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  • il y a 2 jours
Avec deux cent soixante-dix œuvres exposées, la rétrospective présentée à la Fondation Louis Vuitton revient sur plus de cinquante ans de la carrière de Gerhard Richter. En faisant cohabiter figuration et abstraction, le peintre allemand, traumatisé par l’histoire du XXe siècle, a fait du doute son sujet.

Du 17 octobre 2025 au 2 mars 2026.
Transcription
00:00Pourquoi peindre lorsqu'on est au XXe siècle, quand on arrive juste après les géants modernes de Manet à Picasso ?
00:09Tout n'est-il pas vain ? Eh bien non. Pour Gerhard Richter, né à Dresde en 1932, la peinture fut vraiment une évidence.
00:18Et cette rétrospective inédite de l'artiste considéré comme le peintre vivant le plus important du XXe siècle
00:24nous invite à découvrir les défis que s'est lancé Richter.
00:30Durant ses 60 ans de carrière, de 1962 à 2024, guidé par une intuition, peindre tout, même ce qui est indicible.
00:47Les fondements de sa peinture reposent d'abord sur les traumatismes de l'histoire.
00:51Gerhard Richter grandit dans l'Allemagne nazie.
00:54A dix ans, comme tous les enfants de son âge, il est enrôlé dans les jeunesses hitlériennes.
00:59Certains membres de sa famille ont été victimes du nazisme, sa tante, quand d'autres ont été forcés à supporter le régime, son père.
01:07Commençons par sa tante Marianne, atteinte de troubles psychiatriques.
01:12Elle a été stérilisée, puis assassinée par les nazis dans le cadre de leur campagne d'euthanasie des malades.
01:18Voici son oncle Rudy, en uniforme de la Wehrmacht, mort au front.
01:23Son père, banni de la société après la guerre.
01:27Il se suicidera en 1968.
01:28Tout au long de sa vie, Richter interrogera l'histoire du XXe siècle, sa mémoire, ses bourreaux et ses victimes.
01:42Car sa vie s'entremêle à l'histoire de l'Allemagne.
01:46Au début des années 1950, après la guerre et la partition de l'Allemagne,
01:49Gerhard Richter étudie à l'Académie des Beaux-Arts de Dresde.
01:52Il y apprend le réalisme socialiste, a héroïsé les travailleurs communistes
01:58et devient expert en fresques murales pour la propagande soviétique.
02:02Jusqu'à l'écœurement.
02:04En 1961, il quitte clandestinement l'Allemagne de l'Est
02:07et rejoint l'Académie des Beaux-Arts de Düsseldorf.
02:10Une idéologie chasse en l'autre, il découvre le libéralisme.
02:15Bientôt, ses toiles s'arracheront à prix d'or dans les salles de vente
02:18et seront accrochées dans les plus grands musées du monde.
02:22Mais que cherche donc Gerhard Richter ?
02:29Le peintre n'a rien oublié de son passé.
02:31Il s'attachera donc à se placer à distance de toute idéologie et croyance.
02:37Ce sera la base de sa peinture.
02:39Son procédé pictural est donc une interrogation constante sur la vérité.
02:44Ce qu'il veut, ce n'est pas mettre la réalité en image,
02:49mais visualiser ses propres relations avec la réalité.
02:53Ainsi, quand Richter sort de son atelier,
02:56ce n'est pas pour peindre ce qu'il voit, comme faisaient les impressionnistes,
03:00mais c'est pour prendre des photos.
03:02Il choisit la photographie car il se méfie de ses émotions.
03:06« J'ai besoin de la photo, plus objective, pour corriger ma manière de voir », explique-t-il.
03:11Si, par exemple, je peins un objet d'après-nature,
03:15je risque de le styliser et de le transformer pour qu'il corresponde à mes conceptions et à mon éducation.
03:23Mais si je copie une photo, tous les critères et les modèles tombent en désétude
03:27et je peins contre ma volonté.
03:30Ces sujets, ces défis de représentation sont très divers.
03:37Comment représenter ?
03:39Un souvenir de famille ?
03:40Un ciel ?
03:41Une lumière ?
03:43Un être ?
03:44Un paysage ?
03:45Richter se met donc à peindre de façon très réaliste d'après-photo.
03:48Puis, quand la peinture est encore humide,
03:51il la caresse avec un pinceau doux ou une étoffe,
03:55légèrement, mais suffisamment pour que les lignes se brouillent
03:59et que les formes perdent la netteté du cliché.
04:02Et cela donne son célèbre flou pictural.
04:14Encore visqueuse,
04:16il écrase la peinture lentement à l'aide d'un racloir
04:20et bascule soudain dans l'abstraction.
04:23Par ses moyens, il obtient des images fantomatiques,
04:27l'inventaire du monde décoloré, brouillé,
04:30comme une métaphore de l'incertitude,
04:33de l'éphémère,
04:34du fragmentaire,
04:36du brouillard de la mémoire.
04:37Ainsi Richter se dit sans certitude vis-à-vis de la réalité comme de l'art.
04:42Il doute même du pouvoir de l'art
04:44à décrire et refléter la réalité.
04:51Cette interrogation est poussée à son paroxysme
04:53à la fin de cette rétrospective
04:55avec son cycle de quatre tableaux
04:57intitulé Birkenau, 2014,
05:00montré pour la première fois en France.
05:02L'aboutissement de l'œuvre hantée par les traumatismes de l'histoire.
05:07Là encore, Richter a effacé
05:09les images figuratives dont il s'inspire.
05:12Des photos effroyables prises clandestinement
05:14par des déportés dans le camp d'Auschwitz-Birkenau.
05:17Il les a d'abord recopiées pour ensuite
05:19les recouvrir d'une peinture abstraite
05:21par honte, pitié ou sentiments religieux, dit-il.
05:26L'abstraction provoque alors une forme d'obstruction des images originales.
05:31Cette interaction entre représentation et effacement
05:34produit un souvenir particulier.
05:37D'immenses panneaux de verre, couleurs de cendres
05:39font face à ces quatre toiles
05:40et reflètent l'image de la pièce.
05:42Par ce jeu de miroir, le spectateur est alors
05:45enrôlé dans cette installation.
05:48Faut-il voir ou ne pas voir ?
05:50Dévoiler ou dissimuler le mal absolu ?
05:53Dans cette atmosphère certes glaçante,
05:56Richter parvient à exprimer
05:57l'impossible, l'indicible.
06:12C'est peut-être pas mal
06:14parce que ça peut toujours
06:15en mots,
06:16ce que c'est en mots,
06:17ce qui se passe,
06:18ce qui est possible.
06:21Et donc,
06:22ça ne a pas de maler rien.
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