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"La Reine de la Nuit, c'est un peu la Voldemort de la Flûte enchantée" résume la soprano Sabine Devieilhe. Voldemort avec une voix très très haute. La chanteuse en sait quelque chose, elle a incarné ce rôle mythique de Mozart à de multiples reprises.

Avec ses notes piquées, très hautes, à l'extrême de la tessiture, ses costumes souvent extraordinaires, sa présence scénique intense, mais très courte, la Reine de la nuit est un rôle périlleux quoique excitant pour les sopranos. "On doit être dans un instrument extrêmement flexible et souple, mais atteindre les plus hautes sphères de la tessiture tout en détente". Décryptage.

#mozart #SabineDevieilhe #cultureprime #opera #soprano

Crédits :
Vidéo : Clémence Guinard
Prise de vue : Alexandra James
Archives INA : (Documentaliste : Ingrid Lecointe)
Vidéo : AFP
Responsable du pôle vidéo : Lucie Bombled
Images : Maxppp, Getty

Catégorie

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Musique
Transcription
00:00Quand la Reine de la Nuit entre en scène, les gens font
00:02« Ah, je reconnais ! »
00:08Évidemment, je me souviens de chaque représentation
00:11de la Reine de la Nuit que j'ai faite depuis mes débuts.
00:14Vraiment, c'est le rôle qui demande le plus de travail mental.
00:19On a vraiment besoin de se conditionner,
00:21de se taper dans le dos en se disant « Tout va bien se passer, je t'assure ! »
00:29Alors, le rôle de la Reine de la Nuit dans la flûte enchantée de Mozart,
00:32c'est un rôle clé de cette opéra.
00:35Donc, cette Reine de la Nuit n'a que deux interventions.
00:37Par contre, tout le monde parle d'elle.
00:39Elle a une musique angoissante dans l'orchestre dès qu'elle est évoquée.
00:43C'est un peu la Voldemort de la flûte enchantée.
00:53Cette Reine de la Nuit, elle est très ambivalente.
00:55Elle a un côté un peu Baba Yaga.
00:57Elle commence par être gentille et puis finalement, elle s'avère être féroce.
01:05En tant que spectatrice, quand j'ai vu pour la première fois la flûte enchantée,
01:09j'étais pleine d'empathie pour cette pauvre mère qui pleurait l'absence de sa fille Pamina.
01:14Et puis, je me suis faite berner moi aussi.
01:16C'est peut-être ça le génie de Mozart, c'est qu'il a réussi à tous nous berner.
01:19Son premier air est un air de plainte où elle supplie Tamino d'aller délivrer sa fille Pamina.
01:28Finalement, elle est en train d'instrumentaliser le pauvre Tamino.
01:32Donc cette air, c'est une grande plainte.
01:38Elle a quand même sur la fin de l'air quelques vocalises pour affirmer sa force
01:42qui montent une première fois jusqu'au fameux contre-fa au-dessus de la portée.
01:47Et ensuite, on parle d'elle, on parle d'elle et elle revient dans un air de colère
01:59que tout le monde connaît, vous, vous, vous, tout le monde connaît cet air.
02:01Ça veut dire, je suis en train de me consumer de colère.
02:08Je ne suis que colère.
02:17Et Mozart s'est servi d'un instrument fluet, très aigu de soprano coloratur
02:26pour évoquer cette colère grâce à des arpèges de notes piquées
02:31jusqu'à l'extrême de la tessiture.
02:33Et par quatre reprises, il évoque ce contre-fa
02:37qui est vraiment à bout de souffle l'expression de la colère de la Reine de la Nuit.
02:47Ici, Mozart nous demande de vocaliser non seulement avec des notes liées
02:54mais surtout avec des notes emblématiques de ce rôle
02:58qui sont des notes staccato, des notes piquées.
03:01Quand il l'écrit, il met un petit point au-dessus de la note.
03:04Évidemment, nous, le petit point, on ne doit pas le traduire par un coup de poing.
03:09On doit être dans un instrument extrêmement flexible et souple
03:13mais atteindre les plus hautes sphères de la tessiture tout en détente.
03:19Et c'est ça qui est vraiment très compliqué dans ce rôle.
03:28Alors, j'ai la chance d'avoir vraiment une voix aiguë.
03:31Donc, pour moi, l'intérêt et le stress ne se placent pas sur les suraigus.
03:36Mon stress, à moi, se place dans l'intensité du rôle
03:39qui se déroule d'une façon très, très brève et très succincte.
03:43Ce qui est difficile dans la préparation de la Reine de la Nuit,
03:45c'est que, bien sûr, on le répète, on le répète, on le répète,
03:48mais rien ne nous permet d'être sûr qu'on soit prêt à assumer cette pression.
03:54Cette pression du public et de l'instant d'excitation
03:58qui est présent dans la musique de Mozart.
04:01Il y a beau avoir 2700 personnes dans la salle,
04:03la musique de Mozart nous domine.
04:06Et elle nous domine d'une façon exaltante, excitante
04:09et qui nous fait sortir de nos gonds.
04:12Et ça peut être dangereux de sortir de ces gonds pour la Reine de la Nuit.
04:14Ce rôle de la Reine de la Nuit, je l'ai découvert grâce à Nathalie Dessay,
04:29grâce à Diana Damraou et grâce à une vidéo très ancienne
04:34de la toute jeune Editha Gruberova.
04:36C'est ce genre de rôle quand on voit une interprète incarner ce rôle
04:41et qu'on sent que nous aussi on a ce genre de tessiture présente dans le gosier,
04:45on a envie de l'essayer.
04:47Je pense que ma salle de bain a connu de nombreuses interprétations
04:50de la Reine de la Nuit.
04:52Je vous souhaite d'essayer vous aussi dans votre salle de bain,
04:55même en sifflottant.
04:56Le pouvoir d'un arpège chez Mozart, il est universel.
05:00Et je vous conseille à tous de goûter le pouvoir de cet arpège.
05:11Sous-titrage Société Radio-Canada

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