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00:00Bonjour Anne Cleryage, bienvenue sur ce plateau.
00:03Vous êtes franco-palestinienne et vous êtes la directrice d'Handicap International pour les territoires palestiniens.
00:08Vous rentrez tout juste de Ramallah en Cisjordanie occupée.
00:12Handicap International, c'est une ONG qui opère à Gaza notamment,
00:16qui est spécialisée dans le déminage et l'assistance aux victimes de mines terrestres.
00:22D'abord d'un mot, on reviendra sur la situation en Cisjordanie,
00:25mais concernant Gaza, avant de venir sur votre cœur de métier qui est le déminage,
00:31il est urgent d'ouvrir le point de passage de Raffin ?
00:34Absolument, il est urgent d'ouvrir tous les points de passage.
00:37Nous, il faut savoir que depuis la fin du cessez-le-feu,
00:39on a été dans l'incapacité de faire rentrer le matériel d'aide humanitaire.
00:44Par exemple, on a tous nos stocks de chaises roulantes, de béquilles,
00:50tous nos outillages et appareillages pour les personnes qui ont été blessées,
00:56qui est bloquée, soit en Jordanie, soit en Égypte.
01:00On a vu beaucoup d'annonces ces derniers jours avec cette ouverture de l'aide humanitaire.
01:05Pour l'instant, elle ne concerne pas les ONG humanitaires.
01:08Ce qui veut dire que nous sommes toujours dans la capacité de faire rentrer le matériel dans Gaza.
01:13Parce qu'il y a aujourd'hui dans Gaza des milliers, dizaines de milliers de personnes
01:18qui ont besoin de ce genre d'appareil et qui n'y ont pas accès ?
01:22Absolument, on a plus de 80% des personnes qui n'ont pas dû leur outillage depuis octobre 2023.
01:29Béquilles ?
01:30Béquilles, chaises roulantes, etc.
01:32Ce qui veut dire que ce sont des personnes qui n'ont pas accès à la nourriture,
01:36qui n'ont pas accès aux services,
01:38qui, quand elles ont reçu des ordres d'évacuation, ne pouvaient pas se déplacer.
01:41Ça veut dire que ce sont des enfants qui ne peuvent pas accéder également à l'éducation.
01:46C'est une question aussi de vie ou de mort pour ces personnes.
01:51Il faut savoir qu'on estime à plus de 160 000 le nombre de blessés sur Gaza sur ces deux dernières années.
01:59On estime que 70% étaient des enfants et des femmes,
02:0225% seront handicapés à vie à la suite de ça.
02:05Il est essentiel que nous soyons en capacité de pouvoir fournir des services de rééducation
02:10de thérapie et pouvoir fournir des orthèses, des prothèses et que nous puissions faire notre travail.
02:19Handicap International estime qu'environ 70 000 tonnes d'explosifs sont tombées sur Gaza en deux ans de guerre.
02:25L'ONU, de son côté, dit que 5 à 10% des munitions n'ont pas explosé.
02:29Aujourd'hui, ils sont toujours dans le sous-sol de Gaza.
02:32Quel risque est-ce que ça représente pour les civils et notamment pour les civils qui ont repris le chemin du nord de l'enclave ?
02:38C'est ça, c'est des risques énormes.
02:39C'est-à-dire que là, on a cette estimation à peu près de 160 000 personnes blessées.
02:43C'est des risques et c'est un nombre qui va augmenter à cause de cette contamination.
02:48On est face à une contamination en zone urbaine.
02:51Donc c'est extrêmement complexe de décontaminer ces zones.
02:54Ça veut dire que les risques sont énormes pour toutes les personnes qui retournent.
02:58Quand vous dites décontaminer, c'est en explosifs ?
03:00En termes d'explosifs, oui, c'est ça.
03:02C'est-à-dire qu'on estime à 70 000 tonnes le nombre d'explosifs qui sont tombés sur Gaza.
03:08C'est une estimation.
03:09Ça représenterait à peu près 6 fois Hiroshima.
03:12Pour vous donner une estimation.
03:15On n'a pas les chiffres précis.
03:16On n'a toujours pas de chiffres précis sur cette contamination.
03:19On sait juste que les risques sont énormes.
03:21Au cours de ces dernières années, on a fait beaucoup de prévention auprès des populations.
03:27Mais ça ne suffit pas.
03:28Il faut aussi qu'on soit en capacité d'envoyer nos démineurs pour vraiment permettre la décontamination.
03:34Quand vous dites prévention, ça veut dire essayer de dire aux civils
03:38n'allez pas dans des endroits où il y a trop de gravats
03:41ou éviter des zones dont on pense qu'elles sont minées ?
03:45Exactement.
03:46Donc on a un certain nombre de messages clés.
03:47Donc notamment ne pas s'approcher des débris, des gravats, etc.
03:53Et d'éléments qu'on ne peut pas reconnaître, qui pourraient s'avérer dangereux.
04:00Évidemment, dans un contexte comme on voit les images défilées de Gaza où tout est détruit,
04:06l'ensemble de la bande est dangereuse et risquée.
04:10Et donc on a ces messages, on a un certain nombre de messages, soit individuels, soit en groupe,
04:16auprès des enfants, auprès des adultes, via des messages, via des campagnes médias.
04:22C'est un mécanisme de prévention et c'est la première mesure.
04:26Mais il faut qu'on soit en mesure rapidement de pouvoir aller faire ce déménage.
04:30Il y a ce que la guerre a fait comme destruction.
04:32Et effectivement, on voit ces gravats et ces immeubles détruits.
04:35Et puis il y a la topographie de Gaza qui préexistait à la guerre.
04:39C'est un territoire, faut-il le rappeler, minuscule où la densité augmente encore le danger
04:44sur ces questions notamment de mines et d'explosifs.
04:47Oui, absolument.
04:48C'est ce qui rend le déménage encore plus complexe.
04:51C'est-à-dire que quand on est sur un terrain large,
04:55c'est des méthodes de décontamisation qui sont relativement, entre guillemets, simples.
05:01Mais sur des zones urbaines et condensement peuplées,
05:05ça veut dire que théoriquement, il faudrait pouvoir écarter les civils de ces zones-là
05:11afin qu'elles soient décontaminées, ce qui n'est pas possible,
05:15plus toute la question des gravats et des débris qui rend ça extrêmement compliqué.
05:21Et donc c'est pour ça que c'est très important que des ONG qui sont expertes dans ce domaine
05:26puissent avoir accès à Gaza et puissent faire leur travail.
05:29Alors très concrètement, est-ce qu'aujourd'hui à Gaza,
05:31il y a des équipes de déminage qui peuvent opérer et commencer à travailler
05:35maintenant que le cessez-le-feu est en vigueur depuis plusieurs jours ?
05:38Donc on a toujours gardé, tout au long des deux dernières années,
05:41nos équipes de démineurs prêtes à y aller.
05:43Mais tant qu'on n'avait pas de cessez-le-feu,
05:45on ne pouvait pas, concrètement, tant que les bombes continuaient à tomber,
05:49on ne pouvait pas faire ce travail.
05:50Donc là, maintenant qu'il y a ce cessez-le-feu qui est fragile,
05:54mais qui reste un cessez-le-feu,
05:57on a une équipe qui va être prête à partir la semaine prochaine.
06:01Et en parallèle, on a tout notre travail de rééducation, d'éducation
06:04et de support logistique aux ONG humanitaires
06:09qui continue pendant ce temps-là à Gaza.
06:11Avec, donc on a une équipe d'une centaine de personnes,
06:14plus environ 150 bénévoles qui travaillent actuellement à Gaza.
06:19Et on a également cinq expatriés spécialisés qui sont en ce moment en train de faire leur travail à Gaza.
06:24C'est insuffisant, j'imagine, pour couvrir l'intégralité du territoire ?
06:27Tout à fait, c'est très insuffisant.
06:29C'est-à-dire que jusqu'ici, on a opéré dans un contexte sécuritaire extrêmement complexe,
06:35avec un système de rotation et de restriction sur la possibilité pour nous d'envoyer des expatriés.
06:40Donc c'est pour ça qu'on a seulement cinq expatriés en ce moment sur Gaza.
06:46C'est un chiffre qu'on espère pouvoir augmenter rapidement avec ce cessez-le-feu.
06:52Mais ça veut dire que chaque mouvement devait être mesuré,
06:56chaque risque était regardé vraiment avec précaution.
07:02Et donc toutes nos opérations étaient extrêmement complexes.
07:04Je pense que c'est l'environnement humanitaire le plus complexe que j'ai vu sur les vingt dernières années.
07:10De votre carrière.
07:12Alors des renforts sont prêts à rentrer à Gaza.
07:14Vous vous rentrez de Ramallah, en Cisjordanie occupée.
07:18Quelle est la situation, si vous pouviez nous la résumer en quelques mots ?
07:23Sur la Cisjordanie, ça fait des années qu'on alerte,
07:28que les ONG alertent sur la situation et sur la dégradation du contexte.
07:32J'ai l'impression que sur les quinze dernières années, on n'a fait que répéter que la situation se dégradait,
07:37que la violence des colons augmentait, que les colonies s'étendaient.
07:41Mais là, à l'heure actuelle, on est sur une situation où chaque village, en Cisjordanie, chaque ville a une barrière.
07:49C'est-à-dire que chaque village est enfermé derrière une barrière, chaque ville est enfermée derrière une barrière.
07:52Chaque ville palestinienne.
07:53Absolument, chaque ville palestinienne.
07:55Ce qui veut dire que les mouvements sont extrêmement restreints.
07:57Ça veut dire que les enfants ne peuvent pas aller à l'école.
07:58Ça veut dire que les services de santé sont compliqués en termes d'accès.
08:06On a compté, depuis octobre 2023, il me semble qu'on a 999 personnes qui ont été tuées.
08:13On a eu, juste depuis le début de l'année, 200 attaques sur des centres de santé,
08:17200 attaques sur des ambulances, sur des cliniques, sur des cliniques mobiles, etc.
08:23On a un de nos partenaires, qui s'appelle El Jali, qui est un centre de rééducation pour personnes handicapées,
08:30qui était dans le camp de réfugiés de Jénine, dont le bâtiment a été, comme le reste du camp de Jénine, attaqué, pris, les employés expulsés.
08:41Et on s'est retrouvés, il me semble que c'était en mai, avec des vidéos sur les réseaux sociaux,
08:46avec des soldats israéliens qui jouaient avec nos fauteuils roulants, qui s'amusaient à jeter les béquilles,
08:52qui prenaient vraiment plaisir à détruire des appareillages qui, encore une fois, sont vitaux pour la population.
08:59Comment les Palestiniens de Cisjordanie se projettent-ils dans l'avenir et les mois qui viennent ?
09:05Alors, il y a énormément de peur, il y a vraiment ce sentiment de se dire qu'après Gaza, ce sera la Cisjordanie.
09:13On a beaucoup oublié, face à l'horreur qu'a été Gaza sur ces deux dernières années,
09:18c'était aussi compliqué de voir ce qui était en train de se passer sur la Cisjordanie,
09:23avec cette augmentation massive, cette annexion de facto, et cette complexité.
09:28On a aussi l'effondrement des services de santé, l'effondrement des services d'école.
09:32Ça veut dire que là, les enfants, par exemple, depuis la rentrée scolaire,
09:35donc déjà la rentrée scolaire dans les écoles publiques a été reportée de deux semaines,
09:40les enfants ont accès à l'école trois jours par semaine parce que les professeurs sont payés au lance-pierre,
09:46enfin, ils sont payés à 30%, 40% de leur salaire, et que donc ils ne peuvent plus payer les transports pour venir à leur école.
09:52Donc je dirais que, pour l'instant, il y a une pause, et ce cessez-le-feu qui est fragile a permis d'une respiration,
10:00mais la peur reste là, je veux dire, l'avenir reste très incertain, la situation est très complexe,
10:09on est face à une recette explosive aussi en Cisjordanie,
10:15et c'est important de ne pas oublier la Cisjordanie, de s'assurer que les populations soient protégées,
10:22et que l'aide humanitaire puisse être laissée entrer.
10:27Merci beaucoup Anne-Claire Iaëch, directrice d'Handicap International pour les territoires palestiniens,
10:32d'être venue sur le plateau de Parlons-en.
10:35Merci encore, voilà ce que l'on pouvait dire à cette heure sur la situation au Proche-Orient.
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