Des manifestations de masse, portées par la jeune génération, un président retranché dans un lieu inconnu destitué par l'Assemblée nationale, une armée qui prend le pouvoir.... L'île de Madagascar, à l'histoire jalonnée de troubles socio-politiques, vit depuis la fin du mois de septembre une crise sociale qui a conduit à la chute du pouvoir.
00:00On a pris le pouvoir. Ça, c'est le palais présidentiel.
00:1222 morts après des manifestations massives de jeunes, une prise de pouvoir des militaires,
00:17un président en fuite à l'étranger. Dans cette vidéo, on va revenir ensemble sur les
00:22trois semaines qui ont fait basculer Madagascar.
00:24Tout a commencé fin septembre 2025. Lassé des coupures d'eau et d'électricité
00:31à répétition, des milliers de jeunes manifestent à Antananarivo, la capitale du pays.
00:36Il faut dire qu'au moins 80% des 32 millions d'habitants de Madagascar vivent avec moins
00:41de 15 000 arriaris par jour, soit 2,80 euros, le seuil de pauvreté fixé par la Banque
00:46mondiale. La manifestation pacifique dégénère, les forces de l'ordre tirent à balles réelles
00:51et l'armée est mobilisée pour disperser la foule. Selon une source hospitalière,
00:56au moins cinq personnes sont mortes ce 25 septembre. À la fin de la journée, on compte
01:01près de 400 blessés transférés en urgence à l'hôpital.
01:04La situation s'est dégradée au plan économique, au plan des perspectives d'emploi pour les
01:18jeunes, même pour les jeunes étudiants diplômés, où il n'y a rien qui puisse leur garantir
01:26un futur. Et ça se voit sur les visages, ça se voit que les gens ne font pas les trois
01:30repas quotidien prescrits par les Nations Unies. Moi je crois que le seul pays où j'ai
01:37travaillé, où j'ai vu quelque chose de comparable, c'était en Haïti. Et c'est
01:40vous dire, vous voyez. Donc c'est Madagascar qui est pourtant, alors là, c'est un pays
01:44riche. C'est un pays abondamment riche. C'est un pays qui est grand, qui est plus grand
01:49que la France. Un pays de près de 30 millions d'habitants. Un pays où tout pousse.
01:54Vous plantez quelque chose, ça pousse.
01:56Très vite, la colère des manifestants évolue. Elle vise désormais le gouvernement, la corruption
02:02et les injustices sociales. C'est la Gen Z qui prend la tête de ce mouvement, avec un
02:06symbole fort, le drapeau des pirates au chapeau de paille, issu du manga One Piece. Ce symbole
02:12est aussi utilisé par d'autres mouvements de révolte portés par la jeunesse, comme
02:16en Indonésie, au Pérou ou encore au Maroc.
02:18Ces jeunes sont en phase avec le reste du monde. Il faut cesser de croire qu'en Afrique,
02:23les gens sont sur une île, ils sont dans leur bulle et qu'ils ne voient pas ce qui
02:27se passe dans le monde. Avec l'Internet, avec les réseaux sociaux, avec WhatsApp, avec
02:32TikTok et tout, ils sont permanemment connectés. Ils ont vu ce qui s'est passé au Népal.
02:37Ils ont vu avant au Sri Lanka. Ils ont vu ce qui se passe au Maroc en même temps qu'eux.
02:42Ils voient tout. Ils voient même les gilets jaunes à Paris. Et donc, ils se disent qu'il
02:45y a des gens qui arrivent à s'en sortir.
02:48Les jours suivants, les manifestations s'étendent à plusieurs villes du pays et sont toujours
02:52aussi violemment réprimées. Quatre jours après le début de la crise, le président
02:56malgache Andri Rajolina s'exprime lors d'une allocution télévisée.
03:00Andri Rajolina annonce également ne pas briller de troisième mandat. Il a été président du
03:11pays de 2009 à 2014 et l'est de nouveau depuis 2019 après une élection contestée par l'opposition.
03:18Beaucoup ont estimé que le président Rajolina s'enrichissait. Le mouvement a commencé
03:24le 25 septembre. Vous savez où il était ? Le président était à New York pour l'Assemblée
03:28générale des Nations Unies. Et il n'est pas rentré tout de suite, comme c'est de coutume.
03:32Quand il y a une crise au pays, on suspend son voyage et on rentre. Mais il a mis 48 heures
03:37avant de se décider à rentrer. Donc tout ça, ça a été pris pour un peu du mépris pour
03:42les jeunes. Donc la famille, elle est ciblée parce qu'elle incarne la richesse ostentatoire.
03:48L'histoire se répète et elle bégagne même à Madagascar. C'était effectivement
03:52en 2009. C'était l'actuel président, celui qui vient de partir, Rajolina, qui était
03:57disjouqué d'ailleurs, disjouqué à succès là-bas et qui est parti à la tête de la
04:02foule des jeunes et qui a été installé au pouvoir. Mais il n'y a pas d'amélioration
04:08nette de la situation des plus pauvres.
04:10La démission du gouvernement ne calme pas les manifestants qui continuent de réclamer
04:15le départ du président de la République. Les syndicats du pays rejoignent la protestation
04:20et les partis d'opposition appellent également le président à quitter son poste.
04:25Le 11 octobre, la crise franchit un cap. L'unité d'élite Capsat, corps d'armée des personnels et des services administratifs et techniques, historiquement proche du pouvoir, rejoint les manifestants, suivi par d'autres divisions.
04:55de l'armée et de la gendarmerie. Le Capsat refuse de tirer contre les manifestants et affirme se lever pour le peuple.
05:01En 2009, le contingent du Capsat basé dans le district de Sohanirana, à la périphérie de la capitale malgache, avait déjà mené une mutinerie lors du soulèvement populaire qui avait porté au pouvoir l'actuel président.
05:13Des scènes de liesse ont lieu dans tout le pays, mais le président dénonce une tentative de coup d'État.
05:29Alors que les manifestations se poursuivent, Andri Rajolina s'exprime le 13 octobre, affirmant qu'il est dans un lieu sûr après une tentative de meurtre.
05:37Il finit par confirmer quelques jours plus tard avoir quitté le pays, sans donner précisément sa localisation.
05:43D'après les informations de RFI, le président malgache aurait été exfiltré à bord d'un avion militaire français pour la réunion,
06:07avant de partir vers une autre destination avec sa famille.
06:10Non, je confirmerai aujourd'hui, je veux ici dire la grande préoccupation qui est la nôtre, dire l'amitié de la France à l'égard du peuple malgache.
06:21Et au fond, j'ai deux messages. Je pense qu'il est très important que l'ordre constitutionnel, la continuité institutionnelle soit préservée à Madagascar.
06:30L'ombre de la France dans l'exfiltration du président malgache ravive la colère des manifestants contre l'ex-pays colonisateur.
06:37À Antananarivo, des pancartes et des discours anti-français ont fleuri.
06:41On n'a pas besoin des Français. En plus, c'est l'ancien colonisateur. Du coup, c'est comme il nous colonise en fait.
06:49Et c'est injuste. Il nous colonise encore alors qu'on est censé être indépendants.
06:54Qu'ils se mêlent des affaires françaises, mais pas la nôtre.
06:57Alors qu'André Rajolina écarte toute démission, il décide de dissoudre l'Assemblée nationale le 14 octobre avant un vote le visant pour abandon de poste.
07:07Malgré tout, plus de deux tiers des députés malgaches votent en faveur de la destitution du chef de l'État.
07:12Les habitants se réunissent alors pour célébrer ce vote.
07:14Dans la foulée, les militaires affirment prendre le pouvoir et dissoudre le Sénat, la haute cour constitutionnelle, la haute cour de justice et d'autres institutions du pays.
07:29Les militaires suspendent la constitution, tandis que la présidence dénonce une tentative de coup d'État et assure que André Rajolina demeure pleinement en fonction.
07:37Le colonel Michael Randria Nirina, à la tête de l'unité militaire ayant pris le pouvoir, est investi président de Madagascar ce vendredi 17 octobre.
07:47À l'international, plusieurs pays réagissent à cette crise. Dans un communiqué, le Quai d'Orsay écrit ceci.
07:53Les aspirations profondes du peuple malgache, et en particulier celles de sa jeunesse à une vie meilleure, plus juste et plus digne, doivent être pleinement entendues et prises en compte.
08:02Leur voix porte l'espoir d'un avenir fondé sur la justice, l'égalité des chances et le respect des droits fondamentaux.
08:08Le ministère des Affaires étrangères annonce également qu'une des manifestantes gravement blessées est en cours d'évacuation sanitaire vers la Réunion.
08:16De son côté, Washington appelle à une solution pacifique conforme à l'ordre constitutionnel.
08:21Pour le moment, on est dans l'impasse, parce qu'on parle de coup d'État, pas de coup d'État, on ne sait pas, on est, on flotte un peu.
08:28Donc ce sont des discussions, des tractations qui sont actuellement en cours pour trouver d'abord des hommes honnêtes, parce que ça c'est le problème.
08:35Sinon, dans six mois, dans un an, on risquerait d'avoir encore les jeunes dans la rue.
08:40Comment satisfaire certaines des revendications des jeunes très rapidement avec un gouvernement qui soit honnête et qui ne soit pas composé des mêmes qu'on a vus depuis 60 ans ?
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