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  • il y a 6 minutes
Dans son édito du 14/10/2025, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]

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Transcription
00:00On verra jeudi, mais il semble bien.
00:02Alors, première chose à dire de ce discours,
00:06et je suis très souvent sévère envers la classe politique,
00:09franchement, c'était pas mauvais comme discours dans les circonstances.
00:12On se retrouve trop souvent avec des politiques qui profitent de ce moment
00:15pour imposer une forme de discours de politique générale,
00:18comme s'ils entraient tout à la fois au Collège de France et à l'Académie française
00:21et se prenaient, puis c'était le discours de Bayeux en même temps.
00:23Donc, on se retrouve trop souvent avec des politiques
00:25qui imposent une espèce de grande réflexion de déploiement de vision du monde.
00:30Or là, ça aurait été terriblement décalé.
00:32Si Sébastien Lecornu avait fait semblant d'être premier ministre
00:35pour tout un mandat, pour tout un quinquennat,
00:38s'il avait fait semblant d'exposer une vision du monde,
00:40tout le monde se serait dit, mais ce type est complètement décalé,
00:43il est complètement lunaire.
00:45Or, qu'est-ce qu'il fait?
00:45Il fait un discours, vous l'avez dit, sous le signe de l'humilité,
00:48un discours où il dit, je sais pourquoi je suis là,
00:51il s'agit d'une épreuve complexe, il s'agit de se rendre jusqu'au budget,
00:54je n'ai pas d'autre ambition dans son esprit,
00:57il ne s'agit pas d'être d'accord avec tout ce qu'il dit,
00:58je n'ai pas d'autre ambition, dit-il,
01:01que de conduire la France jusqu'à l'épreuve budgétaire,
01:03je suis au courant que je n'ai pas tout le pouvoir en ce moment.
01:06Je suis au courant qu'on est dans un contexte institutionnel
01:09où le Parlement a véritablement le pouvoir,
01:11et ma force de gouvernement est presque une force de proposition
01:14davantage qu'une force d'imposition.
01:17Je suis au courant, et là il va plus loin, c'est intéressant,
01:20qu'il y a aujourd'hui en France des problèmes de fraude fiscale,
01:23des problèmes de fraude sociale,
01:26des problèmes aussi de consentement à l'impôt,
01:28ce qui ne l'empêchera pas d'augmenter les impôts,
01:30soit dit en passant, en le grand écart.
01:32Mais on est donc devant un discours qui se voulait modeste,
01:36qui ne voulait pas multiplier les effets de toge,
01:38qui ne multipliait pas les simagrés,
01:40qui ne multipliait pas les effets oratoires,
01:43et qui avait pour vocation,
01:44il n'y a aucune référence aux extrêmes et ainsi de suite,
01:47avec cette idée de respecter tous les acteurs
01:50dans l'espoir d'obtenir une forme de Blanchine
01:53qui lui permette de se rendre à l'épreuve budgétaire,
01:56tout en disant, ajoute-t-il,
01:57que si le budget ne vous plaît pas, vous le battrez.
02:00Donc, mais permettez-moi à tout le moins de vous le proposer.
02:03Et cette forme de modestie dans les circonstances,
02:05qui n'est peut-être pas la marque distinctive du macronisme,
02:08pouvait surprendre positivement aujourd'hui.
02:10La rupture.
02:12Une rupture, notez bien le contraste.
02:14C'est-à-dire que d'un côté, on a quelquefois un président
02:16qui se prend peut-être pour le Roi-Soleil.
02:18Et de l'autre côté, on a un premier ministre
02:19qui, dans les circonstances,
02:21était conscient de la taille de sa fonction pour l'instant.
02:24Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'ambition, tout ça.
02:26Je ne dis pas le contraire.
02:27Mais on est devant quelqu'un qui, aujourd'hui, a compris le moment.
02:29En fait, je pense que c'est exactement...
02:30Il a compris dans quel moment il se trouvait.
02:32Il a su le dire adéquatement.
02:34Une fois que c'est dit, une fois que c'est dit,
02:36il nous rappelle une chose,
02:37c'est que si c'est un premier ministre de longue durée,
02:40c'est qu'il va tenir quelques semaines
02:42plutôt que quelques jours ou quelques heures.
02:44Donc, on est dans un contexte...
02:46Lui-même fixait son horizon.
02:47Il disait à peu près trois mois, trois mois, trois semaines, on verra.
02:50Mais il est conscient de l'horizon qui est le sien en ce moment.
02:53Et après avoir dit tout cela,
02:55après avoir dit tout cela avec toutes les nuances nécessaires,
02:58il a dit, finalement, la réforme des retraites,
03:00qui était la grande revendication des socialistes,
03:02sera suspendue jusqu'en 2027.
03:05Il y aura une nouvelle conférence sur les retraites.
03:08Donc, globalement, les socialistes ont gagné.
03:11Ça, c'est une autre chose.
03:12Parce que là, j'analyse la chose en termes de langage parlementaire.
03:14Par ailleurs, pour tous ceux qui croyaient la réforme des retraites absolument nécessaire,
03:21par exemple, Elisabeth Borne,
03:23par exemple, l'ensemble de la Macronie,
03:24tous ceux qui nous expliquaient que sans cette réforme,
03:27la France se précipitait au fond du gouffre,
03:31courait vers le précipice,
03:32consentait à l'auto-annihilation budgétaire,
03:35tous ces gens-là, aujourd'hui, étaient disposés à sacrifier leurs réformes totémisées,
03:41leurs réformes sacralisées, leurs réformes essentielles.
03:45Et c'est assez fascinant de voir, par ailleurs,
03:47à quel point tout le débat public revient aujourd'hui sur la question des retraites.
03:50On en parlait hier.
03:52Dans un pays islamisé, submergé, écrasé par les impôts,
03:56écrasé par le fisc, dominé par l'Empire européen,
03:59tout ça, et là, on débat de la question des retraites.
04:02Il y a une forme de...
04:03C'est le symptôme, en fait, d'un affaiblissement du débat politique,
04:07d'une dégradation de la vie politique.
04:09Il n'en demeure pas moins que...
04:11C'est pour ça qu'on ne parlera pas que de ça dans cette émission ce soir.
04:13Avec raison.
04:14On a beaucoup de sujets.
04:15Avec raison, parce qu'il faut se rappeler que le réel existe
04:17au-delà de la comédie parlementaire.
04:19Il faut se rappeler que le réel existe au-delà du grand guignol parlementaire.
04:23Une fois que c'est dit, puisque ça confisque l'attention
04:25depuis une dizaine de jours, un peu plus,
04:27on ne peut pas ne pas en parler.
04:28Donc, tout ça autour de la question de la réforme des retraites
04:31qui est suspendue, c'est-à-dire, soyons concrets,
04:35congédiée jusqu'à la présidentielle au moins.
04:37N'y a-t-il pas, Mathieu, un paradoxe
04:39à voir un gouvernement se maintenir
04:42à condition de déconstruire ce que le gouvernement intérieur a construit,
04:47se réclamant du même président?
04:50Et il y a quand même un paradoxe.
04:52Ah bien, c'est le moins qu'on puisse dire.
04:53C'est-à-dire, on voit ici à quel point...
04:55Vous savez, moi, je dis, on est dans un gouvernement en ce moment
04:57qui est un gouvernement qui est fait de...
04:59qui est presque une maison faite en bois de naufrage
05:02et peuplée de gens qui ont des convictions à haillons.
05:07Manifestement, et je pense qu'il faut le reconnaître,
05:09ce qui distingue l'homme politique,
05:11puis on en parle souvent ces temps-ci,
05:12ce qui distingue l'homme politique aujourd'hui, à tout le moins,
05:14ce n'est pas le fait d'avoir des convictions.
05:15Je dirais que le propre d'un homme politique est de ne pas avoir de convictions.
05:20Le propre d'un homme politique est d'avoir des convictions jetables,
05:23ajustables, selon les circonstances,
05:25pour conquérir le pouvoir ou s'y maintenir.
05:28Il y a évidemment des hommes de conviction ici et là
05:29qui se glissent dans ce milieu, qui s'y greffent.
05:33Ils sont minoritaires.
05:34Les hommes, véritablement, de conviction,
05:36passent pour des urluberlus en politique
05:38et la présente séquence ne nous convaincra pas du contraire.
05:42Alors, cela dit, cette séquence.
05:44Donc, d'un côté, oui, c'est paradoxal,
05:46parce qu'on a un gouvernement qui ne peut agir
05:49qu'à condition d'être impuissant.
05:51Je réussis à me maintenir à condition de déconstruire
05:54et de ne rien faire.
05:55Donc, il y a de quoi étonner, effectivement, là-dedans.
05:58Mais de l'autre côté, il faut bien voir une chose,
06:00c'est une réforme fondamentalement impopulaire.
06:02Même si on la croyait juste, même si on la croyait nécessaire,
06:05même si on croyait que ce n'était qu'un premier pas vers autre chose,
06:07si on était favorable à la rétrette par capitalisation, par exemple,
06:10à une individualisation du régime de retraite,
06:12c'était, selon plusieurs, une réforme jugée nécessaire,
06:15mais sans consentement populaire.
06:17Donc, dans les faits, le rejet de cette réforme,
06:20c'est une manière, aujourd'hui, le fait de la suspendre,
06:23c'est une manière d'entendre la colère populaire
06:25en disant, tous ceux qui rejettent Emmanuel Macron,
06:28tous ceux qui rejettent la classe politique,
06:29tous ceux qui congédient cette classe politique,
06:31qui détestent cette classe politique,
06:33vous avez gagné.
06:34Et ça, à l'échelle de l'histoire, il faut le comprendre,
06:37le pouvoir du peuple est rarement un pouvoir d'initiative.
06:40Le peuple ne se gouverne pas lui-même en démocratie.
06:43Il demande à être bien gouverné.
06:45Le peuple aime être bien gouverné.
06:46Le peuple aime qu'on respecte ses préférences.
06:49Le peuple aime qu'on ne le méprise pas.
06:51Le peuple ne demande pas à faire de la politique à temps plein.
06:53On n'est pas dans le rêve des soviets.
06:55Le commun des mortels a d'autres choses à faire
06:56que de faire de la politique à temps plein dans la vie.
06:58Mais quand le peuple sent qu'on lui impose quelque chose qu'il ne veut pas
07:02et on lui impose absolument, malgré tout, sans respect
07:05et on est prêt à le mater avec la force s'il le faut,
07:08s'il s'insurge contre une politique qui fondamentalement va contre lui,
07:12le peuple s'insurge et il a un pouvoir de blocage.
07:15Il a un pouvoir de rejet.
07:17Il a un pouvoir de dire non, c'est non à cette étape.
07:20Et je pense que c'est ce qui s'est joué en ce moment
07:21avec le refus de la réforme des retraites, le fait de la congédier.
07:24On a reconnu au peuple une forme de droit de veto.
07:27On a reconnu au peuple un pouvoir de blocage.
07:30On a reconnu aux insurgés le droit de stopper les caprices du prince.
07:34Même si les caprices du prince étaient fondées en raison,
07:36peut-être, ça c'est autre chose.
07:38Donc on est dans un moment où il fallait donner
07:40quelque chose comme une victoire temporaire,
07:43non seulement aux oppositions,
07:45mais à ceux qui incarnaient cette colère populaire.
07:47Donc voyons, dans les circonstances présentes,
07:49appelons ça, c'est une première victoire du peuple insurgé depuis longtemps,
07:53quoi qu'on pense de cette victoire.
07:55Tout cela dit, Mathieu,
07:57puisque nous sommes vraisemblablement délivrés
07:59de l'hypothèse d'une dissolution à très court terme,
08:02la politique va-t-elle pouvoir redevenir un peu plus paisible maintenant?
08:07Probablement, et je l'espère pour nous tous.
08:09Parce que vous voyez, vous avez raison de le mentionner,
08:11là on est obligé de parler de ça ce soir,
08:12parce que c'est pas comme si c'est pas arrivé aujourd'hui.
08:14Mais le fait est que pendant ce temps,
08:17le pays, objectivement, se désagrège à grande vitesse.
08:20Et c'est assez terrible, parce qu'il se désagrège
08:22et on est devant un pouvoir politique composé d'impuissants interchangeables
08:25qui n'ont plus aucune emprise sur le pays,
08:28sinon le taxer davantage.
08:29C'est quand même atroce.
08:30Pensez au rapport aux politiques aujourd'hui.
08:32Tout ce qu'ils peuvent faire, c'est de nouveaux impôts
08:34pour entretenir un modèle qui ne fonctionne pas,
08:36mais ils ne sont plus capables de protéger les Français,
08:37ils ne sont plus capables de protéger les frontières,
08:39ils ne sont plus capables de protéger la souveraineté non plus que de la reconquérir.
08:42Ils peuvent multiplier les lois pour vous interdire de dire ce que vous souhaitez,
08:46parce qu'ils ont peur quand même de la parole assez libre.
08:48Donc qu'est-ce qu'on voit aujourd'hui?
08:49On est devant un pouvoir qui est incapable d'avoir une emprise
08:52sur des problèmes réels qui débordent, qui écrasent tout le monde.
08:56Ce que j'espère, c'est que demain, après-demain,
08:58dans les prochains jours et les prochaines semaines,
09:00nous pourrons ici, nous et tout le monde,
09:02revenir à ces problèmes réels
09:04et ne plus être confisqués à temps plein par le théâtre parlementaire.
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