Sébastien Lecornu a prononcé mardi devant l'Assemblée nationale une déclaration de politique générale très attendue, dans laquelle il a annoncé une suspension de la réforme des retraites, "jusqu'à l'élection présidentielle" de 2027, qui portera à la fois sur la mesure d'âge et la durée de cotisation. Une exigence exprimée par les socialistes afin d'éviter la censure. Regardez L'invité d'Anne-Sophie Lapix du 14 octobre 2025.
00:03Notre grand invité de 18h40 a une grosse responsabilité, il est député socialiste et a le pouvoir avec son groupe de faire tomber ou pas le gouvernement dès jeudi matin.
00:13Bonsoir Emmanuel Grégoire.
00:14Bonsoir.
00:15Le PS avait menacé de déposer une motion de censure dès ce soir s'il n'était pas satisfait par le discours de Sébastien Lecornu.
00:21C'est terminé, vous ne déposerez pas de censure ?
00:24Non, alors mais c'est pas terminé, c'est le début, c'est le commencement.
00:26Il faut prendre les étapes les unes après les autres, nous avions une revendication centrale, c'est pas la seule, je reviendrai sur les autres,
00:33mais nous avions une revendication centrale qui était celle très majoritairement portée par les Françaises et Français, la suspension totale de la réforme des retraites.
00:41C'est ce soir une grande victoire pour le moment, le mouvement social dont les socialistes ont eu la responsabilité de l'imposer au gouvernement.
00:48Nous en sommes satisfaits, mais l'essentiel va commencer maintenant, c'est-à-dire continuer ce rapport de force,
00:55que je qualifie de constructif parce qu'il faut être raisonnable,
00:59mais nous allons continuer à travailler pour améliorer les choses et faire en sorte que ce très mauvais budget qui a été présenté n'aille pas dans sa forme initiale jusqu'au bout.
01:07Je le disais, il y a une motion de censure qui a été déposée quand même par LFI et qui sera examinée jeudi matin.
01:13Est-ce que vous êtes sûr qu'aucun député socialiste ne la votera, puisque LFI la votera, les écologistes la votera ?
01:20Écoutez, d'abord nous prenons des décisions en groupe, nous discutons très librement de tout cela,
01:26la situation est difficile, y compris pour nous dans le choix personnel que nous exprimons et dans la décision,
01:32mais je pense que la quasi-intégralité des députés du groupe respecteront cette position.
01:38On ne peut pas bouder notre plaisir, notre satisfaction ce soir, c'est quand même une revendication centrale,
01:44peut-être aussi très symbolique, mais ça compte aussi les symboles.
01:48Et donc nous avions pris des engagements de ne pas censurer si un certain nombre de conditions étaient respectées.
01:53Elles le sont à ce stade et donc nous ne censurerons pas.
01:56Ça va coûter quand même 400 millions dès l'année prochaine et 1,8 milliard l'an prochain.
02:02On a les moyens de suspendre la réforme ?
02:05Oui, on a les moyens parce que c'est une question de dépenser de recettes.
02:10Il faut compenser, a demandé Sébastien Lecornu, il dit aucun suspendre, mais il faut compenser.
02:13Oui, il faut compenser, ça tombe très bien.
02:14Alors lui, il a dit qu'il fallait compenser en dépenses, nous on va lui proposer de compenser en recettes.
02:17Donc augmenter d'autres impôts en fait.
02:19Oui, mais il n'y a pas de problème, il y a des gens qui peuvent supporter cet effort fiscal.
02:22Ils se sont considérablement enrichis ces dernières années et ils peuvent participer.
02:26Ils y participent déjà, je le dis.
02:27Et d'ailleurs, il y a 6 milliards et demi d'impôts supplémentaires sur les plus riches dans ce budget.
02:33Oui, la deuxième chose, c'est que nous avons obtenu une deuxième chose.
02:36C'est que l'effort budgétaire demandé dans le cadre du budget est moins important que ce qui était initialement prévu par Bayrou.
02:43L'effort est porté à 4,7% de déficit.
02:46Nous pensons qu'il y a encore une marge de manœuvre puisque dans nos entretiens avec le Premier ministre, il a été question de 5%.
02:52Et il l'a dit d'ailleurs.
02:52On veut le faire à la fois en limitant les efforts de dépense sur quelques horreurs qui sont inscrites dans le budget.
03:01Je parle de l'année blanche pour les prestations sociales et les pensions.
03:04Ça, ça rapporte beaucoup d'argent cette horreur.
03:05Bien sûr, pourquoi ça rapporte beaucoup d'argent ?
03:08C'est ce que disait Coluche.
03:09Parce que ça tape tout le monde.
03:10Parce que ça va mettre à contribution les plus modestes.
03:13Donc évidemment, c'est ce qui rapporte le plus qu'on prenait un peu à énormément de gens.
03:17Ça rapporte beaucoup.
03:18Il y a aussi la question évidemment du gel du barème de l'impôt sur le revenu et sur le sujet des retraites
03:25qui va faire rentrer dans les impôts des gens qui n'en payaient pas.
03:28Donc c'est des choses sur lesquelles on va se battre.
03:30Et comme on est des gens responsables, nous allons le porter avec des propositions de recettes complémentaires.
03:36Pourquoi nous voulons le faire ?
03:38Ce ne seront uniquement des recettes supplémentaires, c'est-à-dire que des impôts ?
03:42Non mais par ailleurs, il y a des baisses d'impôts économiques dont je ne comprends pas l'accélération.
03:47La baisse de la CVAE, c'est pour les petites entreprises.
03:50Ce n'est pas inintéressant, mais est-ce qu'on est obligé d'avoir un tel rythme d'anticipation,
03:54y compris qui mettra en difficulté, c'est l'avantage de l'État,
03:57ça mettra d'abord en difficulté les collectivités territoriales.
03:59Parce que l'État a voulu montrer qu'il tapait sur les grosses entreprises et qu'il aidait les petites entreprises.
04:03Oui, il le fait avec l'argent des collectivités territoriales.
04:05C'est une décision un peu facile que parfois l'État prend.
04:09Deuxième chose, on est très soucieux des finances publiques.
04:14D'ailleurs, les socialistes ont toujours mieux géré les finances de la nation que la droite.
04:17Je le rappelle, et c'est rappelé régulièrement par les observateurs et analystes financiers.
04:22Mais la deuxième chose, c'est qu'il faut veiller à ce que cette trajectoire de responsabilité budgétaire,
04:26elle n'impacte pas trop la croissance.
04:28À aller trop vite, on provoque l'effet inverse,
04:30parce que ça provoque un effondrement économique qui entraîne un effondrement des recettes fiscales.
04:34Et donc, en pensant faire le bien, on fait en réalité pire que tout.
04:37Et donc, nous sommes ce soir satisfaits de cet acte 1.
04:41Mais des actes, il y en a encore un grand nombre.
04:43Et Boris Vallaud et Olivier Faure ont dit que nous resterons dans un dialogue extrêmement exigeant,
04:49que la censure restera à tout instant une option.
04:52Dès lors, évidemment, que la parole ne serait pas respectée.
04:56Mais ce soir, je pense que le mouvement social...
04:58Moi, j'ai manifesté 14 fois dans la rue avec les syndicats sur cette réforme des retraites.
05:01Des millions de Français ont manifesté.
05:03Il faut savoir prendre son gain quand il se présente.
05:06Bruno Retailleau a accusé ce soir le gouvernement d'être l'otage des socialistes.
05:11Qu'est-ce que vous inspire ?
05:13Il y a une situation plus critique dans la vie.
05:15Deuxième chose, c'est que Laurent Wauquiez...
05:16Pour lui, je ne pense pas.
05:17Oui, mais ce que j'observe, c'est que surtout Laurent Wauquiez,
05:20à la tribune de l'Assemblée nationale, n'a pas du tout dit ça.
05:23Donc, ça veut dire qu'on a des voix totalement dissonantes chez LR.
05:26LR est très directement responsable de la crise politique que connaît notre pays.
05:30On voit bien qu'ils hésitent entre en aide et pas en aide.
05:33Rachida Dati, je le rappelle, qui est une ministre LR renvoyée en correctionnel pour corruption et maintenue,
05:39sera-t-elle ou pas exclue par son parti ?
05:43Est-ce que LR continuera, en début de tout cela, à la soutenir pour les élections municipales ?
05:48J'aime bien quand les gens mettent en conformité leurs paroles et leurs actes.
05:52Donc, j'attends de voir ce que Bruno Rotaru tirera comme conséquence des quelques tweets qu'il a faits.
05:57Pour revenir à la réforme des retraites, Sébastien Lecornu a annoncé une conférence sociale pour tout mettre sur la table.
06:03La réforme par points, l'âge, la durée de cotisation, la retraite par capitalisation aussi.
06:07Ça vous séduit, cette grande conférence, dont il espère un résultat au printemps ?
06:12D'abord, des conférences, on en a fait beaucoup, mais moi, je veux saluer quand même la posture humble du Premier ministre.
06:19Alors, peut-être est-ce lié aussi à sa faiblesse structurelle, mais de fait, dans la déclaration de politique générale qu'il a faite,
06:26elle est en décalage par rapport au ton un peu d'honneur de leçon que nous avions observé historiquement,
06:32y compris depuis la dissolution de 2024, qui n'avait pas été franchement un succès pour la Macronie.
06:37Et donc, je veux saluer cela, on verra si c'est sincère, c'est-à-dire que si s'engage un processus de discussion parlementaire
06:43dans lequel il y a vraiment de la place au débat, et dans lequel il y a de la place pour que la Macronie accepte,
06:48dans certaines circonstances, de perdre au Parlement, et de l'accepter dans la mise en œuvre,
06:53eh bien, là aussi, les socialistes auront remporté des victoires de plus.
06:56Et les socialistes défendront la retraite à 62 ans, comme ils l'ont fait en 2022 ?
07:00Alors ça, c'est un débat intéressant. D'ailleurs, vous avez observé qu'il s'agit d'une suspension et d'une agrogation.
07:05Et oui, c'est qu'on est à 62. Et donc, il y aura un débat national à l'occasion des élections de 2027.
07:10Mais c'est intéressant de savoir si vous voulez revenir en arrière, ou si vous considérez comme acquis cette allongement.
07:15Non, on tient pour acquis la réforme touraine.
07:18Ça, c'est l'allongement de la durée de cotisation, mais lâche.
07:21On sait très bien qu'il y a un débat.
07:25On sait très bien aussi que tous les socialistes n'ont pas le même avis sur le sujet.
07:29La retraite par capitalisation est quelque chose qui ne nous intéresse pas.
07:32Mais il y a plusieurs débats. Moi, je suis, à titre personnel, très proche des positions de la CFDT sur le sujet.
07:37C'est-à-dire ?
07:38Ma position personnelle... C'est la suppression de l'âge pivot.
07:40Mais en l'occurrence, ma position personnelle n'a aucun intérêt pour le moment.
07:45Il y aura, à l'occasion des élections présidentielles, un débat à voir,
07:49puisque quoi qu'il arrive avec la suspension, il faudra une nouvelle loi.
07:52Et ce sera aux Françaises et aux Français d'en décider,
07:55et pas un 49-3 avec un gouvernement minoritaire.
07:57Je vous faisais part des critiques de la droite, de Bruno Retailleau,
08:01sur cette concession faite par Sébastien Lecornu à votre parti.
08:06Mais vous ne craignez pas la réaction de vos alliés de gauche,
08:10de ce qui était le nouveau Front populaire, en ne votant pas la censure ?
08:16Non, je l'accorde.
08:16Ils sont tous d'accord pour la votée ?
08:18Je veux dire, Mélenchon a une obsession, c'est de cogner sur le PS.
08:21À ce point, de se demander s'ils sont destins dans la vie,
08:23et pas plus de cogner le PS que de s'occuper de la droite, de l'extrême droite, etc.
08:26Et vous vous désolidarisez du groupe, de gauche.
08:28Ça ne me surprend pas, ça ne m'étonne pas, et ça ne m'émeut pas.
08:34Nous, on fait ce qu'on croit juste pour les Françaises et les Français,
08:38et dans la circonstance exceptionnelle que connaît notre pays,
08:40une Assemblée nationale morcelée, des gens qui souffrent,
08:44nous prenons les gains où il est possible de les prendre.
08:47C'est modeste, c'est une victoire essentielle,
08:49et je sais à quel point elle n'est pas suffisante,
08:51mais nous continuerons à nous battre,
08:52et j'espère que nous ferons la démonstration de notre utilité dans ce débat.
08:55Merci Emmanuel Grégoire.
08:58Dans un instant, nous recevons le député LR de la Manche,
Écris le tout premier commentaire