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00:00Bonjour Ludovic Friat, merci d'être là. Donc vous êtes le président de l'Union Syndicale des Magistrats, l'USM.
00:05On en parle beaucoup en France. Est-ce que, vous, ça vous choque qu'un ancien président de la République dorme ce soir en prison ?
00:13J'ai une réponse en deux temps. Première réponse, si je me positionne en tant que citoyen français,
00:18évidemment, ça ne me fait pas plaisir de voir un ex-président de la République en prison, même en détention provisoire,
00:26puisque à ce jour, comme il a fait appel, il est en détention provisoire.
00:29Après, si je me place en tant que juriste et en tant que magistrat, tout cela n'est finalement que la suite d'un processus judiciaire
00:38qui a été réalisé strictement, conformément à nos règles de droit. On a suivi la loi telle que votée par le Parlement.
00:46Il y a eu une très longue instruction. Il y a eu un très long procès contradictoire où tout le monde a pu s'exprimer, s'expliquer,
00:53un long temps de délibérer. Et au final, on arrive à une décision de justice, une décision de justice qui doit être appréciée, adaptée.
01:01Et finalement, c'est ce qu'on demande aux magistrats au quotidien, tous les jours, 100 fois par jour, 1000 fois par jour,
01:06dans tous les tribunaux français de Navarre. C'est d'apprécier la loi. Est-ce que la loi a été respectée ou violée ? Par qui ?
01:14Et dans ce cas-là, quelle est la peine adéquate qui doit être prononcée ?
01:17Les Français parlent souvent d'une justice à deux vitesses. Ça prouve aujourd'hui que personne n'est au-dessus des lois ?
01:23Souvent, le reproche de justice à deux vitesses qu'on nous fait, il est un peu dans l'autre sens.
01:28On nous dit, effectivement, la justice ne s'abat que sur les miséreux, les misérables.
01:33On voit, et moi, j'essaye d'y voir effectivement un signe encourageant pour notre démocratie,
01:41pour le fait que notre démocratie est une démocratie adulte, à savoir que la loi est la même pour tout un chacun.
01:48Alors, bien évidemment, on peut entendre les précautions très particulières qui sont prises en détention,
01:55s'agissant de M. Sarkozy, qui n'est pas n'importe qui. Mais au-delà de ça, je pense que c'est important.
02:01Les Français, ils sont attachés à ce principe d'égalité. Il est sur nos frontons depuis bientôt 200 ans.
02:06Il faut que ce principe puisse s'incarner dans le quotidien. C'est une incarnation.
02:10Est-ce que ça peut faire évoluer la vision qu'ont les Français de la justice ?
02:14Il y a plusieurs choses. Il y a déjà, est-ce qu'on considère au niveau collectif, au niveau national,
02:20que la délinquance économique, la délinquance en col blanc, comme on l'appelle,
02:25politico-financière ou non-politique que financière, est une délinquance comme les autres ?
02:30Moi, je pense que oui. Et je pense même que le législateur a déjà tranché là-dessus.
02:33Je rappelle que la corruption s'est punie de 10 ans d'emprisonnement,
02:37ce qui est la plus lourde peine, la plus lourde sanction possible en matière correctionnelle.
02:41Alors, si demain, le législateur, suite à tout ce qu'on connaît, décide effectivement d'inverser la tendance
02:48pour dire finalement, la délinquance en col blanc ne doit pas connaître le même, on va dire,
02:54le même régime de sanctions que la délinquance violente, par exemple,
02:58qu'il le dise et qu'il l'assume également devant les électeurs.
03:02Mais ce n'est pas au juge de faire la loi. Le juge applique la loi.
03:04Un mot également sur l'exécution provisoire. Emmanuel Macron, le président de la République,
03:09en a parlé ce matin. Il parle d'un débat légitime qui doit, selon lui, être mené dans le calme.
03:14On va l'écouter et on vous redonne la parole juste après.
03:17J'ai vu que plusieurs responsables politiques souhaitaient s'en emparer.
03:22Le président du Sénat l'a indiqué. Le garde des Sceaux aussi.
03:26Je pense que c'est un débat légitime dans une démocratie.
03:28Parce que tout le monde souhaite qu'il puisse y avoir des voies d'appel et de recours.
03:36Mais c'est un débat qui doit être mené dans le calme et indépendamment des cas spécifiques.
03:42Là aussi, pour que notre justice puisse se faire et puisse évoluer dans la sérénité qui convient.
03:49Et je souhaite que ce soit cette sérénité qui accompagne tous les débats sur ce sujet.
03:56Cette exécution provisoire, elle fait beaucoup parler en France.
03:58Quelle est votre réaction aux propos du président de la République ?
04:01Cette exécution provisoire, c'est un outil que les juridictions utilisent quotidiennement pour lutter contre les délinquances.
04:09C'est un texte qui, s'agissant des mandats de dépôt à effet différé, n'est pas si ancien.
04:16Mais qui, à ma connaissance, avait été voté très largement, quasiment à l'unanimité, par l'Assemblée.
04:222019. Exécution 1er janvier 2020.
04:25C'est ça. Si l'Assemblée veut revenir là-dessus, c'est son choix.
04:29Moi, je suis magistrat, je ne fais pas la loi, je l'applique.
04:32Ce que je dis simplement, c'est attention de ne pas baisser trop la garde ou les armes.
04:38Parce que les juges ont besoin de ce type d'outils juridiques, d'armes juridiques,
04:42pour lutter notamment contre le crime organisé et contre la grande délinquance.
04:47Ils en ont besoin, c'est ce que vous dites.
04:48On en a besoin. On a besoin.
04:49Alors après, si le législateur estime qu'il faut en restreindre le champ, dans certains cas,
04:54ou s'il faut effectivement faire une procédure d'appel, pourquoi pas ?
04:58Mais alors attention, attention.
05:00Si on introduit de l'appel, pour ce cas très spécifique, on va également allonger les délais.
05:05Et on est toujours finalement dans cette espèce de contradiction, un champ un peu contradictoire.
05:09On nous dit, la justice, elle doit être plus sévère, elle doit aller plus vite,
05:13jusqu'au moment où on se dit, peut-être qu'elle va trop vite.
05:15Donc là-dessus, il est temps qu'on puisse y réfléchir de façon adulte et démocratique.
05:19Ça fait parler dans votre milieu, dans le milieu de la magistrature ?
05:23Vous avez des débats entre vous sur ce sujet ?
05:26On a bien évidemment des débats entre nous sur ce sujet-là.
05:29Après, ce n'est pas mon rôle, moi, en tant que responsable syndical de magistrat,
05:33de vous dire ce que j'en pense à titre personnel, parce que ça importe peu.
05:36Ce qui est important, c'est de porter une parole collective
05:39et de porter une parole, on va dire, parole qui soit dénuée des affects.
05:43Aujourd'hui, on est dans un temps de l'émotion.
05:45Parce que rentrer en prison, c'est toujours violent, c'est un temps de l'émotion.
05:48Je le concède, je ne conteste pas.
05:50Mais il ne faut pas qu'on se laisse embarquer par l'émotion
05:53pour surréagir, et notamment surréagir sur le mode législatif,
05:57c'est-à-dire à changer d'un coup tout notre arsenal juridique,
06:01sans réfléchir à toutes les conséquences pour tout le monde.
06:04Il faut arriver à dépassionner le débat.
06:05Il faut arriver à dépassionner le débat.
06:07Ça m'est souvent reproché.
06:08Quand je vais sur des plateaux de télévision, on dit toujours,
06:10en fait, monsieur le juge, vous n'avez pas de cœur.
06:12Non, mon travail, justement, mon travail de juge,
06:16j'ai été formé pour ça, c'est de prendre du recul
06:18et d'être à équidistance de toutes les parties,
06:21tant des victimes que des auteurs.
06:23Alors la Cour d'appel de Paris a désormais deux mois pour statuer sur une demande,
06:26demande de remise en liberté qui a été déposée ce matin
06:28par les avocats de Nicolas Sarkozy.
06:31On va les écouter sur France 24.
06:34Rien ne justifie la première heure de détention.
06:37Il y est pour un minimum de trois semaines ou un mois,
06:40puisque la Cour d'appel a deux mois pour statuer sur une demande de mise en liberté
06:45et le délai moyen à la Cour d'appel de Paris, c'est un mois.
06:49Donc, en tout état de cause, même si rien ne justifie cette détention,
06:53il y est pour un mois.
06:55C'est un moment, comme Jean-Michel Darrois le disait, un moment qui est très dur.
06:59Mais le président a fait face.
07:03Il affronte avec beaucoup de force cette incarcération,
07:08même si c'est une injustice épouvantable, une grave injustice, une honte.
07:15C'est vraiment une honte de l'incarcérer.
07:17Quel est le scénario le plus probable qu'il sorte dans les toutes prochaines semaines ?
07:21Déjà, un premier point. Je ne peux pas laisser mettre un grain, dire rien ne justifie cette incarcération.
07:27Je rappelle que M. Nicolas Sarkozy a été condamné, même s'il a fait appel,
07:32mais a été condamné pour des faits d'une extrême gravité.
07:35Ce qui explique, effectivement, la sanction à la hauteur de la gravité telle que le tribunal l'a estimé.
07:40Donc, ce n'est pas rien.
07:42Après, effectivement, il a fait appel, donc il est à nouveau présumé innocent.
07:46Et on retombe, et c'est un peu technique, dans d'autres critères que ceux de la condamnation.
07:50En gros, quand vous condenez quelqu'un, vous allez décider de mettre un mandat de dépôt ou non,
07:55en fonction, on va dire, de la gravité de l'infraction et de la sanction.
07:59Le législateur nous y pousse.
08:00Le législateur nous dit, au-delà d'un an, vous devez faire exécuter le plus rapidement possible la peine prononcée.
08:05Là, on est un peu dit dans un système différent, puisqu'il a fait appel, il est présumé innocent,
08:09on revient, si vous voulez, à la case départ, et les critères ne sont plus les mêmes.
08:12Ce n'est plus la gravité d'infraction, c'est, grosso modo, le risque de non-représentation devant la cour d'appel,
08:18le risque qu'il s'en aille, qu'il prenne la fuite,
08:20ou le risque qu'il fasse pression sur des témoins ou sur des complices.
08:25Donc, on est sur des critères complètement différents.
08:28On verra ce qu'en dira la Chambre des Appels Correctionnels, qui sera amenée à statuer dans les semaines qui viennent.
08:33Deux points encore avec vous, notamment cette visite de Gérald Darmanin,
08:38qui l'a dit, il rendra visite à Nicolas Sarkozy en prison.
08:42Ça peut être problématique, selon vous ?
08:45Je l'ai dit, pour moi, c'est problématique, puisqu'il est garde des Sceaux.
08:51Ainsi que, l'avait dit finalement, lors de la passation de pouvoir dans la cour de la place Vendôme,
08:58son prédécesseur, M. Migaud, attention, être garde des Sceaux,
09:01c'est souvent de voir taire son émotion, taire son opinion,
09:07et se taire plus que les autres ministres du gouvernement,
09:10parce que, justement, justement, quand on est garde des Sceaux,
09:13on représente l'indépendance et l'impartiété de la justice.
09:16Alors, en disant, sur un mode un peu compliqué,
09:19je suis à la fois son ami et je suis à la fois le ministre,
09:21je vais aller le voir en prison,
09:23on ne sait pas trop si c'est l'ami qui, sous casquette du garde des Sceaux,
09:28va voir Nicolas Sarkozy,
09:29ou si c'est le garde des Sceaux qui, ne faisant pas confiance à la pénitentiaire,
09:35à ses subordonnés,
09:36préfère aller voir de lui-même si tout a été fait correctement.
09:39Enfin, on voit bien que tout ça n'a pas vraiment de sens.
09:41Nicolas Sarkozy qui a déclaré que sa condamnation, je cite,
09:44« humilier la France », il s'attaque là,
09:46directement à l'institution judiciaire.
09:47Je ne sais pas, il plaide, il se défend,
09:52il a le droit de plaider et de se défendre.
09:54Avec ces mots-là, ça ne vous dérange pas ?
09:56Moi, ce que je regrette,
09:57je vais vous dire, moi, ce que je pense et ce que je regrette,
09:59ce que je regrette, c'est que,
10:01on verra ce qu'on dira à la Cour d'appel,
10:02mais ce que je regrette, c'est qu'un président de la République,
10:05un candidat à la présidence de la République,
10:07un ministre de la République,
10:08ait pu, à un moment donné,
10:10et on verra ce qu'on dira à la Cour d'appel,
10:11s'imaginer que se faire financer
10:13par un État étranger, un État ennemi,
10:16ait pu être une bonne idée.
10:19Merci beaucoup, Lidoïc Frédéric.
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