Dans cette émission spéciale de C l’Hebdo diffusée sur France 5, les invités reviennent sur les zones d’ombre et la force intérieure de Johnny Hallyday. Entre confidences, témoignages et archives rares, l’émission explore le combat intime d’un artiste hors norme, partagé entre gloire, excès et quête de rédemption. Un portrait sincère et bouleversant du rockeur français le plus emblématique.
00:00Ce qui est fort aussi dans cette expo, c'est que vous nous montrez aussi sa part d'ombre.
00:04Ça raconte sa dépression, ses penchants suicidaires, ses angoisses, sa blessure originelle, l'abandon de ses parents.
00:10Il y a une interview très forte de lui, faite par l'écrivain Daniel Rondeau en 98 pour Le Monde, où il y a cette phrase
00:16« Je sais que le bonheur n'existe pas, il n'y a que la douleur et la solitude ».
00:21Quand vous le rencontrez, est-ce que vous voyez tout de suite cette face sombre ?
00:25Oui, et je me retrouve à travers cette face cabossée, cette âme cabossée, cet être si fragile.
00:33Je me retrouve à travers lui parce que j'ai des états d'âme qui sont les mêmes que les siens,
00:40avec une vie différente et des blessures différentes.
00:43Mais finalement, on se retrouve, on se rencontre.
00:47J'allais avoir 20 ans, il en avait 50.
00:50Vous ne voyez pas l'écart d'âge à ce moment-là ?
00:51Non, pas du tout.
00:52On se rencontre, c'était improbable notre rencontre.
00:56Mais en même temps, je crois qu'il n'y a pas de hasard.
00:59Vous ne deviez pas aller à cette soirée ?
01:01Oui, à travers un sourire.
01:03C'était beaucoup de blessures personnelles, de démons aussi que je luttais contre des...
01:09C'était une période de ma vie compliquée.
01:11C'était l'anorexie, votre démon à vous ?
01:13Oui.
01:14Vous avez pesé jusqu'à 35 kilos ?
01:16Non, 42.
01:1742 kilos ?
01:18Oui, mais c'était, je ne sais pas beaucoup.
01:21Mais bon, je voulais mourir, donc j'étais là, c'est...
01:25S'affamer, c'est se laisser partir aussi.
01:29C'est une forme de suicide silencieux.
01:32Et j'ai rencontré un homme qui était aussi cabossé que moi, avec des failles, avec des fragilités.
01:38Et il vous a sauvé ?
01:39Avec cette peur de l'amour aussi, de la peur d'aimer, de s'aimer d'abord, il ne s'aimait pas, je ne m'aimais pas.
01:46Et puis on s'est rencontré, on s'est sauvé.
01:51C'est rare ça, normalement, on nous raconte toujours que deux personnes cabossées, ça fait un couple un peu cabossé.
01:55Ben non, justement, parce qu'en fait, quand on a connu les descentes aux enfers, ou cette manière de se détruire à travers des addictions, à travers des choses extrêmement violentes,
02:11on peut comprendre les démons de l'autre sans essayer de le changer.
02:16Donc c'est juste l'amour qui peut nous changer, et puis de se rencontrer.
02:22Parce que vous étiez tous les deux, vous disiez, moi en gros, cette anorexie, c'est aussi parce que je voulais disparaître.
02:27Et lui, on se demande s'il n'avait pas envie de mourir.
02:30D'ailleurs, c'est la façon dont vous le racontez, vous dites, il jouait avec sa vie, il est mort mille fois, il s'est relevé mille fois.
02:36Est-ce qu'il était parfois suicidaire ?
02:38Oui. Il ne serait pas devenu l'artiste qu'il est devenu s'il n'avait pas eu cette part d'ombre.
02:46Je pense qu'à travers ses failles, à travers ses blessures, il s'est construit un personnage à part.
02:51Un personnage qui n'est pas ordinaire et il s'en est nourri aussi de ça pour créer, pour faire des chansons comme il a fait,
03:03pour être l'artiste qui donne autant sur scène avec une telle humilité, une telle générosité.
03:10Mais parce qu'il se réparait quand il allait sur scène, l'amour du public l'a réparé aussi.
03:14Vous nous disiez tout à l'heure qu'en fait, au moment de sa maladie, il ne voulait pas mourir, il voulait continuer à vivre, il voulait continuer à ressentir ça.
03:24C'est tout le paradoxe, me semble-t-il, de cet homme qui a passé sa vie à affronté la mort.
03:30Ce n'est pas le même homme qui est parti que quand je l'ai rencontré.
03:34Ce n'est pas le même homme.
03:35C'est un homme totalement différent qui avait fait la paix avec ses démons, qui avait fait la paix avec ses parents,
03:39qui avait appris à pardonner à ses parents à travers l'adoption de Jade et Joy.
03:44On a adopté deux petites filles abandonnées.
03:46Johnny est un être abandonné qui a souffert de cet abandon, qui a dû se reconstruire à travers ça.
03:52Et l'abandon de Jade et Joy lui ont appris ce qu'était le pardon.
04:00Et à partir de là, notre vie a changé.
04:04Parce que lui, il a fait la paix avec ses parents, avec lui.
04:11Et la vie change un homme.
04:15Moi, je n'ai pas essayé de changer mon mari.
04:17C'est la vie, c'est les épreuves de la vie, l'inversité, les combats qu'il a menés.
04:21Et l'amour qu'il a changé.
04:23Et moi, j'ai changé.
04:23Mais c'est vraiment l'amour aussi qui est le nerf de toutes ces guerres.
04:26Pour qu'on comprenne bien d'où il part.
04:27Quand vous parliez de son autodestruction, il s'est allé jusqu'où ?
04:31Qu'avez-vous vu de Pierre ?
04:33Il y a des addictions à la drogue, à l'alcool.
04:36Il faut arriver à essayer qu'il s'en sorte sans vouloir trop lui dicter sa vie.
04:42Ça n'avait pas été facile.
04:44Il fallait juste comprendre pourquoi il avait besoin de se détruire.
04:48Pourquoi il avait besoin de ses moments de solitude.
04:49Pourquoi il avait besoin de se faire du mal.
04:53Inconsciemment, il avait peur de l'amour.
04:55Il avait peur de l'apprivoiser, l'amour.
04:59Parce qu'on ne lui avait jamais appris.
05:01Parce qu'on ne lui avait jamais dit...
05:03Ses parents lui ont jamais dit « je t'aime ».
05:05Mais on ne lui a pas appris quand il était jeune à dire « je t'aime ».
05:07Donc il ne vous a pas aimé tout de suite ?
05:09C'est marrant parce qu'on s'est rencontrés et on avait l'impression de s'être rencontrés dans une autre vie.
05:18C'est très étrange.
05:19On a passé une soirée ensemble à se raconter nos vies.
05:23Moi, je n'étais pas quelqu'un.
05:24Je n'avais pas d'amis.
05:25J'étais très solitaire.
05:27Je ne parlais pas beaucoup.
05:29Et pour moi, c'était...
05:32Je savais qu'on était des âmes liées.
05:34Je savais que cette rencontre n'était pas liée au hasard.
05:39Et lui ?
05:39Et lui, pareil.
05:40Alors, c'est difficile pour moi de parler pour lui.
05:42Parce que j'ai...
05:43Avec beaucoup de pudeur...
05:45Quand on le voit, on a l'impression qu'il a très vite assumé votre histoire.
05:50Il m'a dit que je serais la dernière femme de sa vie et qu'il voulait vieillir avec moi.
05:58Dès 96, au tout début ?
06:00Le premier soir.
06:01Donc, c'est 95 ?
06:0395, oui.
06:04Mars 95.
06:06Et on va regarder, justement, peu de temps après.
06:09Il a envie de crier son amour comme quand on est fou amoureux, on a envie de le dire à tout le monde.
06:12Sauf que lui, il est impugnique.
06:14On est en 95, on est à Bercy et vous ne savez pas où vous mettre.
06:18On regarde.
06:20J'ai commencé à chanter du rock'n'roll en allant tout simplement voir un western.
06:26Le film s'appelait Loving You.
06:31Qui est une chanson d'amour.
06:34Parfait.
06:36Et j'aimerais chanter ce soir cette chanson pour ma fiancée, Laetitia.
06:40C'est là, ce soir.
06:41C'est là, ce soir.
06:50Elle est très timide.
07:01Vous vous souvenez de ce moment ?
07:03Oui, comme si c'était hier.
07:06Et pourtant, c'était il y a très longtemps.
07:11Mais c'était...
07:12Je ne savais plus où me mettre.
07:13J'étais vraiment...
07:14J'étais toute rouge.
07:18Vous ressentez quoi, là ?
07:20Merci la vie d'avoir vécu des moments comme ça.
07:25D'avoir eu la chance de pouvoir les vivre.
07:30Je pense que dans une vie, on rencontre un amour.
07:35Et c'est la rencontre d'une vie.
07:39Je serais certainement plus de ce monde aujourd'hui si je ne l'avais pas rencontré.
07:42Peut-être que lui non plus.
07:44On s'est sauvés.
07:45On s'est réparés.
07:47On a avancé dans la vie ensemble à travers l'adversité aussi.
07:53Mais la vie, elle n'est pas lisse.
07:55La vie avec lui, elle n'a pas été lisse.
07:57Mais je me sens bénie d'avoir rencontré un homme qui m'a tellement donné,
08:05qui m'a tellement aimée.
08:08Certainement comme personne ne m'aimera plus jamais.
08:12Mais pardon, c'est terrible à chaque fois d'être aussi...
08:18Non, mais c'est beau de vous voir si amoureuse de lui.
08:27Non, mais vous-même, est-ce qu'il vous a appris à vous aimer ?
08:30Oui, oui.
08:31Oui, ce n'était pas gagné.
08:34Mais j'ai appris à être moi.
08:35J'ai appris à m'accepter avec mes défauts, avec mes faiblesses.
08:40J'ai appris à avancer dans la vie.
08:45En essayant de ne pas trop être dure avec moi-même et de ne pas trop me juger.
08:50Parce que j'ai tendance à me juger, à porter un jugement sur moi qui est trop dur.
08:55À cause de quoi ?
08:56À cause d'une adolescence torturée.
09:01À cause d'une adolescence où on fait du mal à son corps, où on fait du mal aux gens qu'on aime.
09:06Parce qu'on ne veut pas vivre.
09:07Parce qu'on a des gens en face de vous qui ne comprennent pas ce que vous avez.
09:12Mes parents n'ont pas très bien compris pourquoi je me faisais autant de mal, pourquoi je m'affamais, je torturais mon corps, pourquoi je ne voulais plus vivre.
09:27Alors que j'étais gâtée par la vie, j'étais une enfant gâtée.
09:29J'avais beaucoup d'amour autour de moi, j'étais gâtée, j'étais dans un milieu très privilégié.
09:38Vous, vous savez pourquoi ?
09:39Oui.
09:40C'était pour quelle raison ?
09:43C'est un vrai travail sur soi aussi, de ne pas s'accepter, de ne pas s'aimer, de vouloir.
09:55Puis je m'en veux aujourd'hui parce que j'ai fait beaucoup de mal aux gens que j'aime.
10:04À vous surtout.
10:05Et à moi.
10:06Mais regardez, je pense que si je n'avais pas vécu ce que j'avais vécu, si je n'avais pas vécu une adolescence aussi vertigineuse,
10:14je n'aurais pas pu résister à un être comme lui.
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