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  • il y a 18 heures
Laurence Bloch, ancienne directrice de France Inter, raconte dans “Radioactive” (Stock) ses cinquante ans de carrière à Radio France et dit vouloir défendre l'audiovisuel public, "critiquable" mais "utile".

Retrouvez « L'invité de 7h50 » de Benjamin Duhamel sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50

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Transcription
00:007h48 sur Inter, c'est à vous Benjamin Duhamel, vous recevez l'ancienne directrice de France Inter.
00:08Bonjour Laurence Bloch.
00:09Bonjour Benjamin Duhamel.
00:11Merci d'être avec nous ce matin sur France Inter.
00:13Ce QM là, la radio, le service public prendront beaucoup de plaisir à lire votre livre Radioactive aux éditions Stock.
00:19Ils y retrouveront le récit de vos 50 ans de carrière ici à Radio France.
00:23Jeune stagiaire d'abord, puis patronne de France Inter et numéro 2 de Radio France.
00:26Ils y verront peut-être aussi quelques contradictions sur vos combats récents pour un rapprochement entre télé et radio.
00:31On y reviendra dans un instant.
00:33Mais d'abord, un mot sur ce que vous ressentez quand vous êtes dans ce studio que vous connaissez si bien
00:37et que vous revenez à la maison de la radio que vous avez arpentée pendant 50 ans.
00:41C'est quoi ? C'est de la nostalgie ?
00:42Non, ce n'est pas de nostalgie.
00:44C'est beaucoup d'émotion de me retrouver dans le rouge des studios de France Inter.
00:49C'est beaucoup de plaisir à retrouver les gens avec lesquels j'ai tellement aimé travailler,
00:55même s'ils sont quelquefois très très chiants, parce qu'ils font des forces.
00:58Je ne vois pas de qui vous voulez parler.
01:00Et puis voilà, je suis contente de me retrouver assise à côté de Patrick,
01:03parce que je trouve que la chronique de Patrick, ça dit tout de l'audiovisuel public,
01:07c'est-à-dire que nulle part ailleurs, vous n'avez cette profondeur de champ.
01:10Je suis très contente, je suis un poil stressée,
01:13parce que je me revois écoutant le 7h50,
01:16disant « Mais mon Dieu, comme c'est lent ! Mais mon Dieu, comme c'est long !
01:19Mais mon Dieu, comme il n'y a pas grand-chose à dire ! »
01:20Pas récemment, j'espère.
01:21Non, pas du tout, cher Benjamin.
01:22Mais voilà, je suis très contente.
01:24On va parler de l'audiovisuel public dans un instant,
01:26mais juste avant, sur le titre de votre livre, Radioactive,
01:28qui en rappelle un autre, les souvenirs de Pierre Bouteillet,
01:31ça s'appelait Radioactif, Pierre Bouteillet, immense voix de la radio,
01:34qui lui aussi a passé une bonne partie de sa carrière à France Inter,
01:37et qui était là quand vous arrivez à l'été 74, jeune étudiante de Sciences Po.
01:42Vous n'êtes pas très bien accueillie, vous le racontez dans votre livre.
01:44Pourquoi ? Parce que vous êtes une femme ?
01:45Parce que vous venez de l'extérieur, tout simplement ?
01:48Non, alors ça, en tout cas, je ne laisserai jamais dire qu'avant, c'était mieux.
01:51Je peux vous dire qu'à Inter, quand je suis arrivée, j'avais 22 ans,
01:55j'étais une petite provinciale assez gourde, plutôt timide,
02:00qui ne s'aimait pas beaucoup, et je suis arrivée dans une marée de mecs.
02:04Il n'y avait que des mecs à l'antenne, au management décisionnaire.
02:08Les femmes, c'était des sténos.
02:09Elles étaient assises sur leur chaise, et elles tapaient les papiers de ces messieurs,
02:13qui n'étaient jamais prêts à l'heure, et qui les engueulaient.
02:16Donc, c'était quelque chose de terrible.
02:18Je crois même qu'on ne voyait pas les stagiaires.
02:20Il n'y avait pas d'attention, c'était les barreaux de chaise.
02:23Mais, quand j'ai posé le pied dans cette maison,
02:27et quand j'ai vu le rouge s'allumer,
02:29je me suis dit, c'est là que je veux travailler.
02:31Je me demande même, si je ne me suis pas dit, c'est là que je veux vivre.
02:34Parce que là, il se passait des choses absolument formidables.
02:37C'est-à-dire que là, on entendait tout d'un coup résonner les sons du monde.
02:41C'est-à-dire que là, tout d'un coup, on entendait des voix humaines,
02:44on entendait les gens du quotidien qui racontaient nos émotions, nos chagrins.
02:48Parce que là, il y avait du savoir, de la transmission, des idées, des artistes.
02:52Parce que là, c'était une matrice extraordinaire.
02:55Et, on était au service des auditeurs.
02:58Et vous y avez passé 50 ans.
03:01Vous publiez, Laurence Bloch, ce livre,
03:02dans un moment où l'audiovisuel public est particulièrement attaqué,
03:04par certains à gauche au nom d'un discours anti-système,
03:07par certains à droite et à l'extrême droite au nom d'une supposée pensée unique.
03:10Et ce qui vous frappe, vous l'avez dit, c'est le silence.
03:13Pourquoi n'y a-t-il pas de grande voix pour s'exprimer
03:16et pour défendre, dans ce moment, le service public ?
03:20Moi, je dirais peut-être par paresse, peut-être par habitude.
03:24Parce qu'au fond, l'audiovisuel public, il est là.
03:26On en a l'habitude.
03:28Et on sait ce qu'il fournit.
03:31On ne réalise pas qu'on parlait là de ce casse du siècle,
03:36avec les bijoux de génie qui ont disparu.
03:38Mais si, tout d'un coup, les voix de France Sélé et de Radio France s'arrêtaient,
03:42où est-ce qu'on pourrait retrouver toutes ces émissions
03:45qui nous donnent le sentiment d'être un peu plus à l'aise dans ce monde qui est compliqué ?
03:49Où est-ce qu'on retrouverait des émissions d'économie ?
03:52Où est-ce qu'on retrouverait des émissions de géopolitique ?
03:54Où est-ce qu'on retrouverait des émissions de science ?
03:56Nulle, par ailleurs.
03:57Où est-ce qu'on se bat pour les faits, le réel,
04:02et pas la reconstruction idéologique de la réalité ?
04:05Je pense qu'il y a beaucoup de lâcheté.
04:07Moi, je le dis franchement.
04:08Je ne comprends pas pourquoi.
04:10De lâcheté de la part de qui ?
04:11Des politiques, des intellectuels et du monde culturel.
04:14Parce qu'après tout, ce sont ces maisons qui portent la voix des artistes.
04:18Ce sont ces maisons qui permettent à des gens qui vivent dans la France entière
04:22de profiter du spectacle vivant, de profiter de la parole des cinéastes,
04:27de profiter de ces paroles-là.
04:29Et quand je vois combien cette maison se met en quatre pour les enfants,
04:33ça n'existe nul par ailleurs.
04:34Le jour où ça disparaîtra, on verra que le casse du siècle,
04:37c'est bien plus important si on coupait les antennes de cette maison
04:41et de France Télévisions que les bijoux de l'arène.
04:43Tout de même.
04:44Est-ce que vous considérez que, parfois, quand vous l'avez dirigé,
04:48le service public a pu prêter le flanc à certaines des critiques
04:51qu'on a entendues sur le pluralisme, sur la diversité des opinions ?
04:55Ou est-ce que ce sont juste des critiques de mauvaise foi ?
04:57Alors, je vais vous dire, il y a une technique de marketing
04:59qui est utilisée par un groupe privé très très très forte, très efficiente,
05:03et beaucoup trop portée par les autres médias, en particulier la presse écrite.
05:06Mais par ailleurs, évidemment qu'il est critiquable, le visuel public.
05:10Vous avez des regrets, vous-même, Laurence Bloch ?
05:12J'en ai plein, mais en particulier sur l'interactivité.
05:16Je vous assure que dans cette tranche du 7-9,
05:19pour faire advenir des questions des auditeurs,
05:21il fallait vraiment y aller.
05:21De toute façon, j'ai raté.
05:23On les entend tous les matins.
05:25Un peu plus, je dois dire.
05:27Mais évidemment qu'il est critiquable, évidemment qu'il est amendable.
05:31Mais enfin, qu'on ne vienne pas de nous expliquer,
05:32quand même, qu'il n'y a pas de pluralisme sur le service public,
05:34surtout de là où viennent les critiques, quand même.
05:37C'est l'hôpital qui se fout de la charité.
05:39C'est-à-dire, vous citiez un groupe dans le chien d'espèce ?
05:41Je ne cite pas le groupe.
05:42Ah bah, si.
05:43Pas de plus d'heures ici.
05:44Dans le livre, vous citez le groupe Bolloré,
05:47la chaîne CNews, vous considérez que voilà...
05:49Je considère que c'est une stratégie marketing.
05:50C'est l'adversaire du service public ?
05:51Pardon ?
05:52C'est l'adversaire du service public, le groupe Bolloré ?
05:54Il me semble qu'ils font tout.
05:56En tout cas, ils font tout pour profiter de sa notoriété.
05:58Et ils sont dans une stratégie qui vise à essayer de mettre en place une sorte de face-à-face ?
06:06Je ne suis pas là pour parler du groupe Bolloré.
06:09Je trouve qu'on en parle beaucoup trop.
06:10Moi, je veux défendre le visuel public, son exceptionnalité et son utilité.
06:14Je pense que le jour où il n'y aura plus le visuel public,
06:17ce pays sera un pays moins tranquille et plus difficile à vivre.
06:22Laurence Bloch, je parlais tout à l'heure des contradictions présentes dans votre livre.
06:25La principale est sans doute le fait d'avoir accepté de travailler sur le projet défendu
06:28par la ministre de la Culture, Rachida Dalti, d'une holding
06:31qui actait le rapprochement entre France Télévisions et Radio France.
06:34C'est même le point de départ de votre livre.
06:36Entre Rachida Dalti, pas franchement au soutien de Radio France
06:38quand elle caricature France Inter en radio élitiste.
06:41Le projet de holding dénoncé par beaucoup comme risquant d'affaiblir la radio.
06:45Est-ce que vous comprenez ceux qui, ici, dans cette maison, se sont sentis trahis ?
06:49Absolument, je ne l'avais prévu pas à ce point-là.
06:51Enfin, j'avais bien prévu que ce soit moi qui porte cette idée de la holding,
06:56j'avais bien prévu que ça pourrait en blesser, en angoisser plus d'un.
07:00Et pour autant, il n'y a aucune contradiction dans le fait que j'ai accepté cette mission
07:04parce que j'ai travaillé pendant deux ans, vous l'avez dit, les deux dernières années auprès de Sybille Veil.
07:09J'ai vu combien les usages se transformaient,
07:12combien on n'écoutait plus ni la radio ni nous regardions la télévision de la même façon.
07:16Et que, quelque part, si l'audiovisuel public continuait de considérer que son premier ennemi,
07:21c'était l'audiovisuel public, ça allait mal se passer pour les deux misants.
07:24Mais vous avez, Laurence Bloch, accepté de travailler avec une ministre de la Culture
07:28qui, parfois, dans ses prises de parole, ne donne pas l'impression de défendre tout à fait le service public ?
07:32Je ne suis pas d'accord avec vous.
07:34Et par ailleurs, moi, elle m'a confiée une mission, elle m'a laissé tout à fait la liberté de le faire.
07:39Ce n'est ni ma copine.
07:40Je n'en suis pas non plus la procureure et je n'en suis pas l'avocate.
07:43J'ai fait cette mission, je suis convaincue que les maisons d'audiovisuel public doivent travailler plus et mieux ensemble.
07:50Je suis convaincue qu'il y a deux enjeux majeurs.
07:53C'est l'information de service public qui doit être beaucoup plus puissante
07:56et beaucoup plus puissante en particulier sur les applications
07:58et qu'il faut rattraper les CSP-, c'est-à-dire ces gens qui n'ont pas un patrimoine culturel suffisant
08:05pour être, j'allais dire, en tranquillité avec ce monde
08:09et que ce n'est pas l'audiovisuel public qui a perdu les CSP-, c'est tous les médias traditionnels, c'est RTL aussi.
08:14Et si on ne rassemble pas les forces de la radio, de la civilisation, ici et France 3, pour regagner ce public,
08:21je pense que là, il y aura un vrai problème pour l'audiovisuel public.
08:24Donc, pas de contradiction, j'assume complètement et il faut continuer de travailler cette question.
08:29Un dernier mot, Laurence Bloch, ce qui transpire à chaque page, c'est un amour infini du média radio
08:34avec, là, peut-être quand même une pointe de nostalgie, ce que vous appelez le monde disparu des transistors et des livres sur papier.
08:40Est-ce qu'on écoutera encore la radio dans dix ans ?
08:41Mais bien sûr qu'on écoutera la radio, mais pas de la même façon.
08:44Il faut que ce média réussisse à être distribué partout, là où sont les gens, sur les réseaux sociaux, sur les plateformes.
08:51Et ça, ça nécessite, oui, ça nécessite de la transformation de la part de cette maison.
08:55Mais cette maison, elle se transforme et elle déteste quand on lui dit qu'il faut se transformer.
08:59Donc, du calme, le mouvement, ça a toujours été l'avenir de cette maison, qu'elle y aille !
09:05Donc, vous écouterez encore France Inter dans dix ans ?
09:06Mais j'écoute encore, évidemment, j'ai plein de choses à vous dire.
09:08Très bien, on continuera la discussion en sortie de studio radioactif.
09:13Laurence Bloch, c'est aux éditions Stockton.
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