Passer au playerPasser au contenu principal
  • il y a 18 heures
Invité du Journal Afrique sur TV5 Monde, Serge Bilé revient sur son livre consacré à Johnny Hallyday, au titre volontairement provocateur : “Répète si t’as des couilles”. L’écrivain y dévoile des anecdotes inédites sur la personnalité du rockeur et son rapport aux défis, entre provocation et sincérité. Une interview qui lève le voile sur une facette méconnue de Johnny.

Catégorie

🎵
Musique
Transcription
00:00C'est une histoire complètement occultée, ignorée même et pourtant, les années yéyées ont marqué toute une génération en Afrique francophone et Serge Billet en a fait un livre.
00:14Bonsoir Serge.
00:15Bonsoir Nadia.
00:16Johnny Hallyday répète « Si t'as des couilles », titre très provocateur, des mots balancés par Johnny Hallyday en 1966 à un animateur de la RTI, la télévision nationale ivoirienne.
00:28avant que votre père, Marcel Billet, l'une des vedettes de la RTI, l'interview, racontez-nous.
00:35Disons qu'en 1966, Johnny fait sa première tournée subsaharienne à l'époque en Côte d'Ivoire comme dans les autres pays africains francophones.
00:41C'est la ferveur des années yéyées avec les pattes d'ef, les chemises à fleurs cintrées, les cheveux défrisés, les mini-jupes pour les filles.
00:50Et donc mon père doit le recevoir dans son émission et il était prévu avec l'organisateur que Johnny allait interpréter une chanson sur le plateau.
00:57Sauf que lui n'a pas été prévenu. Donc quand il arrive à la télévision ivoirienne, un autre animateur qui travaille avec mon père,
01:03qui s'appelle George Benson, qui est très connu en Côte d'Ivoire, va le voir en lui demandant quel titre vous allez interpréter
01:08de façon à ce que je puisse préparer la bande-son pour pouvoir donc faire ce play-back.
01:12Johnny, qui n'était pas au courant, dit « Non, pas question, je ne chante pas ».
01:15Benson se fâche, il se tourne vers l'organisateur, il lui dit « Vous êtes malhonnête ».
01:19Johnny le prend pour lui, il dit « Répète si t'as des couilles » et il est prêt à lui sauter dessus.
01:23Ils vont se battre lorsque des agents de la télévision ivoirienne viennent les séparer.
01:27Et finalement tout se passe bien. L'interview se passe très bien avec Marcel Billet.
01:31Donc première tournée de Johnny en Afrique subsaharienne, vous le disiez.
01:35Votre père est le premier à l'interviewer d'ailleurs.
01:37Parce qu'il en avait des fans, Johnny, à Abidjan, à Bamako, à Ouaga, à Braza, à Dakar, à Kinshasa, à Nemé.
01:44C'était de la folie. Partout où il passait, il remuait du monde.
01:47Il faisait des concerts dans des salles de cinéma en Côte d'Ivoire, mais aussi dans des stades au Congo et dans d'autres pays.
01:54Et ça se passait toujours très bien. D'une façon générale, il y a eu des frictions aussi par endroit.
01:58Parce qu'il y a une de ces chansons qui est très très mal passée auprès d'un certain public africain.
02:03Pas tous. C'est la chanson « Noir, c'est noir ».
02:05Qui a été vécue comme une insulte par certains.
02:08Et si bien que ça lui a valu vraiment de grosses difficultés.
02:11Une bronca au Congo.
02:13Une expulsion à Ouagadougou.
02:15Où le gouvernement ne voulait pas de cette chanson.
02:17Et puis aussi dans d'autres endroits où il était...
02:19Alors que ce n'était pas du tout un titre raciste au Congo.
02:21Mais disons qu'à l'époque, on n'avait peut-être pas le même style de compréhension des choses comme aujourd'hui.
02:28Aujourd'hui, il y a des explications de textes quand il y a des chansons.
02:31Et puis il y a un niveau de culture qui est moins idégal.
02:34Et donc les gens avaient pris cette chanson-là comme une insulte.
02:36Parce qu'on sortait à peine de la colonisation.
02:39Certes, la jeunesse s'était amourachée des yéyés.
02:42Mais il y avait peut-être aussi encore quelques ressentiments.
02:44Et donc entendre « Noir, c'est noir ».
02:45Il n'y a plus d'espoir.
02:46Certains l'ont vécu comme une insulte.
02:48Alors il y a cette exclamation ivoirienne quand on dit « Jo ».
02:52En fait, c'est une contraction de Johnny Hallyday.
02:54Il y a des chercheurs en Côte d'Ivoire qui disent que cette exclamation est une contraction de Johnny Hallyday.
03:00Il faut savoir que le monde yéyé irriguait vraiment totalement les pays africains à l'époque.
03:05On l'a oublié, mais c'était le cas.
03:07En Côte d'Ivoire, par exemple, nous avons une équipe de football dont le surnom, ce sont les yéyés.
03:12Et ça venait de ça parce qu'au moment où le championnat a été créé, on allait chercher des jeunes qui étaient des yéyés pour pouvoir les embaucher dans cette équipe.
03:19Alors que les autres équipes de football prenaient plutôt des mécaniciens, des garagistes, en tout cas des gens qui étaient dans le monde du travail.
03:25Et cette équipe-là prenait des jeunes et c'est pour ça qu'on les appelait les yéyés.
03:28Alors autre anecdote, Marie-Thérèse Oufo-et-Boigny, qui n'avait qu'un seul regret, c'est de ne pas avoir twisté par respect du protocole.
03:38C'est une interview qu'elle donne à Paris Match où elle dit que son plus grand regret dans sa vie de première dame en Côte d'Ivoire,
03:45c'était de ne pas pouvoir esquisser quelques pas de danse et en l'occurrence le twist.
03:49Et il faut savoir qu'à cette époque-là, vraiment, la mode, il y était partout.
03:52Un chanteur comme Manu Dibango, qui était d'abord chanteur avant d'être ce que l'on sait, il a commencé par du twist.
04:00Sa première chanson qui a fait son succès, c'était « Twist à Léopoleville ».
04:04Un chanteur comme Alpha Blondi, qui était très jeune à l'époque, était un fan de Johnny Hallyday.
04:08Il chantait « Le pénitencier ». Et puis le chanteur que l'on connaît bien, le Seigneur Rochereau,
04:12qui est le père du rappeur Youssoupha, que l'on connaît aussi aujourd'hui,
04:15c'était un fan de Claude François, au point qu'il avait créé un groupe de danse
04:19qu'il avait baptisé un peu comme Claude François avec les Claudettes.
04:22Lui, c'était les Rocherettes.
04:23Donc c'était vraiment cette question des yéyés, était partout en Afrique.
04:27Et paradoxalement, au bout de 15 ans ou 30 ans, on a oublié tout ça.
04:30Alors vous le dites, Johnny Hallyday, c'est un état d'esprit,
04:34avec cette coupe de cheveux, les cheveux longs, défrisés, les femmes en mini-jupes.
04:40Aujourd'hui, c'est impensable d'avoir un tel mimétisme culturel.
04:44Parce qu'on le sent, il y a ce rejet de toute cette culture française.
04:48Comment expliquez-vous cela ?
04:49Disons que c'était une époque.
04:51Peut-être que c'était une étape de transition entre une colonisation...
04:54Parce que la colonisation, ce n'était pas une partie de plaisir.
04:56On a coupé des têtes, on a rasé des villages, on a déporté des récalcitrants.
05:01C'était vraiment quelque chose de très dur.
05:02Et peut-être que dans cette transition entre la colonisation et peut-être une véritable indépendance,
05:08qui n'est peut-être pas toujours encore à l'ordre du jour,
05:10mais il y avait donc ce passage avec un espèce de mimétisme qui a continué à perdurer.
05:15Et naturellement, avec le temps, les gens ont fini par devenir eux-mêmes.
05:17Et l'exemple de ces chanteurs que je viens de citer, notre ami Manudi Bango,
05:22qui a fait du twist et qui après s'est lancé dans une véritable musique africaine,
05:26notamment le makossa, Alpha Blondi qui a fait essentiellement du reggae,
05:32et puis le seigneur Rochereau qui lui fait de la rumba.
05:35Donc c'était peut-être une transition, et cette transition-là après s'est arrêtée,
05:38et chacun a retrouvé un peu ses marques.
05:40Vous parlez de ce métissage musical à Bamako, par exemple,
05:43quand la musique mandingue se mélange au yéyé, ça donne le mali-twist ?
05:47Oui, le mali-twist, qui était aussi une chanson qu'on passait tous les matins au Mali,
05:51ça durait un moment, parce que le pouvoir malien qui a fini par se durcir
05:56a fait en sorte qu'il y a eu à un moment donné un rejet du yéyé et une chasse au yéyé.
06:01Et donc dans les textes maliens, on avait vraiment stipulé que par exemple,
06:05lorsque des filles s'habillaient en minujup, il y avait une brigade spéciale
06:08qui les déshabillait sur les places publiques.
06:09Quand les garçons s'habillaient en yéyé, on les attrapait, on les emmenait au poste de police,
06:13on les rasait, on leur rasait le crâne à sec.
06:15Il y a eu une chasse au yéyé.
06:17Il y a eu une chasse au yéyé à un moment donné, parce que le mali-twist était passé
06:19et qu'il fallait donc retrouver ses vraies valeurs.
06:22Et Johnny Hallyday a même été expulsé ?
06:24Il était expulsé, je le disais tout à l'heure, de Ouagadougou,
06:27à cause de cette chanson qui avait mis aux prises au sein du gouvernement de la Mizana.
06:32Il y avait deux clans.
06:34Il y avait le clan des ministres de l'Intérieur qui était favorable à ce que Johnny puisse jouer à Ouagadougou
06:37et le clan du ministre de l'Éducation nationale qui lui ne voulait pas.
06:40Et finalement, il était expulsé parce qu'on estimait que « Noir, c'est noir » était une chanson qui insultait les Africains.
06:46Voilà quatre ans que Johnny Hallyday est décédé.
06:48Si vous n'avez pas écrit ce livre, le lien entre Johnny Hallyday et l'Afrique serait oublié à jamais ?
06:56Mon travail à moi, c'est un travail de découvreur, de défricheur.
06:59J'ai écrit des livres, on le sait, « Noirs dans les camps nazis » pour parler de la déportation des Noirs,
07:04des Africains, des Antillais dans les camps de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale.
07:07Le passager noir du Titanic, le seul passager haïtien qui se trouvait à bord de ce paquebot,
07:12Yasuke, le premier samouraï noir, c'est mon travail, c'est le travail des journalistes, c'est le travail des historiens.
07:17On ne peut pas toujours attendre que ce soit les autres qui fassent le travail à notre place.
07:20Il faut que nous le fassions.
07:21Et moi, je me suis assigné cette mission.
07:24Merci Serge Billet d'être passé pour présenter votre tout dernier livre de Johnny Hallyday.
07:29Répète, si t'as des couilles aux éditions Kofiba.
07:32Merci.
Écris le tout premier commentaire
Ajoute ton commentaire

Recommandations