras de fer qui l'oppose à l'état de l'Illinois et la ville de Chicago.
00:06Le président américain en parle comme d'une zone de guerre et il veut mobiliser sur place la garde nationale.
00:11Pas du goût des autorités locales, le locataire de la Maison Blanche qui menace désormais de recourir à l'état d'urgence.
00:17On vous retrouve Mathieu Mabin à Washington, bonjour.
00:20L'une des questions qui entoure ce dossier c'est la marge de manœuvre de Donald Trump.
00:24Jusqu'où peut-il aller dans ces menaces sans franchir la ligne rouge ?
00:28La ligne rouge c'est évidemment la constitution américaine.
00:33Oui absolument, alors oui, Donald Trump ose encore le ton effectivement et brandit une fois de plus la menace de l'Insurrection Act, l'Insurrection Act pardon.
00:45Une loi américaine vieille de plus de deux siècles et utilisée à peine 20 fois dans l'histoire américaine, ce qui n'est pas énorme.
00:53Et qui autorise le président à déployer l'armée à l'intérieur du pays.
00:57Officiellement, elle est prévue pour rétablir l'ordre.
01:00Mais pour Donald Trump, on l'a compris, en réalité, elle est utilisée pour reprendre la main sur des villes dirigées par des gouverneurs démocrates, tout simplement, qui lui résistent ouvertement.
01:10Et c'est le jeu de l'état fédéral en réalité.
01:13Vous savez comment ce pays est découpé entre des grandes villes à forte majorité progressiste et des campagnes plus conservatrices, parfois beaucoup plus conservatrices.
01:23Et donc, depuis hier, c'est vrai, le bras de fer a vraiment commencé.
01:27L'état de l'Illinois, vous le disiez à l'instant par exemple, a saisi la justice pour bloquer l'envoi de la garde nationale à Chicago.
01:35Là où Donald Trump veut rejouer le scénario qu'il a déjà déroulé ici à Washington.
01:40Et plusieurs gouverneurs, comme ceux de Californie ou encore de New York, annoncent qu'ils feront la même chose.
01:46Sur le plan juridique, la Constitution encadre pourtant strictement l'usage de la force militaire sur le sol américain.
01:53Rien n'est laissé au hasard dans la Constitution.
01:56Les tribunaux, jusqu'à maintenant, ont d'ailleurs freiné plusieurs déploiements fédéraux, qui étaient pourtant fortement voulus par Donald Trump.
02:05Mais la Cour suprême, désormais, pourrait revoir ses limites.
02:08Et c'est tout le sujet.
02:10Et c'est là tout le pari de Trump également testé, la solidité du système et pousser le cadre juridique jusqu'à la rupture s'il le faut.
02:19Pour l'instant, il agit par touche et parle d'urgence locale à Washington, à Houston ou à Los Angeles.
02:28Des villes dont, selon lui, il faut reprendre le contrôle sécuritaire.
02:32Vous voyez que c'est parfaitement assumé.
02:33Mais si le président franchit le pas de l'état d'urgence nationale, alors il ouvrira un précédent institutionnel majeur, presque jamais vu.
02:43Et on a du mal à deviner jusqu'où il peut aller.
02:47Jusqu'à ce que les juges l'arrêtent, sans doute, ou que le Congrès intervienne.
02:50Mais on ne voit pas très bien comment dans le climat actuel.
02:54De là à parler, Mathieu, d'un tournant autoritaire dans l'exercice du pouvoir.
02:58On sait a priori que Donald Trump ne le prendrait pas mal.
03:00Si on lui dit qu'il est autoritaire, c'est peut-être même tout le contraire.
03:06Un compliment, oui, effectivement.
03:08Oui, en tout cas, pour beaucoup d'observateurs ici, c'est vrai que ce serait un tournant.
03:13Oui, vous avez raison.
03:14Et même un point de bascule, en fait.
03:16Puisque depuis plusieurs semaines, Donald Trump ne cache plus son intention d'imposer l'ordre par la force.
03:22Ça, c'est parfaitement clair.
03:23L'insurrection acte que vous évoquiez, c'est l'arme ultime du pouvoir exécutif.
03:29Celle qu'on dégaine normalement face à une rébellion armée.
03:34Je ne prononcerai pas, enfin si, je vais le faire, mais il ne faut pas prononcer le mot de guerre civile.
03:38C'est pas de ça qu'on parle.
03:40Pas face à des désaccords politiques entre Washington et les États.
03:43Ça n'a aucun sens.
03:44Même Joe Biden ne l'a pas utilisé pour réprimer les émeutes de Black Lives Matter en son temps.
03:50Dans la presse américaine, ce matin, le mot qui revenait, c'est rupture, effectivement.
03:55Et c'est relativement unanime, la presse conservatrice ou progressiste.
04:01Rupture avec la tradition républicaine d'un pouvoir exécutif et central limité.
04:06On parle de choses très sérieuses.
04:08Rupture aussi avec la séparation des pouvoirs.
04:11Encore quelque chose d'absolument sacré ici.
04:13L'équilibre des pouvoirs.
04:15Mais clairement, les conseillers les plus proches du président, comme Stephen Miller ou Cash Patel,
04:21l'encouragent à aller jusqu'au bout et à aller encore plus loin.
04:25Tester le dispositif et la solidité de la Constitution, en quelque sorte.
04:28Et à chaque intervention, Trump répète qu'il fera régner la loi, quoi qu'il en coûte.
04:33Alors que, dans le fond, on sait que ce débat dépasse la seule question sécuritaire, évidemment.
04:39Ces initiatives n'étaient pas nécessaires à Washington.
04:41On peut en témoigner et que l'urgence est globalement fabriquée.
04:45Voilà. Dans le fond, cette nouvelle crise interroge la nature même du régime américain.
04:49En tout cas, elle le fragilise.
04:51Est-ce qu'on peut utiliser l'armée contre les citoyens sans franchir la ligne rouge de l'autoritarisme ?
04:56Est-ce qu'on peut gouverner contre les États fédérés sans fracturer la République américaine ?
05:02Les gouverneurs démocrates disent non, évidemment, et dénoncent même carrément une dérive autocratique.
05:08Ce sont les mots utilisés.
05:10Les Républicains, eux, parlent d'un président fort, effectivement.
05:13Même si les élus de terrain que sont les représentants de la Chambre des représentants montrent parfois, même chez les Républicains, une vraie fébrilité.
05:23La question qui plane ici désormais, dans tous les couloirs, c'est jusqu'où ira Donald Trump pour imposer sa vision très personnelle de l'ordre ?
05:31Merci beaucoup Mathieu pour toutes ces explications.
05:33Vous parliez de rupture, je peux vous dire que c'est un mot qu'on prononce souvent ici en France et notamment dans la bouche de Sébastien Lecornu.
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