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  • il y a 2 jours
Lucas Le Bell, cofondateur et directeur général de Cerbair, était l'invité de Laure Closier dans Good Morning Business, ce jeudi 23 octobre. Ils ont discuté de la mission de Cerbair en tant qu'acteur dans le développement de solutions anti-drones, en particulier la protection des sites sensibles et des personnes contre les nouvelles menaces que représentent les drones pour nos sociétés, sur BFM Business. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.

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Transcription
00:00Il est 7h45 sur BFM Business et sur RMC Live. Ce matin on a parlé de défense anti-drone, c'est devenu un sujet essentiel de sécurité pour l'ensemble des lieux sensibles, qu'ils soient civils ou militaires.
00:09Notre invité c'est Lucas Lebel, bonjour, vous êtes cofondateur et directeur général de Cerber, vous développez des solutions de lutte anti-drone, vous travaillez avec le ministère des armées, le ministère de l'intérieur, vous avez œuvré à la protection des Jeux Olympiques de Paris.
00:21Quand on parle de lutte anti-drone, votre boulot c'est quoi ? Il y a quelle part de votre boulot qui consiste à gérer des mini-problèmes de drones, c'est-à-dire des gens qui ne savent pas ce qu'ils font avec leur matériel ?
00:33Bonjour, tout d'abord merci de me recevoir. Pour répondre à votre question, notre mission c'est de protéger les sites et les personnes sensibles contre les nouvelles menaces que les drones font peser sur nos sociétés.
00:41Très concrètement, c'est faire la chasse aux drones, la chasse aux drones armés d'une part, aux drones espions, aux drones qui livrent de la contrebande et à toutes les autres utilisations malveillantes qu'on peut faire désormais avec des drones.
00:52Maintenant, il est vrai qu'aujourd'hui, et tant mieux, entre guillemets, la majeure partie des intrusions de drones contre lesquelles nos solutions protègent en réalité les sites sensibles, sont des intrusions en fait d'amateurs,
01:04donc entre guillemets sans gravité, mais qui pourraient dans un mauvais enchaînement de circonstances mener à la catastrophe.
01:09Même si, dans notre activité, on se prépare aussi évidemment à l'attaque avec intention, à l'attaque terroriste, et donc face à cette éventualité, on n'a pas le droit à l'erreur.
01:18Aujourd'hui, vous considérez que le drone est démocratisé à quel niveau ? C'est-à-dire qu'il y en a combien aujourd'hui, par exemple en France, combien de personnes sont équipées d'un drone avec lequel ils peuvent faire rien, mais aussi être dangereux ?
01:29Alors c'est très difficile d'estimer en réalité la quantité de drones en circulation. Les chiffres, en tout cas, tendent à exploser de façon exponentielle.
01:36Je me souviens, il y a quelques années, avoir lu un papier qui disait qu'il y avait plus de 50 millions de drones en circulation, en regard de simplement 400 000 aéronefs, tout confondus,
01:44montgolfières, avions, hélicoptères, 400 000 versus des dizaines de millions de drones en circulation.
01:50Bientôt, on va avoir les fêtes de Noël.
01:52C'est ce qui est énorme en fait.
01:53C'est absolument colossal. Et je vous dis, c'était il y a peut-être 4-5 ans déjà, avec une croissance exponentielle.
01:58Là, on va approcher des fêtes de Noël. Pendant cette période particulière, le drone est, on en parlait tout à l'heure, le premier bien de grande consommation électronique qui est offert à l'occasion de ces fêtes.
02:07Ce qui veut dire que tout le monde est potentiellement une menace avec son jouet de Noël ?
02:12Je ne sais pas si tout le monde est potentiellement une menace.
02:14Il y a des règles.
02:14Mais en tout cas, malheureusement, effectivement, il y a des usages sans intention qui sont très dangereux.
02:20Et donc, il faut faire très très attention et il faut éduquer.
02:22Et c'est aussi pour ça que je suis très content de venir ici pour en parler.
02:24Qu'est-ce que vous faites exactement, vous, concrètement, technologiquement, dans votre lutte anti-drone ? Ce sont quoi vos armes ?
02:31Alors, nos armes, ce sont des solutions technologiques qu'on développe avec mes équipes, qui visent en fait à détecter la présence de drones, donc des machines elles-mêmes, mais aussi du problème à la source, c'est-à-dire le pilote.
02:42Ce qu'on fait, en fait, c'est qu'on analyse les communications radiofréquences environnantes pour être capable d'identifier et de traquer les communications qui sont propres à l'utilisation d'un drone,
02:51pour être capable de localiser la machine en temps réel, mais aussi la radiocommande et donc le pilote, pour aller à l'encontre de la menace ou de l'amateur et précisément de l'éduquer et de lui faire atterrir sa machine.
03:01Et le cas échéant, quand on est face à des attaques avec intention très dangereuse, où il faut réagir très vite, d'interférer avec ces communications pour forcer la machine à atterrir.
03:09Et vous ne tirez pas dessus ?
03:10Nous, on ne tire pas dessus. Il y a des gens qui tirent dessus, on travaille avec eux, mais nous, on est sur des technologies dites, on va parler de soft kill,
03:16c'est-à-dire une neutralisation qui n'implique pas la destruction physique de l'appareil.
03:19Mais l'identification du pilote est presque plus importante que l'identification du drone en lui-même ?
03:24Ça dépend des cas de figure, mais c'est absolument crucial, parce que si vous voulez, le drone est devenu quelque chose de sacrifiable, de consommable, d'extrêmement accessible.
03:33Ça coûte très peu cher, c'est très facile de s'en procurer. Ça coûte peu cher, donc une fois de plus, on peut le perdre en opération.
03:38Donc si on ne traite pas le problème à la source, on renvoie le problème au prochain achat, à la prochaine utilisation.
03:44Donc il faut vraiment travailler au niveau de la population, des responsables et pas seulement de la machine.
03:49Votre technologie, c'est le spectre radiofréquence. C'est quoi la différence avec un radar simple ?
03:55Alors un radar, en fait, il va émettre une onde électromagnétique qui va rebondir contre un objet, qui va revenir,
04:02et ce rebond va venir le caractériser, et on va pouvoir déterminer un angle de provenance, une distance, et donc localiser un objet.
04:08Nous, ce qu'on fait, c'est qu'on cherche en fait à maîtriser le spectre radiofréquence dans sa composante analyse.
04:14Ce qu'on fait, c'est qu'on va analyser les communications radiofréquences, reconnaître des caractéristiques fondamentales du signal,
04:19et derrière procéder à une analyse physique de ce signal pour en déterminer la provenance.
04:23Donc le radar, il est ce qu'on appelle actif, il envoie quelque chose qui revient,
04:27donc ça veut dire qu'il signale sa présence, et dans des conflits armés, c'est dangereux,
04:30parce que derrière, vous pouvez être la cible en réalité de votre ennemi.
04:33Nous, c'est une technologie passive, donc on est indétectable, on écoute simplement,
04:37et on est capable de reconnaître une communication de type drone.
04:39Aujourd'hui, vous travaillez sur tout un tas de lieux, les aéroports, les stades, les prisons, les sites industriels.
04:46Est-ce que vous avez l'impression qu'aujourd'hui, nos pouvoirs publics sont conscients du niveau de danger du drone,
04:51qu'on arrive à monter une politique anti-drone, même, on va parler à l'échelle européenne dans un instant,
04:56mais même au niveau français ?
04:58Oui, les pouvoirs publics sont parfaitement au courant de cette menace, et ce, depuis plusieurs années.
05:02Cela étant dit, la menace est quand même extrêmement complexe, tant d'un point de vue technologique,
05:06on peut en parler si ça vous intéresse, d'un point de vue réglementaire, mais aussi d'un point de vue opérationnel.
05:10Donc les choses ne peuvent pas se faire du jour au lendemain.
05:13Fort heureusement, du côté français, on a été un des premiers pays, au niveau européen,
05:18à lancer une véritable roadmap en matière de lutte anti-drone,
05:20à avoir des déploiements sur des infrastructures sensibles, sur les prisons, sur les armées, les bases.
05:25Donc on fait partie des pays pionniers en la matière.
05:27Maintenant, j'ai envie de dire que tout reste à faire.
05:31Dernièrement, je lisais qu'un peu moins de 1% des besoins en matière de lutte anti-drone
05:35ont été couverts au niveau mondial.
05:37Donc ça vous donne une idée de l'ampleur du chantier à réaliser.
05:39Mais c'est comme en cybersécurité, c'est toujours une course entre le hacker
05:43et celui qui arrive à le contrecarrer.
05:46Est-ce qu'aujourd'hui, on est plus fort en lutte anti-drone ou en drone ?
05:48Qu'est-ce qui gagne aujourd'hui entre les deux ?
05:50Le drone aura toujours un temps d'avance.
05:51C'est quelque chose, d'ailleurs, qui est vrai un peu plus largement dans la sécurité ou dans la défense.
05:56Il y a une asymétrie entre celui qui attaque et celui qui défend.
05:59Et toutes choses égales par ailleurs, il est toujours plus facile pour l'attaquant
06:04de conserver l'initiative et d'itérer et de chercher à contourner les technologies de défense.
06:09Nous, notre job, ce n'est pas de vendre un rêve qui n'existe pas, d'un risque zéro,
06:13mais c'est de maximiser la performance de nos solutions sans jamais se laisser dépasser.
06:17Quand on parle de mur anti-drone européen, on voit des Français qui, eux, sont un peu sceptiques sur la question.
06:22C'est quoi, vous, votre position ?
06:25On est aussi assez sceptiques sur ce concept de mur anti-drone.
06:28Parce que, si vous voulez, autant à l'échelle d'un petit État, comme par exemple d'un petit État au niveau géographique,
06:33j'entends, avec des frontières qui parcourent des distances assez limitées comme Israël, ça peut se concevoir.
06:37Mais là, on parle de milliers de kilomètres à protéger, d'une part.
06:40D'autre part, la frontière sur le flanc est, d'accord, mais je veux dire, on a aussi un littoral.
06:45Encore il n'y a pas si longtemps, on a raisonné un bateau en supposant que le drone avait très bien pu décoller de cet appareil.
06:51Donc, il faudrait rajouter des milliers de kilomètres de littoral autour.
06:55Et puis, dernièrement, quelques opérations, notamment de haut vol des Ukrainiens,
06:58ont démontré qu'un des avantages du drone, c'est que vous pouvez les cacher dans un camion, dans un véhicule,
07:03traverser la frontière, et puis derrière, au contact du site que vous cherchez à frapper,
07:07les sortir, et en quelques dizaines de secondes, frapper le site.
07:11Donc, ce concept de mur, moi, je trouve que c'est un petit peu,
07:15ça peut revenir à un concept de ligne Maginot, et qui n'est pas à la hauteur de l'enjeu.
07:19La lutte anti-drone, c'est très complexe, c'est de la protection de proximité,
07:24au plus proche du site qu'on cherche à protéger.
07:26C'est chaque site qui doit organiser sa défense anti-drone, en fait, si on comprend bien.
07:29De notre point de vue, c'est à la fois ça, et à la fois des moyens ultra-mobiles, ultra-flexibles,
07:34tout ça intégré dans ce qu'on appelle un centre de commande et contrôle,
07:37pour faire circuler cette information très vite.
07:39Parce qu'évidemment, les drones s'affranchissent des frontières, sont extrêmement mobiles,
07:42et donc, le chantier est déjà extrêmement complexe,
07:46mais peut-être en particulier à un niveau européen,
07:48où il va falloir coordonner des moyens technologiques différents,
07:50venant de pays différents, qui travaillent dans des langues différentes,
07:53pour avoir une solution rudimentée.
07:56Si je comprends bien, l'histoire du mur, c'est un leurre.
07:58On sent que c'est une utopie, en fait, dans ce que vous nous dites.
08:01C'est une formule un peu choc.
08:04Mais pour les populations, en fait, pour penser que vous êtes protégés.
08:07Je ne sais pas quelle était l'intention derrière,
08:10mais ce qui est certain, c'est que la réalité est bien plus complexe
08:12que simplement ériger un mur.
08:13Aujourd'hui, en termes de financement de l'ensemble de la filière drone et anti-drone,
08:18est-ce qu'on est au niveau ?
08:20Est-ce qu'on est au niveau...
08:21On n'est pas au niveau de certaines autres régions géographiques.
08:24Maintenant, il y a une véritable prise de conscience.
08:27Et honnêtement, les choses changent dans le bon sens du terme.
08:29Il n'y a encore pas si longtemps, l'industrie de défense,
08:33même au sens général, n'avait pas forcément très bonne presse
08:36et avait du mal à attirer des capitaux.
08:37C'était un sujet d'actualité.
08:38Le monde a changé désormais ?
08:39Les banques, les investisseurs, etc.
08:42Dernièrement, je pense qu'il y a une véritable prise de conscience
08:43au niveau européen, que les tensions montent,
08:46que la perspective d'un possible conflit mobilise l'opinion publique
08:50et lui fait de nouveau prendre conscience
08:53qu'on a d'abord besoin de nos armées,
08:54mais aussi de bien l'équiper.
08:56Et donc, les choses vont dans le bon sens.
08:58Merci beaucoup, Lucas Lebel, d'être venu ce matin
08:59dans la matinale de l'économie.
09:01Vous venez de publier « Drônes et luttes anti-drônes ».
09:03C'est chez Ellipse.
09:05C'est à destination notamment des pouvoirs publics.
09:07Merci beaucoup d'être venu ce matin.

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